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Il
est des saints dont tout le monde connaît le nom mais
dont on ignore à peu près tout. Il en est ainsi de notre
saint d'aujourd'hui, saint Daniel le Stylite. Pourtant
il faut absolument raconter sa vie. Les documents que
l'on découvre sont assez déconcertants: qu'y a-t-il de
vrai et qu'est-ce qui relève de la légende? Impossible
de le savoir. Nous sommes au VIe
siècle, et les biographies connues relèvent toutes de
l'hagiographie. Alors où est la vérité? Au fond
qu'importe, car ce qui compte dans la vie des saints,
c'est de nous rapprocher de Dieu, de nous faire grandir
dans la vie de Dieu et de nous apprendre à prier.
Maintenant, munis de tous ces avertissements, nous
pouvons essayer de découvrir saint Daniel le Stylite
dont c'est la fête aujourd'hui.
Daniel le Stylite naquit en 410, dans le village de
Mathara, près de la ville de Samosate en Syrie. Pendant
de nombreuses années, sa mère Martha demeura stérile;
aussi priait-elle beaucoup, et elle jurait que, si elle
avait un enfant, elle le consacrerait au Seigneur. Ses
prières furent entendues, et, après une vision
lumineuse, Martha donna naissance à un fils, qui resta
sans nom pendant cinq ans.
Les
parents du petit garçon voulaient, en effet, que
puisqu'il était né de la grâce de Dieu, il devait aussi
recevoir son nom de Dieu. Dès que cela leur fut
possible, ils présentèrent leur fils à l'Higoumène d'un
monastère situé non loin de chez eux. L'higoumène (le
supérieur du monastère) donna l'ordre d'ouvrir l'un des
annuaires de la maison, ou une bible, et l'ouvrit au
hasard. Il tomba sur le prophète Daniel, et c'est ainsi
que le petit garçon reçut son nom. Les parents auraient
souhaité que l'enfant restât au monastère, mais
l'higoumène refusa, car l'enfant était encore beaucoup
trop jeune. Mais quand il eut douze ans, sa mère lui
ayant dit un jour qu'il était consacré à Dieu, sans rien
dire à personne, le petit Daniel quitta la maison pour
le monastère.
Ses
parents furent très heureux quand ils apprirent où était
leur fils, et ils se rendirent au monastère. Ils
prièrent l'higoumène de le vêtir de l'habit monastique.
L'higoumène accepta seulement de garder l'enfant au
monastère, mais demanda aux parents de rendre souvent
visite à leur fils. Cependant, les frères du monastère
furent vite étonnés des efforts vertueux de la jeune
recrue, et malgré ses réticences antérieures,
l'higoumène le tonsura très vite et lui donna l'habit.
Le temps passait, et le moine pouvait, avec la grâce de
Dieu, grandir en vertu, en sainteté, en sagesse et en
science.
Un
jour, le supérieur de Daniel, appelé à une réunion
d'Archimandrites convoquée par l'Archevêque d'Antioche,
choisit Daniel comme compagnon de voyage, lui donnant
ainsi l'occasion de réaliser un cher désir: vénérer les
Lieux Saints et rendre visite à l'illustre Saint Syméon
le Stylite, dont l'ascèse si peu commune attirait
l'admiration des uns et les critiques des autres. Syméon,
en effet, passa quarante sept ans de sa vie sur une
colonne qui avait dix huit mètres de hauteur. Syméon fit
une forte impression sur Daniel, lequel, au moyen d'une
échelle, monta pour recevoir la bénédiction de l'ascète
qui lui dit: "Courage, Daniel, prends force et
patience, car tu auras à supporter pour Dieu bien des
fatigues. Mais j'ai confiance dans le Seigneur que je
sers, qu'Il te fortifiera et se fera ton compagnon de
route." Puis, après avoir rempli leur mission à
Antioche, les higoumènes et Daniel rentrèrent dans leurs
monastères.
En
447, Daniel avait trente sept ans, quand son higoumène
fut rappelé à Dieu. Il fut désigné pour le remplacer.
Mais, après avoir éprouvé les capacités de son second,
Daniel se mit en route pour visiter les Saints Lieux et
s'enfoncer dans la solitude du désert de Palestine,
lorsque Syméon le Stylite, qui mourut en 461, lui
apparut soudain et le persuada de ne pas s'exposer
inutilement au danger des rebelles Samaritains, mais de
prendre le chemin de Constantinople.
Parvenu aux abords de la ville impériale, Daniel se
retira d'abord pendant sept jours dans une chapelle de
Saint-Michel l'Archange pour y prier, nuit et jour.
Attirée par sa réputation, de nombreuses personnes
venaient le trouver, mais des Clercs de Saint-Michel
allèrent le dénoncer à l'Archevêque Anatole, en
l'accusant d'hérésie. Le sage prélat fit enlever Daniel
et l'amener à Byzance. Édifié par ses vertus et par sa
foi, et plein de reconnaissance après avoir été délivré
d'une grave maladie par la prière du saint ascète,
l'Archevêque devint l'un de ses plus fervents
admirateurs et se résolut difficilement à le laisser
regagner sa retraite, accompagné par une foule en
liesse.
Neuf
années plus tard, âgé de 51 ans, Daniel tomba un jour en
extase et vit Syméon le Stylite debout devant lui, au
sommet d'une immense colonne de nuée, entouré de deux
hommes à l'apparence lumineuse qui, sur l'ordre du
vieillard, vinrent prendre Daniel pour l'amener auprès
de lui. On apprit par la suite que Syméon venait de
mourir. Alors Daniel se retira dans le désert de Thrace,
non loin de Constantinople. C'est là, qu'avec deux
disciples, il construisit une colonne haute, constituée
d'une petite plate-forme montée sur deux piliers et
entourée d'une balustrade. De là-haut il exhortait les
très nombreux fidèles qui venaient à ses pieds; il
laissait même monter vers lui ceux qui voulaient lui
parler. Beaucoup de malades furent guéris. Daniel habita
sur cette colonne pendant 33 ans.
C'est au sommet de sa colonne que Daniel fut ordonné
prêtre par Gennade, l'évêque de Constantinople. Celui-ci
fit les prières en bas puis monta en haut de la colonne
pour terminer la cérémonie. L'empereur Léon lui rendait
souvent visite. Il fit même bâtir un monastère près de
la colonne. C'est ainsi que Daniel fut amené, plusieurs
fois, à avoir un rôle de médiateur politique, notamment
entre l'Empereur Léon et le roi des Lazes, Goubazions,
dans la Colchide (à l'est de la mer noire) afin de
régler leurs différends politiques. À maintes reprises,
l'homme de Dieu mit aussi son esprit prophétique, sa
sagesse et le pouvoir de sa prière au service du bon
droit et de la justice. Ainsi, Daniel prédit un jour
qu'en 465, un incendie ravagerait Constantinople et
qu'il fallait faire des prières publiques chaque
semaines pour prévenir la catastrophe. Naturellement
personne ne le crut... Au moment de l'incendie, on
accourut vers sa colonne en le suppliant de faire cesser
l'incendie. Daniel, après avoir prié, leur annonça que
le feu s'éteindrait au bout de sept jours. Puis il les
renvoya. Il faut ajouter que Daniel le Stylite fut
conduit à lutter contre le monophysites. Ainsi, il
descendit de sa colonne et se rendit en ville, pour
venir au secours de l'Église en détresse.
La
colonne du Saint était devenue un des lieux les plus
vénérés de la région de Constantinople, on y accourait
de toutes parts; et, malgré les objections de Daniel,
l'empereur y fit construire une vaste hôtellerie, à côté
d'une église où étaient déposées les Reliques de Saint
Syméon le Stylite, venues d'Antioche. Daniel guida aussi
de nombreuses personnes sur le chemin de la conversion.
Ses innombrables miracles étaient pour lui l'occasion de
progresser dans l'humilité car il ne les attribuait
jamais à sa propre vertu, mais demandait à ceux qui
venaient vers lui d'aller vénérer les Reliques de Saint
Syméon ou de s'oindre avec l'huile des veilleuses qui
brûlaient près du tombeau du Saint.
Daniel prédit son départ vers le ciel. Quelques jours
avant sa mort, il rassembla ses nombreux disciples, pour
leur livrer son dernier enseignement et demander
l'assistance de leurs prières. Puis, il tomba en extase.
Après être revenu à lui, il communia aux Saints Mystères
et s'endormit en paix, le lendemain, en délivrant un
possédé d'un esprit impur, au moment même où il rendait
son dernier soupir, sur sa colonne. C'était le 11
décembre 493, et le Saint avait atteint l'âge de 84 ans.
Paulette Leblanc |