Catherine Labouré naquit le 2 mai 1806 à Fain-les-Moutiers,
village de Bourgogne. Elle était la huitième enfant
d'une famille de dix. Ses parents, Pierre et Madeleine
Gontard, de souche paysanne, solide et équilibrée
étaient des propriétaires fermiers. Dans cette famille
où règnait tant d'amour fraternel, Dieu gardait la
première place. On le priait tous les soirs, et
Catherine apprendra ses prières bien avant de savoir
lire. Malheureusement, la maman, épuisée par 17
maternités dont seulement dix enfants survivront, mourut
le 9 octobre 1815, à 46 ans. La famille fut plongée dans
une grande souffrance. Catherine, qui n'avait que neuf
ans, monta, toute en larmes, sur une chaise pour
embrasser la statue de la Sainte Vierge. Elle dit:
"Maintenant, tu seras ma maman."
Bientôt, Marie-Louise, la sœur aînée de Catherine, entre
chez les filles de la Charité:+ Catherine n’a que douze
ans et ses frères plus âgés ont presque tous quitté la
ferme. Alors tenant la main de sa petite sœur Tonine,
elle déclare à son père: "À nous deux, nous ferons
marcher la maison." Ce qui n’était pas une mince
responsabilité, vue l'importance de l'entreprise de son
père. Catherine devint en effet, maîtresse de la plus
grosse exploitation de Fain. Et il fallait aussi veiller
aux repas des nombreux ouvriers agricoles, au soin des
bêtes et à l’ensemble de la vie familiale. Mais
Catherine savait s'organiser.
Catherine avait déjà entendu l'appel à la vie consacrée.
Depuis sa communion, elle allait tous les matins à la
messe de cinq heures. C'est aussi à cette époque qu'elle
fit un rêve étonnant: elle rencontrait un prêtre inconnu
qui lui disait: "Un jour vous serez heureuse de venir
à moi. Dieu a ses desseins sur vous. Ne l’oubliez pas!"
Sur le moment Catherine n’y prêta aucune attention. Ce
n’est que plus tard qu’elle comprendra…
La
famille Labouré était assez cultivée et les aînés
avaient tous fait des études. Mais depuis la mort de sa
femme, Pierre, le père, n’avait plus eu le temps de
s’occuper des cadets si bien qu’à dix-huit ans,
Catherine ne savait ni lire ni écrire. Une tante s’en
émut et Catherine apprendra à lire à Châtillon, près de
Paris. Ce séjour à Chatillon sera capital pour
Catherine, car c’est alors qu'elle visitera le couvent
des filles de la Charité, et découvrira "par hasard"
l’identité du prêtre inconnu de son rêve: Monsieur
Vincent.
Catherine a maintenant vingt-quatre ans. Jusqu'alors son
père s'était fortement opposé à son départ. Enfin, grâce
au soutien de l'un de ses frères, Catherine, put entrer
comme novice à la Maison-Mère des Filles de la Charité,
rue du Bac, à Paris. Nous sommes le 21 avril 1830.
Physiquement Catherine est une grande jeune fille, forte
et très équilibrée. Rien en elle ne pouvait laisser
présager la mission très particulière que le Seigneur
lui confiera pendant son noviciat, entre 1830 et 1831,
au cours de trois visions de la Vierge Marie. Mais,
auparavant, la jeune religieuse novice verra, lors de
chaque consécration, la présence réelle du Christ dans
l’hostie, sans que jamais personne autour d’elle ne s’en
doute –son confesseur excepté-, qui lui ordonna de
"chasser ces imaginations." Catherine obéit. Du moins,
elle essaya… Maintenant, nous sommes dans la nuit du 18
au 19 juillet 1830. Catherine est réveillée par un petit
enfant qui lui dit: "Ma sœur, tout le monde dort
bien; venez à la chapelle; la Sainte Vierge vous y
attend.
Catherine croit rêver; toutefois elle se lève, s'habille
et suit l'enfant "portant des rayons de clarté
partout où il passait." Arrivée dans la chapelle,
Catherine s'arrête près du fauteuil du prêtre placé dans
le chœur, et elle entend alors "comme le froufrou
d'une robe de soie." Son petit guide dit:
— Voici la Sainte Vierge.
Catherine hésite à croire. Mais l'enfant répète d'une
voix plus forte:
— Voici la Sainte Vierge.
Pendant une heure et demie ou deux heures, la Vierge
Marie s'entretiendra avec Catherine; cette dernière,
agenouillée devant la Vierge assise dans le fauteuil du
prêtre, a posé ses mains sur les genoux de Marie qui lui
dit, entre autres:
— Mon enfant, le Bon Dieu veut vous charger d’une
mission. Vous serez inspirée dans vos oraisons;
rendez-en compte. Les malheurs viendront fondre sur la
France… Mais venez au pied de cet autel. Là, les grâces
seront répandues sur toutes les personnes qui les
demanderont avec confiance et ferveur.
La
Sainte Vierge déplora aussi les abus auxquels se
laissaient aller nombre de communautés où les règles
n'étaient plus observées correctement, puis elle revint
sur le sort du pays:
— La
protection de Dieu est toujours là d’une manière toute
particulière et saint Vincent protègera la communauté.
Et je serai moi-même avec vous.
Le 27 novembre 1830, eut lieu une deuxième apparition,
au cours de la méditation, vers 17h30. Catherine vit
d'abord comme deux tableaux vivants. Sur le premier, la
Sainte Vierge se tenait debout sur le demi-globe
terrestre, ses pieds écrasant un serpent. Elle portait
dans ses mains un petit globe doré surmonté d'une croix
qu'elle éleva vers le ciel. Catherine entendit:
— Cette
boule représente le monde entier,
la France et
chaque personne en particulier.
Le
deuxième tableau sortait des mains ouvertes de la sainte
Vierge, dont les doigts portaient des anneaux de
pierreries et des rayons d'un éclat ravissant. Catherine
entendit au même instant une voix qui disait:
— Ces
rayons sont le symbole des grâces que je répands
sur les personnes
qui me les demandent.
Comme Catherine s'étonnait de la présence d'anneaux qui
restaient ternes,
Marie précisa à propos des anneaux et de certains rayons
qui restent ternes en jaillissant de ses doigts:
— Ce
sont les grâces que l’on oublie de me demander.
Puis
un ovale se forma autour de l'apparition et Catherine
vit s'inscrire tout autour cette invocation en lettres
d'or:
"Ô
Marie conçue sans
péché, priez pour nous qui avons recours à vous."
Une
autre voix se fit entendre:
— Faites
frapper une médaille sur ce modèle.
Les personnes qui
la porteront avec confiance recevront de grandes grâces.
Enfin le tableau se retourna et Catherine vit le
revers de la médaille: en haut une croix surmontait
l'initiale de Marie; en bas se trouvaient deux cœurs,
l'un couronné d'épines, l'autre transpercé d'un glaive.
Enfin, au mois de décembre 1830,
pendant l'oraison, Catherine entendit de nouveau un
froufrou, mais cette fois derrière l'autel. Le même
tableau de la médaille se présenta auprès du tabernacle,
un peu en arrière. Une voix dit:
— Ces
rayons sont le symbole des grâces
que
la Sainte Vierge obtient aux personnes qui les lui
demandent...
Maintenant, vous ne la verrez plus.
C'était la fin des apparitions.
En
novembre 1830, lors de la 2ème apparition,
Marie avait demandé la frappe d’une médaille qui
représenterait la deuxième vision, et portant ces mots:
Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons
recours à vous. Un mois plus tard, le 30 janvier
1831, Catherine prononçait ses vœux et revêtait l’habit
des filles de Saint Vincent. Seul, le Père Aladel, son
confesseur, connaissait son secret, car la Sainte Vierge
lui avait demandé de garder l’anonymat jusqu’à la fin.
Comme la Sainte Vierge le lui avait demandé, Catherine
qui avait raconta ces faits à son confesseur, le Père
Aladel, et à lui seul, lui fit part des requêtes de la
Sainte Vierge. Le Père Aladel les accueillit fort mal,
et interdit à Catherine d'y penser. Le choc fut rude.
Mais après les émeutes des Trois Glorieuses, les 27, 28
et 29 juillet 1830, qui mettront fin au règne de Charles
X, le confesseur de Catherine commencera, au vu des
événements, à la prendre au sérieux.
Après deux ans d'enquête et d'observation de la conduite
de Catherine, le Père Aladel informa l'archevêque de
Paris, sans lui révéler l'identité de Catherine. La
requête fut approuvée et les médailles furent frappées
et devinrent extrêmement populaires, notamment durant
l'épidémie de choléra de 1832.
En
quelques années, ces médailles réalisées en 1832,
allaient faire tant de miracles (guérisons,
conversions), -le curé d’Ars lui-même avait mis sa
paroisse sous le patronage de cette médaille de Marie-
que très vite on la nomma la médaille miraculeuse. Lors
de l'épidémie de choléra à Paris, on en avait distribué
des milliers. En Italie, c’est la "Vierge de la
médaille" qui convertit Alphonse Ratisbonne. Dans le
monde entier, en moins de dix ans, des millions de
médailles furent distribuées.
Remarques concernant l'Histoire:
Lors
des apparitions, la Vierge Marie avait en outre demandé
à Catherine de fonder une confrérie d’enfants de Marie.
En 1837, les Filles de la Charité et les Lazaristes
répondirent à ce vœu en fondant les Enfants de Marie
Immaculée.
La
doctrine de l'Immaculée Conception n'était pas encore
officielle, mais la médaille avec les mots: "Ô Marie,
conçue sans péché" émut le pape Pie IX qui fit
proclamer, le 8 décembre 1854, le dogme de l'Immaculée
Conception. Et, en 1858, à Lourdes la Vierge Marie se
présentait à Bernadette Soubirous par ces mots: "Je
suis l'Immaculée Conception."
Maintenant nous devons continuer l'histoire personnelle
de Catherine Labouré. Lorsqu'elle eut prononcé ses vœux,
sœur Catherine fut affectée à Reuilly, près de Picpus,
faubourg déshérité du sud-est de Paris. Là elle sera
garde-malade, cuisinière, fermière et jardinière,
jusqu'à la fin de sa vie, dans l'incognito le plus
total, tandis que la médaille se répandait
miraculeusement dans le monde entier…
Il
n'y a plus rien de miraculeux dans la vie humble de
Catherine Labouré. Pourtant, en mars 1848, pendant la
Commune, Catherine portera à bout de bras l’hospice que
la plupart des sœurs avaient été obligées de fuir. Elle
ira distribuer la médaille de la Vierge jusque sur les
barricades. Lorsqu’elle apprit que les insurgés avaient
saccagé l’église Notre-Dame-des-Victoires, elle déclara:
"Ils ont touché à Notre-Dame; ils n’iront pas plus
loin". Au printemps suivant, la rébellion tombait.
Lors de la guerre de 1870-1871, Catherine, comme tous
les Parisiens, subit le siège de Paris par les troupes
prussiennes, la famine puis les troubles de la Commune
de Paris. Curieusement, des révolutionnaires venaient
demander des médailles au couvent.
Catherine mourut le 31 décembre 1876, quarante-six ans
après les apparitions; elle n'avait jamais révélé son
secret à d'autres qu'à son directeur spirituel. En 1933,
à l'occasion de sa béatification, on ouvrit le caveau de
la chapelle de Reuilly. Le corps de Catherine, retrouvé
intact, fut transféré dans la chapelle de la rue du Bac
et installé sous l'autel de la Vierge au Globe.
Catherine sera canonisée le 27 juillet 1947, par Pie
XII.
Paulette
Leblanc |