Parfois il devient indispensable de réfléchir sur le
silence. Notre monde est un monde de bruit qui ne peut plus
entendre la voix douce de Jésus... Dieu parle, Dieu nous
invite, Dieu nous propose un bonheur merveilleux, mais nous
préférons le pouvoir d'achat, l'avortement, et l'euthanasie.
L'argent et le plaisir dominent, et les musiques hurlantes
et sans beauté envahissent tous nos espaces; pourtant ces
nouvelles idoles n'apportent que le malheur. Il y a des
jours où les chrétiens qui aiment vraiment Dieu ne
supportent plus ce monde sans Dieu. Ils veulent comprendre
et, pour cela, ils se recueillent en Dieu et prient. Ils
peuvent dire à peu près:

- Je suis près de Toi, Seigneur, je suis seul avec Toi,
comme un homme (ou une femme) libre. J'essaie de me
recueillir malgré mes nombreux soucis familiaux ou
matériels. Je suis près de Toi, Seigneur, et je n'ai que des
souffrances ou des soucis à T'apporter... Je souffre
Seigneur, tellement, surtout quand je constate le désintérêt
de mes contemporains, y compris de nos enfants et de nos
jeunes, pour tout ce qui a un lien avec la religion de
Jésus-Christ, Un avec le Père et l'Esprit, au sein de la
Trinité d'Amour, et mort pour nous sur la Croix.
Seigneur! Tu proposes aux hommes un bonheur infini et
éternel dans ton Amour, et à ce bonheur, les hommes
préfèrent le néant... Comment comprendre? Je suis seul avec
Toi, Seigneur, je me tais, mais, dans mon esprit, les idées
tourbillonnent et je ne peux plus prier... Mon cœur crie et
gémit de douleur, mais il ne peut même plus la dire, cette
douleur, tant elle est grande. Il n'y a plus de silence dans
mon cœur; il n'y a plus que des lamentations et des appels
sans cesse renouvelés: "Seigneur, viens au secours de tes
enfants!"
Seigneur, les hommes que nous sommes et que nous croyions
libres reviennent parfois, comme malgré eux, sur le passé
qui fut leur vie... Il y a maintenant près de cinquante ans,
tous ceux qui disaient qu'il fallait laisser les gens
s'exprimer ont, curieusement, systématiquement fait taire
ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux. Et tant de gens se
sont tus. S'ils parlaient, parfois, pour demander quelques
explications, on les taxait de traditionalistes, car ce mot
exprimait tout ce que les nouveaux maîtres voulaient voir
disparaître. Alors, personne n'a plus rien dit... et ce fut
le silence, mais silence apparent, car dans les cœurs, que
de plaintes, que de souffrances! Ou, le plus souvent, que de
découragements, que de lassitudes conduisant vers une
étonnante indifférence.
L'homme qui se croyait libre mais que l'on a fait taire,
continue sa méditation agitée, silencieuse et bruyante.
Paradoxe? Non, car le silence apparent de ceux qui doivent
se taire n'est pas le silence que le Seigneur désire. Le
bruit en eux est silencieux... mais c'est toujours du bruit.
Est-ce de l'humilité? Certes non, car le constat d'avoir eu
peut-être raison, est souvent de l'orgueil déguisé... Alors,
quel est le silence que Dieu veut de chacun de nous?
Continuer à se taire ce qui revient à dire "Amen!" aux
erreurs que personne ne peut plus nier, continuer à prendre
pour de bonnes prières ses démonstrations douloureuses mais
pleines d'orgueil, continuer à pleurer au constat des
dégâts qui ruinent notre civilisation ex-chrétienne...
L'homme libre qui croit prier prend soudain conscience que
tout est bruit en lui: alors, que doit-il faire?
L'homme qui croyait prier essaie maintenant de suivre Jésus,
de Le contempler, de marcher avec Lui sur son chemin.
L'homme qui médite fait taire ses révoltes pour retrouver
l'amour de Jésus. Il essaie de se mettre dans le Cœur de
Jésus pour marcher avec Lui, et contempler son sauveur qui,
lui aussi se tait mais pleure, doucement, silencieusement:
les grandes douleurs sont toujours silencieuses. Dans le
cœur de l'homme qui prie s'inscrivent bientôt les pensées de
Jésus. Les pensées de Jésus rejoignent ses enfants qui
s'égarent, qui marchent en aveugles mais ne le savent pas.
Et qui voudraient tant faire taire leur silence
assourdissant
L'homme qui prie en silence devine soudain Satan, le
menteur, encourager les pauvres gens désemparés à marcher au
milieu des bruits infernaux qu'il suscite partout. Plus le
menteur fait de bruit, et nous savons combien il en fait du
bruit, et à longueur de journée, plus le menteur fait de
bruit, moins les hommes entendent Dieu, car Dieu ne parle
que dans le silence. Le menteur a tout organisé pour que le
bruit soit maintenant continuel: bruit de la radio, de la
télé, du cinéma, des CD ou des CDD, des MP3, des téléphones
portables, d'Internet, etc, etc. Tout est fait pour
assourdir, même les plus petits enfants. L'homme qui prie et
contemple Jésus est atterré: que faire?
Considérons le silence de Dieu, Dieu que l'on désigne
parfois comme le Grand Silencieux. Mais, Dieu est-Il
tellement silencieux, et qu'est-ce que le silence de Dieu?
Le silence est-il un peu "le milieu vital" de Dieu? Le
milieu vital des hommes, c'est l'atmosphère, et quand
l'atmosphère est polluée, les hommes meurent, manquant
d'oxygène. Le milieu vital des poissons, c'est l'eau, et
quand l'eau manque ou est polluée, les poissons meurent. Il
ne peut pas en être ainsi pour Dieu, car Dieu est éternel,
et le milieu vital de Dieu, c'est Lui-même. En conséquence,
Dieu est aussi le seul vrai milieu vital des hommes.
Un autre point mérite d'être soulevé: l'eau, pour les
poissons, et l'atmosphère, pour les êtres vivant dans l'air,
donc les milieux vitaux, sont silencieux par eux-mêmes.
Mais, ce sont surtout des milieux de transmission des
informations. Ainsi, les requins sentent, à des dizaines de
kilomètres, la présence de sang frais dans les eaux. Et
l'air transmet les sons, la lumière, les odeurs, et de
nombreuses autres catégories d'ondes. Et quand les
perturbations sont importantes, les bruits transmis sont
parfois insupportables. Notre milieu vital spirituel, c'est
Dieu, il n'est donc pas stupide d'imaginer que Dieu dans
lequel "nous vivons", nous transmet, par son milieu, donc
par Lui-même, les paroles qu'Il veut nous faire entendre.
Mais Dieu est silence, et c'est seulement dans le silence
divin que nous pouvons entendre les paroles divines.
Comme toutes les "choses" qui relèvent de Dieu sont
inexprimables avec des mots humains, il est bien difficile
de qualifier le silence et les paroles de Dieu. Dans son
silence, Dieu nous parle avec des paroles silencieuses. Dieu
nous appelle parfois, Dieu veut nous confier ses "secrets".
Comment L'entendre? Comment les entendre? Mais dans le
silence de nos cœurs, car seul notre silence intérieur peut
répondre au Silence de Dieu... Élie, le grand prophète
entendit Dieu dans la brise légère, une brise à peine
audible. Moïse entendit la voix de Dieu dans le feu
silencieux du Buisson Ardent. Comment Isaïe, Jérémie,
Ézéchiel et les autres prophètes entendirent-ils la Voix de
Dieu qui les brûlait et qu'ils ne pouvaient pas taire? Ils
ne nous l'ont pas dit, et pourtant cette Voix qu'ils ne
pouvaient pas taire les transformait...
Dans notre monde de bruits assourdissants, certaines
personnes demandent à réfléchir dans le silence; pour quoi
faire? Pour écouter Dieu et pour en être écouté; mais si
quelqu'un rompt ce silence, suscite du bruit chez celui qui
écoute, ce dernier ne manquera pas de réagir. Le silence des
hommes sur la terre est bien mystérieux: que doit-il être,
que peut-il être? Et comment rompre, ce qui est inévitable
dans la vie, comment rompre ce silence indispensable sans le
casser?
Il y a enfin quelque chose que nous ne devons pas oublier,
c'est l'état de notre monde actuel, et l'état de l'Église.
Les persécutions contre les chrétiens ont repris à grande
échelle, dans certains pays d'Asie et presque partout dans
les états musulmans. Cela commence aussi en Europe. Et notre
monde se tait le plus souvent. Les médias n'en parlent que
rarement. Quant au silence de notre Église, il est assez
étonnant. Depuis des siècles et surtout depuis la révolution
française, nous nous efforçons de mettre Dieu à la porte de
nos états. Depuis cinquante ans le rejet de Dieu est de plus
en plus effectif... Or Dieu nous a faits libres: nous ne
voulons pas de Lui, alors Il nous laisse à nous-mêmes...
Nous voyons les résultats. Comment Notre Seigneur nous
parlerait-Il puisque nous ne voulons plus L'entendre?
Pour être très clairs, nous allons maintenant essayer de
récapituler, en dehors des silences de la nature, les
diverses sortes de silence qui existent. Nous ne pourrons
pas être complets, c'est sûr, car dès que l'on essaie de se
mettre en face de Dieu, il est impossible d'être exhaustif.
- Il y a d'abord les silences nécessaires, les silences de
"charité": ce sont les silences que l'on doit observer pour
ne pas calomnier, médire sur son prochain. Il faut même
faire taire en soi les jugements sévères que l'on porte sur
les autres, se souvenant que Jésus pardonne toutes les
fautes dès lors que le pécheur se repend sincèrement.
Personne ne peut dire ce qui se passe au fond des cœurs,
même des plus mauvais, apparemment.
- Pour écouter, il faut d'abord faire silence. Il y a donc
les silences qui respectent le silence et la réflexion des
autres.
- Il y a ensuite les silences obligatoires, les silences
pédagogiques indispensables pour écouter les éducateurs, les
professeurs.
- Il y a, hélas! les silences totalitaires, les silences
imposés par les dictateurs qui n'hésitent pas à tuer tous
ceux qui oseraient les contredire.
- Il y a aussi les silences imposés par les hommes
politiques, moins graves que les silences totalitaires, mais
qui cependant, étant de vrais mensonges, faussent bien des
choses dans la société.
- Il y a d'autres silences que beaucoup de saints ont
connus, ces silences imposés par leurs supérieurs, au nom de
l'obéissance. Les saints ont su offrir au Seigneur la
douleur silencieuse qui leur était imposée, et un jour,
souvent après leur mort, la vérité s'est faite, et l'Église
a reconnu leur héroïsme. Mais que de souffrances pour ces
âmes!
- Il y a enfin le silence, proche du silence politique, de
ceux que l'on fait taire parce qu'ils ne sont pas d'accord
avec les idées au goût du jour. Plus tard, croyant s'être
trompées, ces mêmes personnes se tairont d'elles-mêmes. Mais
leur douleur sera très grande quand la vérité se manifestera
ensuite, et elles s'accuseront de n'avoir pas su exprimer
leur désaccord. Que faire dans ces cas quasiment
inextricables?
On pourrait multiplier à l'infini les exemples de ces
silences douloureux. Étaient-ils coupables ceux qui se sont
tu? Leur silence n'était-il que la manifestation d'un manque
grave de courage, de lâcheté? Les apôtres martyrs de tous
les temps pourraient seuls répondre à ces questions
difficiles, car dans des circonstances graves, le témoignage
peut se révéler indispensable. Nous savons tous qu'il est
possible de pécher par omission.
Lorsqu'Il "parle" à ses saints religieux confrontés à ces
situations délicates, le Seigneur conseille toujours
l'obéissance. Il leur dit: "Commence par obéir, moi,
j'éclairerai ton directeur..." Car aux yeux du Seigneur,
l'obéissance est la vertu fondamentale. Cela, c'est clair
pour les religieux, mais pour les laïcs? Doivent-ils
toujours se taire? Et comment parler tout en demeurant dans
la vérité et dans la charité, sans délation comme sans
compromis?
Nous venons d'aborder les cas les plus difficiles concernant
le silence extérieur. Traitons maintenant du silence
intérieur. Pour écouter Dieu, pour comprendre les paroles de
Dieu, il faut commencer par faire silence, entrer "dans sa
chambre", comme le conseille le Seigneur. Oui, mais cela ne
suffit pas, car très souvent, commence le cinéma intérieur
difficilement contrôlable. Les révoltes resurgissent, les
amertumes empoisonnent la pensée. Ce silence est
destructeur, c'est un bruit très violent, bien qu'il soit
silencieux. Il faut maîtriser ce silence bruyant et
dédaigner les réflexions infernales qui nous envahissent,
car ce silence bruyant ne vient pas de Dieu, mais du démon.
Alors, que faire? Tout d'abord il faut prier, implorer le
Seigneur de venir faire la paix en nous, de nous inonder de
sa charité, de son amour, de sa miséricorde. Alors, bientôt,
on se surprend à "écouter" Dieu. Les douleurs ne
disparaissent pas mais elles s'apaisent: elles deviennent
offrandes en union avec les souffrances de Jésus à
Gethsémani et sur la croix. Et peu à peu on découvre le vrai
silence.
Car il existe un vrai silence, le silence de l'union à Dieu,
ce silence que Dieu n'impose pas, mais qu'Il propose. Le
Seigneur se sert des événements, même des plus douloureux,
pour faire grandir ses enfants dans la foi, dans l'amour,
dans l'offrande d'eux-mêmes. C'est le silence de l'amour, de
l'accueil de la volonté de Dieu. C'est le silence de la
véritable oraison, celle qui est la contemplation des
merveilles de Dieu.
Des savants canadiens cherchent, depuis plusieurs années, à
détecter ce qui se passe dans le cerveau des mystiques quand
ils prient, quand ils sont en oraison... Ces savants ont
donc appelé quelques carmélites et un moine bouddhiste bien
connu, un français, Mr Ricard, interprête du Dalaï Lama pour
le français. Ces savants demandent aux mystiques choisis de
se mettre en prière, pendant cinq minutes, pour qu'ils
puissent étudier les réactions du cerveau. Ils font même
passer ces priants dans des scanners... Les résultats ne
sont pas très probants, et c'est bien normal pour les
raisons suivantes:
- cinq minutes, c'est beaucoup trop court pour se
recueillir... Thérèse d'Avila disait que ce n'était
généralement qu'à la fin d'une longue oraison que l'union à
Dieu pouvait, parfois, se manifester. Mais qu'est-ce que le
cerveau a à voir là-dedans? Ce qui est certain, c'est que
jusqu'à présent, on n'a RIEN trouvé.
-$Il y a autre chose qui est beaucoup plus grave: on
veut maintenant tout expliquer, tout réduire à de la
matière. Il faut, coûte que coûte montrer que Dieu n'existe
pas. Comme on ne peut pas le prouver, on regarde du côté des
mystiques, avec un but, véritable mais non avoué: montrer
qu'en fait "nos soi-disant relations avec Dieu ne sont
que des interactions des cellules de notre cerveau."
- D'autres personnes se vantent de vouloir prouver
que l'homme n'est qu'un animal...
Ce qui est absolument certain, c'est que l'état de nos
connaissances actuelles ne nous permet toujours pas d'éviter
Dieu. On peut d'ailleurs se demander avec juste raison, si
le moment ne serait pas enfin venu d'inciter un prêtre
spécialiste de ces questions, à nous éclairer tous sur ces
questions très délicates. Car il est urgent que notre Église
parle de temps en temps, qu'elle rompe son silence qui se
présente parfois comme une véritable complicité avec Satan.
Seigneur, nous nous taisons, nous faisons silence en nous,
et nous Te prions... Seigneur, viens à notre secours!
Seigneur viens nous sauver, nous qui sommes probablement en
train de mordre le fruit de l'Arbre de la connaissance
lequel conduit à la mort. Seigneur aie pitié de nous qui
sommes peut-être en train de commettre le péché originel!
Il est temps, maintenant, de faire une expérience afin de
voir si le silence intérieur existe vraiment. Essayons de
"voir" ce qui se passe en nous quand nous sommes en oraison,
ou plutôt quand nous désirons faire oraison. Choisissons un
thème, par exemple: "La Nouvelle Espérance." Essayons de
faire silence en nous; nous voyons vite que c'est
impossible. Nous revenons encore et toujours à nos refrains
habituels: "Jésus, Tu sais que nous désirons vraiment faire
ta volonté... mais surtout, ne me demande pas ceci, pas
cela... Je veux répondre à tes desseins d'amour sur moi,
mais j'ai besoin de ceci, de cela... Et j'aimerais faire tel
voyage, et partir en vacances à... Mais je n'ai pas assez
d'argent... Seigneur, tu connais notre faiblesse, notre
misère... Et j'ai encore tant de choses à te demander..."
Cette litanie se poursuit, et reprend comme un refrain que
nous ne pouvons pas maîtriser...
Alors nous essayons de nous taire intérieurement et de nous
rapprocher d'un saint, saint Jean par exemple. Nous essayons
de l'imiter, et comme il l'avait su faire, nous essayons
d'écouter les battements du Cœur de Jésus, ou d'écouter ses
paroles... Hélas! nous nous retrouvons quelques instants
plus tard, à demi endormis, assistant à un délire d'images
produites par nos imaginations non contrôlées. Nous revenons
à Jésus, nous Lui redisons notre amour, notre désir de faire
sa volonté, mais aussi nos besoins, nos craintes... et le
cycle recommence... et le silence est impossible.
Jésus, nous Te "regardons". Explique-nous: comment réaliser
en nous un véritable silence intérieur? Comment "ficeler"
notre imagination qui crée sans cesse des images ou des
scènes délirantes sans signification. Seigneur, quand nous
venons vers Toi, nous voulons vraiment T'écouter, "écouter"
tes paroles d'amour et de paix... Mais voici que, comme
toujours, nous pensons à tous tes enfants qui ne Te
connaissent plus, à toutes ces âmes qui Te délaissent car
elles ne savent rien de Dieu, à ces jeunes laissés à
eux-mêmes, ... Brusquement c'est Gethsémani. Notre
souffrance devient la tienne et voici que "nous entendons"
tes paroles de détresse, mais aussi de confiance envers le
Père: "Père si c'est possible, que ce calice passe loin
de Moi, ... mais que ta volonté soit faite..." Et encore
"Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font."
Nos cœurs, quand ils prient, vivent avec le Cœur de Jésus.
Nos paroles deviennent silence avec son Silence. Est-ce
seulement à Gethsémani et au pied de la Croix que l'on peut
"entendre" le silence de Dieu?
Paulette
Leblanc |