EUGÈNE DE MAZENOD
Évêque, Fondatrice, Saint
 (1781-1861)

21

MAI

Charles Joseph Eugène de Mazenod naquit le 1er août 1782, à Aix en Provence, de Charles-Antoine de Mazenod et de Marie-Rose Eugénie Joannis. Le Père d'Eugène, notre futur saint, était président à la cour des comptes du parlement de Provence, et sa mère était issue d'une famille de médecins. Sa famille étant à la fois noble et riche, l'avenir d'Eugène semblait être assuré, mais c'était sans compter avec les bouleversements de la Révolution française. Eugène n'avait encore que huit ans quand, dès les premiers troubles révolutionnaires en France, sa famille dut fuir, en abandonnant tous ses biens. Elle se réfugia d'abord à Nice qui faisait encore partie de Royaume de Sardaigne. Puis, au fur et à mesure de l'avancée des troupes révolutionnaires, la famille dut fuir en Italie, à Turin, à Venise, à Naples et enfin à Parme en Sicile. Ce long et pénible exil allait durer onze ans. 

Le père d'Eugène, Charles-Antoine de Mazenod, qui avait été Président de chambre au Parlement d'Aix, ouvrit un commerce à Turin pour faire vivre sa famille; mais au bout de quelques années il fut obligé d'abandonner.  Eugène étudia un peu au Collège des Nobles à Turin, jusqu'au jour où la famille dut fuir à Venise. Ce fut, pour Eugène, la fin d'une scolarité normale. Heureusement, un prêtre jésuite, Don Bartolo Zinelli, proche de la famille de Mazenod, s'occupa de la formation du jeune émigré: éducation fondamentale, très imprégnée du sens de Dieu. Se souvenant de don Bartolo Zinelli, Eugène écrira, près de cinquante ans plus tard, en revoyant Venise: "Bienheureux Zinelli, que serais-je devenu sans vous?"

Malheureusement une nouvelle fuite conduisit la famille de Mazenod de Venise à Naples, ce qui engendra pour Eugène une période spirituellement très difficile. Et bientôt, il fallut encore fuir et se réfugier à Palerme. À Palerme, le duc et la duchesse de Cannizzaro, s'intéressèrent à Eugène qui découvrit enfin ce qu'était la vie des nobles. Il décida de s'appeler le "Comte de Mazenod", s'initia à leurs coutumes et se mit à rêver à un brillant avenir… 

En 1802, Eugène avait 20 ans. Il put retourner dans son pays, mais tous ses rêves s'évanouirent rapidement. Il n'était plus que le "Citoyen" Mazenod. La France avait beaucoup changé. De plus, ses parents s'étaient séparés. Sa mère était rentrée en France dès la promulgation des lois sur le divorce afin de récupérer le patrimoine familial confisqué par la Révolution. Elle voulait aussi marier Eugène à une riche héritière. Eugène très vite, redouta l'avenir. Heureusement, sa charité et la foi qu'il avait acquises à Venise commencèrent à s'affirmer. Il fut aussi bouleversé par la situation de l'Église de France qui avait été attaquée et décimée par la Révolution. Eugène voulut devenir prêtre. Malgré l'opposition de sa mère, il entra au Séminaire Saint-Sulpice à Paris, le 12 octobre 1808. Le 21 décembre 1811 Eugène était ordonné prêtre à Amiens, par l'évêque d'Amiens, Mgr Claude Jean François Demandoix, ami de sa famille et qui avait été, autrefois, vicaire de Marseille avec son grand-oncle. En effet, Eugène avait refusé d'être ordonné à Paris par le cardinal Maury que Napoléon avait imposé sans l'accord du pape Pie VII. Mgr Demandoix proposa à Eugène d'être son vicaire général, mais Eugène refusa, voulant se consacrer uniquement aux pauvres.  

En octobre 1812, Eugène de Mazenod retournait en Provence pour se consacrer à l'évangélisation des pauvres avec lesquels il parlait en langue provençale. En 1814, pendant l'épidémie de typhus, Eugène fut gravement atteint, mais il se rétablit vite. Le 25 janvier 1816, avec l'accord des vicaires généraux d'Aix en Provence, il fondait les Missions de Provence, car il voulait s'adapter à la situation réelle des gens dont la vie chrétienne avait été si bouleversée depuis 25 ans. D'où un certain nombre d'innovations: visites à domicile et utilisation du provençal, innovations qui rencontrèrent bien des oppositions de la part du clergé local. Eugène de Mazenod et ses compagnons: "Les Missionnaires de Provence", prêchaient en provençal, le langage courant de leurs auditeurs et non en français le langage des gens instruits. Ils allaient de village en village enseignant le "petit peuple" et passant de longues heures au confessionnal. Entre ces "missions paroissiales", les missionnaires de Provence se retrouvaient pour une intense vie communautaire de prière, d'étude et de fraternité.  

L'évêché de Marseille qui avait été supprimé en 1790, fut rétabli le 13 janvier 1823. C'est Fortuné de Mazenod, l'oncle d'Eugène, qui y fut nommé évêque. Ce nouvel évêque, âgé de 73 ans, choisit pour vicaires généraux Eugène de Mazenod ainsi que le père Tempier, grand ami d'Eugène et Missionnaire de Provence depuis 1815. La société des Missionnaires de Provence fut approuvée par le pape Léon XII, et la société devint une congrégation religieuse LES OBLATS DE MARIE IMMACULÉE (OMI), destinée à l'évangélisation des zones défavorisées. En 1837, Mgr Fortuné de Mazenod âgé de 88 ans donna sa démission. Son neveu lui succéda. En effet, le gouvernement de Louis-Philippe n'ayant aucune sympathie pour Eugène, ce trop bouillant ecclésiastique, avait estimé qu'Eugène de Mazenod serait moins dangereux s'il occupait de hautes fonctions. Le soir de son ordination épiscopale, Eugène écrivit dans son journal: "Il faudra que je m'attache à ce peuple comme un père à ses enfants. Il faudra que mon existence, ma vie, tout mon être lui soient consacrés, que je n'aie de pensée que pour son bien... Il faudra, en un mot, que je me consume pour lui, disposé à lui sacrifier mes aises, mon attrait, le repos, la vie même..." De 1837 à sa mort en 1861, l'évêque mènera de front sa tâche de pasteur et celle de supérieur des Oblats. 

Le 20 juin 1841, l'évêque Eugène de Mazenod, supérieur des Oblats,  envoyait ses six premiers missionnaires au Canada. Ce fut le point de départ d'une évangélisation qui se poursuivra aux États-Unis, en Afrique et au Sri Lanka. Pour répondre aux besoins de la population de Marseille qui s'accroissait considérablement, allant jusqu'à atteindre 260 000 habitants en 1861, Mgr de Mazenod créa 21 paroisses et construisit 34 églises, dont la basilique Notre-Dame de la Garde.  

En janvier 1861 Mgr de Mazenod, doyen des évêques de France, tomba gravement malade. il mourut le 21 mai 1861 à l'âge de 80 ans. Durant les derniers jours de sa vie, il murmurait: "Comme je voudrais me voir mourir, pour bien accepter la décision de Dieu… Si je viens à m'assoupir et que je sois plus mal, éveillez-moi, je vous prie. Je veux mourir en sachant que je meurs!" Mgr de Mazenod fut béatifié le 19 octobre 1975 par le pape Paul VI, et canonisé le 3 décembre 1995, par le pape Jean-Paul II.  

Jetons maintenant un petit coup d'œil sur les nombreuses œuvres de saint Eugène de Mazenod. Outre les nombreuses prédications et confessions qu'il assurait ainsi que son ministère auprès des jeunes, il prenait grand soin des sanctuaires mariaux; il visitait aussi les prisons, s'occupait des  séminaires, et veillait sur toutes ses paroisses. Partout, Mgr Eugène de Mazenod insistait sur la nécessité d'une profonde formation spirituelle. Il aimait Jésus Christ avec passion: la gloire de Dieu, le bien de l'Église et la sanctification des âmes étaient à la source de son dynamisme intérieur. 

Bien que les Oblats de Marie Immaculée eussent été fondés pour apporter la foi aux pauvres des campagnes de France, Eugène conduisit les Oblats vers l'apostolat missionnaire. Malgré le petit nombre des Oblats, il en envoya en Suisse, en Angleterre et en Irlande. Il en envoya même au Canada, aux Etats-Unis, à Ceylan devenu le Sri Lanka, en Afrique du Sud et au Basutoland devenu le Lesotho. Les Oblats s'installaient même dans des terres inconnues, pour faire avancer le Règne de Dieu. Aujourd'hui, l'esprit d'Eugène de Mazenod est resté vivant dans 68 pays. 

Eugène, nous l'avons vu, fut, pour Marseille, un pasteur exceptionnel; il assurait à ses prêtres une très bonne f ormation spirituelle, il établit de nouvelles paroisses, construisit une nouvelle cathédrale et, dominant la ville, la spectaculaire basilique de Notre-Dame-de-la-Garde. II incitait ses prêtres à devenir des saints, et invita un grand nombre de communautés religieuses à travailler dans son diocèse. En 1857 il promulgua un nouveau catéchisme et organisa un enseignement religieux pour les adultes. Entre 1853 et 1870, il y eut à Marseille 400 ordinations sacerdotales. Il devint une figure reconnue de l'Église de France, et, en 1856, Napoléon III le nomma sénateur.  

Au moment de sa mort, Mgr de Mazenod laissa une recommandation  ultime à ses prêtres: "Entre vous, pratiquez bien la charité, et dans le monde,  la charité et le zèle pour le salut des âmes." Sa vie et ses œuvres étaient pour tous une ouverture sur le mystère de Dieu lui-même. Aucune catégorie sociale n'échappait à son cœur d'apôtre. Ce qui fit dire à un prélat romain: "Allez donc à Marseille, il y a là un évêque dont le cœur est grand comme celui de Paul, grand comme le monde." 

Paulette Leblanc

 

 

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