

Angèle de Foligno
(1248-1309)
Les citations, en italique,
des paroles de Dieu à Angèle de Foligno, sont celles qui ont été consignées par
un de ses disciples, et qui constituent le ”Livre d’Angèle”.
Angèle de Foligno est une des
grandes mystiques du Moyen-âge (XIIIe siècle), contemporaine de
Gertrude d’Helfta. Elle est née en 1248, vingt ans après la mort de Saint
François, à Foligno, petite ville commerçante de l’Ombrie, située à environ
dix-sept kilomètres d’Assise.
Elle s’est mariée à vingt
ans, et eut plusieurs fils. D’ascendance probablement noble, riche et fière,
elle fut longtemps amie de la vie facile. C’est à l’âge de 40 ans, semble-t-il,
alors que tous les membres de sa famille (père, mère, mari, enfants) étaient
morts, qu’eut lieu sa conversion. Dès lors, Angèle entre résolument dans la voie
de la pénitence, pour expier ses fautes. Enflammée par l’amour du Christ qui se
révèle à travers des visions dramatiques et intenses de sa Passion, Angèle n’a
plus qu’un désir: en réponse d’amour, accorder sa vie à celle du Christ.
En 1291, Angèle fut admise
dans le Tiers Ordre de Saint François.
Comme un feu de
doux Amour
Dieu incréé aime
totalement et veut être aimé totalement.
Si l’âme Lui donne tout son cœur, Il l’accepte totalement.
Angèle de Foligno n’a que
très rarement employé, le terme de Cœur de Jésus, et chaque fois qu’elle relate
son aventure amoureuse avec le Christ, c’est presque toujours en des termes
d’amour passionné pour le Crucifié qu’elle nomme le Dieu-homme ou le
Dieu-homme de douleur. Totalement transformée en amour elle comprend la
nécessité de partager la compagnie du Christ, c’est-à-dire sa pauvreté, sa
douleur, son état méprisé et son obéissance véritable.
L’influence d’Angèle s’exerça
d’abord sur le petit groupe de ses disciples. Mais il semble certain qu’elle a
inspiré plusieurs des écrits de Sainte Thérèse d’Avila. Saint François de Sales,
Saint
Alphonse de Liguori, J. J. Olier font
également référence à Angèle de Foligno.
Les “vingt premiers pas”
d’Angèle sont l’exposé de sa conversion. Viennent ensuite les extases et les
révélations sur la Passion et l’amour de Dieu pour l’humanité. Angèle entendit
soudain: “Ma fille... mon temple, mon délice, le Cœur de Dieu tout-puissant
se tient maintenant sur ton cœur.” Dieu dit encore: “Il est si grand
l’Amour que j’ai pour l’âme qui m’aime sans malice... Vois s’il est en Moi autre
chose que de l’Amour.”
Totalement transformée en
amour, Angèle peut pénétrer dans les abîmes de l’Amour divin et de sa propre
incapacité. Elle peut sentir la présence du Christ dans son âme, présence
“qui embrase l’âme d’un feu ardent... mais d’un feu de doux amour.”
Jésus, au cours de sa vie
publique avait dit de Lui: “Apprenez de moi,.. car Je suis doux et humble de
cœur.” Jésus, en effet, a véritablement posé l’humilité de cœur et la douceur de
corps pour fondement et racine de toutes les vertus. Jésus dit: “Regarde
maintenant l’humilité.” Et Angèle vit la profondeur de l’humilité de
Dieu à l’égard des hommes. Plus tard elle apprendra que “Ni abstinence, ni
austérité, ni pauvreté extérieure,... ni miracles ne sont quelque chose sans
l’humilité de cœur. Mais l’abstinence sera bénie,... l’austérité,... les œuvres
seront bénies et vivantes si elles sont fondées sur l’humilité.”
“O mes fils, dit
Angèle aux membres de sa petite communauté, comment une créature
pourrait-elle trouver le repos et la paix, sinon en Celui qui est le repos
souverain, la paix souveraine et la tranquillité souveraine des âmes? Aucune âme
ne pourra parvenir à Lui, Jésus, si elle n’est fondée sur cette humilité...
Cette humilité de cœur que le Dieu-homme a voulu que nous apprenions de Lui, est
une lumière claire et vivifiante qui conduit l’intelligence de l’âme à
reconnaître sa bassesse et son néant, et l’immensité de la bonté divine.”
Ou encore: “Plus la grâce
divine plonge l’âme dans l’humilité, plus cet approfondissement de l’humilité
fait grandir la grâce divine.”
Cette grâce, c’est l’amour de
Jésus: ”Plus nous voyons Jésus-Christ, Dieu et homme, plus nous sommes
transformés par Lui en amour... et nous sommes ainsi transformés dans la douleur
que l’âme voit en Jésus-Christ.” Car, pour Angèle, l’amour de Jésus et
l’amour pour Jésus, est indissociable de la souffrance. “Ceux qui sont
affligés et éprouvés intérieurement et extérieurement, c’est le signe qu’ils
sont aimés de l’Aimé... La Croix du Christ... il n’est pas réservé d’autre voie
aux fils de Dieu, sinon la voie et la vie de ce Dieu-homme de douleur.”
L’âme transformée par l’Amour
“est incendiée d’un feu divin... elle est transformée dans le Dieu-homme
lui-même... “ Et Angèle conseille: "Que ton soutien soit ce Dieu-homme de
douleur, du Dieu-homme qui a souffert la Passion.”
“Transformez-vous de tout
votre être en ce Dieu-homme de douleur qui vous a tant aimés... C’est uniquement
pour toi qu’Il s’est tellement abaissé Lui-même, pour t’exalter... par amour
pour toi.”
Jésus multiplia, à l’adresse
d’Angèle, les tendres paroles d’amour: “Je suis plus intime à ton âme qu’elle
ne l’est à elle-même... Qui voudrait parler avec Moi, c’est avec la plus grande
joie que Je parlerai avec lui... “
Est-ce pour cela qu’Angèle
demande que l’on médite comment “ le doux Cœur de Jésus fut plein de ces
choses (les dons qui transforment l’âme) en surabondance... Le signe du
véritable amour: celui qui aime se transforme totalement en l’être aimé.”
L’Amour ineffable de ce
Dieu-homme, l’amour presque viscéral de Jésus pour les hommes, se manifeste
surtout dans l’Eucharistie, Sacrement de l’Amour par lequel Il peut demeurer
tout entier avec nous et pour toujours. L’âme doit donc contempler le Saint
Sacrifice, car “le regard que le Dieu-homme portait sur le genre humain était
si bienveillant qu’il est bon de remarquer cet ineffable amour quand Il décidait
de s’abandonner tout entier à nous dans ce très Saint Sacrifice... Quelle âme
serait à ce point cruelle qu’elle pourrait voir le regard filial si amoureux
sans être aussitôt toute transformée en amour?...”
Dans l’Eucharistie l’âme
découvre Dieu incréé, “elle découvre le Christ avec son âme, sa chair et son
sang, et avec tous les membres de son très saint Corps...” L’âme découvre le
sommet de la bonté divine et le sommet de la charité humaine: “Elle découvre
dans cet abîme humain et divin non seulement l’infinie bonté divine, mais aussi
la suprême et inouïe charité humaine de la part du Christ... pour la plus grande
consolation de toute âme fidèle, et pour le réconfort et l’aide, dans cette vie
présente, de toute l’Église militante.”
De cette merveille on ne peut
approcher que si l’on est très pur, “avec grande crainte et avec grand
amour... l’âme doit avancer toute lavée et parée, car elle approche de Celui et
de ce qui est la béatitude parfaite, la vie éternelle, la beauté, la hauteur, la
douceur, tout l’Amour et la douceur de l’Amour.”
Angèle, à la fin de sa vie,
pouvait, par expérience, parler des degrés de l’amour et des dons spéciaux de la
bonté divine, dont le plus grand est l’Amour.”Dieu incréé aime totalement et
veut être aimé totalement... si l’âme Lui donne tout son cœur, Il l’accepte
totalement...”
“Connaître Dieu en vérité,
c’est Le connaître en Lui-même, en comprenant sa valeur, sa beauté,... et sa
bonté, ce bien suprême dans le Bien suprême...”
“Alors la vertu de l’Amour
transforme l’amante en l’Aimé et l’Aimé en l’amante, c’est-à-dire que l’âme,
embrasée de l’Amour divin, se transforme par la vertu de l’Amour en Dieu, son
Bien-Aimé... Comme le fer embrasé prend la forme du feu... comme il se donne
totalement et pas en partie, et qu’il accepte d’être embrasé tout en demeurant
substantiellement en lui-même, ainsi l’âme, unie à Dieu et avec Dieu par le feu
parfait de l’Amour divin, se donne pour ainsi dire totalement et se jette en
Dieu. Transformée en Dieu, sans que sa substance propre soit changée, elle se
transforme dans sa vie, totalement dans le Dieu Amour, et par amour devient pour
ainsi dire toute divine.”
Angèle peut parler du Don
suprême de l’Être suprême qui est l’Amour: “Bien suprême qui a daigné nous
faire le connaître et nous fait aimer un tel Amour...”
Mais Dieu permet parfois aux
tempêtes de venir pendant que Lui semble dormir. C’est ainsi que durant deux
années, de 1294 à 1296, Angèle, qui connaîtra des périodes de grande union
intime avec Dieu, ressentira aussi des moments de désespoir intense, ou des
sentiments de total abandon. Dieu en effet, permet parfois qu’une personne qu’Il
aime particulièrement, soit totalement broyée et piétinée avant de faire finir
ces tempêtes et de l’unir à Lui. Il le fait surtout pour ses fils les plus
aimés...
En effet, le signe du
véritable amour c’est “que celui qui aime se transforme non en partie, mais
totalement en l’être aimé...” Et ici, l’être aimé, c’est Jésus-Christ
Lui-même, et Jésus-Christ crucifié...
Mais cette transformation
n’est pas continue et l’âme, “est prise par le désir de chercher tous les
modes possibles de se transformer dans la volonté de l’Aimé afin de le
retrouver, et elle cherche ce qu’a aimé celui qu’elle aime. Dieu le Père nous a
ouvert une voie par l’Aimé, c’est-à-dire par son Fils qu’Il fit Fils de la
pauvreté, de la douleur, du mépris et de l’obéissance véritable.”
Il faut donc s’efforcer de
méditer comment le Seigneur Jésus a agi afin de pouvoir devenir Lui: “Que
cette parfaite transformation soit toute la joie de cette vie. Que l’on
s’efforce de s’élever jusqu’à méditer comment le Cœur du très doux Jésus fut
plein de ces choses en surabondance, infiniment plus qu’il ne l’a montré dans
son corps.”
Pour imiter Jésus et se
transformer en Lui, il faut sans cesse se souvenir que le Seigneur Jésus a
toujours agi dans la plus entière obéissance à son Père. D’où le conseil
d’Angèle: “Garde-toi de ceux qui disent avoir l’esprit de liberté. Ils sont
ouvertement contraires à la vie du Christ, car Dieu le Père voulut que son Fils,
qui n’était pas soumis à la loi, mais bien plutôt au-dessus comme législateur de
la loi, devienne sujet de la loi; lui qui était libre devint esclave. C’est
pourquoi ceux qui veulent servir le Christ doivent se conformer à la vie du
Christ, non pas en cherchant la liberté dans la destruction de la loi et des
préceptes divins comme font beaucoup, mais en se soumettant à la loi, aux
préceptes, et même aux conseils divins.”
C’est ce que fit Angèle pour
conformer son cœur “au Cœur du très doux Jésus.”



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