9

JUILLET

Les Frères des Écoles
chrétiennes

LES PONTONS DE ROCHEFORT

La Révolution française a fait des milliers de victimes, non seulement parmi les nobles, mais aussi parmi les prêtres, les religieux et religieuses. Peu à peu des massacres horribles se découvrent, et je dois avouer que la consultation des saints du mois de juillet que j'aimerais vous présenter bientôt m'a stupéfiée: que de prêtres et de religieuses ont été décapités, dans de nombreuses communes de France, ou sont morts dans le plus total abandon, notamment sur les pontons de Rochefort! Il m'a donc semblé important d'informer nos auditeurs sur ces massacres qui ont été tenus cachés pendant si longtemps. En conséquence, dorénavant, chaque fois que je découvrirai un martyr de la Révolution française, je vous le signalerai.

Aujourd'hui, je ne vous présenterai pas un saint, mais les Pontons de Rochefort.

Nous savons maintenant, avec certitude, que la déportation sur les Pontons de Rochefort a concerné 829 prêtres, dont 547 ont péri d'avril 1794 aux premières semaines de 1795. Mais pourquoi? Qu'avaient-ils fait de mal? Rien, bien au contraire. Alors?

Souvenons-nous…

L'Assemblée constituante vota, le 12 juillet 1790, la Constitution civile du clergé. Cette Constitution civile du clergé transformait les ecclésiastiques en fonctionnaires élus par l'assemblée des citoyens actifs, et évinçait le Pape de la nomination des évêques. Ceci n'était pas acceptable par le Saint-Siège. Dès lors il y eut en France deux sortes de prêtres: les prêtres constitutionnels, assermentés ou jureurs, qui acceptèrent de se soumettre à cette constitution, et les prêtres réfractaires ou non-jureurs qui refusèrent de prêter le serment obligatoire. Les assemblées qui suivirent la Constituante  condamnèrent à l'exil, à la réclusion puis à la déportation les prêtres réfractaires. Il convient de préciser ici, ce que l'on sait beaucoup moins,  qu'il y eut aussi des assermentés qui furent condamnés. L'Église souffrira beaucoup de ces évènements: les lieux de culte seront fermés, la pratique interdite, et de nombreux prêtres furent massacrés.

Ainsi, avoua plus tard le capitaine Laly, du Ponton: "Les Deux-associés" les prêtres, mais aussi les religieux et les religieuses, "étaient rayés du livre de la République, et on m'avait dit de les faire mourir sans bruit..." 

Le 21 septembre 1792, la Convention succédait à l'Assemblée législative, qui avait remplacé l'Assemblée constituante. La Terreur, décrétée le 5 septembre 1792, s'installait en France. Des institutions révolutionnaires locales se multipliaient, et les représentants du peuple envoyés par la Convention étaient chargés de faire appliquer le régime de la Terreur. Mais les exécutions individuelles, via la guillotine, n'allaient pas assez vite: il fallait accélérer l'épuration. En conséquence, le 25 janvier 1794, un arrêté du Comité de salut public organisa le départ des prêtres réfractaires vers les ports de l'Atlantique, où ils devaient être regroupés avant leur déportation. Ceux qui furent emprisonnés à Nantes seront noyés par Carrier, et seuls Bordeaux et Rochefort mettront en œuvre les directives du comité et firent mourir les futurs déportés "sans bruit".

Les déportés qui arrivèrent à Rochefort, furent incarcérés dans différents lieux (prison Saint-Maurice, couvent des Capucins...) ou sur des navires. Finalement, ils seront tous entassés dans deux anciens navires négriers, les "Deux-Associés" et le "Washington", réquisitionnés après l'abolition de l'esclavage par la Convention le 4 février 1794. Destinés à partir pour la Guyane ou les côtes d'Afrique, les bâtiments ne quittèrent cependant pas l'estuaire de la Charente. Le commandement des navires fût assuré par Laly pour les Deux-Associés et Gibert pour le Washington. Ils appliquèrent, avec leurs équipages, les consi-gnes de sévérité avec rigueur, les aggravant même parfois: prière interdite, injures, menaces, brimades physiques, nourriture infecte.... Mais les prison-niers, dans le secret, poursuivaient une activité religieuse.

Les décès dus aux conditions de détention s'accélérèrent: scorbut, typhus. Les prisonniers encore valides furent transférés sur un troisième navire, l'Indien; les plus malades furent débarqués sur l'île Madame où beaucoup périront. Sur les 829 prêtres déportés à Rochefort, seuls 274 survécurent.

Enfin, après le Coup d'État du 9 thermidor an II (27 juillet 1794) Robespierre, principal instigateur de la Terreur, était exécuté. Les institutions du régime précédent (Tribunal révolutionnaire, clubs et associations patriotiques) furent généralement supprimées. Bien des prisons commencèrent à s'ouvrir. Cepen-dant, à la fin de l'année 1794, les pontons gardaient toujours leurs prisonniers. Quelques-uns furent libérés mais aucune mesure collective ne fut prise. Grâce à quelques initiatives individuelles le transfert à Saintes des prêtres déportés de Rochefort eut lieu en février 1795. Là, ils purent à nouveau célébrer le culte et administrer les sacrements dans les oratoires privés.

Mais les persécutions étaient loin d'être terminées. En octobre 1795, la Convention ordonna la réclusion ou la déportation des prêtres réfractaires vers la Guyane. Ces départs n'eurent heureusement pas lieu, et un décret du 4 décembre 1796 prononça enfin la libération des prêtres détenus. Mais cela était trop beau pour durer. Le 18 fructidor de l'an V (4 septembre 1797), un coup d'État des républicains du Directoire condamna les adversaires politiques à être emprisonnés ou déportés. Les décrets de proscription envers les prêtres furent renouvelés et ils furent de nouveau emprisonnés à Rochefort. Quelques-uns furent effectivement envoyés en Guyane, où la mortalité était effrayante. Cela durera jusqu'au Coup d'État du 18 brumaire de l'an VIII (9 novembre 1799) qui donnera le pouvoir à Bonaparte. Les persécutions des prêtres prirent fin lorsque le Saint-Siège conclut un Concordat avec la France (ratifié le 5 avril 1802). Cet accord, signé par le Pape Pie VII et le 1er consul Bonaparte, permettait la réorganisation du catholicisme dans le pays.

L'hécatombe que nous venons de rappeler, resta pourtant longtemps ignorée, et même volontairement tenue cachée. Cependant la cause des prêtres et des religieux massacrés aboutit à la béatification solennelle d'octobre 1995, par laquelle l'Église reconnut, en soixante-quatre des victimes des pontons, d'authentiques témoins de la foi, mis à mort volontairement, en haine de la foi, et en acceptant consciemment leur sort. Cette béatification est connue sous le nom de: le bienheureux Jean-Baptiste Souzy et ses compagnons.

  • Liste des soixante-quatre prêtres ou religieux béatifiés

Jean-Baptiste Étienne Souzy, prêtre du diocèse de La Rochelle. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 27 août 1794.

Antoine Bannassat, curé de Saint-Fiel (Creuse). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 18 août 1794.

Jean-Baptiste de Bruxelles, chanoine de Saint-Léonard (Haute-Vienne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 18 juillet 1794.

Florent Dumontet de Cardaillac, aumônier de la comtesse de Provence. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 5 septembre 1794.

Jean-Baptiste Duverneuil (père Léonard), carme de la maison d'Angoulême. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 1er juillet 1794.

Pierre Gabilhaud, curé de Saint-Christophe (Creuse). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 13 août 1794.

Louis-Wulphy Huppy, prêtre du diocèse de Limoges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 29 août 1794.

Pierre Jarrige de La Morelie de Puyredon, chanoine de Saint-Yrieix (Haute-Vienne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 12 août 1794.

Barthélemy Jarrige de La Morelie de Biars, bénédictin de l'abbaye de Lezat (Ariège). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 13 juillet 1794.

Jean-François Jarrige de la Morelie du Breuil, chanoine de Saint-Yrieix (Haute-Vienne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 31 juillet 1794.

Joseph Juge de Saint-Martin, sulpicien, directeur de séminaire. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 7 juillet 1794.

Marcel-Gaucher Labiche de Reignefort, missionnaire à Limoges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 26 juillet 1794.

Pierre-Yrieix Labrouhe de Laborderie, chanoine de Saint-Yrieix (Haute-Vienne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 1er juillet 1794.

Claude-Barnabé Laurent de Mascloux, chanoine du Dorat (Haute-Vienne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 7 septembre 1794.

Jacques Lombardie, curé de Saint-Hilaire-de-Foissac (Corrèze). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 22 juillet 1794.

Joseph Marchandon, curé de Marsac (Creuse). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 22 septembre 1794.

François d'Oudinot de La Boissière, chanoine du diocèse de Limoges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 7 septembre 1794.

Raymond Petiniaud de Jourgnac, vicaire général de l'évêque de Limoges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 26 juin 1794.

Jacques Retouret, carme de la maison de Limoges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 26 août 1794.

Paul-Jean Charles (frère Paul), moine cistercien de l'abbaye de Sept-Fons (Allier). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 25 août 1794.

Augustin-Joseph Desgardin (frère Élie), moine cistercien de l'abbaye de Sept-Fons (Allier). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 6 juillet 1794.

Pierre-Sulpice-Christophe Favergne (frère Roger), frère des Écoles chrétiennes à Moulins. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 12 septembre 1794.

Joseph Imbert, jésuite. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 9 juin 1794.

Claude-Joseph Jouffret de Bonnefont, sulpicien, supérieur du petit séminaire d'Autun. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 10 août 1794.

Claude Laplace, prêtre à Moulins. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 14 septembre 1794.

Noël-Hilaire Le Conte, chanoine de la cathédrale de Bourges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 17 août 1794.

Pierre-Joseph Le Groing de La Romagère, chanoine à la cathédrale de Bourges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 26 juillet 1794.

Jean-Baptiste-Xavier Loir, capucin au Petit-Forez, à Lyon. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 19 mai 1794.

Jean Maupinot (frère Léon), frère des Écoles chrétiennes à Moulins. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 21 mai 1794.

Philippe Papon, curé de Contigny (Allier). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 17 juin 1794.

Nicolas Sauvouret, cordelier à Moulins. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 16 juillet 1794.

Jean-Baptiste Vernoy de Montjournal, chanoine à Moulins. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 1er juin 1794.

Louis-Armand-Joseph Adam, cordelier à Rouen. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 13 juillet 1794.

Charles-Antoine-Nicolas Ancel, eudiste à Lisieux. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 29 juillet 1794.

Claude Beguignot, chartreux à Saint-Pierre-de-Quevilly, près de Rouen. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 16 juillet 1794.

Jean Bourdon (frère Protais), capucin à Sotteville, près de Rouen. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 23 août 1794.

Louis-François Lebrun, moine bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 20 août 1794.

Michel-Bernard Marchand, prêtre du diocèse de Rouen. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 15 juillet 1794.

Pierre-Michel Noël, prêtre du diocèse de Rouen. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 5 août 1794.

Gervais-Protais Brunel, moine cistercien de Mortagne (Orne). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 20 août 1794.

François François (frère Sébastien), capucin. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 10 août 1794.

Jacques Gagnot (frère Hubert de Saint-Claude), carme de la maison de Nancy. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 10 septembre 1794.

Jean-Baptiste Guillaume (frère Uldaric), frère des Écoles chrétiennes à Nancy. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 27 août 1794.

Jean-Georges Rehm (père Thomas), dominicain au couvent de Schlestadt (Alsace). Déporté sur les Deux-Associés; mort le 11 août 1794.

Claude Richard, bénédictin à Moyen-Moutier (Vosges). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 9 août 1794.

Jean Hunot, chanoine à Brienon-l'Archevêque (Yonne). Déporté sur le Washington ; mort le 7 octobre 1794.

Sébastien-Loup Hunot, chanoine à Brienon-l'Archevêque (Yonne). Déporté sur le Washington ; mort le 17 novembre 1794.

François Hunot, chanoine de Brienon-l'Archevêque (Yonne). Déporté sur le Washington ; mort le 6 octobre 1794.

Georges-Edme René, chanoine à Vézelay. Déporté sur le Washington ; mort le 2 octobre 1794.

Lazare Tiersot, chartreux à Beaune (Côte-d'or). Déporté sur le Washington ; mort le 10 août 1794.

Scipion-Jérôme Brigeat Lambert, doyen du chapitre d'Avranches (Manche). Déporté sur le Washington ; mort le 4 septembre 1794.

Jean-Nicolas Cordier, jésuite. Déporté sur le Washington ; mort le 30 septembre 1794.

Charles-Arnould Hanus, curé et doyen du chapitre de Ligny (Meuse). Déporté sur le Washington ; mort le 28 août 1794.

Nicolas Tabouillot, curé de Méligny-le-Grand (Meuse). Déporté sur le Washington ; mort le 23 février 1795.

Antoine, dit Constant, Auriel, vicaire à Calviat et Sainte Mondane (Lot). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 16 juin 1794.

Elie Leymarie de Laroche, prieur de Coutras (Gironde). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 22 août 1794.

François Mayaudon, chanoine à Saint-Brieuc puis à Soissons. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 11 septembre 1794.

Claude Dumonet, professeur au collège de Mâcon (Saône-et-Loire). Déporté sur le Washington ; mort le 13 septembre 1794.

Jean-Baptiste Laborie du Vivier, chanoine de la cathédrale de Mâcon (Saône-et-Loire). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 27 septembre 1794.

Gabriel Pergaud, génovéfain de l'abbaye de Beaulieu (Côtes-d'Armor). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 21 juillet 1794.

Michel-Louis Brulard, carme de la maison de Charenton. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 25 juillet 1794.

Charles-René Collas du Bignon, sulpicien, supérieur du petit séminaire de Bourges. Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 3 juin 1794.

Jacques-Morelle Dupas, vicaire à Ruffec (Charente). Déporté sur les Deux-Associés ; mort le 21 juin 1794.

Jean-Baptiste Ménestrel, chanoine à Remiremont (Vosges). Déporté sur le Washington ; mort le 16 août 1794.

Paulette Leblanc

 

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