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Deuxième enfant d'une famille de sept, Claudine Thévenet
naquit à Lyon, le 30 mars 1774. "Glady",
comme on l'appelait affectueusement, ne pensait qu'aux
autres. Aussi exerçait-elle une heureuse influence sur
ses frères et sœurs par sa bonté, sa douceur et son
oubli de soi. Glady fut heureuse durant toute son
enfance, car elle savait rendre heureux. Mais en 1789,
Glady avait 15 ans, et la Révolution éclate.
En
1793, c'est la Terreur partout en France, et la ville de
Lyon est assiégée par les forces révolutionnaires. La
vie devient terrible et après la chute de la ville en
1794, Glady assistera, impuissante, à l'exécution de ses
deux frères, encore très jeunes, tués en représailles.
C'est alors qu'eut lieu un événement qui marquera
Claudine Thévenet jusqu'à la fin de sa vie: Les
dernières paroles de ses frères furent: "Glady,
pardonne, comme nous pardonnons." Dorénavant,
Claudine Thévenet ne pensera plus qu'à soulager les
misères innombrables apportées par la Révolution. Glady,
en effet, avait compris que la principale cause de la
souffrance humaine était l'ignorance de Dieu; aussi un
grand désir s'éveilla-t-il en elle: faire connaître et
aimer Dieu à tous les hommes, surtout aux enfants et
aux jeunes particulièrement meurtris.
Claudine Thévenet connaissait le Père André Coindre (né
à Lyon le 26 février 1787 et décédé à Blois, le 30 mai
1826). Il avait fondé en 1821, la congrégation des
Frères du Sacré-Cœur dont le but principal était
l'instruction des jeunes. Un jour, le Père Coindre
confia à Claudine deux fillettes abandonnées, qu'il
avait trouvées sur le parvis de l'église Saint Nizier.
Claudine s'en occupa avec beaucoup de dévouement, et ce
fut le départ de sa vraie vocation et de son profond
amour pour les enfants abandonnés; ce fut également
l'origine de la "Providence de Saint Bruno",
association fondée à Lyon en 1815 en faveur des enfants
abandonnés. Rapidement des compagnes se joignirent à
Claudine, et l'Association du Sacré-Cœur fut créée.
Claudine en fut la présidente.
Le
31 juillet 1818, l'appel du Seigneur se fit plus précis:
le Père Coindre demanda à Claudine Thévenet de former
une communauté:
— Dieu vous a choisie, lui dit-il.
Le
6 octobre 1818, aux Pierres-Plantées, sur la colline de
la Croix Rousse, la Congrégation des Religieuses de
Jésus-Marie était fondée. En 1820 la jeune Congrégation
s'établira à Fourvière, sur un terrain acheté à la
famille Jaricot. Elle recevra l'approbation canonique du
diocèse du Puy en 1823 et de Lyon en 1825. Claudine
Thévenet s'appellera dorénavant Mère Marie saint
Ignace.
Parlons maintenant de l'œuvre de Claudine Thévenet. Le
premier but de son œuvre avait été de recueillir les
enfants pauvres ou abandonnés, afin de leur donner une
première instruction et ensuite de leur apprendre un
métier; naturellement la formation morale et chrétienne
était particulièrement soignée. Ensuite, Claudine et ses
compagnes fondèrent des pensionnats pour les jeunes
filles des classes plus aisées: elles voulaient, en
effet, procurer une éducation chrétienne à tous les
jeunes de toutes les classes sociales.
Comme cela arrive dans la vie de tous les saints,
beaucoup d'épreuves ont marqué la vie de Claudine
Thévenet, fondatrice: tout d'abord la mort inattendue du
Père André Coindre, à l'âge de 39 ans. Claudine
rencontra aussi les incompréhensions de ceux qui
auraient dû la soutenir. Enfin, elle eut à lutter contre
les menées révolutionnaires. Ouvrons une page d'histoire
et souvenons-nous que, les 14 et 15 février 1831, il y
eut des émeutes à Paris à la suite d’un service funèbre
organisé par les légitimistes à Saint
Germain-l'Auxerrois, pour l’anniversaire de l’assassinat
du duc de Berry. L’église fut envahie et mise à sac par
les républicains. Le lendemain, l’émeute saccageait
l’archevêché et de nombreuses églises à Paris et en
province. Et à Lyon, du 21 novembre au 9 décembre, ce
fut la révolte des canuts. 1834 vit de nouvelles
émeutes en France et la deuxième révolte des canuts.
C'est alors que, sans se laisser intimider, Claudine
Thévenet, Mère Marie Saint Ignace, entreprit de faire
construire la chapelle de la Maison Mère et de prévoir
de nouvelles fondations. À côté de tous ces travaux,
elle s'adonnait avec le plus grand soin à la rédaction
des Constitutions de sa Congrégation.
Elle ne put achever la rédaction des Constitutions, car,
malade, elle mourut le 3 février 1837 à l'âge de 63 ans.
Elle laissait une œuvre très importante, qui n'a cessé
de croître depuis. Elle fut béatifiée le 4 octobre 1981
par le pape Jean-Paul II et canonisée le 21 mars 1993,
toujours par Jean-Paul II.
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Nous vous avons raconté la vie de Claudine Thévenet.
Aujourd'hui, compte tenu des circonstances actuelles, il
nous a semblé utile de vous confier quelques grandes
lignes de la spiritualité qui animait Mère Marie Saint
Ignace et qui lui donnait le courage de poursuivre
l'œuvre qui lui avait été confiée.
Pour résumer, disons d'abord que Claudine Thévenet n'a
cherché, durant toute sa vie, qu'à vivre selon sa foi;
elle voulait "mener une vie digne du Seigneur et qui
lui plaise en tout." Son exceptionnel courage ne se
laissa jamais intimider par l'adversité; elle voulait
"Faire tout pour plaire à Dieu" Cette recherche
constante de la volonté de Dieu, expression de sa
sensibilité spirituelle, lui permettait de lire les
signes des temps, d'y discerner les desseins de Dieu sur
elle et sur ses activités, afin de donner à Dieu, son
Bien-aimé, une réponse pleine et entière à tous ses
désirs.; telle était aussi la voie qui lui méritait de
"partager le sort des saints dans la lumière"
(Col 1: 10, 11)
"Voir Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu"
cela signifiait, pour Claudine, vivre en esprit de
louange. Et dans notre monde qui a oublié, voire même,
chassé Dieu, trouver une sainte qui nous permet de
redécouvrir Dieu notre Créateur, Dieu présent dans sa
création et dans chacun d'entre nous, trouver une telle
sainte redonne sens à notre vie et nous invite à
l'action de grâces. Remercions le Seigneur de nous avoir
donné Claudine Thévenet qui sut faire de sa vie
religieuse et apostolique une "louange de gloire"
au Seigneur. Ses dernières paroles: "Que le bon Dieu
est bon," résument toute la reconnaissance de son
cœur qui avait détecté l'action étonnante de Dieu dans
une vie apparemment bien douloureuse. Cette phrase:
"Que le Bon Dieu est bon!" ne devrait-elle pas,
aujourd'hui, être aussi celle des personnes déjà âgées,
qui découvrent un jour, malgré leurs larmes, que les
épreuves que Dieu leur fit traverser, parfois pendant de
longues années, étaient la préparation minutieuse d'une
mission incroyable que Dieu leur réservait, mais
qu'elles n'auraient pas pu comprendre si Dieu la leur
avait fait connaître. "Heureux ceux qui pleurent…"
Mes amis, méditons encore sur tout ce qui se passe
aujourd'hui dans notre monde. Tout est devenu triste
dans ce pauvre monde qui méprise la Loi de Dieu, Loi
d'amour et de bonheur. En effet, que demande Dieu aux
hommes? De constater qu'il n'existe qu'un seul Dieu
qu'il faut aimer et respecter. Et cela ne peut se faire,
concrètement qu'en aimant son prochain comme soi-même.
Mais, pour les hommes, corps et âme, l'amour vrai ne
peut demeurer dans l'abstrait, il doit se manifester
pratiquement. Et c'est pour cela que Dieu donna sa Loi à
Moïse, Loi que Jésus, Fils de Dieu, Verbe incarné, vint
accomplir pour nous donner l'exemple et rendre gloire à
Dieu. Car cette Loi de Dieu dévoile aux hommes les
Béatitudes qu'énonça Jésus. "Heureux les pauvres de
Cœur, heureux les miséricordieux, heureux ceux qui font
la paix autour d'eux, heureux les cœurs purs,
heureux!...
Revenons à notre sainte. Claudine, douée d'une force
d'âme peu commune et surtout femme de cœur, donna à sa
Congrégation l'empreinte de sa forte personnalité. Elle
fit de ses filles de vraies mères, "tant de l'âme que
du corps" pour les enfants confiées à leur soin. Et
sans tolérer aucune préférence, "sauf peut-être pour
les plus pauvres, les plus misérables, celles qui ont le
plus de défauts; celles-là, disait Claudine, oui,
aimez-les beaucoup".
Le
premier but du jeune Institut désiré par le Père Coindre,
avait été de recueillir les enfants pauvres et de les
garder jusqu'à leur vingtième année, leur enseignant un
métier en plus des connaissances de l'école élémentaire,
et leur assurant une solide formation religieuse et
morale. Mais rapidement Claudine et ses religieuses
s'adressèrent aux jeunes filles de la classe aisée et
fondèrent pour elles un pensionnat. Le but apostolique
de la Congrégation sera donc l'éducation chrétienne de
toutes les classes sociales avec une préférence pour les
enfants et les jeunes et parmi ceux-ci pour les plus
pauvres.
Les deux œuvres se développèrent simultanément malgré
les dures épreuves qu'elles connurent. Mais cinq années
à peine après la mort de la Fondatrice, ses filles se
rendaient en Inde en 1842. En 1850, elles ouvraient leur
première maison en Espagne et en 1855, elles
s'installaient dans le Nouveau Monde, au Canada.
Paulette
Leblanc |