8
La Croix

 

8-1-Suivre Jésus

8-1-1-Simon de Cyrène

 

Porter sa croix, pour nous, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? Et peut-on porter, au moins en partie, la croix des autres?

Jésus nous a dit: “Celui qui veut venir après moi, qu’il prenne sa croix et qu’il Me suive.” Comme cela risquait de ne pas toujours être clair pour nous, Jésus, pendant sa Passion, a voulu qu’on l’aide: épuisé, et sur le point de mourir, Il a accepté l’aide que les soldats Lui ont imposée en obligeant le pauvre Simon de Cyrène, pas du tout volontaire, à porter la croix avec lui.

Pauvre Simon!... innocent, et soudain placé, lui aussi, au rang des malfaiteurs. Mais ce dur travail forcé se transforma bientôt pour lui en travail volontaire tant la pitié envers un pauvre homme qu’il ne connaissait pas (Simon était probablement étranger et païen) grandissait en lui. [1]

 

8-1-2-Comment suivre Jésus

 

Saint Paul dira un jour: “J’achève en ma chair, ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son Corps qui est l’Église.” La Passion du Sauveur serait-elle inachevée? Non, la Passion subie par Jésus, voulue par Lui, car seul moyen de réconcilier l’humanité avec Dieu tant l’offense était grande, la Passion de Jésus était complètement achevée. Mais les hommes devaient aussi, et impérativement, y prendre leur part: simple justice puisque ce sont les hommes qui sont pécheurs. Et c’est chaque homme qui doit, un jour ou l’autre prendre sa croix, et la prendre volontairement.

Aujourd’hui, l’aujourd’hui du temps, mais l’Aujourd’hui éternel de Dieu, chacun de nous doit prendre sa croix et suivre Jésus. Nous suivons Jésus, avec tous nos frères qui acceptent de prendre leur croix. Et nous devenons hosties avec Lui, toutes petites hosties, humbles hosties, misérables hosties, mais offertes au Père, fragiles hosties, gouttes d’eau noyées dans l’océan des douleurs de son Fils. Nous devenons victimes près de la Grande victime, peinant comme Lui, trébuchant comme Lui sur les cailloux ou les obstacles du chemin, nous décourageant ou nous plaignant souvent (pas comme Lui). La grande Victime nous regarde et nous encourage, car nous n'avons aucun courage, nous traînons les pieds car nous ne savons pas trop où nous allons et nous avons peur.

Mais Jésus nous regarde toujours et Il nous sourit comme Il a dû sourire à Simon de Cyrène.

 

8-2-Soir du Vendredi-Saint, au pied de la Croix

 

Mystère incompréhensible: nous crucifions Dieu! Autrefois, on accusait les juifs, tous les juifs: ce n’était pas très juste, car c’est à cause des péchés des hommes que Jésus est mort, et, hélas! nous sommes tous pécheurs...

C’est parfois difficile d’avoir la foi. Alors, quand nous avons l’impression de défaillir spirituellement, pensons aux martyrs. Envers et contre tout, et contre tous, ils ont tenu bon, ils ont gardé leur foi intacte. Ils n’ont jamais renié, jamais trahi; ils n’ont même pas été “prudents”, comme on l’est trop souvent aujourd’hui, pour sauver leur peau. Non, ils ont suivi Jésus jusqu’au bout.

Vendredi-Saint, tout s’écroule; Jésus meurt; les apôtres se dispersent... Mais il y a Jean, et Marie au pied de la Croix, et Jésus nous pardonne et Il nous donne sa Mère. Voici que tout est consommé: il fallait qu’il en fût ainsi. Tout est consommé, Jésus peut mourir en poussant un grand cri, le cri de sa soif...

Étrange! Jésus meurt, Marie pleure, et Jean s’effondre. C’est fini, tout le monde a quitté le mont du Calvaire: les ténèbres, le tremblement de terre, la tempête, le froid glacial qui s’est soudain répandu sur les lieux, ont chassé tout le monde. Non! pas tout le monde: il y a encore les soldats, ces hommes sans scrupule, sans pitié. Voici le centurion romain qui s’approche et qui achève Jésus en lui ouvrant le Cœur pour qu’il en coule de l’eau et du sang... et les grâces de Dieu répandues par Jésus. Et le centurion reconnaissant soudain Dieu en Jésus, s'écrie: "Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu!"

Il y a aussi Nicodème et Joseph, ces anciens respectés du Sanhédrin. Mais, que font-ils là, ces anciens respectés, ces hommes intègres, fidèles à la Loi juive. Que font-ils là? N’ont-ils donc pas compris que c’en était fini de Jésus et de ses enseignements? N’ont-ils donc pas compris qu’Il était mort et bien mort? Maintenant, il faut laisser le corps mort s’en aller dans la fosse commune où personne ne viendra plus le chercher. Adieu le Roi des juifs! Adieu ses enseignements dangereux: “Bienheureux les doux!!! Bienheureux les pacifiques! Bienheureux les pauvres de cœur!“  Maintenant la Loi va retrouver tous ses droits, et les juifs vont pouvoir reprendre les armes contre les Romains détestés et honnis... Personne ne dira plus: “Aimez vos ennemis!”

Que font-ils là, Joseph et Nicodème? N’ont-ils donc pas compris qu’il était bien dangereux d’être là, maintenant, au pied du crucifié vaincu? C’est sûr, dans peu de temps ils seront mis en prison. C’est intolérable de vouloir donner une sépulture à un scélérat! Voyons, Joseph et Nicodème, vous n’êtes pas raisonnables! Partez vite! Vous n’avez rien à faire ici! Ne voyez-vous pas que ce mort est dangereux et qu’il ne peut vous apporter que des ennuis?

Joseph, Nicodème! Que faites-vous? Vous descendez le corps du Maudit de la Croix? Vous le portez dans le jardin de Joseph??? Mais vous savez pourtant que le corps du malfaiteur sera bien gardé... Vous ne pourrez même pas l’embaumer, et dans trois jours, il sera complètement décomposé. Et vous, vous comprendrez alors, quand le Sanhédrin vous aura chassés, et châtiés, que vous vous avez agi comme des insensés.

Dans trois jours? Mais dans trois jours, Il sera ressuscité!

 

8-3-La Rédemption

 

Jésus, nous Te contemplons encore. Tu as fait toute la volonté du Père qui voulait que Tu prennes sur Toi tous les péchés du monde pour réparer l’offense mortelle. Le Père voulait que Tu Te fasses “péché” pour nous sauver, pour nous délivrer de tous nos péchés. Mais le Père a horreur du péché, ce non-amour. Le Père ne peut supporter le péché et Il fuit le péché qu’Il rejette. Toi, Jésus, librement, par Amour, Tu T’es fait non-amour. Librement, pour obéir à la volonté du Père, Tu T’es fait péché pour nous délivrer du péché... Et le Père qui ne supporte pas le péché, le Père Te rejette!...

Jésus, Tu es Amour, Tu es obéissance, Tu es UN avec le Père, et parce que Tu as aimé le Père, parce que Tu as obéi, parce que Tu as accompli toute la volonté du Père, absolument toute la volonté du Père, le Père maintenant Te rejette, le Père T’abandonne...

Les hommes ne pouvaient être sauvés que par l’Homme, que par le Fils de l’Homme. Il fallait donc que la Passion soit subie par l’Homme, il fallait que sa souffrance soit une souffrance humaine, il fallait qu’au moment de sa mort ce soit un homme qui meure, un homme portant tous les péchés du monde, il fallait que sa nature humaine, portant les péchés du monde, soit seule face au désespoir qui saisit celui qui refuse Dieu. Il fallait donc que l’Homme-Jésus connaisse l’horreur de l’abandon de Dieu.

Nous sommes tous dépassés, submergés par l’immensité d’un tel mystère... Nous ne comprenons rien. Nous contemplons Jésus, muets, mais en adoration. Nous voyons mourir l’Innocent parce que nous sommes coupables. Nous voyons mourir la Vie parce nous avons flirté avec la mort, la mort éternelle. Nous voyons mourir, Jésus, dans le désespoir, parce que nous refusons l’espérance. Nous voyons, Jésus, abandonné de tous, même du Père, nous Le voyons appelant le Père qui se tait, nous Le voyons méprisé, délaissé, trahi, oublié, torturé, crucifié... Jésus va mourir d’amour à cause de nos refus d’amour.

Jésus est attaché à la Croix. Il ne peut plus quitter la Croix, Il est le prisonnier de la Croix, Il est le prisonnier des pécheurs. Jésus ne peut plus rien faire, Il est lié à la Croix et Il va mourir... et le Père Le rejette, et sa souffrance est plus vaste que le monde, mais tout est accompli.

Tout est accompli! Jésus a pris dans son Cœur la volonté du Père pour la faire sienne, pour qu’elle devienne sa volonté à Lui. Il a fait sienne la volonté du Père pour Lui en faire un hommage libre de son Amour, l’Amour du Fils pour le Père. Autour de Jésus, à part quelques élus, il n’y a que de la haine, il n’y a que des prisonniers du péché et de la concupiscence, de la haine, de l’orgueil. Jésus va mourir d’amour à cause de nos refus d’amour.

Jésus, Tu es attaché à la Croix. Tu ne peux plus quitter la Croix, Tu es le prisonnier de la Croix, Tu es le prisonnier des pécheurs. Jésus, Tu ne peux plus rien faire, Tu es lié à la Croix et Tu vas mourir... et le Père Te rejette, et ta souffrance est plus vaste que le monde, mais tout est accompli.

Tout est accompli, et l'Œuvre de la Rédemption est réalisée.

 

8-4-Le cri de victoire de Jésus-Christ crucifié

 

"Et Jésus rendit l'Esprit en poussant un grand cri!" car grande était la victoire du Crucifié. Jésus mourait, mais son cri de mort était son cri de victoire: tous les hommes étaient délivrés de l'emprise de Satan, tous les hommes étaient sauvés!

Oui, grande est ta Victoire, ô Croix de Jésus-Christ! Grande est ta victoire, Jésus. Cette victoire, c’est la victoire de la Croix, c’est la victoire de l’Amour, mais c’est une victoire si douloureuse.

Trente trois ans plus tôt, Marie, ta douce et jeune Mère rencontrait sa cousine, mère de ton précurseur. C’était la joie pour Marie, la joie de Te porter, de T’avoir dans son cœur; c’était la joie pour Élisabeth qui reconnaissait Ta présence, la présence du Sauveur. C’était la joie, la rencontre étonnante de deux fontaines de joie dans un éclaboussement de bonheur et de paix... Ce jour-là était déjà la première annonce de la victoire du Seigneur sur les forces obscures, c’était le printemps des cœurs, c’était la joie de Marie, c’était l’émerveillement d’Élisabeth, c’était la paix des justes devant Dieu. C’était le bonheur immense de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui attendent leur Seigneur, de ceux qui désirent le Sauveur. C’était la Fontaine de bonheur, source de la joie de Dieu qui coule sur le monde. La victoire de Dieu était en marche. Elle se concluera trente trois ans plus tard, dans un sacrifice atroce.

Nous entendons ton cri, Jésus, c’est le cri de ta Gloire, le cri de ta Victoire. Car grande est ta Victoire, ô Croix de Jésus-Christ!

Grande est ta Victoire, ô Croix de Jésus-Christ, car l’Agneau est debout, car la mort est vaincue, car l’Enfer est vaincu. Grande est ta Victoire car Jésus est vivant, Vivant-Ressuscité, Premier-Né d’entre les morts. Jésus est à jamais vivant, à jamais parmi nous, à jamais glorieux!

Grande est ta victoire, Jésus ressuscité, Tu as vaincu la mort, Tu nous as guéris du péché, Tu nous as guéris de la haine, puisque Tu es l’Amour, l’Amour venu chez nous, venu pour nous sauver.

Grande est ta Victoire, Jésus Ressuscité, Jésus Sauveur des hommes, Jésus Tête du Corps mystique, Cœur de ton Église à jamais vivante, à jamais glorifiée, aimée de Dieu pour les siècles sans fin. Grande est ta Victoire, ô Croix de Jésus-Christ.

L’Agneau est debout sur la Montagne de Sion, l’Agneau est vainqueur, l’Agneau est Glorieux, l’Agneau peut régner. Et tous les hommes, les vivants et les morts, peuvent chanter sans fin la Gloire du Seigneur, le Règne de l’Agneau triomphant. L’Agneau Triomphant est debout, Vainqueur de Satan, Vainqueur du mal, Vainqueur de la haine. L’Agneau Triomphant peut régner. Et les vivants peuvent chanter son Cantique: “Grandes, admirables sont tes œuvres, Seigneur, Dieu tout-puissant! Justes et véridiques sont tes voies, ô Roi des nations! Toi seul, Tu es Saint! Toi seul Tu es le Seigneur!” 

L’Agneau est vainqueur, et avec Lui tous les siens, tous ses fidèles, tous ses amis, tous ses saints, tous ceux qui furent amoureux de Lui sur la terre et qui le seront éternellement dans les Cieux, avec Lui... dans les siècles sans fin! .

L’Agneau triomphant est debout, Il prend possession de son Règne. L’Agneau est vivant! Réjouissons avec Lui, exultons, crions de joie, car ses noces sont arrivées. Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau!


[1] Plus tard, Simon et sa famille deviendront chrétiens.

   

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