

Le chantre de
l’Amour de Dieu
Saint François de Sales, est
issu d’une famille noble de Savoie. Aîné de treize enfants, il naquit le 21 août
1567 à Thorens, petite ville située à une vingtaine de kilomètres
d’Annecy.
Dans ce pays profondément touché par le protestantisme, les parents de François
étaient cependant restés très attachés à la foi catholique.
François fit d’excellentes
études, d’abord à Annecy, puis à Paris au collège de Clermont (devenu Collège
Louis le Grand, en 1681). Il deviendra l’un des plus grands écrivains français
de la période préclassique. De 1588 à 1591, François est à Padoue pour y faire
des études de droit et de théologie. Il sera ordonné prêtre le 18 décembre
1593. Commence alors pour lui la difficile mission d’évangélisation de la
province calviniste du Chablais. La tâche est immense, mais François dispose des
meilleures armes qui soient: l’oraison, l’aumône et le jeûne...
Homme d’action, ardent
missionnaire, écrivain de génie, François de Sales est aussi un véritable
mystique qui prêche une religion d’amour et d’union à Dieu. C’est le 8 décembre
1602 qu’il sera sacré évêque de Genève. Pendant sa consécration, il bénéficia
d’une première extase intérieure: il lui semblait que la “très adorable
Trinité imprimait intérieurement en son âme ce que les évêques faisaient
extérieurement sur sa personne.”
Pendant 20 ans, François de
Sales se consacra corps et âme à son apostolat et s’efforça d’appliquer les
décisions du Concile de Trente: catéchèse, prêches, direction spirituelle,
administration diocésaine, réforme du clergé et des ordres religieux, rédaction
d’ouvrages de spiritualité, et correspondance. C’est au cours d’une retraite au
château de Sales, avant de partir prêcher le Carême de 1604, à Dijon, qu’il eut
la révélation qu’il était destiné à fonder une congrégation nouvelle. Le 5 mars
1604, il rencontrait pour la première fois celle qui devait devenir Sainte
Jeanne de Chantal, cofondatrice avec lui de l’Ordre de la Visitation, dont le
jour officiel de naissance fut le 6 juin 1610.
François de Sales publia l’Introduction
à la Vie dévote en 1608, et le Traité de l’Amour de Dieu en 1616.
Il mourut saintement le 28 décembre 1622.
Canonisé en 1665, et nommé
Docteur de l’Église en 1877, Saint François de Sales est considéré comme le
“Docteur de l’amour”. Ce titre que l’Église lui a attribué le définit
parfaitement. En effet, sa vie mouvementée fut constamment illuminée par une
charité débordante qui transparaît dans cet extrait d’une lettre adressée à
Jeanne de Chantal : “Quand sera-ce que nous serons tous détrempés en douceur
et charité envers notre prochain ? Quand verrons-nous les âmes de nos prochains
dans la sacrée poitrine du Sauveur ? Hélas! qui regarde le prochain hors de là,
il court fortune de ne l’aimer ni purement, ni constamment, ni également; mais
là, mais en ce lieu-là qui ne l’aimerait? Qui ne supporterait ses
imperfections ? Qui le trouverait de mauvaise grâce ? Qui le trouverait
ennuyeux ? Or, il y est ce prochain, ma très chère fille, il est dans le sein et
la poitrine du divin Sauveur; il y est comme très aimé et tant aimable, que
l’Amant meurt d’amour pour lui. Amant duquel l’amour est en sa mort et la mort
en son amour.”
L’Amour de Dieu est
la fin, la perfection et l’excellence de l’univers
L’Amour de Dieu est l’Amour sans égal,
parce que la bonté de Dieu est la bonté non pareille
Alors que l’”Introduction
à la Vie Dévote” est essentiellement un code de vie chrétienne fervente
destiné aux personnes vivant dans le monde, le “Traité de l’Amour de Dieu”
est d’abord écrit pour les Visitandines et les âmes spirituellement avancées.
Les sentiments les plus délicats de l’amour que nous devons avoir pour Dieu et
les secrets de la vie mystique sont abordés, mais avec beaucoup de bon sens, de
prudence et d’équilibre. Lorsque Saint François de Sales traite des relations
intimes entre Dieu et l’âme contemplative, on ne peut manquer d’évoquer Thérèse
d’Avila, la bienheureuse mère Thérèse de Jésus dont il fait mention à plusieurs
reprises.
Une remarque doit être faite
ici: c’est en lisant Saint François de Sales, après avoir déjà rencontré
beaucoup d’autres mystiques, certains plus anciens, d’autres plus proches de
nous, voire contemporains, que l’on prend conscience, d’une manière presque
sensible, de l’unité de pensée, et souvent d’expression, entre tous les
mystiques lorsqu’ils parlent de Dieu, de son amour, de son Cœur, voire de leurs
relations avec Dieu. Le style devient même comparable, sinon identique, lorsque
les mystiques rapportent les paroles de Dieu. Cela paraît d’abord étrange,
mais, en fait, c’est plutôt réconfortant car c’est toujours le même Dieu qui
parle à ses enfants et se révèle à eux, pour sa Gloire à Lui, et leur salut, à
eux.
Le “Traité de l’Amour de
Dieu”, qui décrit les relations d’amour entre Dieu et une âme privilégiée,
n’est pas à proprement parler un ouvrage de théologie sur l’Amour de Dieu, ni
sur le Cœur de Jésus. Saint François de Sales ne parle pas du Cœur de Jésus, ni
du Cœur de Dieu, ou exceptionnellement. Le traité de l’Amour de Dieu est comme
la réponse d’amour de François à l’amour de Dieu qu’il a connu à plusieurs
reprises d’une manière sensible, comme d’ailleurs tous les mystiques, même ceux
qui furent comme lui de grands hommes d’action. Cependant, le cœur de François
est tellement débordant d’amour: l’Amour de Dieu pour nous, et l’amour de nous
pour Dieu, tellement amoureux de Dieu, qu’il est impossible de ne pas découvrir
la réalité du Cœur de Dieu, et surtout du Cœur du Fils, tout au long des pages
de ce traité, apparemment théologique, mais, en fait, brûlant du feu de l’Amour.
Notons que chez François de
Sales, Dieu Amour, Dieu Unique, est le plus souvent considéré dans sa Trinité ou
dans les relations Père et Fils.
Saint François de Sales est
un homme du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. La langue
française n’a pas encore pris la forme définitive qu’on lui connaîtra bientôt.
Aussi le vocabulaire de François nous paraît-il parfois désuet. Il convient
donc, avec François de Sales, plus encore qu’avec d’autres écrivains, de se
resituer dans la mentalité de son époque. Cette difficulté du vocabulaire,
François l’avait peut-être ressentie, puisque, à plusieurs reprises, il prend la
peine d’expliquer ses mots, de préciser leur définition. Nous donnerons plus
loin des exemples caractéristiques. Dans les citations qui sont rapportées dans
cet ouvrage, le style de François de Sales a été, à quelques rares exceptions
près, intégralement respecté.
Le traité de l’Amour de
Dieu est écrit pour des âmes spirituellement avancées.
“Ce traité est fait pour aider l’âme déjà dévote à
ce qu’elle puisse avancer en son dessein, et pour cela il m’a été forcé de dire
plusieurs choses un peu moins connues au vulgaire et qui, par conséquent,
sembleront plus obscures... Il se trouve peu de plongeurs qui veuillent et
sachent aller recueillir les perles et autres pierres précieuses dans les
entrailles de l’Océan...” [3]
François de Sales
s’adresse d’abord à ses Visitandines, notamment à Sainte Jeanne de Chantal, la
cofondatrice : “Je parle pour les âmes
avancées en la dévotion, car il faut que je te dise, Théotime, que nous avons en
cette ville une congrégation de filles et veuves qui, retirées du monde, vivent
unanimement au service de Dieu.” [4]
Ces âmes
spirituellement avancées connaissent le Saint Amour qui“fait
son séjour sur la plus haute et relevée région de l’esprit, où il fait ses
sacrifices et holocaustes à la Divinité ... car l’amour n’a point de forçats, ni
d’esclaves, mais réduit toutes choses à son obéissance avec une force si
délicieuse que, comme rien n’est fort comme l’amour, rien non plus n’est si
aimable que sa force.”
[5]
“L’Amour n’est autre chose
que le mouvement du cœur qui se fait envers le bien, par le moyen de la
complaisance que l’on a en lui, de sorte que la complaisance est le grand
motif de l’amour.
[6] La
volonté apercevant et sentant le bien, par l’entremise de l’entendement qui le
lui représente, ressent à même temps une soudaine délectation et complaisance en
ce (sic) rencontre qui l’émeut et incline doucement, mais puissamment vers cet
objet aimable, afin de s’unir à lui....”
Cette complaisance qui
“est le premier ébranlement ou la première émotion que le bien fait en la
volonté... Le bien empoigne, saisit et lie par la complaisance; mais par l’amour
il l’attire, conduit et amène à soi; par la complaisance il le fait sortir, mais
par l’amour, il lui fait faire le chemin et le voyage. La complaisance, c’est le
réveil du cœur, mais l’amour en est l’action; la complaisance le fait lever,
mais l’amour le fait marcher...”
[7]
Saint François de Sales n’est
pas toujours satisfait du mot “amour” qui, en français, est trop galvaudé.
Aussi, est-il tenté, comme l’avait fait avant lui le Concile de Trente,
d’utiliser le mot dilection.
“Le céleste commandement
d’aimer est exprimé par le mot de “dilection”, plutôt que par celui d’aimer. Car
bien que la dilection soit un amour, cependant elle n’est pas un simple
amour, mais un amour accompagné de “choix” et “d’élection”, ainsi que la même
parole le porte” (celle de 1 Cor 15,41) “Ce commandement nous enjoint un
amour élu entre mille, comme le Bien-aimé de cet amour est “exquis entre mille”.
(Cant 5, 10) “C’est ce que Dieu requiert de nous, qu’entre tous nos
amours, le sien soit le plus cordial, dominant sur tout notre cœur; le plus
affectionné, occupant toute notre âme; le plus général, employant toutes nos
puissances; le plus relevé, remplissant tout notre esprit; et le plus ferme,
exerçant toute notre force et vigueur. Et parce que nous choisissons et élisons
Dieu pour le souverain objet de notre esprit, c’est un amour de souveraine
élection ou une élection de souverain amour... L’Amour de Dieu est l’Amour sans
égal, parce que la bonté de Dieu est la bonté non pareille... C’est l’Amour
d’excellence ou l’excellence de l’Amour qui est commandé à tous les mortels en
général et à chacun d’eux en particulier...” [8]
La dilection est liée à la
beauté de Dieu : “Le beau est appelé beau parce que sa connaissance
délecte. Il faut, outre l’union et la distinction, l’intégrité, l’ordre et la
convenance de ses parties, qu’il ait beaucoup de splendeur et clarté afin qu’il
soit connaissable et visible... “
[9]
L’union de l’âme avec Dieu
est appelée “inhésion ou adhésion, parce que par elle l’âme demeure
prise, attachée et collée à la divine Majesté.”
Ou encore, parlant du
ravissement : “l’union parvenue à la perfection n’est point différente du
ravissement, suspension ou pendement d’esprit.”
[10]
Par ailleurs, la
conformité de notre cœur avec Celui de Dieu se fait “lorsque, par la
sainte “bienveillance” nous jetons toutes nos affections entre les mains de
la divine volonté afin qu’elles soient par elle, pliées et maniées à son gré,
moulées et formées selon son bon plaisir. Et en ce point consiste la très
profonde “obéissance d’amour”.
Au sujet
de la compassion, Saint François de Sales nous dit :
“La compassion, condoléance, commisération ou
miséricorde, n’est autre chose qu’une affection qui nous fait participer à
la passion et douleur de celui que nous aimons, tirant la misère qu’il souffre
dans notre cœur: d’où elle est appelée miséricorde, comme qui dirait une misère
de cœur.”
[12]
Ô Dieu ! quelle
joie nous aurons au Ciel,
lorsque nous verrons le Bien-aimé de nos cœurs,
comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté !
François de Sales veut
parler, dans ce traité “de l’Amour surnaturel que Dieu répand en nos cœurs par
sa bonté, et duquel la résidence est en la suprême pointe de l’esprit, pointe
qui est au-dessus de tout le reste de notre âme et qui est indépendante de toute
complexion naturelle.”
[13]
Au commencement tout était
très bon, c’est pourquoi l’Amour que Dieu exerce en nous “commence toujours par
la bienveillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel
après il se complaît... Il créa premièrement l’univers pour l’homme et l’homme
pour l’univers, donnant à chaque chose le degré de bonté qui lui était
convenable par sa pure bienveillance. Puis Il approuva tout ce qu’Il avait fait,
trouvant que tout était très bon, et Il se reposa par complaisance en son
ouvrage.”
[14]
Pourquoi aimer Dieu ? La
cause pour laquelle on aime Dieu, dit Saint Bernard, c’est Dieu Lui-même. Mais,
plus concrètement, pourquoi aimer Dieu ? “Parce que l’homme est la perfection de
l’univers, l’esprit est la perfection de l’homme, l’amour celle de l’esprit et
la charité celle de l’amour. C’est pourquoi l’Amour de Dieu est la fin, la
perfection et l’excellence de l’univers.”
[15]
Ou bien encore : “Parce que
Dieu est seul Seigneur et que sa bonté est infiniment éminente au-dessus de
toute bonté. Il Le faut aimer d’un amour relevé, excellent et puissant au-dessus
de toute comparaison. C’est cette suprême dilection qui met Dieu en telle estime
dedans nos âmes, et fait que nous prisons si hautement le bien de lui être
agréable, que nous le préférons et affectionnons sur toutes choses.”
[16]
Nous aimerons Dieu aussi à
cause de sa bonté et de sa beauté : “Au ciel nous verrons tous l’infinité de sa
beauté... Nous serons ravis en l’Amour de son infinie bonté, d’un ravissement
souverainement fort auquel nous ne voudrons ni ne pourrons vouloir faire jamais
aucune résistance ; ici-bas, en terre, où nous ne voyons pas cette souveraine
bonté en sa beauté, mais où nous l’entrevoyons seulement entre nos obscurités,
nous sommes à la vérité, inclinés et alléchés à l’aimer plus que nous-mêmes.” Ou
plutôt “quoique nous ayons cette sainte inclination naturelle d’aimer la
Divinité sur toutes choses, nous n’avons pas néanmoins la force de la pratiquer
si cette même Divinité ne répand surnaturellement dans nos cœurs sa très sainte
charité.”
[17]
C’est donc Dieu qui nous
commande de L’aimer : “O Amour céleste, que vous êtes aimable à nos âmes! et que
soit bénie à jamais la bonté, laquelle nous commande avec tant de soin qu’on
l’aime, quoique son amour soit si désirable et si nécessaire à notre bonheur que
sans lui nous ne puissions être que malheureux.”
D’ailleurs “Dieu est innocent
à l’innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres ; et son
Amour le porte quelquefois à faire des traits d’une sacrée et sainte mignardise
pour les âmes qui, par une amoureuse pureté et simplicité, se rendent, comme
petits enfants, auprès de Lui.”
[18]
Nous aimons Dieu également à
cause de ses perfections infinies infiniment aimables, qui ne sont réellement
qu’une seule et unique perfection : “... en tant qu’Il punit les pécheurs, nous
Le nommons juste; en tant qu’Il délivre le pécheur de sa misère, nous Le
prêchons miséricordieux; en tant qu’Il crée toutes choses et fait plusieurs
miracles, nous L’appelons tout-puissant; en tant qu’Il fait toutes choses en si
bel ordre, nous L’appelons tout sage... Cependant en Dieu, il n’y a ni variété
ni différence de perfection, mais Il est en Lui-même une très seule, très
simple, et très uniquement unique perfection... En Dieu, il n’y a aucune des
perfections que nous imaginons mais une seule et très pure excellence, qui est
au-dessus de toute perfection et qui donne la perfection à tout ce qui est
parfait.”
[19]
François de Sales précise, à
propos de l’Amour divin : “La perfection de l’amour divin est si souveraine
qu’elle perfectionne toutes les vertus et ne peut être perfectionnée par
elles...” En un mot: “Dieu est la dernière fin de tout ce qui est bon, comme il
en est la première source. De même l’amour qui est l’origine de toute bonne
affection en est pareillement la dernière fin et perfection.”
[20]
Dieu est notre Créateur. Il
dit un seul mot, et par ce Verbe, tout a été fait. “Cette parole étant très
simple et très unique produit toute la distinction des choses; étant invariable,
produit tous les bons changements; et enfin, étant permanente en son éternité,
elle donne succession, changement, ordre, rang et saison à toutes choses... La
souveraine unité de l’acte divin est opposée à la confusion et au désordre, et
non à la distinction ou variété, qu’elle emploie pour en composer la beauté,
déduisant toutes les différences et diversités à la proportion, et la proportion
à l’ordre, et l’ordre à l’unité du monde qui comprend toutes choses créées, tant
visibles qu’invisibles, lesquelles toutes ensemble s’appellent “univers”,
peut-être parce que toute leur diversité se réduit en unité, comme qui dirait
“univers”, c’est-à-dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec
unité.”
[21]
Dieu nous crée et nous sommes
à Lui. Dieu créa l’homme à son image et ressemblance, “aussi a-t-il ordonné un
Amour pour l’homme à l’image et ressemblance de l’Amour qui est dû à sa
Divinité.” Nous avons donc une “sainte inclination naturelle d’aimer la
Divinité sur toutes choses, mais nous n’avons pas néanmoins la force de la
pratiquer si cette même divinité ne répand surnaturellement dans nos cœurs sa
très sainte charité.”
Pourtant cette inclination
est forte “parce que nous vivons plus en Lui qu’en nous... Nous sommes forcés de
crier: je suis vôtre Seigneur, et ne dois être qu’à Vous; mon âme est vôtre et
ne doit vivre que par vous; ma volonté est vôtre et ne doit aimer que pour Vous;
mon amour est vôtre et ne doit tendre que vers Vous. Je Vous dois aimer comme
mon premier principe puisque je suis de Vous; je Vous dois aimer comme ma fin et
mon repos puisque je suis pour vous; je vous dois aimer plus que mon être
puisque mon être subsiste par Vous ; je dois Vous aimer plus que moi-même
puisque je suis tout à Vous et en Vous.”
[22]
Enfin nous aimons Dieu, parce
que Lui, nous aime, et Il nous aime d’un Amour jaloux, “d’un Amour qui ne reçoit
aucun mélange d’autre affection, voulant que tout soit pour le Bien-Aimé.”
[23]
Mais quelle est sa jalousie ?
“Il veut que nous soyons tellement siens que nous ne soyons en façon quelconque
à personne qu’à Lui... il demande tout notre cœur, toute notre âme, tout notre
esprit, toutes nos forces; pour cela même il s’appelle notre Époux, et nos âmes
ses épouses, et nomme toutes sortes d’éloignement de lui, fornication,
adultère... Notre amour lui est inutile, mais il nous est de grand profit ; et
s’il lui est agréable, c’est parce qu’il nous est profitable; car étant le
souverain bien, Il se plaît à se communiquer par son Amour sans que bien
quelconque Lui en revienne ; aussi s’écrie-t-il, se plaignant des pécheurs, par
manière de jalousie : “Ils m’ont laissé, Moi qui suis source d’eau vive, et se
sont creusé des citernes, citernes dissipées et crevassées qui ne peuvent
retenir les eaux... Mais Je regrette leur malheur parce que, m’ayant laissé, ils
se sont amusés à des puits sans eaux.” C’est donc pour l’amour de nous que Dieu
veut que nous L’aimions, parce que nous ne pouvons cesser de L’aimer sans
commencer de nous perdre ; et que tout ce que nous Lui ôtons de nos affections,
nous le perdons.”
[24]
Il a été noté plus haut que
Saint François de Sales considère généralement Dieu dans sa Trinité et ses
relations amoureuses Père-Fils. C’est à partir de ces relations que peu à peu
nous découvrirons le Cœur de Dieu: Cœur de Jésus et Cœur du Père. En effet,
quand Dieu chérit les hommes, ses amis, et bénit leurs moindres petites bonnes
actions, “c’est en contemplation de son Fils bien-aimé, duquel Il veut honorer
les enfants adoptifs, sanctifiant tout ce qui est bon en eux.”
[25]
Voici quelques exemples de
ces relations entre le Père et le Fils, vues par Saint François de sales.
Entre le Père et le Fils il
n’y a qu’une unique volonté : “Il fut écrit de Vous, ô Sauveur de mon âme, que
Vous fissiez la volonté de votre Père éternel.”
[26]
Notre Seigneur a aimé le Père
et fait sa volonté jusqu’à la Croix. Notre Sauveur exprime ainsi l’extrême
soumission de sa volonté humaine au Père : “Le Seigneur a ouvert mon oreille,
c’est-à-dire m’a annoncé son bon plaisir touchant la multitude des travaux que
je dois souffrir, et moi, je ne contredis point, je ne me retire point en
arrière...”
Ce qui signifie, traduit
François de Sales : “Ma volonté est en une simple attente et demeure disposée à
tout ce que celle de Dieu ordonnera, en suite de quoi je livre et abandonne mon
corps à la merci de ceux qui le battront...”
[27] Et
Jésus savait de quoi il était question puisqu’Il était destiné à porter les
péchés du monde. Mais Il savait que lorsqu’Il serait fait “tellement anathème,
sacrifié pour le péché et délaissé de son Père, Il ne laissait pas, néanmoins,
d’être perpétuellement le Fils bien-aimé auquel le Père prenait son bon
plaisir.”
[28]
La confiance du Seigneur
Jésus envers le Père demeura inébranlable jusqu’au bout. Proche de sa mort, au
moment de rendre l’esprit, Il se recommande à Lui: “ô mon Père, je recommande
mon esprit en vos mains” Par cette parole, dans son incroyable détresse, “le
Fils bien-aimé donna le souverain témoignage de son amour envers le Père.”
[29] Pourtant
la sensibilité de Jésus n’était pas morte, et, “élevé entre la terre et le ciel,
Notre Seigneur, qui n’était, ce semble, tenu de la main de son Père que par
l’extrême pointe de l’Esprit... demeurait pour le reste abîmé dans la tristesse.
C’est pourquoi Il s’écria: Mon Dieu! Mon Dieu! pourquoi m’as-Tu délaissé ?”
[30]
Jésus est donc Celui qui
louera et glorifiera le mieux le Père, bien davantage encore que ne peut le
faire Marie. En effet, les louanges que cette Mère d’honneur et de belle
dilection donne, avec toutes les créatures, à la Divinité “quoique excellentes
et admirables, sont néanmoins si infiniment inférieures au mérite infini de la
bonté de Dieu qu’elles n’ont aucune proportion avec Lui; et partant,
quoiqu’elles contentent grandement la sainte bienveillance, cependant elles ne
l’assouvissent pas.”
Seul le Sauveur peut louer et
glorifier correctement son Père éternel de toutes les bénédictions que son amour
filial peut lui fournir. Et nous, nous ne pouvons plus qu’admirer: “Oh! Quel
cantique du Fils pour le Père! Oh! que ce cher Bien-aimé est beau entre tous les
enfants des hommes ! Oh ! que sa voix est douce, comme procédant des lèvres sur
lesquelles la plénitude de la grâce est répandue...” Lui est le parfum même, le
baume répandu, et, au sentir des bénédictions que le Sauveur lui donne, “Il
s’écrie sans doute: Oh ! voici l’odeur des louanges de mon Fils comme l’odeur
d’un champ plein de fleurs que j’ai béni.” Seules les bénédictions que le Fils
adresse au Père sont divines car elles proviennent du Rédempteur qui est vrai
Dieu.
Dieu provoque les âmes et
donne la grâce requise pour le louer. Mais seules les louanges du Rédempteur
sont infinies. Seul le divin amour du Bien-aimé fait entrevoir, à travers la
paroi de son humanité, l’amour de la Divinité pour l’humanité: “Oui Théotime,
l’amour divin siégeant sur le Cœur du Sauveur comme sur son trône royal regarde
par la fente de son côté percé tous les cœurs des enfants des hommes. Car ce
Cœur, étant le roi des cœurs, tient toujours les yeux sur les cœurs... et le
Cœur du divin Amour voit toujours clairement les nôtres et les regarde du haut
de sa dilection, mais nous ne le voyons pas.”
[31]
Le Cœur divin est amoureux de
notre amour ! Soit! et Il déclare sa passion amoureuse pour nous et nous
commande de L’aimer... “La bonté divine anime toutes les âmes et encourage tous
les cœurs à son amour, sans qu’un homme quelconque soit caché à sa chaleur...
Mais Dieu ne se contente pas d’annoncer son extrême désir d’être aimé... Il va
même de porte en porte, heurtant et frappant, protestant que si quelqu’un ouvre,
Il entrera chez lui et soupera avec lui, c’est-à-dire, Il lui témoignera toute
sorte de bienveillance.... Il appelle l’âme: sus lève-toi, ma bien-aimée,
dépêche-toi: et Il met sa main dans la serrure pour voir s’Il pourrait ouvrir.”
[32] Dieu
est à la porte de nos cœurs, et par le bon exemple donné par d’autres chrétiens,
voici que Dieu appelle, éveille, et nous donne le premier sentiment de la
chaleur vitale de son Amour. “Ô Jésus! que c’est un plaisir délicieux de voir
l’Amour céleste, qui est le soleil des vertus, quand petit à petit, par des
progrès qui insensiblement se rendent sensibles, il va déployant sa clarté sur
une âme.”
[33]
“Notre cœur humain produit
bien naturellement certains commencements d’amour envers Dieu; mais d’en venir
jusques à L’aimer sur toutes choses, ce qui est la vraie maturité de l’amour dû
à cette suprême bonté, cela n’appartient qu’aux cœurs animés et assistés de la
grâce céleste, et qui sont en l’état de la sainte charité.”
[34]
Nous avons vu plus haut
comment de la complaisance naissait l’amour. L’amour se fait aussi par la
correspondance et la proportion qui unissent deux choses, autrement dit, la
convenance : “La convenance qui cause l’amour, ne consiste pas toujours en la
ressemblance, mais en la proportion, rapport ou correspondance de celui qui aime
à la chose aimée, de telle sorte qu’elles (ces deux choses) puissent recevoir
mutuellement de la perfection et devenir meilleures.”
[35] Quand
l’homme pense à Dieu, il sent une certaine émotion dans son cœur, ce qui prouve
que Dieu est Dieu du cœur humain.
La confiance que le cœur
humain prend naturellement en Dieu, provient “de la bonne convenance qu’il y a
entre la divine bonté et notre âme... Créés à l’image et ressemblance de Dieu...
nous avons une extrême convenance avec la divine Majesté... Mais outre cette
convenance de similitude, il y a une correspondance non pareille entre Dieu et
l’homme, par leur réciproque perfection; non que Dieu puisse recevoir aucune
perfection de l’homme, mais parce que, comme l’homme ne peut être perfectionné
que par la divine bonté, ainsi la Divine Bonté ne peut bonnement si bien exercer
sa perfection hors de soi qu’à l’endroit de notre humanité. L’un a grand besoin
et grande capacité de recevoir du bien, et l’autre grande abondance et grande
inclination pour en donner... C’est donc un doux et désirable rencontre (sic)
[36] que
celui de l’affluence et de l’indigence.”
[37] Et à
mesure que Dieu regarde notre âme, “notre âme réciproquement regarde sa divine
bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse à tous
les accroissements que cette souveraine douceur fait de son divin Amour envers
elle.”
[38]
Dieu a donné à l’homme une
inclination naturelle pour L’aimer. Bien que notre nature ait été dépravée par
le péché, “la sainte inclination d’aimer Dieu sur toutes choses nous est
demeurée, comme aussi la lumière naturelle par laquelle nous connaissons que sa
souveraine bonté est aimable sur toutes choses; et il n’est pas possible qu’un
homme pensant attentivement à Dieu... ne ressente un certain élan d’amour que la
secrète inclination de notre nature suscite au fond du cœur.” Au premier regard
qu’il jette sur Dieu, ‘la naturelle et première inclination d’aimer Dieu, qui
était comme assoupie et imperceptible, se réveille en un instant et à l’imprévu
paraît, comme une étincelle qui sort d’entre les cendres, laquelle, touchant
notre volonté, lui donne un élan de l’amour suprême dû au souverain et premier
principe de toutes choses.”
[39]
Il y a plusieurs espèces
d’amour: “L”amour de bienveillance par lequel nous aimons quelque chose pour son
bien à elle”, et l’amour de convoitise “par lequel nous aimons quelque chose
pour le profit que nous en tirons..”
“Quand l’amour de
bienveillance est exercé sans correspondance de la part de la chose aimée, il
s’appelle “amour de simple bienveillance; quand il est avec mutuelle
correspondance, il s’appelle amour d’amitié... Si nous aimons simplement l’ami,
sans le préférer aux autres, l’amitié est simple ; si nous le préférons, alors
cette amitié s’appellera dilection, comme qui dirait amour d’élection... Quand
nous préférons et beaucoup un ami aux autres, alors cette amitié s’appelle
dilection d’excellence... Mais si l’éminence de cette amitié est hors de
proportion et de comparaison, au-dessus de toute autre, alors elle sera dite
dilection incomparable, souveraine, suréminente, et en un mot, ce sera la
charité, laquelle est due à un seul Dieu... Ainsi, le nom de charité est demeuré
à l’amour de Dieu comme à la suprême et souveraine dilection.”
[40]
– L’amour de Dieu
pour nous
Dieu nous aime depuis toute
éternité, et cela a été en raison de sa miséricorde par laquelle Il nous a
sauvés, ”par cette charité ancienne et même éternelle qui a ému sa divine
Providence de nous attirer à soi. Que si le Père ne nous eût tirés, jamais nous
ne fussions venus au Fils notre Sauveur, ni par conséquent au salut.” À cause
de notre déloyauté nous méritions d’être abandonnés de Dieu...
Mais, l’éternelle charité de
Dieu excite sa compassion et Le provoque à nous retirer de notre malheur, “ce
qu’Il fait en envoyant le vent de sa très sainte inspiration, laquelle venant
avec une douce violence dans nos cœurs, elle les saisit et les émeut, relevant
nos pensées et poussant nos affections en l’air du divin amour.” Nous dormions,
hélas!, et c’est cette première émotion et secousse que l’âme sent, quand Dieu
l’éveille et l’excite à quitter le péché, qui nous éveille. “C’est en sursaut et
à l’imprévu que Dieu nous appelle et réveille par sa très sainte inspiration. En
ce commencement de la grâce céleste nous ne faisons rien que sentir
l’ébranlement que Dieu fait en nous, comme dit Saint Bernard, mais sans nous.”
[41]
– Par-dessus tout, Dieu nous
donne le saint Amour
Dieu nous a tout donné, mais
par dessus tout, nous avons reçu les biens surnaturels du saint Amour. Si nous
avons “quelque amour pour Dieu, à Lui en soit l’honneur et la gloire, qui a tout
fait en nous, et sans lequel rien n’a été fait...”
[42] L’Amour
donne à l’âme tous les bons mouvements qu’elle a. “Quand le divin Amour règne
dans nos cœurs, il assujettit royalement tous les autres amours de la volonté,
et par conséquent, toutes les affections... Qui aura l’Amour de Dieu un peu
abondamment n’aura plus ni désir, ni crainte, ni espérance, ni courage, ni joie
que pour Dieu, et tous ses mouvements auront leur repos en ce seul Amour
céleste.”
[43]
– Et d’abord, Il
nous donne la foi ”qui comprend un commencement d’amour que notre cœur ressent
envers le choses divines”
[44] car, à
la lumière de la foi, notre volonté sent la sainte chaleur de l’Amour céleste.
“Notre pauvre cœur ayant trouvé Dieu et reçu de Lui le premier baiser de la
sainte foi, il se fond par après en suavité d’Amour pour le bien infini qu’il
voit d’abord tout de suite en cette souveraine beauté.”
[45]
– Puis, quand la
foi a montré à notre cœur le souverain bien, notre cœur le désire et l’aime plus
ardemment “car aussi sa bonté est d’autant plus aimable et désirable qu’elle est
plus disposée à se communiquer. Or, par ce progrès, l’amour a converti son désir
en espérance.”
[46]
– Notre Seigneur
prend soin continuellement de la conduite de ses enfants, “c’est-à-dire de ceux
qui ont la charité, les faisant marcher devant Lui, leur tendant la main dans
les difficultés et les portant dans les peines qu’Il voit leur être, autrement,
insupportables.”
[47]
– L’amour est à
l’origine de toutes les passions, “c’est pourquoi c’est lui qui entre le premier
dans le cœur, et parce qu’il pénètre et perce jusqu’au fond de la volonté où il
a son siège, on dit qu’il blesse le cœur... c’est une sorte de blessure que
Dieu lui-même fait quelquefois en l’âme qu’Il veut grandement perfectionner. Car
Il lui donne des sentiments admirables et des attraits non pareils pour sa
souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de L’aimer.”
[48]
Tout ce qui précède constitue
en fait l’inclination naturelle que Dieu a mise en nous pour l’aimer, et tout
nous vient du secours et de la bonté paternelle de Dieu: “L’inclination, Dieu
s’en sert comme d’une anse, pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer
à soi, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque
façon attachés nos cœurs comme des petits oiseaux par un filet, par lequel Il
puisse nous tirer quand il plaît à sa miséricorde d’avoir pitié de nous... Dieu
s’est réservé le droit de nous reprendre à soi pour nous sauver, selon que la
sainte et suave Providence le requerra.
C’est pourquoi le grand
prophète royal appelle cette inclination non seulement lumière, parce qu’elle
nous fait voir où nous devons tendre, mais aussi joie et allégresse, parce
qu’elle nous console en notre égarement...”
[49]
– Dieu nous donne
son bonheur et sa joie, une joie qui déborde du cœur de Saint François de Sales
quand il parle de l’union des bienheureux avec Dieu : “O Jésus ! quelle joie
pour le cœur humain de voir la face de la divinité, face tant désirée...
[50] Ah!
mon Dieu, au Ciel la divinité s’unira elle-même à notre entendement, sans
entremise d’espèce ni représentation quelconque; et elle s’appliquera et joindra
elle-même à notre entendement, se rendant tellement présente à lui que cette
intime présence tiendra lieu de représentation et d’espèce. O vrai Dieu, quelle
suavité à l’entendement humain d’être à jamais uni à son souverain objet,
recevant non sa représentation, mais sa présence... Bonheur infini dont nous
avons des arrhes au très Saint Sacrement de l’Eucharistie, festin perpétuel de
la grâce divine ; car en lui nous recevons le Sang du Sauveur en sa Chair, et sa
Chair en son Sang, son Sang nous étant appliqué par sa Chair, sa substance par
sa substance à notre propre bouche corporelle... Il est vrai qu’ici cette faveur
nous est faite réellement, mais à couvert sous les espèces et apparences
sacramentelles...
[51] O
Dieu ! quelle joie nous aurons au Ciel, lorsque nous verrons le Bien-aimé de nos
cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et
bonté!”
[52]
– Enfin, Dieu
nous a sauvés et rendus siens en nous envoyant son Fils, le Rédempteur, “ce
divin Rédempteur étendu sur la Croix comme sur son bûcher d’honneur où Il meurt
d’amour pour nous, mais d’un amour plus douloureux que la mort même, ou d’une
mort plus amoureuse que l’Amour même....
[53] car
notre divin Sauveur fut condamné comme criminel de lèse-Majesté divine et
humaine, battu, flagellé, bafoué et tourmenté avec une ignominie extraordinaire,
en sa vie naturelle mourant entre les plus cruels et sensibles tourments que
l’on puisse imaginer. En sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes,
épouvantements, angoisses, délaissements et oppressions intérieures, qui
n’eurent, ni n’en auront jamais de pareilles...”
[54]
Dieu nous aime, et Jésus le
rappellera plus tard à Marguerite-Marie en lui montrant son Cœur qui a tant aimé
les hommes. Dieu veut que, en retour, nous L’aimions, et pour cela Il a fait et
continue de faire tout le nécessaire.
Il nous inspire d’abord une
crainte salutaire : “Notre Seigneur, qui était venu pour nous apporter la loi
d’Amour, ne laisse pas de nous inculquer la crainte, laquelle provient de la
connaissance naturelle que Dieu nous a donnée de sa Providence et nous fait
reconnaître combien nous dépendons de la toute puissance souveraine, nous
incitant à l’implorer et, se trouvant en une âme fidèle, elle (la crainte) lui
fait beaucoup de bien.”
[55]
Mais, par dessus tout, Dieu
exerce sur chacun de nous un attrait puissant, nous dévoilant ainsi l’immense
amour de son Cœur amoureux des hommes: “Notre Seigneur montrant le très aimable
sein de son divin Amour à l’âme dévote, il la tire toute à soi, la ramasse et,
par manière de dire, Il replie toutes les puissances de cette âme dans le sein
de sa douceur plus que maternelle; puis brûlant d’Amour, Il la serre, Il la
joint, la presse et la colle sur ses lèvres de suavité et sur sa douce poitrine,
la baisant du saint baiser de sa bouche.”
[56]
D’où la prière jaillie du
cœur de Saint François de Sales :
“O Seigneur Jésus, mon
aimant, soyez mon tire-cœur, serrez, pressez et unissez à jamais mon esprit sur
votre paternelle poitrine... Ah! Seigneur, puisque votre Cœur m’aime, que ne me
ravit-il à soi, puisque je le veux bien ? Tirez-moi et je courrai à la suite de
vos attraits pour me jeter entre vos bras paternels et n’en bouger jamais dans
les siècles des siècles. Amen !”
[57]
Car Dieu, Père de toute
lumière, souverainement bon et beau, "par sa beauté attire notre entendement à
Le contempler, et par sa bonté il attire notre volonté à L’aimer... Il répand
son amour dans notre volonté... L’Amour nous provoquant à la contemplation et la
contemplation à l’amour, il suit que l’extase, le ravissement, dépend totalement
de l’Amour, car c’est l’Amour qui porte l’entendement à la contemplation et la
volonté à l’union.”
[58]
Devant un tel Amour, celui
que Dieu nous porte, il nous est impossible de ne pas aimer Dieu. "Une goutte de
cet Amour vaut mieux, a plus de force et mérite plus d’estime que tous les
autres amours qui jamais puissent être dans les cœurs des hommes et parmi les
chœurs d’anges. Car, tandis que cet amour vit, il règne et tient le sceptre sur
toutes affections, faisant préférer Dieu en sa volonté à toutes choses
indifféremment, universellement et sans réserve.”
[59]
Cela, c’est l’amour vrai,
celui qui fait dire à Saint François de Sales: “Un trésor ne suffit pas au gré
de notre divin ami; mais Il veut que nous ayons tant de trésors que notre trésor
soit composé de plusieurs trésors, c’est-à-dire, Théotime, qu’il faut avoir un
désir insatiable d’aimer Dieu, pour joindre toujours dilection à dilection.... ô
cœur de mon âme, qui es créé pour aimer le bien infini, quel amour peux-tu
désirer sinon cet Amour qui est le plus désirable de tous les amours ? Hélas ! ô
âme de mon cœur, quel désir peux-tu aimer sinon le plus aimable de tous les
désirs ? O amour des désirs sacrés, ô désirs du saint Amour ! Oh ! que j’ai
convoitise de désirer vos perfections !”
[60]
Dès lors, Dieu, par son Amour
agit sur notre volonté “puisque l’amour est le plus pressant docteur et
solliciteur pour persuader au cœur qu’il possède l’obéissance aux volontés et
intentions du Bien-Aimé.”
[61] Le
cœur rempli d’Amour de Dieu aime les commandements et les trouve agréables. En
effet, “la loi du Sauveur, qui est le vrai Agneau chaste, est une charge qui
délasse, qui soulage, et recrée les cœurs qui aiment sa divine Majesté.... Le
divin Amour nous rend donc conformes à la volonté de Dieu et nous fait
soigneusement observer ses commandements en leur qualité de désir absolu de sa
divine Majesté.”
[62]
Que de suavités l’âme peut
alors trouver en l’amour des saints commandements de Dieu! “Car l’âme qui aime
est tellement transformée en la volonté divine qu’elle mérite plutôt d’être
nommée volonté de Dieu qu’obéissante ou sujette à la volonté divine... qui
devient sa volonté à elle.”
[63]
Il y a encore autre chose. Il
ne faut surtout pas oublier que Dieu a envoyé son Fils pour nous sauver, et que
notre rédemption s’est faite par la Croix, la Croix de Jésus qu’il nous faut
chérir et embrasser de toute notre dilection.
[64]
Dès lors, nous pouvons nous
écrier avec François de Sales : “Qui désire ardemment l’amour, aimera bientôt
avec ardeur. O Dieu ! qui nous fera la grâce que nous brûlions de ce désir, qui
est le désir des pauvres et la préparation de leur cœur, que Dieu exauce
volontiers... Qui bien désire la dilection, bien la cherche; qui bien la
cherche, bien la trouve ; qui bien la trouve, il a trouvé la source de la vie,
de laquelle il puisera le salut du Seigneur. Crions nuit et jour Théotime:
Venez, ô Saint-Esprit, remplissez les cœurs de vos fidèles, et allumez en eux le
feu de votre Amour? O Amour céleste ! Quand comblerez-vous mon âme ?”
[65]
Dieu nous a donné la vie ; Il
est pour nous Providence, et Miséricorde. Il est aussi le Rédempteur. “Il nous a
rendus siens par le Baptême, et nous a nourris tendrement selon le cœur et selon
le corps, par un Amour incompréhensible; et pour nous acquérir la vie, Il a
supporté la mort, et nous a nourris de sa propre Chair et de son propre Sang...
Ce divin Rédempteur étendu sur la Croix... meurt d’amour pour nous, mais d’un
Amour plus douloureux que la mort même, ou d’une mort plus amoureuse que l’amour
même.”
[66]
Par sa Providence, Dieu
pourvoit à tous nos besoins puisque “c’est l’acte par lequel Dieu peut fournir
aux hommes et aux anges les moyens nécessaires ou utiles à leur fin... Cette
Providence touche tout, règne sur tout et réduit tout à sa Gloire.””[67]
Donc, la Providence pourvoit
aussi à nos besoins spirituels, et ses grâces sont, elles aussi, variées à
l’infini : “... Puisque la beauté du monde requiert la variété, il faut qu’il y
ait des différentes et inégales perfections dans les choses, et que l’une ne
soit pas l’autre... C’en est de même dans les choses surnaturelles: chaque
personne a son don; un ainsi, et l’autre ainsi, dit le Saint-Esprit... L’Église
est un jardin diapré de fleurs infinies; il y en faut donc de diverses
grandeurs, de diverses couleurs, de diverses odeurs et en somme de différentes
perfections.”
[68]
Toutes ces pièces
diversifiées ont leur usage propre, “ou pour faire paraître la très sainte
justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante miséricorde de sa bonté,
comme par une sonnerie de louanges... Son Amour envers nous est un abîme
incompréhensible : c’est pourquoi il nous a préparé une riche suffisance, ou
plutôt une riche affluence de moyens propres pour nous sauver... sa sagesse
souveraine ayant, par son infinie science, prévu et connu tout ce qui était
requis à cet effet.”
[69]
Dieu connaît bien notre
faiblesse, aussi sa Providence nous a-t-elle aussi donné une sainte crainte, que
François de Sales appelle “crainte servile” jusqu’à ce que nous ayons enfin
acquis la charité parfaite: “Tandis que la Providence divine fait la broderie
des vertus et l’ouvrage de son Saint Amour en nos âmes, elle y laisse toujours
la crainte servile ou mercenaire, jusques à ce que la charité étant parfaite,
elle ôte cette aiguille piquante.”
[70]
En effet, “les éclairs,
tonnerres, foudres, tempêtes, inondations, tremblements de terre et autres tels
accidents inopinés excitent même les plus indévots à craindre Dieu...” Il sont
d’ailleurs appelés “voix du Seigneur” ou “paroles du Seigneur” par le psalmiste.
Cette crainte servile est “un effet d’une très bonne cause, et cause d’un très
bon effet, car elle provient de la connaissance naturelle que Dieu nous a donnée
de sa Providence et nous fait reconnaître combien nous dépendons de la toute
puissance souveraine, nous incitant à l’implorer et, se trouvant en une âme
fidèle, elle lui fait beaucoup de bien.”
[71]
Par sa Miséricorde, Dieu
regarda notre nature humaine et la prit en pitié. “Sa Miséricorde a été plus
salutaire pour racheter la race des hommes que la misère d’Adam avait été
vénéneuse pour la perdre... La faveur céleste prend plaisir de convertir toutes
ces misères au plus grand profit de ceux qui l’aiment... Sa miséricorde, comme
une huile sacrée, se tient au-dessus du jugement, et ses misérations (sic)
surmontent toutes ses œuvres.”[72] Dieu
ne délivre personne de la damnation sinon par sa Miséricorde gratuite, par
Jésus-Christ Notre Seigneur.”
[73]
La Miséricorde de Dieu va
encore beaucoup plus loin: “elle convertit et gratifie ordinairement les âmes en
une manière si douce, si suave et délicate, qu’à peine aperçoit-on son
mouvement; et néanmoins, il arrive quelquefois que cette bonté souveraine...
comme un fleuve enflé et pressé de l’affluence de ses eaux qui débordent...
fasse une effusion de grâces si impétueuse, quoiqu’amoureuse, qu’en un moment
elle détrempe et couvre toute une âme de bénédictions, afin de faire paraître
les richesses de son Amour...
La grâce a des forces non
pour forcer, mais pour allécher le cœur; elle a une sainte violence non pour
violer notre liberté, mais pour la rendre amoureuse; et elle agit si fortement
et si suavement que notre volonté ne demeure point accablée sous une si
puissante action; elle nous presse, mais elle n’oppresse pas notre franchise
(liberté)... tant la main de Dieu est aimable au maniement de notre cœur, tant
elle a de dextérité pour nous communiquer sa force sans nous ôter notre liberté
et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empêcher celui de notre
vouloir ajustant sa puissance à sa suavité...”
[74]
Nous devons avoir une extrême
complaisance de voir comment Dieu exerce sa Miséricorde, “car sa justice et sa
Miséricorde sont également aimables et admirables;.. Ainsi, la mort, les
afflictions, les sueurs, les travaux dont notre vie déborde... sont les peines
du péché; mais, par sa douce Miséricorde, ce sont aussi des échelons pour monter
au Ciel.”
[75]
Ayant contemplé la
Miséricorde divine, François de Sales peut prier: “O bonté d’infinie douceur,
que votre volonté est aimable! Que vos faveurs sont désirables! Vous nous avez
créés pour la vie éternelle et votre Cœur Sacré, comme le cœur maternel rempli
d’un amour incomparable, abonde en lait de miséricorde, soit pour pardonner aux
pénitents, soit pour perfectionner les justes.”
[76]
Dieu perfectionne les justes,
pour les remplir toujours davantage de son Amour, les transformer en Lui, et les
conduire à l’union avec Dieu. Dieu leur donne d’abord la grâce du
recueillement, lequel “ne gît pas en notre volonté, mais advient quand il plaît
à Dieu de nous faire cette grâce... Il arrive quelquefois que Notre Seigneur
répande imperceptiblement au fond du cœur une certaine suavité qui témoigne sa
présence, et alors les puissances, et même les sens extérieurs de l’âme, par un
certain secret consentement, se retournent du côté de cette intime partie où est
le très aimable et très cher Époux... Notre Seigneur retire ainsi à soi toutes
les facultés de notre âme, lesquelles se ramassent autour de Lui comme en leur
objet très désirable... Ce recueillement se fait par l’amour qui, sentant la
présence du Bien-Aimé par les attraits qu’Il répand au milieu du cœur, ramasse
et rapporte toute l’âme vers Lui par une très aimable inclination, par un très
doux contournement et par un délicieux repli de toutes les facultés du côté du
Bien-aimé qui les attire à soi par la force de la suavité.”
[77]
O Dieu éternel, quel mystère
quand vous manifestez votre présence par les parfums délicieux que vous jetez
dans nos cœurs! “Alors toutes les puissances de nos âmes entrent en un agréable
repos, avec un apaisement si parfait qu’il n’y a plus aucun sentiment que celui
de la volonté, laquelle, comme l’odorat spirituel, demeure doucement engagée à
sentir sans s’en apercevoir, le bien incomparable d’avoir son Dieu présent.”
[78]
Dieu présent peut agir et
nous unir à Lui,” car nulle âme ne peut s’unir à Dieu si Dieu ne va à elle; et
nulle âme ne peut aller à Dieu si elle n’est tirée par Lui.”
[79] Notre
Seigneur pria son Père pour que tous ses disciples soient uns, comme Lui et le
Père étaient UN.
L’âme juste peut devenir
épouse de Notre Seigneur et être aussi très étroitement unie à son Seigneur.
D’abord par la puissance de la Charité: “Dieu nous ayant donné sa Charité, et
par elle la force... son Amour ne Lui permet pas de nous laisser aller seuls;
mais il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse et sollicite son Cœur
de solliciter et pousser le nôtre à bien employer la sainte Charité.”
[80]
Dès lors, avec la Charité,
l’âme va rapidement se transformer. "A force de se plaire en Dieu, on devient
conforme à Dieu, et notre volonté se transforme en celle de la divine Majesté
par la complaisance qu’elle y prend... La complaisance sacrée nous transforme en
Dieu que nous aimons; et à mesure qu’elle est plus grande, la transformation est
plus parfaite... L’amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour
persuader au cœur qu’il possède l’obéissance aux volontés et intentions du
Bien-aimé... Quiconque se plaît véritablement en Dieu, désire de plaire
fidèlement à Dieu et, pour lui plaire, de se conformer à Lui.”
[81]
Nos cœurs ont soif de Dieu,
une soif qui ne peut être étanchée que par Lui-même. Une soif qui ne sera
vraiment et totalement étanchée qu’au ciel: “O Jésus! quelle joie pour le cœur
humain de voir la face de la Divinité, face tant désirée, bien plus! face,
l’unique désir de nos âmes!... Quelle union de notre cœur à Dieu là-haut au
Ciel, où, après ces désirs infinis du vrai bien, jamais assouvis en ce monde,
nous en trouverons la vivante et puissante source!...” Quelle joie alors pour
notre âme, toute haletante de la soif extrême du vrai bien, quand elle
rencontrera la source inépuisable de la Divinité: “O vrai Dieu, quelle sainte et
suave ardeur à s’unir et joindre à ces mamelles fécondes de la toute bonté, ou
pour être tout abîmée (l’âme) en elles, ou afin qu’elle vienne toute en nous!”
[82]
Nous contemplerons alors Dieu
comme notre fontaine de la béatitude et de la vie éternelle, nous contemplerons,
non par la foi comme maintenant, mais “nous Le verrons par la lumière de gloire
dans laquelle nous serons plongés et abîmés en elle... Dieu répandra dans notre
entendement la lumière sacrée de gloire qui lui fera jour dans cet abîme de
lumière inaccessible, afin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté
de la divinité.”
[83]
La volonté gouverne nos
facultés. "Elle a du pouvoir sur l’entendement et sur la mémoire,... non par
force, mais par autorité, en sorte qu’elle n’est pas toujours infailliblement
obéie...” Si nous n’y prenons garde, notre volonté peut être dominée par nos
mauvaises passions: “Avant que tu fasses le péché, tant que le péché n’est pas
encore en ton consentement mais seulement en ton sentiment, c’est-à-dire qu’il
est encore en ton appétit et non en ta volonté, ton appétit est sous toi, et tu
le maîtriseras... Avant que ta volonté consente à l’appétit, elle domine sur
lui, mais, après le consentement, elle devient son esclave.”
[84]
L’amour est la première -et
même le principe et l’origine- de toutes les passions. “C’est pourquoi c’est lui
qui entre le premier dans le cœur, et parce qu’il pénètre et perce jusqu’au fond
de la volonté où il a son siège, on dit qu’il blesse le cœur... Parlant de
l’Amour sacré, il y a en sa pratique une sorte de blessure que Dieu lui-même
fait quelquefois en l’âme qu’Il veut grandement perfectionner. Car Il lui donne
des sentiments admirables et des attraits non pareils pour sa souveraine bonté,
comme la pressant et sollicitant de L’aimer, et alors elle s’élance de force
comme pour voler plus haut vers son divin objet; mais demeurant courte parce
qu’elle ne peut pas tant aimer comme elle désire, ô Dieu! elle sent une douleur
qui n’a point d’égale... Le cœur amoureux de son Dieu, désirant infiniment
d’aimer voit bien que néanmoins il ne peut ni assez aimer ni assez désirer...
Désirant d’aimer, il reçoit de la douleur; mais aimant à désirer, il reçoit de
la douceur...”
[85]
Souvenons-nous que c’est
toujours l’amour qui domine la volonté: “L’amour étant la première complaisance,
il précède le désir,... il précède la délectation,... il précède l’espérance,...
Il précède la haine, car nous ne haïssons le mal que pour l’amour que nous avons
envers le bien... La droite volonté est l’amour bon, la volonté mauvaise est
l’amour mauvais, c’est-à-dire en un mot, que l’amour domine tellement en la
volonté qu’il la rend toute telle qu’il est... La volonté change aussi de
qualité selon l’amour qu’elle épouse... La volonté n’aime qu’en voulant aimer,
et de plusieurs qui se présentent à elle, elle peut s’attacher à celui que bon
lui semble... Elle est maîtresse sur les amours... et demeure asservie à celui
qu’elle choisit. Pendant qu’un amour vit en la volonté, il y règne et elle
demeure soumise à ses mouvements... Pour faire vivre et régner l’Amour de Dieu
en nous, nous devons amortir l’amour-propre, et si nous ne pouvons l’anéantir
entièrement, au moins nous devons l’affaiblir en sorte qu’il n’y règne plus.”
[86]
La charité, c’est d’abord une
amitié, mais “une amitié vraie car elle est réciproque. Dieu ayant aimé
éternellement quiconque L’a aimé, L’aime ou L’aimera temporellement. Elle est
déclarée et reconnue mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l’amour que
nous avons pour Lui, puisque Lui-même nous le donne... Nous sommes en
perpétuelle communication avec Lui, qui ne cesse de parler à nos cœurs par
inspirations, attraits et mouvements sacrés...
Cette amitié de dilection,
n’est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angélique puissent
produire, mais le Saint-Esprit le donne et le répand en nos cœurs... La charité,
donc, est un amour d’amitié, une amitié de dilection de préférence, mais de
préférence incomparable, souveraine et surnaturelle, laquelle est comme un
soleil en toute l’âme, pour embellir de ses rayons, en toutes les facultés
spirituelles pour les perfectionner, en toutes les puissances pour les modérer,
mais en la volonté comme en son siège, pour y résider et lui faire chérir et
aimer son Dieu sur toutes choses. Oh! que bienheureux est l’esprit dans lequel
cette sainte dilection est répandue, puisque tous biens lui arrivent
pareillement avec elle.”
[87]
L’amour de Dieu conduit
nécessairement à l’amour du prochain.”La même charité qui produit les actes de
l’amour de Dieu produit aussi ceux de l’amour du prochain... Une même dilection
s’étend à chérir Dieu et le prochain. Car aimer le prochain par charité, c’est
aimer Dieu en l’homme, ou l’homme en Dieu ; c’est chérir Dieu seul pour l’amour
de Lui-même et la créature pour l’amour de Lui...
Notre prochain, Dieu l’a
formé comme nous à son image et ressemblance. “C’est pourquoi non seulement le
divin Amour commande maintes fois l’amour du prochain, mais il le produit et
répand lui-même dans le cœur humain, comme sa ressemblance et son image...
L’amour sacré de l’homme envers l’homme est la vraie image de l’amour céleste de
l’homme envers Dieu... Ainsi, le comble de l’Amour de la divine bonté du Père
céleste consiste en la perfection de l’amour de nos frères.”
[88]
Comme tous les mystiques,
François de Sales s’est arrêté, ou plutôt a été arrêté par la volonté divine sur
l’Amour de prédilection (prédilection) que le Seigneur a pour les âmes qu’Il
s’est choisies de toute éternité, pour ses âmes privilégiées. Il est impossible
de contempler l’Amour de Dieu sans rapporter ici quelques paroles de François de
Sales concernant les âmes privilégiées.
Tout d’abord en ce qui
concerne la manière dont s’exerce la Miséricorde de Dieu en faveur des âmes
pécheresses, c’est-à-dire nous tous:
“Il faut donner un rang
particulier à ces âmes privilégiées dans lesquelles Dieu s’est plu d’exercer non
la seule affluence mais l’inondation, et s’il faut ainsi dire, non la seule
libéralité et effusion, mais la prodigalité et profusion de son Amour...”
La justice divine doit
s’exercer, parfois sévèrement, mais “sa Miséricorde convertit et gratifie
ordinairement les âmes en une manière si douce, si suave et délicate qu’à peine
aperçoit-on son mouvement ; et néanmoins, il arrive quelquefois que cette bonté
souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé
de l’affluence de ses eaux, et qui se déborde dans la plaine, elle fait une
effusion de ses grâces si impétueuse quoiqu’amoureuse, qu’en un moment elle
détrempe et couvre toute une âme de bénédictions, afin de faire paraître les
richesses de son amour... Ainsi, sa Miséricorde fait l’exercice de sa libéralité
par voie ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques-unes aussi par des
moyens extraordinaires.”
[89]
Quelle est donc l’action de
la charité répandue sur ceux qui sont consacrés au service de Dieu ?“Le motif de
la divine charité répand une influence de perfection particulière sur les
actions vertueuses de ceux qui se sont spécialement dédiés à Dieu pour le servir
à jamais. Tels sont les évêques et les prêtres qui, par une consécration
sacramentelle et par un caractère spirituel qui ne peut être effacé, se vouent,
comme serfs stigmatisés et marqués, au perpétuel service de Dieu. Tels les
religieux qui, par les vœux, solennels ou simples, sont immolés à Dieu en
qualité d’hostie vivante et raisonnable. Tels tous ceux qui se rangent aux
congrégations pieuses (expression prise dans son sens du 16e siècle)
dédiées à jamais à la Gloire divine. Tels tous ceux encore qui, à dessein, se
procurent de profondes et puissantes résolutions de suivre la volonté de Dieu,
faisant pour cela des retraites de quelques jours afin d’exciter leurs âmes, par
divers exercices spirituels, à l’entière réformation de leur vie.”
[90]
Le Cœur de Jésus se révèle
d’abord durant la Passion: “Représentons-nous le doux Jésus chez Pilate où, pour
l’amour de nous, les gens d’armes ministres de la mort, le dévêtirent de ses
habits l’un après l’autre et, non contents de cela, lui ôtèrent encore sa chair,
la déchirant à coups de verges et de fouets, comme ensuite son âme fut
dépouillée de son corps et le corps de sa vie, par la mort qu’il souffrit sur la
Croix. Mais, trois jours passés, par sa sainte Résurrection, l’âme se revêtit de
son corps glorieux et le corps de sa chair immortelle... L’Amour fit tout cela.”
[91]
Car Jésus est venu, par
amour, pour nous sauver, nous délivrer du péché, et nous rendre la vie: “Vous
nous avez créés pour la vie éternelle et votre Cœur sacré, comme le cœur
maternel rempli d’un Amour incomparable, abonde en lait de miséricorde, soit
pour pardonner aux pénitents, soit pour perfectionner les justes.”
[92]
Pour parler de l’Amour de
Jésus, de sa charité à notre égard, pour parler du Cœur de Jésus sans toutefois
le nommer, Saint François de Sales est intarissable, et il est impossible de ne
pas s’arrêter longuement sur une telle contemplation amoureuse. “La charité de
Jésus-Christ nous presse, elle nous force et violente par son infinie douceur,
pratiquée en tout l’ouvrage de notre rédemption, dans lequel est apparu la
bénignité et l’Amour de Dieu envers les hommes; car qu’est-ce que ce divin Ami
ne fit pas en matière d’amour ?
1° Il nous aima d’amour de
complaisance car ses délices furent d’être avec les enfants des hommes et
d’attirer l’homme à soi, se rendant homme Lui-même.
2° Il nous aima d’amour de
bienveillance, jetant sa propre Divinité en l’homme en sorte que l’homme fût
Dieu.
3° Il s’unit à nous par une
conjonction incompréhensible, en laquelle il adhéra, et se serra à notre nature,
si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si
étroitement joint et pressé à l’humanité, qu’est maintenant la très sainte
Divinité, en la personne du Fils de Dieu.
4° Il s’écoula tout en nous
et fondit sa grandeur pour la réduire à la forme et figure de notre petitesse;
d’où il est appelé source d’eau vive, rosée et pluie du ciel.
5° Il s’est en quelque sorte
quitté Soi-même, Il s’est renoncé Soi-même, Il s’est épuisé de sa grandeur et de
sa gloire, il s’est démis du trône de son incompréhensible Majesté, et Il s’est
anéanti Soi-même pour venir à notre humanité, nous remplir de sa divinité, nous
combler de sa bonté, nous élever à sa dignité et nous donner le divin être
d’enfant de Dieu... Celui qui habitait en Soi-même habite maintenant en nous...
et Celui qui éternellement n’avait été que Dieu sera éternellement à jamais
encore homme, tant l’amour de l’homme a ravi Dieu...
6° Il admira souvent par
dilection, comme il fit le Centenier et la Cananéenne.
7° Il contempla le jeune
homme qui avait jusqu’à l’heure gardé les commandements...
8° Il prit une amoureuse
quiétude en nous... dans le sein de sa mère, et en son enfance.
9° Il a eu des tendretés
admirables envers les petits enfants qu’Il prenait dans ses bras... envers
Marthe et Magdeleine, envers Lazare qu’Il pleura, comme sur la cité de
Jérusalem.
10° Il fut animé d’un zèle
sans égal envers notre nature humaine...
11° L’Amour qu’Il nous
portait Le pressait afin de nous voir délivrés par sa mort, de la mort
éternelle...
12° Enfin, Théotime, ce divin
Sauveur mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, à cause de
l’infinie charité qu’Il avait envers nous et par la force et vertu de l’Amour;
c’est-à-dire, Il mourut en l’Amour, par l’Amour, pour l’amour de l’Amour... O
Dieu, quel brasier pour nous enflammer à faire les exercices du saint amour pour
le Sauveur tout bon, voyant qu’Il les a si amoureusement pratiqués pour nous qui
sommes si mauvais ! Cette charité donc de Jésus-Christ nous presse.”
[93]
L’amour divin siège sur le
Cœur du Sauveur comme sur un trône royal et regarde, par la fente de son côté
percé tous les enfants des hommes. "Car ce Cœur, étant le roi des cœurs, tient
toujours ses yeux sur les cœurs...et le divin Amour de ce Cœur, ou plutôt ce
Cœur du divin Amour voit toujours clairement les nôtres et les regarde des yeux
de sa dilection, mais nous ne le voyons pas... car si nous le voyions, nous
mourrions d’amour pour lui...”
Et ce Cœur dit à chaque âme :
“Viens, ma Bien-aimée toute chère...viens considérer mon Cœur en la caverne de
l’ouverture de mon côté, qui fut faite lorsque mon Corps, comme une maison
réduite en masure, fut si pieusement démoli sur l’arbre de la Croix.”
[94]
Tous les mystiques ont parlé
du Cœur du Seigneur avec les comparaisons qui parlaient le mieux à leurs cœurs,
même si ces comparaisons nous étonnent parfois ou nous semblent désuètes.
Écoutons François de Sales: “Le Cœur du Sauveur, vraie perle orientale,
uniquement unique et de prix inestimable, jeté au milieu d’une mer d’aigreurs
incomparables au jour de sa Passion, se fondit en soi-même, se résolut, défit et
écoula en douleur sous l’effort de tant d’angoisses mortelles; mais l’amour,
plus fort que la mort, amollit, attendrit et fait fondre les cœurs encore bien
plus promptement que toutes les autres passions... et comme l’Époux avait
répandu son Amour en son âme dans le cœur de l’épouse, aussi l’épouse
réciproquement verse son âme dans le Cœur de l’Époux...”
[95]
Il est impossible de parler
de l’Amour de Dieu qui nous révèle le Cœur de Jésus et, en conséquence, le Cœur
de Dieu, sans dire quelques mots des relations existant entre Marie et son Fils,
relations qui nous révèlent aussi la profondeur du Cœur de Dieu et de son Amour
pour ses créatures humaines et de l’amour que ces dernières devraient lui rendre
en échange. Marie “est la Mère de belle dilection, c’est-à-dire la plus aimable
comme la plus aimante, et la plus aimante la plus aimée. Mère de cet unique
Fils, qui est aussi le plus aimable, le plus aimant et le plus aimé Fils de
cette unique mère...”
[96]
Aussi, le cœur de la Vierge
Mère “demeura-t-il perpétuellement enflammé du Saint amour qu’elle reçut de son
Fils.”
Dieu destina à sa Sainte Mère
une faveur digne de l’amour d’un Fils: il voulut que sa Rédemption lui fût
appliquée préventivement. “De cette manière Dieu détourna de sa glorieuse Mère
toute captivité, lui donnant le bonheur des deux états de la nature humaine,
puisqu’elle eut l’innocence que le premier Adam avait perdue, et jouit
excellemment de la rédemption que le second lui acquit... Rédemption admirable,
chef-d'œuvre du Rédempteur et la première de toutes les rédemptions, par
laquelle le Fils, d’un Cœur vraiment filial,...la préserva non seulement du
péché, comme les anges, mais aussi de tout péril du péché...”
[97]
Et cet amour maternel si pur,
“le plus pressant, le plus actif, le plus ardent de tous, amour infatigable et
insatiable, que ne devait-il pas faire dans le cœur d’une telle mère, et pour le
Cœur d’un tel Fils?” Il devait inévitablement l’associer à la Passion du Fils.
"La douleur du Fils fut alors une épée tranchante qui passa au travers du cœur
de la Mère; car ce cœur de Mère était collé, joint et uni à son Fils d’une union
si parfaite que rien ne pouvait blesser l’un sans blesser l’autre.”
[98]
“Le Cœur de Dieu est si
abondant en Amour, son bien infini est si fort que tous le peuvent posséder sans
qu’un chacun pour cela le possède moins, cette infinité de bonté ne pouvant être
épuisée quoiqu’elle remplisse tous les esprits de l’univers; car après que tout
en est comblé, son infinité lui demeure toujours tout entière sans diminution
quelconque...” De la même manière que le soleil regarde une rose comme si elle
était seule, ainsi “Dieu ne répand pas moins son Amour sur une âme, encore qu’Il
en aime une infinité d’autres, comme s’Il n’aimait que celle-là seule, la fore
de sa dilection ne diminuant point par la multitude des rayons qu’elle répand
mais demeurant toujours toute pleine de son immensité.”
[99]
L’Amour de Dieu est l’amour
sans égal parce que la bonté de Dieu est la bonté sans pareille. Dieu est le
seul Seigneur et sa bonté est infiniment éminente, au-dessus de toute bonté.
Nous devons donc L’aimer de cet amour de suprême dilection que Dieu met en nos
cœurs. “C’est cette suprême dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos
âmes, et fait que nous prisons si hautement le bien de lui être agréable, que
nous le préférons et affectionnons sur toutes choses... Quiconque aime Dieu de
cette sorte... préférera la bonne grâce de Dieu à toutes choses et sera toujours
prêt à quitter tout l’univers pour conserver l’amour qu’il doit à la divine
bonté... C’est l’Amour d’excellence ou l’excellence de l’amour qui est commandé
à tous les mortels en général et à chacun d’eux en particulier, dès lors qu’ils
ont le franc usage de raison, Amour suffisant pour chacun et nécessaire à tous
pour être sauvé.”
[100]
Ce qui frappe surtout quand
on lit les œuvres de Saint François de Sales et spécialement son Traité de
l’Amour de Dieu, c’est la joie et le bonheur qui y sont renfermés. François de
Sales aime Dieu, d’un amour de préférence, d’un amour total. François de Sales
est amoureux de Dieu, et cet amour le rend heureux. Dieu aime François, et
François aime Dieu, et cet amour que François veut partager à ses Visitandines
et aux âmes dévotes, cet amour de François pour Dieu est une vraie poésie.
François de Sales, évêque de
Genève, diocèse difficile, ne disposait que de très peu de temps pour écrire, et
il en souffrait. Obligé d’aller à l’essentiel, il se devait de délaisser la
poésie qui chante l’Amour de Dieu pour ne s’exprimer qu’en prose. Il n’est pas
question de prendre la place de François de Sales, c’est impossible... Mais
pourquoi ne pas essayer, avec nos mots à nous, nos expressions du XXIe
siècle, mais avec le cœur de François, et avec tout son amour, pourquoi ne pas
exprimer ce qu’aimer Dieu veut dire pour nous.
Je suis tellement émerveillé
par l’Amour que Dieu nous donne, je suis tellement émerveillé de Dieu,
émerveillé de l’Amour, l’Amour de Dieu, l’Amour qu’est Dieu, l’Amour qui est la
substance de Dieu, l’Amour qui est l’Être même de Dieu, que je ne peux
m’empêcher de méditer encore sur l’Amour pour mieux Le contempler, pour mieux
L’aimer.
Mon Dieu, je Vous contemple,
Dieu-Amour, je Vous contemple mon Dieu, je Vous contemple et je Vous aime. Je
Vous aime d’un pauvre amour, d’un amour à ma taille, d’un amour à mon échelle,
mais d’un amour qui me comble, car cet amour vient de Vous. C’est Vous mon Dieu,
c’est Vous Jésus qui me donnez l’Amour par lequel je Vous aime.
C’est Vous mon Dieu qui
m’avez aimé le premier, je ne sais pas pourquoi. Vous m’avez aimé parce que Vous
avez fait les hommes pour Vous. En les créant, vous les aimiez, déjà. En les
façonnant à votre image Vous pensiez qu’un jour ils feraient vos délices... Un
jour de votre éternité, l’éternel Aujourd’hui de votre éternité, les hommes
enfin revenus à Vous, revenus à l’Amour, à votre Amour, Vous aimeraient d’amour
et feraient votre joie, et feraient vos délices.
Vous nous aimez Seigneur,
Vous nous avez faits pour çà, pour être aimés de Vous. Et nous Vous aimerons,
c’est sûr, car Vous voulez que nous Vous aimions: c’est notre liberté, notre
vraie liberté, celle qui est d’amour, qui dit “oui” à l’Amour. Et nous serons en
Vous, et nous vivrons en Vous, et nous ne Vous quitterons plus, jamais. Le ciel,
c’est cela, car le Ciel c’est l’Amour.
Je Vous contemple Jésus, et
j’essaie de comprendre ce que c’est que l’Amour, l’Amour véritable, l’Amour dont
Vous nous aimez, l’Amour que Vous nous partagez, l’Amour qui est Vous. L’Amour
qui fait que l’on devient un peu Vous quand on Vous aime vraiment.
Aimer! Aimer, c’est avoir du
plaisir, de la joie, un bonheur infini à demeurer ensemble. Aimer, c’est
partager ce qu’on est avec l’autre que l’on aime. L’amour c’est un échange
permanent de ce qu’est l’un avec tout ce qu’est l’autre. Aimer c’est vouloir
devenir l’autre. C’est penser comme lui, c’est vouloir comme lui, c’est aller
avec lui dans la même direction, c’est partager le même bonheur, parfois les
mêmes peines ou les mêmes soucis...
Aimer, c’est tout donner pour
tout recevoir. Aimer c’est devenir l’autre tout en restant soi-même, car nul ne
peut aimer s’il n’a pas su garder son “être”, l’être qu’il est et qui fait qu’il
est aimé. On n’aime pas un fantôme, un ectoplasme. On n’aime qu’une personne
vivante, pensante, aimante, capable de comprendre l’amour qu’on a pour elle et
de pouvoir le rendre. Car l’amour est relation. S’il n’y a pas un autre, il n’y
a pas d’amour. L’amour est l’opposé de l’égoïsme: l’amour est compagnie,
l’égoïsme, effrayante solitude.
Mon Dieu, je Vous aime. Je
Vous aime parce que Vous m’aimez d’un Amour qui me crée. Si Vous ne m’aimiez
pas, je n’existerais pas. C’est pour cela Jésus que j’ai parfois si peur de Vous
perdre. Je sais bien, comme l’a appris peu à peu l’épouse du Cantique des
cantiques, que l’Époux a ses occupations, qu’il a sa liberté, et que l’épouse
n’a pas à le retenir pour elle seule. Je sais... Je sais, mais, comme l’épouse
du Cantique, quand Vous êtes absent je suis bien malheureux, et je Vous cherche.
Je vous cherche chez vos amis, je Vous cherche dans la ville, je Vous cherche
dans le monde, je Vous cherche partout. Et j’implore les gardes: “Avez-vous vu
Celui que mon cœur aime?”
Les gardes n’ont jamais vu
Celui que mon cœur aime... Les gardes ne savent pas que Celui que mon cœur aime
n’est jamais loin de moi, mais qu’Il est caché tout au fond de mon cœur. Et
qu’Il m’attend! Mais moi je ne sais pas toujours le trouver, et je m’agite au
dehors, alors qu’Il est dedans.
Car aimer c’est aussi, c’est
surtout, garder tout au fond de son cœur l’Amour qui nous aime. Aimer c’est
conserver sans cesse tout au fond de son cœur l’Amour qui s’y cache pour mieux
nous faire comprendre que Lui aussi nous attend. Il veut que nous Le cherchions
pour connaître la joie immense des retrouvailles, Il veut que nous Le cherchions
pour mieux découvrir sa tendresse et sa sollicitude. Il veut que nous Le
cherchions pour nous faire faire l’expérience de sa Miséricorde. Et de l’amour
sans faille, de l’amour partagé naît la confiance, la confiance qui est aussi
amour, car c’est l’Amour qui se fie à l’amour, et l’amour qui dit oui à l’Amour:
réciprocité étonnante de l’amour!...
Jésus ! Quel Amour que le
vôtre ! Jésus, Vous Vous cachez parfois pour bien nous faire comprendre qu’aimer
c’est aussi espérer. Car l’espérance naît de la confiance, donc l’espérance naît
de l’amour. L’Espérance est fille de l’Amour, de l’Amour qui nous attend...
Curieuse Trinité : la foi,
l’espérance et la Charité. De la foi jaillit l’amour. De la foi unie à la
charité naît l’espérance...
Paulette Leblanc
[1] “Petite
vie de François de Sales” de
Bernard Sesé. Éditions Desclée de Brouwer.
[67] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 2 -
Chapitre 3
[91] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 9 -
Chapitre 16
[92] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 8 -
Chapitre 4
[98] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 7 -
Chapitre 13
[99] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 10 -
Chapitre 14
[100] Saint
François de Sales “Traité de l’amour de Dieu “ Livre 10 -
Chapitre 6



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