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Pierre-Damien naquit en 1007, à Ravenne, de parents
pauvres, surchargés de famille; sa mère l’abandonna tout
d’abord, puis le reprit et mourut quand il n’était
encore qu’un enfant. Devenu orphelin, Pierre fut employé
par l’un de ses frères à des travaux grossiers,
notamment à la garde des cochons. Mais telle était son
intelligence qu’un autre de ses frères, nommé Damien, se
chargea de son instruction et l’envoya étudier à Faënza,
puis à Parme. Pierre, en remerciement ajouta le nom de
son frère au sien: il devint Pierre-Damien. Ses progrès
tinrent du prodige, et bientôt il devint professeur. La
fortune lui vint avec la renommée. Mais, craignant de
céder à la fougue de ses passions ou aux dangers du
monde, il entra chez les religieux de Fonte Avellana, au
diocèse de Gubbio, en Ombrie. C’est vers 1035 et il
avait alors 28 ou 29 ans.
Devenu moine, Pierre-Damien voulut travailler à sa
complète conversion. Aux austérités de la règle
bénédictine, il ajouta d’autres pratiques de pénitence
volontaire. Sans le savoir, il se préparait à la mission
qui deviendrait la sienne: la conversion de ses frères
moines, dans son monastère, puis dans d'autres, en
restaurant la discipline religieuse détruite par les
désordres et la décadence des mœurs. Par ailleurs, il
avait un puissant amour pour l’Église, qu’il voulait
pure et féconde dans la conduite de tous ses ministres
sans exception, d’un bout à l’autre de la hiérarchie
ecclésiastique. Or, cela n'était pas précisément le cas
à cette époque durant laquelle l'Église traversa de
rudes épreuves, certains papes menant des vies peu
recommandables. On peut citer les deux frères, Benoît
VIII (1012-1024) et Jean XIX (1024-1032), puis leur
neveu, Benoît IX (1032-1048), qui, pape à douze ans,
déshonora la tiare par tous ses débordements.
C'est après la deuxième destitution de Benoît IX, que
Pierre Damien prit contact avec le nouveau pape Grégoire
VI. Il espérait le voir combattre le double fléau de
l’incontinence des prêtres et la simonie. Il lui écrivit
pour dénoncer en particulier trois églises gouvernées
par d’indignes prélats, la plupart chargés de crimes.
Mais, en raison des désordres qui régnaient, et du grand
schisme entre les Églises d'orient et d'Occident qui
s'officialisera en 1054, ce fut Léon IX qui se fit aider
par Pierre-Damien pour réaliser la réforme du clergé.
Mais Léon IX mourut en 1054, et son successeur Victor II
en 1057. Le nouveau pape, Étienne IX imposa à
Pierre-Damien le cardinalat. Mais Étienne IX mourut en
1058 sans avoir pu mettre en place la réforme du clergé.
Benoît X que Pierre-Damien traitera de simoniaque et
d'intrus, succèdera à Étienne IX; mais Benoît X mourut
très rapidement, lui aussi de la malaria, en 1058, et
Étienne IX fut donc remplacé par Nicolas II qui
interdira la concession de charges ecclésiastiques par
simonie et décidera que le pape serait élu uniquement
par les cardinaux (décret de 1059).
Malgré tous ces contretemps, Pierre Damien était plus
décidé que jamais à poursuivre sa campagne contre les
vices de l’époque. Il écrivit à Nicolas II pour qu’il
réprimât l’incontinence des clercs qui scandalisait les
fidèles et avilissait le sacerdoce. Dans le même but, il
s’adressa au cardinal Pierre, à l’évêque de Turin et à
la duchesse Adelaïde, pour les presser d’arrêter le
cours des débordements du clergé et de mettre en vigueur
le décret de Léon IX contre les clercs incontinents et
leurs concubines.
Pierre-Damien aurait bien voulu démissionner et renoncer
à l’épiscopat pour se retirer dans la solitude de Fonte
Avellana. Mais le pape ne donna pas suite à sa demande,
comprenant qu’un homme comme Pierre Damien était
indispensable à ses côtés. Du reste, les circonstances
difficiles qui suivirent la mort de Nicolas II, survenue
au mois de juillet 1061, rendirent sa présence
nécessaire. Avec les partisans de la réforme, il
contribua, le 1er octobre, à faire élire Anselme de
Lucques, Alexandre II qui fut pape de 1061 à 1073.
Pierre-Damien poursuivit son œuvre de réforme en
exhortant les cardinaux à servir de modèles, l’épiscopat
consistant beaucoup moins, disait-il, dans la
magnificence et le faste des ornements extérieurs que
dans l’exercice de toutes les vertus. Pierre-Damien
devra également intervenir dans l'affaire de l'antipape
Cadaloüs. Il s’adressera directement au très jeune
empereur en le conjurant d’agir en protecteur de
l’Eglise, à l’exemple de Constantin contre Arius, de
frapper Cadaloüs, seul moyen de rendre la paix à
l’Eglise et de s’attirer lui-même la protection du ciel;
sans quoi, affirmait Pierre-Damien, il était facile de
prévoir combien funestes seraient les conséquences. Il
se déclarait même prêt à tout souffrir pour la défense
de l’Église romaine. Mais que pouvait faire le jeune
empereur qui n’était encore qu’un enfant. Heureusement
Annon, archevêque de Cologne et précepteur du jeune
empereur, n’avait pas hésité à prendre parti en faveur
d’Alexandre II.
Comme légat du pape, Pierre-Damien dut aussi se rendre à
Florence puis en Allemagne, au Concile de Mayence, et
enfin à Ravenne, sa ville natale, qui avait été frappée
d’excommunication par Alexandre II. Le grand coupable
était l’archevêque, et il venait de mourir. Pierre
Damien représenta au pape qu’il n’était pas juste de
punir toute une église pour la faute d’un seul.
Épuisé, Pierre-Damien mourut le 22 février 1072. C’était
la fête de la chaire de saint Pierre, fit remarquer son
biographe qui avait été son disciple. À Pierre-Damien,
moine austère, réformateur infatigable, champion zélé du
siège apostolique, le pape Léon XII conféra le titre de
docteur de l’Église, par son décret du 1er octobre 1828.
En
effet, Pierre-Damien avait droit à être compté au nombre
de ceux qui, au XIe siècle, voulurent libérer l’Église
de la double plaie qui la rongeait à l’intérieur,
l’immoralité et la simonie, et assurer son indépendance
vis-à-vis du pouvoir civil par une entente harmonieuse
et réglée. Homme du cloître, il était particulièrement
pénétré de l’esprit de saint Augustin et de saint Benoît
; il marchait de pair avec de grands moines de son
siècle, saint Romuald, le fondateur de l’ordre des
camaldules, en 1012 saint Odilon († 1048) et saint
Hugues († 1109), abbés de Cluny, Didier, abbé du
Mont-Cassin, le futur Victor III († 1087). Rien
n’échappait à son regard vigilant. Il voulait que les
moines pratiquent la pauvreté, ne gardent pas d’argent,
ne multiplient pas leurs sorties et ne s’occupent point
des affaires du siècle. Selon lui, à la prière, les
religieux devaient joindre la pratique du jeûne, de la
mortification, des disciplines corporelles, selon la
règle ordinaire, et cette règle était très dure: ainsi,
aux moines de Fonte Avellana et à ceux qui dépendaient
de sa congrégation Pierre-Damien imposait quatre jours
de jeûne par semaine, depuis l’octave de Pâques à la
Pentecôte, et de saint Jean-Baptiste au 5 septembre; et
cinq jours depuis l’octave de la Pentecôte jusqu’à la
fête de saint Jean-Baptiste, et depuis le 5 septembre
jusqu’à Pâques. En plus, il y avait deux carêmes, celui
de Noël et celui de Pâques, où l’on jeûnait tous les
jours excepté le dimanche et certaines fêtes. Il ne
restait que trois semaines sans jeûne durant toute
l’année, aux octaves de Noël, de Pâques et de la
Pentecôte.
Les
mœurs de cette époque étaient très dissolues, aussi ceux
qui voulaient réparer, devaient accepter une vie
particulièrement rigoureuse.
Paulette Leblanc |