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Claude La Colombière fut le serviteur fidèle et parfait
ami de Jésus
Claude La Colombière, troisième enfant d’une famille de
sept, dont cinq seulement survivront, est né le 2
février 1641, à Saint Symphorien-d’Ozon, dans le diocèse
de Lyon. Son père exerçait la charge de notaire royal.
Claude fit ses études à Lyon, d’abord au collège des
jésuites, de 1650 à 1653, puis, pendant les cinq années
suivantes, au Collège de la Trinité. À l’âge de 17 ans
il fut admis au noviciat de la Compagnie de Jésus. Le 20
octobre 1660, à Avignon, il prononçait ses vœux. En
1666, il assista à la canonisation de Saint François de
Sales, puis fut envoyé à Paris poursuivre ses études de
théologie. Il sera ordonné prêtre en 1669.
L’atmosphère de la vie parisienne était alors celle du
Grand Siècle et de l'École Française de Spiritualité, et
Claude avait inévitablement entendu parler de Vincent de
Paul, de Bérulle, de Jean-Jacques Olier, de Marie de
l’Incarnation; et encore de Racine, de Molière,
Descartes, Bossuet, etc... Sans oublier la querelle
janséniste. Tout ce foisonnement de vie ne pouvait
laisser indifférent le jeune religieux nommé précepteur
des fils de Colbert.
[1]
Claude La Colombière fut ensuite nommé professeur à
Lyon, au Collège de la Trinité pendant trois ans. Puis,
toujours à Lyon, il accomplira son “troisième an” en
1674. C’est durant sa grande retraite qui prépare le
travail de ce troisième an que Claude prendra les
orientations qui animeront toute sa vie:
– désir de
"la véritable sainteté,
la sainteté sans illusion, sans mensonge; désir de
répondre à l’appel d’amour dont Dieu a investi son âme.”
– méditations sur
“les sentiments intérieurs des trois personnes
divines”, sur “l’anéantissement du Verbe” et
“l’intérieur de
Jésus.”
– découverte que
la “véritable voie de sainteté” repose sur la
fidélité, et que
“la sainteté de l’homme
passe par les voies par lesquelles a passé le Christ
pour sauver le monde.”
– enfin Claude comprend que lui, tout seul, est
impuissant: “Dieu seul peut opérer en lui les
transformations.” Rapidement il situe ses relations
avec Dieu sur le plan du cœur, et c’est dans ce contexte
qu’il se lie à Dieu par un vœu de “fidélité sans
réserve. ”
Désormais, méditant la
Passion, Claude se plaçait au niveau des mouvements du
Cœur du Christ et du Cœur de la Vierge Marie, et
“voulait que son cœur
ne fût désormais que dans Celui de Jésus et de Marie, ou
que Celui de Jésus et de Marie soit dans le sien.”
[2] Et
l’amour lui apparaissait véritablement comme “la
conformité à la volonté de Dieu.”
[3] (Nous
noterons ici que le mot Cœur, est au singulier. En
effet, pour Claude La Colombière, comme pour Saint Jean
Eudes, le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie n’en font
qu’un.) Désormais, c’est dans la fidélité à toutes les
règles de son Ordre que le Père Claude allait trouver la
liberté et la joie de son âme. Il a maintenant
conscience d’une action particulière de Dieu sur sa
personne et dans sa vie. En effet, quelques jours plus
tôt, durant une oraison, il avait compris que la Sainte
Vierge l’avait
“présenté à son Fils, lequel lui avait ouvert son sein
comme s’il avait été le plus innocent des hommes.”
Claude la Colombière avait aussi comme des prémonitions
sur sa vie future. Il écrivit: “Tout à coup il s’est
fait un grand jour dans mon esprit; il me semblait me
voir couvert de fers et de chaînes, et traîné dans une
prison, accusé, condamné, parce que j’avais prêché Jésus
Crucifié, et déshonoré par les pécheurs...”
[4] C’est
d’ailleurs ce qui lui arrivera à Londres.
Bien
avant d’arriver à Paray-le-Monial, Claude avait
bénéficié des écrits de Sainte Gertrude, de Saint
Bonaventure et de Saint Bernard, et il avait déjà
pénétré les trésors du Cœur de Jésus. Et, depuis
longtemps il avait goûté dans l’oraison, les sentiments
de ce divin Cœur, soit à l’égard du Père, soit envers sa
Mère, soit envers nous. Il avait écrit: “Soyez donc,
aimable Jésus, mon père, mon ami, mon maître, mon tout;
puisque Vous voulez bien être content de mon cœur, ne
serait-il pas déraisonnable s’il n’était pas content du
Vôtre.”
[5]
On
comprend maintenant comment le Seigneur préparait celui
qui était prédestiné à diriger Sœur Marguerite-Marie
Alacoque et à prêcher le message du Cœur de Jésus. Le 2
février 1675 il faisait sa profession solennelle et
était nommé supérieur de la maison des jésuites de
Paray-le-Monial. Il y demeurera dix-huit mois avant
d’être nommé prédicateur de la Duchesse d’York, à la
cour d’Angleterre où il arrivera en octobre 1676.
Nous savons comment, à
Paray-le-Monial, au monastère de la Visitation,
Marguerite-Marie Alacoque, était persécutée, et même
abandonnée par ses confesseurs qui ne comprenaient rien
à ce qui se passait en elle. Seul un homme ayant une
expérience spirituelle exceptionnelle des conduites de
Dieu sur les âmes pouvait comprendre Marguerite-Marie.
Claude La Colombière était celui que Jésus avait promis
à Marguerite-Marie,
“le serviteur fidèle et
parfait ami qui lui apprendrait à Le connaître et à
s’abandonner à Lui.”
Dès
le premier contact avec la Sœur Alacoque, l’avis du Père
Claude fut formel: ce qui se passait en elle venait de
Dieu. De plus, Jésus voulait associer son fidèle
serviteur à la mission qu’Il confiait à sa servante car,
pendant le temps pascal qui suivit leurs premières
rencontres, eut lieu, pendant la messe célébrée par le
Père Claude, la vision des trois cœurs: le Sacré Cœur de
Jésus, ardente fournaise dans laquelle les deux autres
cœurs allaient s’unir et s’abîmer.
Un
peu plus tard, Marguerite-Marie ne sachant pas comment
réaliser une demande de Notre Seigneur, ce dernier lui
dit: “Adresse-toi à mon serviteur, le Père La
Colombière et dis-lui de ma part, de faire son possible
pour établir cette dévotion et donner ce plaisir à mon
divin Cœur; qu’il ne se décourage point pour les
difficultés qu’il y rencontrera, car il n’en manquera
pas; mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant
qui se défie entièrement de soi-même pour se confier
uniquement à Moi.”
[6]
Le
Père la Colombière, comme Marguerite-Marie, mais chacun
à sa place, devaient révéler au monde les richesses
infinies du Cœur de Jésus.
Après un an et demi de séjour à Paray, en 1676, le Père
La Colombière dut partir pour Londres, où il avait été
nommé aumônier et de prédicateur de Marie-Béatrice de
Modène, Duchesse d'York, catholique et future reine
d'Angleterre, car épouse de Jacques II. Il s'agissait
d'un ministère très délicat; en effet, des événements
religieux graves, et particulièrement des persécutions
contre les catholiques, agitaient l'Angleterre
profondément antipapiste. Le Père La Colombière fut logé
dans un appartement du Palais saint James, et commença
sa mission. En plus des sermons qu'il prononçait dans la
chapelle du palais de la Duchesse d'York, missionnaire
actif, il dirigeait spirituellement de nombreuses
personnes, et consacrait du temps à instruire solidement
dans la vraie foi plusieurs personnes qui avaient
abandonné l'Église romaine; il eut la consolation de
voir plusieurs conversions.
En août 1678 éclatait ce qu’on appellera la "terreur
papiste", où conspirations et calomnies entraînèrent,
rien que dans les rangs des Jésuites, vingt-trois
prêtres au supplice et cent quarante-sept autres à la
mort en prison. Le Père Claude resta quelque temps à
l’écart de la tourmente, mais trahi par un jeune homme
qu’il croyait avoir converti mais qui l'accusait
de complot papiste, il fut
arrêté le 14 novembre, et transféré le 17 à la prison de
King’s Bech. Il y resta trois semaines en proie à
de graves privations, jusqu'à ce qu'un décret royal lui
signifiât son expulsion de l'Angleterre.
L’état des geôles était tel que son état physique
empira, et il subit une violente crise de phtisie. Banni
du royaume d'Angleterre par Charles II, il quitta
Londres le 28 décembre 1678, dans un état de faiblesse
extrême. Toutes ces souffrances avait rendu
encore plus précaire son état de santé déjà bien
compromis. De retour en France, il fut nommé, à Lyon,
directeur spirituel de jeunes jésuites.
. En chemin, il s’arrêta à
Paray-le-Monial, où il séjourna une dizaine de jours: il
s’entretint longuement avec Marguerite-Marie et avec la
Mère Greyfié, sa Supérieure. Il arriva enfin à Lyon le
11 mars.
Son
état de santé s'étant aggravé, il fut renvoyé à
Paray-le-Monial. Tout-à-fait à la fin de sa vie, le Père
La Colombière rassurait encore une fois Marguerite-Marie
de nouveau sujette au doute. Il lui dit: “... Non!
encore une fois, vous n’êtes nullement trompée; il n’y a
point d’illusion dans les faveurs que vous recevez de la
Miséricorde du Seigneur; je n’ai nul sujet de vous
soupçonner de dissimulation, ni d’hypocrisie. Et quoi
qu’il ait lieu de s’étonner que le souverain Maître
s’abaisse jusqu’à des créatures si viles et si
imparfaites, ce serait un blasphème de penser que sa
bonté ne puisse aller jusque là et qu’elle soit capable
d’être surmontée par nos infidélités.” [7]
Trois mois plus tard, le 15 février 1675, le Père Claude
La Colombière fut pris d'un crachement de sang qui mit
fin à ses jours. Il sera inhumé à Paray-le-Monial, dans
la petite chapelle du collège où il s’était consacré au
Sacré-Cœur.
Nous devons maintenant vous dire quelques mots de la
spiritualité de saint Claude La Colombière. Vous
comprendrez mieux pourquoi il fut si proche de
Marguerite-Marie Alacoque et qu'il reconnut
instantanément la vérité des révélations qu'elle
recevait de Jésus.
Le
message nouveau qu'avait reçu Marguerite-Marie Alacoque
concernait la nécessité d’orienter les âmes vers le
Cœur de chair de Jésus, “Cœur couronné d’épines et
surmonté de la Croix.”
[8] et
de “manifester, avec insistance, son amour passionné
payé d’ingratitude, méconnu et outragé... “ Les deux
thèmes principaux de cette révélation étaient nettement
orientés vers la réparation à cause de nos péchés, et
vers la miséricorde infinie du Cœur de Jésus, thèmes qui
seront longuement repris plus tard dans l’encyclique
Miserentissimus Redemptor de Pie XI.
C’est dans cette perspective que s’inscrivit
”L’Offrande au Cœur Sacré de Jésus” du Père Claude
en 1677, alors qu'il était encore à Londres. Cette
offrande avait deux buts: honorer et réparer. Claude
écrivit:
– “Cette offrande se fait pour honorer ce divin
Cœur, le siège de toutes les vertus, la source de toutes
les bénédictions, et la retraite de toutes les âmes
saintes.”
– Elle
se fait aussi “en réparation de tant d’outrages... Pour
cela, ô très adorable Cœur de mon aimable Jésus, je vous
offre mon cœur, avec tous les mouvements dont il est
capable; je proteste que je désire m’oublier moi-même et
tout ce qui peut avoir du rapport avec moi. J’offre à ce
Cœur tout le mérite, toute la satisfaction de toutes les
messes, de toutes les prières, de toutes les actions de
mortification, de toutes les pratiques religieuses, de
toutes les actions de zèle, d’humilité, d’obéissance, et
de toutes les autres œuvres que je pratiquerai jusqu’au
dernier moment de ma vie. Non seulement cela sera pour
honorer le Cœur de Jésus, mais encore je Le prie
d’accepter la donation entière que je lui en fais, d’en
disposer de la manière qu’Il lui plaira.”
L’offrande se termine par une prière d’une rare
élévation dont voici l’essentiel: “Sacré Cœur de
Jésus, apprenez-moi le parfait oubli de moi-même,
puisque c’est la seule voie par où l’on peut entrer en
Vous... Enseignez-moi ce que je dois faire pour parvenir
à la pureté de votre Amour, duquel vous m’avez inspiré
le désir... Faites en moi votre volonté, Seigneur; je
m’y oppose, je le sens bien, mais je voudrais bien, ce
me semble, ne pas m’y opposer. C’est à Vous à tout
faire, divin Cœur de Jésus-Christ; Vous seul aurez toute
la gloire de ma sanctification si je me fais saint...
Amen!” [9]
Chaque fois que ce sera possible, le Père Claude fera
connaître le Sacré-Cœur de Jésus. Et il ne cachera pas
non plus, son “cœur à Cœur” permanent avec le Christ.
Paulette Leblanc
[1] Toutes
les informations rapportées dans ce petit texte
ont été extraites des “Écrits spirituels”
de Claude La Colombière, édités par Desclée de
Brouwer Bellarmin et de “Saint Claude LA
COLOMBIERE” de Georges GUITTON.
[2] “Écrits
spirituels”
édités par
Desclée de Brouwer Bellarmin.
[3] “Écrits
spirituels”
édités par
Desclée de Brouwer Bellarmin page 25.
[4] “Écrits
spirituels”
édités par
Desclée de Brouwer Bellarmin , introduction page
41.
[5] “Saint
Claude LA COLOMBIERE”
de Georges
GUITTON, page 87.
[6] “Écrits
spirituels”
édités par
Desclée de Brouwer Bellarmin page 169.
[7] “Saint
Claude LA COLOMBIERE”
de Georges
GUITTON, page 229.
[8] “Saint
Claude LA COLOMBIERE”
de Georges
GUITTON, pages 90 et 91.
[9] “Saint
Claude LA COLOMBIERE”
de Georges
GUITTON, page 85.
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