Les martyrs de septembre
(1792)

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Septembre

On a compté environ 3000 personnes massacrées, en France, le 2 septembre 1792, dont probablement 1500 à Paris. Pour être plus juste il faudrait dire entre le 2 et le 5 septembre 1792. Par contre, on est certain que ce jour-là, 191 d'entre elles sont mortes à cause de leur foi. Cependant, malgré les imprécisions, on est à peu près sûr que presque toutes les autres offrirent leur vie pour témoigner du Christ. Car, tous ceux qui disent vouloir la liberté, combattent et tuent ceux qui ne pensent pas comme eux. Étrange conception de la liberté! Revenons à nos 191 martyrs, presque tous des prêtres ou des religieux, massacrés pour leur foi, et qui ont été béatifiés par Pie XI le 17 octobre 1926.

Un massacre de cette ampleur est par lui-même un fait historique; mais quelques précisions, historiques sont indispensables.

-Le 2 novembre 1789, par 568 voix contre 346, l'Assemblée Constituante adoptait un décret  mettant les biens du clergé "à la disposition de la Nation, à charge de pourvoir, d'une manière convenable, aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres."

-Le 12 juillet 1790, l'Assemblée votait une loi, dite  "Constitution Civile du Clergé" créant pratiquement une Église séparée de Rome, religion anglicane à la française, car elle portait sur la réorganisation complète de l'Église de France. S'adressant aux membres présents du Clergé, Mirabeau s'écria: "Vous êtes payés par l'État, vous êtes ses fonctionnaires, vous n'avez qu'à obéir!" 

-De juillet à octobre 1790, la population française assista à une aliénation quasi totale des biens du clergé.

-Le 2 janvier 1791: publication de la loi du 27 novembre 1790 sur le serment.  7 évêques sur 160 prêtèrent le serment; les prêtres "jureurs" ou "assermentés" et les non jureurs "insermentés" ou "réfractaires" seront en nombre variable selon les paroisses et les diocèses (dans un diocèse, par exemple, il n'y eut que 3 réfractaires). L'Église de France se trouva petit à petit, coupée en deux: une Église constitutionnelle séparée du Pape et une Église fidèle au Pape qui sera progressivement obligée d'entrer dans la clandestinité. Heureusement, dans sa grande majorité, la population restait attachée à l'Église fidèle au Pape, et manifestait le plus grand mépris pour les prêtres assermentés.

-Le 29 Novembre  1791 une nouvelle loi prévoyait que les prêtres insermentés seraient inscrits sur la liste des suspects et qu'ils pourraient être éloignés du lieu de leur résidence s'ils étaient "soupçonnés de causer quelque trouble, sans préjudice des poursuites qui pourraient leur être intentées."

-Le 12 mars 1792, le pape  Pie VI excommuniait les prêtres jureurs.

-Dans la nuit du 9 au 10 août 1792 une commune insurrectionnelle, menée par Marat, Chaumette et Hébert et derrière laquelle se trouvait Danton, prit à Paris la place de la commune légale, et se donnait tous les pouvoirs d'administration et de police. Cette Commune imposera ses volontés à l'Assemblée. De très nombreux suspects furent arrêtés: laïcs, prêtres séculiers, religieux, souvent réputés réfractaires, même si ce n’était pas le cas pour tous. Environ 350 ecclésiastiques furent ainsi incarcérés, dont plus de la moitié étaient étrangers à la capitale, dont Vincent Abraham. Le 2 septembre 1792, vers 15 heures, les massacres commencèrent. Ils furent menés d'abord d'une façon anarchique par quelques individus exaltés, à l'Abbaye et à la prison des Carmes[1], puis, dans ces deux mêmes prisons, à partir de 16 heures environ, d'une manière plus organisée, après l'arrivée de "commissaires" qui devaient contrôler les identités et opérer un certain tri parmi les victimes.

Aux environs de 18 heures, ce 2 septembre 1792, les massacres cessèrent, et les 30 derniers prisonniers, dont 8 laïcs, furent conduits sous escorte à la Section (Réunion de l'Assemblée), d'où ils seront relâchés les jours suivants. En arrivant à la Section, après le massacre, un des commissaires s'étonna: ”Je ne comprends pas ces gens, ils allaient à la mort comme on va à un mariage!“

Un jésuite rescapé, l'abbé Saurin, témoigne: "Le contraste est saisissant entre la sérénité qui règne au-dedans, parmi les ecclésiastiques prisonniers, groupés autour de trois évêques, et, au dehors, le hurlement de la foule, les canonnades, les roulements de tambour, et finalement, le tocsin de Saint-Sulpice qui donne le signal de la tuerie." Et l'abbé de la Pannonie, blessé et rescapé de la tragédie des Carmes, ajoutera: "Je n’ai entendu se plaindre aucun de ceux que j’ai vu massacrés."

86 prêtres martyrs étaient membres du clergé parisien. Les quatre laïcs et de nombreux religieux béatifiés appartenaient aussi à l’Église de Paris. Ceux qui sont morts ce jour-là ont été appelés les "martyrs de Septembre" ou encore "les martyrs des Carmes". Ces massacres installèrent un climat oppressant dans Paris et sa région.

Voulez-vous en savoir davantage? Les 191 ecclésiastiques dont nous venons de parler, dont 3 évêques, furent massacrés dans des conditions particulièrement violentes, sous la conduite du commissaire exécuteur des ordres, Stanislas-Marie Maillard qui avait installé un tribunal dans le couvent. Il jugeait et condamnait l'un après l'autre, tous ceux qui se présentaient devant lui "à la force": la porte s’ouvrait et dès que les religieux qui avaient refusé de prêter serment à la Constitution Civile du Clergé en franchissaient le seuil, ils tombaient sous les piques ou les baïonnettes. Ce massacre dura fort longtemps.

Pendant les journées qui suivirent, d'autres prêtres furent tués dans les jardins du couvent. Parmi les prêtres massacrés, huit étaient membres de la Municipalité de paroisse canadienne du Québec Saint Sulpice. Il y avait également vingt-trois anciens Jésuites qui, ayant refusé la Constitution Civile du Clergé furent mis à mort. Un Jésuite est plus particulièrement connu: Alexandre Lanfant, le prédicateur de la Cour royale. Nous pouvons également noter que Guillaume-Antoine Delfaud, député du clergé aux États Généraux, qui avait voté avec le Tiers-état contre les privilèges, refusa la Constitution Civile du Clergé, voulant rester fidèle à Rome. Dénoncé, puis arrêté, il fut enfermé dans la prison des Carmes, où il périt avec ses compagnons martyrs. Le secrétaire général de l'Institut des Frères des Écoles Chrétiennes, le Frère Guillaume-Louis-Nicolas Leclercq, ainsi que la princesse Marie-Thérèse de Lamballe (42 ans), ancienne confidente de la reine, font également partie des victimes. Le simple fait de déclarer: "J'appartiens à l'Église catholique, apostolique et romaine", signait la condamnation à mort.

Rappelons que les massacres, par des sans-culottes exaltés menés par le journaliste Marat, eurent lieu non seulement à la prison des Carmes, mais aussi à l'Abbaye de Saint Germain, à la Conciergerie, au Luxembourg et au Grand-Chatelet. Avec ces massacres, la Révolution française entrait dans sa phase la plus violente.

Paulette Leblanc


[1] La prison des Carmes avait été installée dans l’ancien monastère des Carmes de Paris.

 

 

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