Angèle Mérici naquit vers 1474 en Italie du Nord, à
Desenzano del Garda près de Brescia, en Lombardie.
C’était alors une région splendide mais souvent ravagée
par des guerres. Son père, agriculteur, possédait une
ferme "Les Greeze", ce qui permettait à toute la famille
de vivre décemment du fruit de ses récoltes. Cette
famille, modeste mais très chrétienne, menait une vie
simple et équilibrée. Le soir, le père, Jean Mérici,
lisait à ses enfants un épisode de la vie des Saints, ce
qui marqua très fortement la petite Angèle, enfant gaie
aimant prier. Déjà, elle s’attachait à Jésus, son
"unique trésor".
Encore
adolescente, Angèle perdit, en quelques mois, ses
parents et l’une de ses sœurs. Après ces deuils, l'oncle
et la tante d'Angèle, les Biancosi, prirent Angèle chez
eux à Salò, ainsi que l’un de ses frères. Là, elle
partagea la vie quotidienne de son cousin Barthélémy, et
connut désormais une vie citadine plus aisée mais
frivole. Son oncle et sa tante auraient voulu la marier,
mais Angèle, qui avait déjà entendu l’appel de Dieu,
préférait passer son temps avec le Christ, dans la
prière et une vie simple, plutôt que de s’adonner aux
plaisirs mondains. Angèle retournait parfois à la ferme
des Greeze, et, un jour, pendant qu’elle travaillait au
lieu-dit "Brudazzo", elle reçut sa vocation. Soudain
Angèle vit, sur une échelle élevée vers le ciel, des
jeunes filles monter et descendre. Dieu lui révélait
ainsi qu'elle fonderait un jour une nouvelle famille
religieuse qui accomplirait une mission dans l’Église.
Âgée
de 18 ans, afin de pouvoir se consacrer au Seigneur
librement et d’être admise régulièrement à la table
eucharistique (fait rare à cette époque), Angèle demanda
à entrer dans le Tiers-Ordre de Saint-François d’Assise,
et devient Sœur Angèle. Elle travaillait, priait,
participait à la Messe et communiait le plus souvent
possible. Elle jeûnait et menait la vie simple au
service des autres qu’elle désirait.
En
1516, ses supérieurs franciscains l’envoyèrent à Brescia
pour une mission de consolation: Catarina Patengola qui
avait perdu son mari et ses fils à la guerre, avait
perdu le goût de vivre. Angèle resta deux ans chez
Catarina qui se rétablit. Angèle quitta alors la maison
de Catarina, mais décida de rester à Brescia. Elle
accepta l’hospitalité d’un certain Antonio Romano chez
qui elle habitera pendant 14 ans. Dans la petite pièce
où elle demeurait, elle pouvait recevoir librement tous
ceux qui venaient lui demander conseil. Angèle
accompagnait, consolait, apaisait les colères,
réconciliait et conseillait tous ceux qui venaient
l’interroger… Son accueil était toujours plein de
charité. Le duc de Milan, François Sforza, lui demandera
d’être sa mère spirituelle.
À
partir de 1524, Angèle entreprit plusieurs pèlerinages
avec d'autres pèlerins, notamment en Terre Sainte, à
Rome et à Varallo, un lieu où l’on construisait des
petites chapelles dans la montagne. Dans ces petites
chapelles, des scènes de la vie du Christ étaient
représentées, pour les Chrétiens dans l’impossibilité de
se rendre en Palestine. En 1529, une des nombreuses
guerres qui ont ravagé l'Italie, obligea la population
de Brescia à fuir. Angèle partit à Crémone, où elle
continua à recevoir tous ceux qui la sollicitaient.
Enfin, ce fut le retour à Brescia. Mais le temps passait
et Angèle se sentit soudain pressée d'accomplir la
mission que le Seigneur lui avait demandée dans sa
jeunesse: elle devait fonder une "Compagnie" de femmes
qui vivraient leur consécration au Seigneur sans se
retirer de leur milieu de vie. Là où elles seraient,
elles vivraient leur vie de prière tout en restant
attentives aux besoins des autres.
Alors, peu à peu, Angèle rassembla des jeunes filles
intéressées par ce genre de vie, mais elle ne leur donna
encore aucune consigne particulière. Elles devaient
demeurer célibataires dans le monde et être entièrement
disponibles. Pour Angèle Mérici, il s’agissait de
rénover une société très éprouvée par les guerres et le
protestantisme. Il fallait, disait-elle, changer les
choses, transformer cette société souvent éloignée de
Dieu. Mais comment faire pour garder ensemble des femmes
célibataires qui vivent dans le monde? Il fallait
d'abord mettre en œuvre l'obéissance fondamentale à Dieu
et à l’Église. Il fallait se retrouver souvent pour
analyser les problèmes et décider des solutions; il
fallait savoir choisir. Il fallait aussi se faire
mutuellement et avec beaucoup de charité, certaines
remarques en vue d'améliorer les rapports. On appelait
cela la "correction fraternelle", car celles qui
adhéraient à la future Compagnie Sainte Ursule devaient
progresser pour faire progresser le monde.
Régulièrement, ces jeunes filles se retrouvaient pour
vivre l’Eucharistie, et s’aider à vivre leur
consécration. Pourtant, il fallait aller plus loin.
Aussi, le 25 novembre 1535, les 28 premières jeunes
filles qui le désiraient, participèrent-elles à la
Messe, puis se donnèrent au Seigneur, sans prononcer de
vœu public; elles inscrivirent simplement leur nom dans
un registre: ce fut le jour de la fondation de la
Compagnie de Sainte-Ursule. Pourquoi sainte Ursule? Tout
simplement parce que Angèle aimait beaucoup Ste Ursule,
une martyre du 4ème siècle. Cette martyre
serait donc la patronne de sa Compagnie Sainte Ursule.
Bientôt des laïcs qui avaient fait le choix, de vivre du
charisme d’Angèle Mérici devinrent ses "Associés", et
demandèrent aux Ursulines de leur transmettre leur
spiritualité afin de vivre l’Évangile à la manière
d’Angèle.
Âme
captivée par le Seigneur, Angèle Le trouvait partout
dans le cœur des personnes qu'elle croisait et des
services qu'elle leur rendait. Totalement désintéressée,
elle entraînait ceux qui la fréquentaient à s’engager à
leur tour, avec une ouverture fraternelle qu’elle
désignait d’un seul mot: "lapiacevolezza". Animatrice
éclairée du laïcat fervent qui gravitait autour d’elle,
Angèle Merici, fidéle à l’Église, créait une œuvre qui
n’avait pas de précédent et qui se dessinait au fur et à
mesure qu’elle-même se laissait faire par Dieu. La
grande innovation de cette fondation était de vivre
comme des moniales mais sans un cloître véritable, donc
sans un monastère fermé par une clôture. Pourtant, elles
avaient un minimum de vie commune, et elles étaient
vraiment consacrées à tous ceux qui avaient besoin
d’elles. Mais ce genre de vie ne pouvait être mis en
œuvre que durant un certain temps, même si le 8 août
1536, le cardinal évêque de Vérone avait approuvé la
première règle des sœurs ursulines de sainte Angèle. En
effet, ce genre de vie: des femmes consacrées qui ne
vivaient pas enfermées dans un monastère était une
grande innovation en plein XVIe siècle, au
temps des schismes protestants. Et il est assez
surprenant qu’un cardinal-évêque ait pu accepter ce que
sainte Angèle souhaitait de tout son cœur. Ce minimum de
vie commune était une véritable révolution. En fait,
sainte Angèle anticipait sur des communautés qui ne
verront le jour que longtemps plus tard notamment au XIXe
siècle.
Le 27
janvier 1540, Angèle décédait. Elle avait soixante cinq
ans.
Après
le Concile de Trente (1545-1563), la Compagnie Sainte
Ursule dut se transformer en Ordre religieux. Les filles
d’Angèle furent donc obligées d'entrer dans des
cloîtres. Mais, grâce à leur zèle apostolique elles
purent continuer à être apôtres en devenant éducatrices.
Dès lors, les Ursulines devinrent des formatrices,
spécialement au service de la jeunesse, selon la mission
que l’Église leur avait confiée. Et des changements
durent être apportés petit à petit à la règle de sainte
Angèle pour satisfaire aux traditions.
Pour
finir, nous citerons des recommandations qu'Angèle dicta
pour ses ursulines :
"Je vous supplie de
vouloir bien vous efforcer d’attirer avec amour celles
qui veulent se joindre à vous. Conduisez-les avec
douceur et bonté. Ne soyez pas autoritaires et dures
avec elles... N’oubliez jamais que c’est libérer les
âmes que de relever le courage des faibles et des
timides. Il faut donc les corriger avec amour. Prêchez
surtout par l’exemple à chacune d’entre elles. Et
n’hésitez pas à leur parler de la grande joie qui les
attend au ciel."
Paulette Leblanc |