Sainte Marie l'Égyptienne
(?- vers 451)

Fêtée le 1er avril

2

AVRIL

Si l'on se réfère au Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme ancien, l'histoire de Marie l'Égyptienne se serait transmise oralement parmi les moines de Palestine aux environs du VIe siècle. Il s'agissait de la vie d'une femme, appelée Marie, qui vécut de nombreuses années au désert, en Palestine, pour y expier les péchés de sa vie passée. Il y eut également plusieurs rédactions ultérieures de ce récit, dont la principale vient de saint Sophrone de Jérusalem, grand défenseur de la foi orthodoxe; nous connaissons déjà Sophrone dont la fête est le 10 mars. Pour lui, la sainte dont nous allons parler, était égyptienne. Le texte de saint Sophrone eut beaucoup de succès et fut traduit dans de nombreuses langues. Nous vous rappelons que saint Sophrone, fut un patriarche de Jérusalem et grand défenseur de la foi orthodoxe contre les hérésies du VIIe siècle.

La vie de sainte Marie l'Égyptienne est l'un des plus remarquables exemples de conversion et de pénitence de toute l'histoire chrétienne. Elle est la patronne des pécheresses repenties. Les vitraux des églises de Bourges et d’Auxerre racontent sa vie.

Selon saint Sophrone, Marie l'Égyptienne naquit en Égypte,  probablement au 4ème siècle après Jésus-Christ. Elle vécut à Alexandrie. Elle-même raconte: "Du vivant de mes parents, à douze ans accomplis, je rejetai toute tendresse à leur égard et me rendis à Alexandrie..." En réalité elle se révoltait contre ses parents pour vivre dans la luxure, à Alexandrie. Elle reniait sa parenté et se coupait de la communauté humaine en laquelle la vie prend son sens. On a dit que le péché de Marie l'Egyptienne n'était pas seulement d'abord la violation de l'ordre moral ou social, mais une rupture de la communion avec Dieu. La vie de débauche de Marie l'Égyptienne dura pendant au moins dix sept ans.

Parlons maintenant de sa conversion. Marie vivait dans la luxure, se prostituant tous les jours, dans tous les lieux de débauche de la ville. Les hagiographes rappellent que le plaisir voulu pour lui-même est, dans les commencements, à la fois violent et fugitif. Mais au fil du temps, il perd de son intensité et la sensualité devient toujours plus exigeante. C'est ainsi que Marie l'Égyptienne, dans son expérience de l'athéisme, aurait subi l'esclavage des sens. Sous le prétexte de vivre sa liberté, elle était dépossédée d'elle-même, avait perdu toute pudeur, et recherchait un nombre toujours croissant de partenaires. Marie l'Égyptienne expérimentait l'enfer…  Elle avoua: "L'envie insatiable, l'irrépressible amour de me rouler dans la fange me possédait."

Or, un jour, elle rencontra des pèlerins qui partaient pour Jérusalem sur un bateau. Elle décida de les suivre en payant son passage de ses charmes. Elle avait 29 ans. Sophrone raconte que les pèlerins arrivèrent devant la Basilique de la Résurrection, le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix, et que tous y entrèrent pour prier. Mais Marie ne put en franchir le seuil, une force la repoussait chaque fois qu'elle voulait passer. Comprenant soudain son lamentable état de pécheresse, elle se tourna vers la Vierge Marie et la supplia d'intercéder en sa faveur: "Moi, je suis dans la fange du péché et vous êtes la plus pure des vierges. Prenez pitié d'une malheureuse et faites pour mon salut, que je puisse adorer la croix de votre divin fils." Aussitôt, son cœur fut apaisé et, elle put entrer dans le sanctuaire.

Il avait fallu du temps à notre héroïne pour comprendre que cette impossibilité ne venait pas d'une faiblesse physique. Elle dit: "J'étais découragée, je n'avais plus de force, mon corps était brisé." Mais, par la grâce de Dieu "le Verbe Sauveur toucha les yeux de son cœur lui montrant que c'était la fange de ses actions qui lui fermait l'entrée." Le Christ brisa les verrous qui la tenaient captive en les exposant en pleine lumière. Elle était enfin libre.

Les hagiographes parlent de la réalité du péché de Marie l'Égyptienne, devenue le vase d'élection du diable. De plus, elle rôdait cherchant qui dévorer, pour faire tomber en tentation tous ceux qu'elle rencontrerait.  L'un d'eux a écrit que "le péché était un état pécheur intérieur qui donnait naissance aux multiples rejetons que sont les actes peccamineux. Ayant renoncé à rendre un culte au vrai Dieu, Marie l'Égyptienne n'en restait pas moins une créature spirituelle destinée à l'adoration, même si elle le refusait. Elle rendait un culte à sa chair ou plutôt, par sa chair, elle recherchait l'ivresse du plaisir, pauvre substitut à la béatitude…  Elle s'abandonnait à la possession du plaisir.

Quand Marie put enfin entrer dans la basilique, elle entendit une voix qui lui disait: "Si tu passes le Jourdain, tu y trouveras le repos." Elle communia saintement, et partit au-delà du Jourdain, dans le désert. Elle vécut là 47 ans, sans ressource et souvent aux prises à de pénibles et intenses tentations. Cependant elle accueillait le feu de la foi comme quelque chose de certain. Les portes de l'Église, lieu du salut, lui ayant été ouvertes, dorénavant, guidée par l'Esprit, elle pouvait voir le Bois vivifiant, la Croix du Fils, et comprendre comment le Père attend le repentir des pécheurs. Elle contemplait Jésus qu'elle persécutait et comprenait le mystère de la divine Economie. Une amitié la lia à un autre anachorète, Zosime. Marie aida beaucoup Zosime à découvrit sa pauvreté spirituelle.

Un jour Zosime entendit sa confession et lui donna la communion. Marie lui demanda de revenir l'année suivante, au même endroit, afin de lui apporter de nouveau ce sacrement. Mais, quand Zosime revint, il découvrit la sainte couchée sur le sol, morte, la tête tournée vers Jérusalem. Près d'elle se trouvait un message lui demandant de l'ensevelir à la place où elle était. Mais le sol du désert était trop sec et trop dur, et Zosime ne put creuser la tombe. Un lion s'approcha, le saint lui demanda de l'aide, et tous deux purent creuser une fosse et enterrer Marie. Ensuite, le lion s'éloigna, et saint Zosime rentra dans son cloître où il vécut encore de nombreuses années. L'épisode du lion est-il authentique? En écoutant ce récit, on comprend comment se forment les légendes populaires.

Notons toutefois que la conversion de sainte Marie l'Égyptienne a pour seule cause la volonté divine. Dieu a agi avec elle comme il agissait à l'égard de son peuple. Il eut pour Marie une patience qui était à la fois pitié, fidélité, tendresse. Car Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais il attend patiemment sa conversion. Mais revenons à Zosime. Zosime se considérait parfait. Mais sa rencontre avec Marie l'Égyptienne, très sainte pénitente, le bouleversa. Zosime reconnut la sainteté de Marie et il fut attiré par sa beauté spirituelle et la vie de l’Esprit qui jaillissait en elle. Il accueillit son enseignement, et il comprit qu'il devait apprendre l’humilité et la patience. Il commençait, lui aussi, son chemin de repentir.

Nous allons maintenant rapporter quelques réflexions de saint Sophrone. Après 17 ans d'une vie de pénitence extrême, Marie l'Égyptienne entra  dans ce que l'on peut considérer comme la troisième étape de sa vie spirituelle. Purifiée par la solitude et les dangers encourus dans le désert, elle accepte de ne devoir son existence qu'à une grâce dont elle se sait indigne. Elle vit pour Dieu et demeure en Lui. Elle Lui parle dans la chasteté d'une charité véritable. Objet de la grâce divine, initiée à la communion avec Dieu, elle est le trésor que Dieu a caché au désert. Marie l'Égyptienne a trouvé la vraie vie. Elle fait l'expérience de la foi et, par la foi, est introduite dans le mystère d'une existence eucharistique. Elle voit et comprend de quelle façon mystérieuse seule la bénédiction divine lui permet de subsister dans un monde si hostile… Elle est tout entière revêtue de l'Esprit qui l'inspire et la conduit à la Vérité tout entière… Elle est introduite dans la connaissance des Écritures sans qu'elle ait jamais appris les lettres. Elle est enseignée par Dieu. Dans cette union mystique elle trouve désormais nourriture et protection. Dans la Présence du Père, elle est conduite par l'Esprit au Sauveur crucifié et glorifié, et reçoit de Lui, en retour, une participation accrue à la grâce de ce même Esprit-Saint. Prise ainsi entre les deux mains du Père, elle est le lieu docile où peut s'accomplir le désir divin exprimé dans le secret trinitaire: «Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance» (Gen 1, 26). C'est ainsi que Marie l'Égyptienne vit dans la communion trinitaire dès ici-bas. Encore sur terre, elle ne vit que du Ciel. Malgré la permanence des prévenances divines, Marie l'Égyptienne demeure consciente de sa faiblesse. Elle sait que tout se joue dans le mouvement oblatif de sa liberté. Elle confesse sa condition de créature, poussière et cendre, pécheresse protégée par le rempart du Saint Baptême. Son identité profonde, même dans cet état spirituel élevé n'est jamais que celle d'une pécheresse pardonnée. C'est pourquoi elle se confie en tout à sa sainte protectrice, à Celle qui se porte garant de la vérité de sa conversion devant le Christ Sauveur. La très pure et toute bénie Mère de Dieu ne cesse de l'accompagner de sa sollicitude maternelle et de la conduire par la main sur le chemin étroit de l'obéissance aimante. Outre la protection de Marie, elle est munie du signe de la divine et vivifiante Croix qu'elle a vénérée à Jérusalem. Par le signe de la croix, elle foule les flots du Jourdain pour aller communier à son Seigneur. Par le signe de la croix, elle scelle son front, sa bouche et sa poitrine pour les fermer à l'Adversaire. Par le signe de la croix elle connaît l'humble assurance de ceux qui sont sauvés par grâce.

Tout le travail solitaire de régénération de Marie l'Égyptienne trouve sa perfection dans le mouvement apostolique de son cœur. Elle mène une vie angélique, unissant étroitement le service de la liturgie céleste et celui de la divine philanthropie… Marie l'Égyptienne a fait siennes les pensées et les volontés divines. C'est pourquoi, rencontrant zosime, abba Zossima, elle commença par s'inquiéter des affaires de l'Église, de l'empire, de la vie des chrétiens. Ce n'était pas là une vaine curiosité mondaine, Mais un désir aimant de voir la paix divine s'étendre à toute créature. Étrange! Sans avoir jamais rencontré abba Zossima, Marie l'Égyptienne connaissait son nom et sa dignité sacerdotale. Elle comprit la place assignée par Dieu à abba Zossima dans le corps du Christ qu'est l'Église et lui transmit avec autorité, de la part de Dieu, des recommandations et des directives. Cela ne l'empêchait pas d'accepter de lui les services voulus par Dieu, et de donner tous les signes de la soumission à son autorité sacerdotale. Elle montra à abba Zossima qu'il était encore bien éloigné de la perfection et elle aviva en lui le désir d'avoir part à l'Esprit qui confère un tel accomplissement et une telle beauté spirituelle.

Après la mort de la sainte, et jusqu'à nos jours, beaucoup de personnes trouveront en Marie l'Égyptienne mieux qu'un exemple, une assistance. C'est la grâce qui nous est ouverte maintenant.

Marie l'Égyptienne mourut vers 421. Elle est fêtée le 1er avril dans l'Église orthodoxe et son nom est indiqué le 2 avril dans les martyrologes occidentaux.

Paulette Leblanc

 

 

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