Jerzy
Popieluszko est né en 1947 à Okopy, petit village situé
au nord-est de la Pologne, près de Suchowola. Ses
parents, Marianne et Ladislas dirigeaient une
exploitation agricole. Très pieux dès son plus jeune
âge, Jerzy fut enfant de chœur dans son village. Il fera
des études assez médiocres dans le lycée de Suchuwola,
avant d'entrer, à l'âge de 18 ans, au séminaire de
Varsovie. Ses études furent interrompues pendant deux
ans, de 1966 à 1968, à cause de son service militaire.
Il fut placé dans une unité spéciale où étaient réunis
les séminaristes, à Bartoszyce, petite ville du Nord-Est
de la Pologne. À plusieurs reprises il fut soumis à des
pressions pour qu'il abjure sa foi chrétienne. Il
fallait en effet, et cela grâce à un astucieux système
d'endoctrinement effectué par un personnel sélectionné,
persuader les séminaristes d’abandonner leurs études
cléricales.
Malgré
tout, Jerzy Popieluszko fut un excellent soldat, d'un
grand courage pour défendre ses convictions, ce qui le
conduisit à subir diverses formes de persécutions. Il
fut même mis au cachot pendant un mois. Il était malade
à la fin de son service militaire et le resta jusqu'à la
fin de sa vie. Il fut ordonné prêtre en 1972, à
Varsovie, par le cardinal Wyszynski. Vicaire de la
paroisse St. Trinity Zabkach, puis de Notre-Dame Reine
de la Pologne à Aninie. Il fut nommé, vers la fin de
1978, pasteur de l'équipe médicale: il devait s'occuper
des jeunes et du personnel de la santé. Mais ses propres
problèmes de santé s'aggravèrent vite. Fin en janvier
1979 Jerzy s'évanouit pendant la célébration de la
Messe. Après quelques semaines de séjour à l'hôpital il
ne put retourner à ses fonctions antérieures de vicaire.
Il fut, de 1979 à 1980 aumônier de l'église
universitaire Sainte Anne.
C’est en août 1980 que le
Cardinal Wyszynski, lui demanda d’être l’aumônier des
aciéries de la capitale. C’est ainsi que le jeune abbé
Popieluszko est devenu un ardent défenseur de l’idéal du
syndicat de Solidarité, né à la même époque, lors des
"accords de Gdansk". En effet, le 14 août 1980, les
employés des
chan-tiers navals de Gdańsk,
importante ville portuaire sur la
Baltique,
s'étaient mis en grève sous la conduite de
Lech
Walesa,
et ils
demandaient à l'archevêque de Varsovie un prêtre pour
célébrer la messe pour eux. Et c'est le Père Popiełuszko
qui fut choisi.
Petite remarque:
Le syndicat
Solidarnosc avait
été fondé dans l'illégalité. Ami de
Lech
Walesa, Jerzy
Popieluszko défendit les partisans du syndicat,
s'inspirant de la spiritualité du bienheureux
Maximilien Kolbe.
Malheureusement, toujours aux or-dres de l'URSS, le
gouvernement polonais réagit et proclama l'état
de siège le 13
décembre
1981:
toutes les réunions furent interdites, à l'exception des
messes. Le Père Popieluszko continuera son
ministère en célébrant, tous les mois, depuis cette
date fatidique, une « messe pour la patrie » dans la
paroisse où il avait été affecté, Saint-Stanislas-Kotska,
en banlieue de Varsovie. Jerzy Popiełuszko, vicaire de
la paroisse saint Stanislas Kostka et aumônier du
syndicat interdit, célébrait donc, chaque mois, des
messes au cours desquelles il pronon-çait, dans ses
homélies, de vibrants sermons condamnant courageusement
le régime en place. Ces célébrations, qui attiraient des
milliers de fidèles, étaient quadrillées par
d'importants dispositifs de policiers en uniforme et en
civil. Elles débouchaient parfois sur des échauffourées
car les policiers en civil n'hésitaient pas à jouer les
provocateurs, en appelant en pleine messe les fidèles à
prendre les armes, dans le but de museler ou faire
tomber le jeune prêtre dont les sermons étaient diffusés
dans tout le pays, via Radio free Europe. Pourtant,
pratiquant l'amour pour ses ennemis, le Père Popieluszko
servait du café chaud aux policiers chargés de le
surveiller, lui et les grévistes.
Car le Père
Popieluszko était surveillé en permanence. La presse
communiste parlait de lui comme d'un "prêtre qui
célébrait des messes de la haine".
En automne
1983, le Père Popieluszko figura sur une liste de 69
"prêtres extrémistes" établie par le gouvernement du
général Jaruzelski et remis à l'archevêque de Varsovie.
Prière était faite au nouveau Primat de Pologne de faire
taire ces gêneurs en soutane. La même année, Jerzy est
accusé de détention d'armes et est arrêté par la SB, le
service de sécurité, mais il est vite relâché grâce à
l'intervention du clergé. La nuit suivante, quelqu'un
dépose une grenade dans son vestibule. Le Père échappe à
cet attentat de justesse. De janvier à avril 1984, le
prêtre est convoqué 13 fois par la milice. Il est accusé
d'"abus de sacerdoce". En mars 1984, le Pape lui
envoie un cadeau pour le féliciter d'avoir osé critiquer
une décision du gouvernement polonais d'interdire les
crucifix dans les écoles. La
police politique organise le 13 octobre 1984, un
accident de voiture pour le tuer mais il y échappe.
Les événements vont
maintenant se précipiter. Le 19 octobre 1984, au retour
d'une visite pastorale à
Bydgoszcz, la
voiture de l'ecclésiastique est arrêtée par un véhicule
banalisé de la police en rase campagne, à 160 km au
nord-ouest de Varsovie, sous prétexte d’un contrôle
d’alcoolémie. Le père Popieluszko est battu,
ligoté et jeté dans le coffre de la voiture de police.
Son chauffeur, Waldemar Chrostowski, est menotté et
obligé de prendre place à l'intérieur, avec les trois
policiers. Mais, ancien parachutiste, Chrostowski
profite d'un moment de distraction de ses ravisseurs
pour sauter de la voiture en marche. Ses menottes se
brisent sous le choc. Paniqués, les policiers décident
de poursuivre la route avec Popieluszko dans le coffre.
Chrostowski
arriva bientôt au presbytère d'une église et donna
l'alerte. Le soir même, la télévision officielle faisait
état de l'enlèvement du père Popieluszko par des
"inconnus". Pendant plusieurs
jours, aucune nouvelle ne fut donnée sur le sort du père
Popieluszko, jusqu’à ce que le 27 octobre 1984, le
capitaine Grzegorz Piotrowski déclara: "C’est moi qui
l’ai tué, de mes propres mains". Que
s'était-il passé? Après avoir longtemps roulé, les
policiers sortirent du coffre de la voiture
l'ecclésiastique à moitié étouffé par son bâillon, et
ils le torturèrent jusqu'à ce que mort s'ensuive; puis
le corps de Jerzy Popieluszko fut lesté et jeté dans un
réservoir d'eau de la Vistule.
Le corps du Père Popieluszko
fut retrouvé dans un lac artificiel formé par le barrage
de Wloclawek, sur la Vistule à une centaine de
kilomètres au nord de Varsovie. Le Père Jerzy Popie-luszko
avait 37 ans.
En
novembre
1984,
plus de 500 000 personnes se déplacèrent pour les
funérailles de Jerzy Popiełuszko, dont les obsèques
insufflèrent une seconde vie au syndicat Solidarnosc.
Inhumé au cœur même de sa paroisse, sa modeste tombe est
devenue lieu de nombreux pèlerinages. Le pape
Jean
Paul II lui-même
est venu s'y recueillir en
1987.
L'abbé
Popieluszko symbolise aux yeux des Polonais la lutte
commune de l'opposition démocratique et de l'Église
catholique contre
le
régime
totalitaire en
place. Le martyre du jeune prêtre aura
entraîné de nombreuses conversions, et même l'éclosion
de vocations sacerdotales.
Jerzy Popieluszko a été
béatifié le 6 juin 2010. Le pape Benoît XVI demanda que
la célébration liturgique en l'honneur du Père Popieluszko ait lieu le 19 octobre, jour de son
arrestation. Dans certains endroits sa fête est le 27
octobre.
Paulette
Leblanc |