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La vie de saint Jean-Baptiste de la Salle
L’enfance
Jean-Baptiste De La Salle
naquit à Reims le 30 avril 1651 d’une famille très aisée
et très pieuse. Il sera l’aîné de sept enfants, cinq
garçons et deux filles. Très jeune il voulut se
consacrer au Seigneur; à peine âgé de 11 ans,
il
reçut la tonsure, le 11 mars 1662. Quatre ans plus tard,
un cousin germain de son grand-père paternel,
démissionna de sa charge de chanoine au profit de
Jean-Baptiste, qui en prit possession le 7 janvier 1667.
Jean-Baptiste, nouveau chanoine de la cathédrale de
Reims, n’avait pas 16 ans.
L’adolescence
Doté d’un
canonicat, matériellement pourvu, Jean-Baptiste reçut
les ordres mineurs à Reims, le 17 mars 1668, puis partit
à Paris pour y poursuivre ses études. Il séjourna
quelque temps au séminaire de Saint-Sulpice.
Le 19
juillet 1671, la maman de Jean-Baptiste décédait; le 9
avril 1672, ce fut le père qui mourut... Jean-Baptiste,
âgé de 20 ans, dut assumer la tutelle de ses frères et
sœurs, surtout de Jacques-Joseph âgé de 13 ans, de
Jean-Louis, son filleul âgé de 8 ans, et de Pierre, 6
ans. Marie-Rose, l’aînée des filles, étant dé-jà entrée
au Monastère à Reims, la grand’mère logea Marie âgée de
18 ans, et élèva le petit dernier, Jean-Rémy qui n’avait
que deux ans.
La
jeunesse
Malgré ses
responsabilités familiales, Jean-Baptiste, ne renonçant
pas à sa vocation, se rapprocha de son cousin, Nicolas
Durand (30 ans), chanoine et théologal de la cathédrale
de Reims. Sur le conseil de Nicolas, Jean-Baptiste
reprit ses études de théologie. Le 11 juin 1672, il
recevait le sous-diaconat, à Cambrai.
2
La vocation de Jean-Baptiste
Le jeune
prêtre
De 1672 à
1676, tout en vivant vis-à-vis de ses frères une
précieuse expérience éducative, Jean-Baptiste
poursuivait ses études. Déchargé de sa tutelle envers
ses frères, le 21 mars 1676, il fut reçu diacre; le 9
avril 1678, un Samedi Saint, Jean-Baptiste De la Sal-le
était ordonné prêtre dans la cathédrale de Reims. Il
avait 27 ans.
Les
épreuves vont poursuivre le jeune prêtre: en effet,
quelques jours plus tard, le 27 avril 1678 son cousin et
directeur de conscience, le chanoine Nicolas Roland
meurt en faisant de Jean-Baptiste son exécuteur
testamentaire, et lui confiant ses œuvres: assurer
l’établissement légal de l’école qu’il a ouverte à
l’hôpital des orphelins, et obtenir les lettres de
reconnaissance de la congrégation qu’il a fondée: les
Sœurs de l’Enfant-Jésus, consacrées à l’éducation
des petites filles.
Bientôt, en
mars 1679, Jean-Baptiste de La Salle rencontrera Adrien
Nyel, alors âgé de 58 ans.
Qui est
Adrien Nyel?
En 1679, il
y avait déjà 22 ans qu’Adrien Nyel se consacrait aux
enfants pauvres de l’Hôpital général de Rouen. Le
contrat qui le liait au Bureau des Pauvres de l’Hôpital
général de Rouen précisait qu’il devait contrôler
l’enseignement élémentaire donné aux enfants, les
travaux auxquels ils étaient astreints,
et les catéchiser. Dans le même temps, Adrien ouvrait, à
Rouen et dans ses faubourgs, des écoles gratuites pour
les garçons et les filles. Afin de les financer, il
entra en relation avec des familles riches de la région,
dont la famille Maillefer. Or Madame Maillefer était
originaire de Reims et parente des De La Salle.
Madame
Maillefer
Nous savons
qu’à Reims, Nicolas Roland avait ouvert, lui aussi, des
écoles pour les pauvres. Il s’était mis d’accord avec
Madame Maillefer pour le financement de ses écoles de
garçons. Hélas! Nicolas Roland mourut trop vite.
Cependant, Jeanne Maillefer ne renonça pas au projet,
et, après s’être mise d’accord avec le Bureau des
Pauvres de Rouen, elle obtint qu’Adrien Nyel fût envoyé
à Reims. C’est ainsi que ce dernier rencontra
Jean-Baptiste De La Salle.
Origine de
l’œuvre de Jean-Baptiste
Adrien Nyel
ouvrit plusieurs écoles à Reims, mais trop pris par les
soucis de ses fondations, il négligeait quelque peu leur
direction et même la formation des maîtres.
Jean-Baptiste tenta alors de suppléer ces carences.
C’est ainsi que peu à peu il remplaça Mr Nyel, et en
décembre 1679, louait une maison pour y loger les
maîtres. Bientôt il leur fixa un règlement. À partir du
24 juin 1681 il les installa chez lui, dans sa maison.
Cela ne se fit pas sans bruit dans le voisinage: son
beau-frère lui intenta un procès pour le partage de
l’héritage, et Jean-Baptiste fut condamné à vendre aux
enchères tous ses biens fonciers.
3
Fondation d’un Institut
Les
premières tentatives
En juin
1680 Jean-Baptiste De La Salle était devenu Docteur en
théologie. En octobre, une troisième école s’ouvrait à
Reims, sur la paroisse de Saint-Symphorien. Les villes
voisines demandaient des écoles, et c’est Adrien Nyel
qui devait s’occuper de ces fondations, tandis que
Jean-Baptiste, obligé de rester à Reims, se chargeait de
la conduite des maîtres. Très vite il s’aperçut que ces
maîtres d’école, non seulement n’avaient pas de
ressources, mais que leurs formations humaine,
intellectuelle et spirituelle étaient très déficientes.
Il fallait les rendre aptes et surtout dignes de leur
mission. Il rassembla donc sous un même toit ces êtres
frustes, leur donna un règlement, et leur conseilla un
confesseur et directeur de conscience: le curé de Saint
Symphorien. Mais le règlement était trop dur, et le
résultat ne se fit pas attendre: ils s’en allèrent
presque tous...
Quant aux
enfants, nous avons vu que la plupart étaient laissés à
l’abandon par des parents qui, pour gagner peu d’argent,
subsister et faire vivre leur famille, devaient
travailler dur et très longtemps: ils n’avaient donc
aucun moyen de s’occuper des enfants avant que ces
derniers puissent commencer à travailler eux-mêmes.
Jean-Baptiste, issu d’un milieu aisé et “bien élevé”,
prit soudain conscience d’une réalité qu’il ignorait,
la réalité de la misère qui, non seulement obérait la
formation humaine des pauvres ainsi que leur avenir,
mais mettait leur salut éternel en grand péril. Que
faire?
Deuxième
étape
Au
commencement de 1682, de nouveaux futurs maîtres se
présentèrent: ils semblaient être doués pour
l’enseignement, ils étaient pieux, et paraissaient
capables de vivre en communauté. Aussi Jean-Baptiste
loua-t-il deux maisons contigües et le 24 juin 1682, il
s’y installa avec dix maîtres, trois ecclésiastiques et
Jean-Louis son frère.
Dès lors
les choses allèrent aller vite. Une nouvelle école fut
ouverte à Rethel, une autre à Guise, et une sixième à
Château-Porcien. Nous sommes au mois de juin 1682. En
octobre, une septième est établie à Laon. Jean-Baptiste
De La Salle prend enfin conscience de la volonté de Dieu
sur lui: s’occuper des écoles et de leurs maîtres.
D’ailleurs, ce sont les maîtres eux-mêmes qui lui
demandèrent d’être leur confesseur. Des “exercices
spirituels” quotidiens furent adoptés, et bientôt ils se
choisirent un nom: “Les Frères”. Une première
orientation était donnée: “Frères entre eux, ils se
doivent des témoignages réciproques d’une amitié tendre
mais spirituelle, et, devant se regarder comme les
frères aînés de ceux qui viennent recevoir leurs leçons,
ils doivent exercer ce ministère de charité avec un cœur
charitable.”
(CL 7)
D’où le
rôle des frères
“Les
artisans
et les pauvres qui sont peu instruits et occupés tout le
jour à gagner leur vie à eux et à leurs enfants”
ne peuvent pas s’occuper
d’eux. Il faut donc qu’il y ait des personnes pour les
instruire et les ouvrir aux mystères de la religion et
de la vie chrétienne. En conséquence Dieu confie aux
Frères le devoir de suppléer aux lacunes familiales et
sociales, et “de
tenir la place des pères et des pasteurs des âmes.”
La
fondation-Les premières obligations
Le 24 juin
1682 est considéré comme la date officielle de la
fondation de l’Institut des Frères des Écoles
Chrétiennes. Avec ses nouveaux maîtres d’école,
Jean-Baptiste va reprendre ses premières idées:
règlement quotidien, vie en communauté, pauvreté.
Le
règlement n’est, au début, qu’une sorte d’emploi du
temps afin de rendre la vie commune possible:
- lever 4h30, prière commune, oraison
- messe à la paroisse à 7h15 puis les frères se rendent
à leur travail en disant le chapelet à l’aller et au
retour.
- Prière du soir à 8h30
- coucher à 9 heures.
Dans la
maison le silence est obligatoire, et tous les exercices
se font en commun.
Toute la
vie est rythmée, ponctuée, vouée au travail et à la
prière, et à la pauvreté comme nous le verrons plus
loin. On retrouve l’ambiance spirituelle austère de
l’époque marquée par le jansénisme et l’École Française.
Les frères vivent chez eux comme dans un monastère,
mais, et il est important de le noter, ce n’est pas un
monastère et les frères ne se considéraient pas comme
des religieux.
Les hommes
Curieuse
vocation que celle qui se dessine déjà chez les premiers
frères: laïcs ils sont, laïcs ils resteront. Presque
tous ont connu une vie difficile, et voici qu’ils
découvrent une misère encore plus grande, celle des
enfants pauvres dont les parents n’ont pas le temps de
s’occuper, car ils doivent travailler jusqu’à 14 ou 15
heures par jour, et pour un salaire qui leur permet à
peine de se nourrir. Dès lors les frères acceptent de
vivre ensemble et de s’entraider pour donner à leur
élèves l’amour dont ils ont besoin, et en faire de vrais
chrétiens.
Ces frères
ne se marieront pas et vivront dans la chasteté. Ils
seront pas prêtres non plus. Leur communauté sera une
communauté de laïcs entièrement consacrés aux enfants
pauvres. Les frères seront des maîtres d’école
entièrement dédiés à leur tâche. Le projet que
Jean-Baptiste a dans son cœur, mais qu’il ne découvre
que peu à peu, est, au sein de l’Église, une véritable
innovation.
Un
article des exigences de Jean-Baptiste De La Salle nous
semble, aujourd’hui, très étonnant: les frères, maîtres
d’école, ne doivent plus étudier, parce que, écrit
Jean-Baptiste:
“l’étude ne leur serait
pas nécessaire, elle leur serait dans la suite une
occasion de quitter leur état,
et parce que les exercices de la communauté et l’emploi
des écoles demandent un homme tout entier.”
D’où
venaient les Frères?
Les écoles
des Frères ont connu dès leur création, un immense
succès. C’est que les Frères étaient, eux aussi, souvent
de souche paysanne comme les parents de leurs élèves,
donc austères, et rudes, un peu rustres, comme l’étaient
les artisans de l’époque, mais pleins de piété. Ils
avaient été marqués par la dureté des temps, avaient eu
faim lors des disettes ou même des famines nombreuses;
et ils connaissaient le froid, la misère, les
difficultés de toutes sortes. Aussi les enfants du
peuple n’étaient-ils pas intimidés avec eux.
Les
contestations
Nous sommes
en 1682. Jean-Baptiste De La Salle commençait à prendre
conscience de son rôle de supérieur et sa vision de
l’éducation chrétienne des enfants se précisait. Mais,
dans la communauté, une sourde inquiétude commençait à
se faire jour: quel avenir pour les maîtres? Que
deviendraient-ils si “Monsieur De La Salle venait à
mourir”? Et que deviendraient les écoles que sa
générosité soutenait? Jean-Baptiste essaya de leur faire
comprendre qu’ils manquaient de foi, mais les maîtres
répliquèrent :
“Vous, vous ne manquez de rien, vous êtes établis
honorablement, vous avez du bien, vous avez de plus un
canonicat: tout cela vous met à couvert de la misère
dans laquelle nous tomberons infailliblement si les
écoles se détruisent.”
La
contestation était justifiée, et Jean-Baptiste consulta
le Père Nicolas Barré, qui, lui aussi, au cours de
plusieurs missions, avait été touché par la misère et
l'abandon moral dans lequel se trouvaient les enfants et
les jeunes des quartiers populaires. En effet, religieux
de l’Ordre des Minimes, il avait été à l’origine, dans
la ville de Rouen, de la fondation d’un petit groupe de
femmes destinées à se consacrer à la création d’écoles
gratuites, d’ateliers d’alphabétisation et de la
formation chrétienne des jeunes filles. Ces femmes
avaient formé une communauté laïque, sans vœux
religieux, dans une vie risquée pour l'Evangile. Cette
communauté avait essaimé et avait formé à Reims, avec
Nicolas Roland, les Sœurs de l'Enfant Jésus.
Nicolas
Barré séjournait à Paris depuis 1675. Il y restera
jusqu'à sa mort en 1686. C’est là qu’il fut consulté, à
plusieurs reprises, par Jean Baptiste De La Salle à qui
il conseilla de faire lui-même des choix radicaux:
renoncer à tous ses biens, renoncer à son canonicat, et
partager la vie de ces pauvres maîtres d'école que le
jeune prêtre de Reims considérait alors "bien
au-dessous de ses valets".
La leçon
était rude; elle fut retenue.
4
La conversion de Jean-Baptiste
Le
dépouillement
Jean-Baptiste va se faire pauvre pour être vraiment un
frère. Il renonce d’abord à son canonicat. Mais que
faire de ses autres biens? Comment connaître la volonté
de Dieu?
La volonté
de Dieu se manifesta rapidement: l’hiver 1683-1684 fut
très froid, et Jean-Baptiste commença à vendre ses biens
pour nourrir et vêtir les miséreux. L’hiver suivant,
encore plus terrible, ce fut une famine atroce, et
Jean-Baptiste continua à secourir les miséreux et les
familles de ses trois écoles de garçons et des quatre
écoles de filles des Sœurs de l’Enfant Jésus. Il ne
conserva que deux cents livres de rente...
Jean-Baptiste De La Salle était maintenant l’égal de ses
frères: il s’était fait pauvre pour être un frère. Il
pouvait avancer. En septembre 1684, les “Frères”
décidèrent de s’appeler dorénavant “Frères des Écoles
Chrétiennes”, et ils se donnèrent un habit.
La
pauvreté
Jean-Baptiste et ses frères doivent être de vrais
pauvres car leur mission est de vivre avec des pauvres
pour les évangéliser. Ils doivent se considérer comme
des ministres de Dieu et être reconnus tels par ceux
vers qui ils sont envoyés. Leur pauvreté réelle et vécue
au milieu de leurs élèves n’est pas subie mais choisie
comme une valeur évangélique. Plus tard, Jean-Baptiste
De La Salle écrira à un Frère :
“Souvenez-vous que vous n’êtes pas venu en communauté
pour avoir toutes vos commodités et contentements, mais
bien pour embrasser la pauvreté et ses suites; je dis
ses suites, parce qu’il ne vous servirait de rien
d’aimer la Vertu si vous n’aimez point tout ce qui en
dépend et qui vous peut donner matière de la pratiquer.
Vous êtes pauvre, dites-vous: que cette parole me plaît!
Car dire que vous êtes pauvre, c’est dire que vous êtes
heureux!”
5
La consolidation de l’œuvre
1685.
Jean-Baptiste De La Salle est directeur de 5 des 7
écoles tenues par des Frères. Les deux autres, de Guise
et de Laon, dépendaient d’Adrien Nyel. Le métier
d’enseignant dans des classes surchargées (d’au moins 60
élèves, parfois jusqu’à 100) exténuait des organismes
mal nourris, exposés aux maladies. Plusieurs Frères,
tous jeunes, moururent. En attendant de trouver le
personnel nécessaire, Jean-Baptiste les remplaçait...
Puis Adrien Nyel, âgé de 64 ans et affaibli voulut
retourner à Rouen... Et puis, il y avait aussi la
formation des maîtres “qu’il fallait instruire à
chanter, lire et écrire parfaitement...”
Enfin, il
fallait renforcer la cohésion de l’œuvre.
La
première assemblée-Les premiers vœux
Au début de
juin 1686, Jean-Baptiste convoqua à Reims les directeurs
de ses écoles. Après une retraite et de libres débats,
une question importante fut soulevée: leur consécration
à Dieu par des vœux religieux. Dans un premier temps
seul le vœu d’obéissance fut proposé, et, le 9 juin
1686, après la messe qu’il présidait, Jean-Baptiste De
La Salle prononça le premier vœu d’obéissance, et tous
les Frères présents firent le même vœu.
Et chacun
retourna chez soi.
Nota:
On apprit au cours de cette première assemblée que le
Père Nicolas Barré était décédé le 31 mai 1686.
Les
premières bases
Pendant
l’été de 1686, une ébauche de noviciat se forma. Puis le
Seigneur, pour fortifier son œuvre, se plut à lui
envoyer de multiples épreuves: décès, maladies,
incompréhensions, départs, et même un procès, etc...
Ainsi le 6
septembre 1686 décédait le Frère Nicolas Bourdette, de
Laon, âgé de 24 ans. Le 1er mai 1687, ce fut la mort, à
Reims, du Frère Jean Morice, âgé de 17 ans. Puis en
1688, le Frère Louis et un autre Frère en 1689
trépassèrent. Et l’année 1691 commençait par un nouveau
deuil: la mort du Frère Henri Lheureux. C’est à ce
moment que Jean-Baptiste De la Salle déclara à ses
Frères que “Dieu lui faisait connaître par cette mort
précipitée qu’il ne voulait pas qu’il y eût de prêtres
dans son institut."
Jean-Baptiste, lui aussi, fut de nouveau malade et à
l’article de la mort. Le médecin lui proposa un
traitement “qui pouvait tout autant le tuer que le
sauver...” Jean-Baptiste reçut les derniers
sacrements, prit le remède “qui eut tout l’effet
qu’on en pouvait désirer.” Il guérit, mais une
longue convalescence s’imposait...”
Des
décisions importantes
Jean-Baptiste confirma, pour les Frères, l’interdiction
de faire des études conduisant au sacerdoce. Puis, il
fut décidé que les Frères porteraient un nom religieux.
Enfin, Jean-Baptiste et deux de ses plus anciens
compagnons: Nicolas Vuyard et Gabriel Drolin, le 21
novembre 1691, firent le vœu suivant:
“Très
sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, prosternés
dans un profond respect devant votre infinie et adorable
majesté, nous nous consacrons entièrement à vous pour
procurer de tout notre pouvoir et de tous nos soins
l’établissement de la Société des Écoles chrétiennes en
la manière qui nous paraîtra vous être la plus agréable
et la plus avantageuse à la dite société. Et pour cet
effet, moi Jean-Baptiste De La Salle, prêtre, moi
Nicolas Vuyard et moi Gabriel Drolin, nous dès à présent
et pour toujours jusqu’au dernier vivant ou jusqu’à
l’entière consommation de l’établissement de la dite
société, faisons vœu d’association et d’union pour
procurer et maintenir ledit établissement, sans nous en
pouvoir départir quand même nous ne resterions que trois
dans la dite société et que nous serions obligés de
demander l’aumône et de vivre de pain seulement. En vue
de quoi nous promettons de faire unaniment et d’un
commun consentement tout ce que nous croirons en
conscience et sans aucune considération humaine être
pour le plus grand bien de la dite société. Fait ce 21
novembre, jour de la Présentation de la Très Sainte
Vierge." (CL 7, 313) Désormais les décisions seront
prises à trois, conformément à ce vœu trine. L’Institut
des Frères des Écoles Chrétiennes destiné à tenir les
écoles gratuitement naissait vraiment.
Les grands
évènements de 1694
Le
dénuement de certaines maisons, dont celle de Vaigirard,
était grand: “Ceux qui l’habitaient n’étaient pas à
l’abri du vent, ni de la neige, ni de la pluie.” Il
était impossible de réparer cette maison en très mauvais
état. L’hiver 1693 fut une catastrophe pour toute la
France et les Frères, qui manquaient de tout, même de
pain, souffrirent beaucoup, d’autant plus “que
l’usage du feu était interdit.” La disette qui
sévit en janvier 1694 fut atroce...
Rédaction
d’une première Règle
En avril
1694 les novices qui avaient été déplacés revinrent à
Vaugirard. Jean-Baptiste y commença une retraite d’un
mois au cours de laquelle il rédigea une Règle en quinze
chapitres qu’il envoya à douze Frères pour avis. Le
premier chapître général se tint du 30 mai au 6 juin
1694, avec ces douze frères.
Les vœux
perpétuels
Le dimanche
6 juin 1694, en la fête de la Très sainte Trinité,
Jean-Baptiste De La Salle et les douze frères réunis
pour ce premier chapître, émirent les premiers vœux
perpétuels. Les termes du vœu de 1691 étaient en partie
repris, avec toutefois quelques compléments très
importants. Ainsi::
“… je, Frère X, promets et fais vœu de
m’unir et demeurer en société avec les Frères, pour
tenir ensemble et par association les écoles gratuites,
en quelque lieu que ce soit, quand même je serais
obligé, pour le faire, de demander l’aumône et de vivre
de pain seulement...
“je promets et fais vœu d’obéissance, tant
au corps de cette société qu’aux supérieurs, lesquels
vœux tant d’association que de stabilité dans ladite
société, je promets de garder inviolablement pendant
toute ma vie.
Le 7 juin
1694, Jean-Baptiste De La Salle était élu à l’unanimité.
À cette occasion il fut nettement établi qu’après lui
aucun prêtre ne pourrait devenir supérieur des Frères
des Écoles Chrétiennes.
Les écoles
chrétiennes gratuites
Nous nous
souvenons que le Chanoine Nicolas Roland, mort le 27
avril 1678, avait désigné Jean-Baptiste De La Salle
comme son exécuteur testamentaire, ce qui signifiait que
ce dernier:
- devait
assurer la reconnaissance légale de l’école qui avait
été instituée à l’hôpital des orphelins, et
- était
chargé d’obtenir des lettres patentes pour les Sœurs de
l’Enfant-Jésus que Nicolas Roland avait fondées en 1670,
en vue d’assurer l’éducation des filles. C’est chez les
Sœurs de l’Enfant-Jésus que Jean-Baptiste rencontra
Adrien Nyel, en 1679.
À la
demande de sa cousine, Madame Jeanne Maillefer,
Jean-Baptiste accepta d’ouvrir quelques écoles à Reims,
mais sous l’autorité des curés de Saint Maurice et de
Saint Jacques, à Reims, en 1679. Et il laissait faire Mr
Nyel. Mais ce dernier, trop occupé, laissait les maîtres
livrés à eux-mêmes et semblait négliger l’éducation
chrétienne des enfants scolarisés. Alors Jean-Baptiste
s’investit de plus en plus, et s’installa rue Neuve, à
Reims.
Les écoles
se multiplient
Dès lors
les fondations se multiplient: à Rethel, à Guise, à
Château-Porcien, et à Laon, en 1679. Peu à peu
Jean-Baptiste découvre “que la misère maintient ses
victimes dans une situation qui les éloigne du salut,
quand elle ne les met pas directement en danger.“ La
charge devient vite écrasante pour Jean-Baptiste:
plusieurs jeunes frères meurent, et Mr Nyel retourne à
Rouen. C’est alors que Jean-Baptiste va commencer la
véritable structuration de son œuvre.
À Paris, où
les ouvertures d’écoles continuaient, dans des
conditions parfois ambigües compte tenu des exigences de
certains curés, les épreuves ne manquaient pas non plus,
et la misère était souvent présente. Mais en même temps
l’Institut se développait en Province: Chartres, en
1699, Calais en1700, etc... Rouen et ses environs
bénéficièrent aussi du dévouement des Frères: dans
chaque classe le nombre des élèves excédait la centaine!
Les
demandes affluent venons-nous de dire, tant à Paris
qu’en province. Des écoles s’ouvrent, mais elles sont
surchargées: ainsi dans l’École Dominicale destinée
“à tous les garçons qui ne passaient pas l’âge de vingt
ans... deux cents écoliers, distribués par classe,
recevaient les instructions convenables à leur âge et
selon leur portée...”
Les écoles
chrétiennes gratuites
À partir de
1694, la Société des Frères des Écoles Chrétiennes
apparaît à peu près structurée, du moins pour ce qui
concerne sa vie intérieure et communautaire. Mais son
véritable but, cétait la création et le développement
d’écoles gratuites pour les enfants pauvres. Dans leurs
paroisses, les curés avaient parfois mis en place
quelques petites classes gratuites, mais les enfants
devaient obligatoirement travailler en dehors des heures
de cours. D’autres très bonnes écoles existaient, mais,
payantes, elles étaient réservées aux classes
privilégiées de la société. Par ailleurs, presque toutes
les écoles étaient tenues et dirigées par des prêtres ou
des consacrés appartenant à des congrégations. De plus,
elles étaient officiellement reconnues.
Les Frères
des Écoles Chrétiennes ne seront pas des
ecclésiastiques: cela leur est interdit. Leurs écoles ne
sont pas encore reconnues officiellement, ni par l’état,
ni par l’Église; elles s’ouvrent à la demande d’un
évêque ou d’une paroisse, et certaines, peuvent
n’exister qu’en fonction de la tolérance de l’évêque ou
de l’accord du curé si ce n’est pas lui qui en a fait la
demande. Situation instable entre toutes qui doit
rapidement être clarifiée, d’autant plus que les
demandes affluent, et que les persécutions contre les
Frères ont déjà commencé. Situation étrange que celle
des œuvres de Dieu qui, sans aucune exception, sont
toujours persécutées!
Très
rapidement il fut établi que les Frères refuseraient
toute rétribution, quelle que soit la situation
financière des parents. Pour Jean-Baptiste, le salut qui
nous vient de Dieu est gratuit, que les hommes soient
pauvres ou riches. L’école chrétienne est orientée vers
le salut des enfants: elle doit donc être gratuite. Dans
la Règle de l’Institut, Jean-Baptiste insiste sur le
fait que “l’Institut est une société dans laquelle on
fait profession de tenir les écoles gratuitement.”
(CL 25, 16) Évidemment, cela peut ne pas plaire à ceux
qui dirigent des écoles payantes. Il n’est pas normal
d’accepter gratuitement des enfants de familles aisées,
voire riches. Alors que faire? Et comment choisir les
bons pauvres?
Le
pensionnat
En janvier
1705 Jean-Baptiste De La Salle avait loué une maison à
Saint-Yon et en juillet 1705 il y installait ses
novices. Puis, en octobre, il ouvrait sa maison à
quelques jeunes de Rouen et des environs. Certes ce
pensionnat était payant, mais Jean-Baptiste envisageait
l’éducation des garçons plus favorisés financièrement
comme celle des pauvres et des artisans: assurer aux
jeunes une instruction humaine et religieuse convenable,
qui leur donnera, plus tard, les moyens de vivre et de
faire leur salut. Le collège d’enseignement secondaire
naissait.
Les
familles aisées de la région commencèrent alors à y
inscrire leurs enfants “difficiles”. Une section
spéciale fut créée pour eux en 1706. Bientôt, un
troisième établissement, nommé “pension de force”,
allait recevoir les jeunes délinquants. Saint-Yon
devenait comme un centre d’expérimentation pédagogique.
Dorénavant, les enfants et les jeunes de tous les
milieux allaient pouvoir bénéficier du savoir-faire des
Frères. Mais d’une façon telle que les riches aideraient
les pauvres.
6
Quel milieu “abandonné” atteindre?
Les
enfants
Jean-Baptiste De La Salle estime que tous les enfants
doivent être reçus, sans distinction. Pour lui, les
enfants pauvres ne sont pas tous des enfants qui meurent
de faim. Le contexte face auquel il se trouvait était
plutôt l’abandon, la misère morale. Nous savons que la
plupart des parents obligés de travailler de 12 à 15 ou
16 heures par jour ne pouvaient pas s’occuper de leurs
enfants qui traînaient dans les rues, livrés à tous les
dangers et à tous les vices. Il n’y avait plus aucune
éducation religieuse, aucune moralité, et cette misère
s’étalait dans presque tous les milieux. Ces enfants
“abandonnés” étaient aussi des pauvres chers au cœur de
Jean-Baptiste. N’écrivit-il pas dans sa Règle: “Tous
les désordres, surtout des artisans et des pauvres,
viennent ordinairement de ce qu’ils ont été abandonnés à
leur propre conduite et très mal élevés dans leur bas
âge.” (Règle 1,6)
Au hasard
de la lecture de ses œuvres, on découvre que
Jean-Baptiste De La Salle remarque, pour les enfants des
artisans et du peuple en général:
- une absence totale de formation morale et religieuse ,
- des carences graves au niveau de l’instruction: ils
sont presque tous analphabètes, car “les parents
négligent de les envoyer à l’école”.
- la présence de mauvaises habitudes:
“ordinairement les enfants des pauvres ne font que ce
qu’ils veulent.”
- leurs mauvaises fréquentations qui leur apprennent
“à commettre beaucoup de péchés qu’il leur est ensuite
fort difficile de quitter.”
Curieusement, Jean-Baptiste De La Salle a sur les
pauvres des opinions comparables à celles que
n’hésitaient pas à émettre saint Vincent de Paul
quelques dizaines d’années plus tôt. Mr Vincent disait
que les pauvres étaient sales, qu’ils sentaient mauvais,
qu’ils étaient méchants, etc...
Les
enfants de ces pauvres, ”vivant dans le dénuement,
souvent profondément déstabilisés, en difficulté de se
construire au sortir d’un vécu fréquemment traumatique”
sont ceux qui seront accueillis par les Frères. À
ces êtres
“physiquement marqués de
manques divers, de ruptures successives, de drames
répétés, de survie aléatoire, à tous ces êtres
déboussolés... l’école (des Frères) va offrir un lieu de
vie où respect et tendresse ne manqueront pas.”
Il convient
d’ajouter ici que de plus en plus souvent ces enfants
sont issus de milieux paysans en voie d’urbanisation. En
effet, pour fuir les calamités climatiques, les parents
appauvris étaient venus à la ville pour chercher un
emploi et avoir de quoi manger. Le provisoire devint
vite définitif.
Pourtant
ces enfants avaient une âme et Jean-Baptiste De la
Salle comprit que la solution de leurs besoins devait
être reliée à l’œuvre de Dieu et de l’Église. Dieu est
aussi présent dans l’âme et le cœur de ces pauvres
déshérités. C’est ainsi que les Frères ajouteront à un
minimum d’instruction, une éducation chrétienne
appropriée: les Frères seront aussi des missionnaires
pour les enfants des villes. Leurs écoles seront sans
prétention, semblables aux maisons d’alentour: une ou
deux pièces aménagées avec une entrée surmontée d’une
enseigne: “École Chrétienne gratuite”.
Même le
matériel scolaire sera gratuit...
Les
parents
Les parents
des enfants que Jean-Baptiste De La Salle appelle
“abandonnés” sont tous, qu’ils soient riches ou pauvres
matériellement, accaparés par leurs affaires. À cela il
faut ajouter l’ignorance religieuse. Les parents sont
donc incapables d’enseigner leurs enfants, et encore
moins de leur donner l’éducation honnête et chrétienne
nécessaire pour vivre normalement. et il y a encore les
mauvaises habitudes transmises aux enfants, et les
mauvaises compagnies.
D’une
manière générale les parents laissent leurs enfants
faire ce qu’ils veulent. Aussi Jean-Baptiste n’est-il
pas dupe et sait-il parfaitement ce que les Frères
devront subir:
“Attendez-vous à souffrir des injures, des outrages et
des calomnies pour tout le bien que vous aurez tâché de
faire au prochain: c’est la principale récompense que
Dieu promet en ce monde et souvent la seule qu’on reçoit
des pauvres pour tout le bien qu’on leur a fait.”
(MF 155, 3)
7
Les persécutions
Il pouvait
y avoir plusieurs écoles dans un même quartier, mais le
soir les Frères se regroupaient dans leur “maison”
proche de leur lieu de travail, et semblable à toutes
les maisons avoisinantes. Et les élèves affluaient au
grand dam des autres écoles qui multiplièrent les procès
pour retrouver leur clientèle. Les classes étaient
surchargées: entre soixante et cent élèves, et de
nompbreuses demandes ne pouvaient être acceptées. De
plus, chez les frères, les élèves pauvres étaient
respectés, considérés comme des enfants de Dieu, et
aimés. Comment les Frères n’auraient-ils pas été
persécutés?
Les
défections
Nous nous
souvenons du départ des premiers frères qui trouvaient
trop rude la vie communautaire demandée par
Jean-Baptiste De La Salle. Tout au long de sa vie il fut
affronté à ce problème. Parfois ces défections eurent
des conséquences beaucoup plus graves. Nous avons déjà
mentionné l’École Dominicale chère au cœur de Mr de la
Chétardie. Malheureusement les deux Frères qui devaient
en assurer le développement, ambitionnant des situations
plus rémunératrices, quittèrent l’Institut en 1702,
entraînant la chute de cette œuvre. Mr de la Chétardie
rendit Jean-Baptiste responsable de cet échec. On voulut
destituer Jean-Baptiste de sa charge, mais les Frères
liés par vœu à Jean-Baptiste De La Salle, refusèrent à
l’unanimité et l’Association fut sauvée.
Les
jalousies
Jean-Baptiste De La Salle avait souvent rencontré des
difficultés avec ceux que l’on appelait alors les
maîtres-écrivains. À Paris, en octobre 1705, les actions
des maîtres-écrivains reprenaient contre les Frères qui,
en mai 1706 furent contraints d’abandonner leurs
classes. À Rouen, à l’Hôpital Général, la situation
devenait intenable. C’est alors que les Frères, excédés,
épuisés, rédigèrent, à l’attention de Jean-Baptiste, un
mémoire résumant leurs plaintes et leurs revendications:
il fallait sortir “du Bureau”,
car:
- les Frères étaient trop peu nombreux face à la
multitude des écoliers.
- Les maîtres s’épuisaient et les élèves étaient mal
enseignés,
- L’excès de travail ruinait les santés, la discipline,
l’ordre, etc...
- Les Frères n’avaient plus le temps de vaquer ni à
leurs exercices, ni à l’oraison.
- Le fruit des écoles en souffrait, car ”l’école sans
les exercices ne va pas bien.” Et pour J.B. De La
Salle, “une école va bien quand son bon
fonctionnement lui permet d’atteinde sa finalité
pastorale: ‘faire des élèves de bons chrétiens.’”
Jean-Baptiste comprit le désarroi de ses Frères qui
quittèrent l’Hôpital Général; les anciens maîtres
reprirent leur travail. Les Frères furent logés dans une
petite maison de Rouen où ils vécurent pendant cinq ans
dans un dénuement extrême.
De son côté
Jean-Baptiste, jamais épargné, fut accusé de perdre
l’esprit, d’avoir “la tête démontée”. Mais Dieu
n’a-t-Il pas sauvé le monde par la folie de la Croix.
C’est curieux comme bien peu de personnes le
comprennent!
Les procès
Le 20
juillet 1703 Jean-Baptiste logeait son noviciat rue de
Charonne, à Paris, sur le faubourg saint Antoine, et en
novembre il y installa l’École Dominicale qu’il avait
réussi à réouvrir. Son succès déclencha la jalousie des
maîtres des autres écoles, et mobilier et matériel
pédagogique furent mis sous séquestre. Après bien des
péripéties, Jean-Baptiste fut condamné à n’enseigner
“que les pauvres reconnus comme tels.” Jean-Baptiste
fit appel, mais lui et dix frères furent condamnés à
payer une amende qu’ils ne pouvaient pas payer. La
condamnation, dûment confirmée, fut affichée à la porte
de l’école, mais les parents l’arrachèrent. Pourtant les
Frères ne pouvaient plus rester à Paris; ils furent
dispersés en province.
L’affaire
Jean-Charles Clément
Depuis 1703
des écoles s’étaient ouvertes en Avignon, à Marseille,
Mende, Valréas, Alès, Grenoble... Jean-Baptiste
s’efforçait de répondre aux demandes des évêques.
L’institut était également à Rome, mais si petitement,
si pauvrement... Bientôt des Frères visiteurs furent
envoyés régulièrement dans les écoles: l’institut se
consolidait.
Nous sommes
en 1707, et Jean-Baptiste rencontre Jean-Charles
Clément. Ce jeune homme de 23 ans est clerc. Plein
d’admiration pour les Frères, il voudrait intéresser Mr
De La Salle à un projet qui lui tient à cœur: redonner
vie au séminaire de maîtres pour la campagne. Mais
mineur et sans argent, il réussit à obtenir que
Jean-Baptiste avance l’argent nécessaire. Après des
épisodes étonnants: Jean-Charles est devenu archiprêtre
de Saint Calais et chanoine du Mans. Sa juridiction
couvre 4 prieurés, 19 cures du diocèse du Mans, 2
prieurés et 5 cures du diocèse de Chartres. Il est
devenu puissant. Son père, chirurgien à la cour du roi,
est anobli. Que se passa-t-il ensuite? La justice royale
va s’acharner contre Jean-Baptiste De La Salle jusqu’à
le faire accuser de subornation de mineur et d’extorsion
de fonds!!! Les Clément n’auront plus à rembourser
Jean-Baptiste qui devra, en outre, rembourser les frais
engagés par le jeune clerc pour l’entretien des élèves
maîtres. Finalement le séminaire de maîtres pour la
campagne sera fermé. On croit rêver.
La cabale
de 1713
Nous sommes
en 1712. Jean-Baptiste est à Marseille pour fonder de
nouvelles écoles. C’est alors que les jansénistes, qui
ne l’aimaient pas à cause de sa fidélité au pape,
lancèrent une série de calomnies, lesquelles
malheureusement furent accueillies favorablement.
Quelques Frères douloureusement ébranlés quittèrent
l’Institut. Jean-Baptiste s’était réfugié à la
Sainte-Baume, puis à Saint Maximin, et c’est là que
Frère Timothée lui apporta des nouvelles terribles: le
noviciat de Marseille avait fermé ses portes après le
départ des Frères, et le Frère Ponce, visiteur pour le
Midi, s’était enfui en emportant la caisse...
Jean-Baptiste se mit à douter; il quitta Marseille et se
retira à Mende pendant plusieurs mois. Qu’est-ce que
Dieu voulait faire de lui?
Avril 1714.
Les Frères des écoles chrétiennes exigent le retour de
Jean-Baptiste à la tête de l’Institut, au nom de son vœu
d’obéissance: c’était donc un ordre. Jean-Baptiste dut
s’incliner. Il sera de retour à Paris le 10 août 1714.
Curieusement, ses principaux ennemis décédèrent durant
cette période, et Jean-Charles Clément, accusé
d’entreprises contre l’état sera envoyé enchaîné loin
de Paris.
Les
miracles
Les
persécutions accompagnèrent Jean-Baptiste tout au long
de sa vie. Mais il faut noter que, parfois, le Seigneur
permettait de vrais miracles, comme pour l’encourager à
pousuivre sa mission.
- Ainsi, en
juillet 1687, il est appelé d’urgence auprès du Frère
Directeur de l’école de Guise, très malade.
Jean-Baptiste part à pied de Reims ;
la chaleur lui provoque des hémorragies nasales... La
nuit venue Jean-Baptiste se repose un peu, passe
plusieurs heures en prière, puis repart dès trois heures
du matin. Il célèbre la messe à Laon et atteint Guise,
monté sur un cheval. Arrivé à Guise il embrasse le Frère
directeur qui guérit et peut reprendre sa classe.
- En
septembre 1702, Frère Timothée fut envoyé à Chartres. Il
souffrait d’une grave loupe au genou. Avant de se mettre
en route
il demanda à Jean-Baptiste de le bénir, et constata, à
son arrivée, qu’il était guéri.”
8
Les dernières années
Le
deuxième chapitre général
1715: mort
de Louis XIV. Jean-Baptiste De La Salle perdait l’un de
ses principaux soutiens. Il partit s’installer à
Saint-Yon. Il se voyait vieillir et devait
impérativement se trouver un successeur. Il réussit non
sans mal, à convaincre les Frères, et le deuxième
Chapître général s’ouvrit le 16 mai 1716. Le Frère
Barthélémy fut élu supérieur. D’autres Frères furent
élus et nommés Assistants du Frère Supérieur. Les Règles
furent révisées.
Les
structures étaient désormais en place; il ne restait
plus quà attendre la reconnaissance officielle de
l’Institut. Cela se fera en 1725. Quant à Jean-Baptiste
De La Salle, installé à Saint-Yon, il rédigea deux
œuvres fondamentales:
- Explication de la Méthode d’oraison,
- Méditations pour le temps de la Retraite
Tout était
maintenant consommé. Jean-Baptiste pouvait rejoindre son
Seigneur. Cela se fit le 7 avril 1719, un
Vendredi-Saint.
La mort
d’un saint Fondateur
En février
1719, Jean-Baptiste De La Salle s’alita. Le 19 mars il
célébra sa dernière messe en l’honneur de saint Joseph
et dicta son testament qui renferme une orientation
essentielle: “la source du zèle lasallien n’est rien
d’autre que l’amour du Christ, amour nourri
d’Eucharistie et d’oraison.” Le 5 avril,
Jean-Baptiste reçut le saint viatique puis l’Extrême
onction, le 6 avril. Le 7 au matin, le Vendredi-Saint,
il expira en disant: “J’adore en toutes choses la
conduite de Dieu à mon égard.”
Jean-Baptiste De La Salle fut canonisé par Léon XII le
24 mai 1900, et proclamé par Pie XII patron spécial
au Ciel, près de Dieu de tous les éducateurs de
l’enfance et de la jeunesse, de l’un et l’autre sexe,
ecclésiastiques et laïcs, le 15 mai 1950.
Paulette
Leblanc
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