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Le Corps mystique du Christ

 

Dans le livre de Thomas Merton, Semences de Contemplation, édité à Paris en 1952, nous pouvons lire, dans le chapître intitulé Un corps aux os brisés:  “Vous, moi, tous les hommes, nous sommes faits pour trouver notre identité dans le seul Corps Mystique en Qui nous nous complétons tous l’un l’autre, jusqu’à l’homme parfait à la mesure de l’âge de la plénitude du Christ.”

Jésus entra dans notre temps et dans notre espace pour nous révéler Dieu, pour nous montrer le Père, pour nous faire connaître l’Amour qu’est Dieu-Trinité. Il s’incarna pour construire son Corps mystique, l’Œuvre voulue par le Père et par Lui, de toute éternité. Il s’incarna pour vivre avec nous, comme nous, avec en plus, dans son cœur d’homme, un amour sans limite, l’Amour qui est Dieu.

C'est vrai: Jésus veut rassembler tous les hommes dans le grand Corps né de sa Croix. Il construit son Corps mystique qui rassemblera toute sa création devenue enfin l'Œuvre parfaite établie définitivement dans l’Amour, selon la volonté de Dieu. Jésus fait corps avec son Corps mystique, et tellement, que lorsqu’on touche à son Corps mystique, c’est Lui que l’on touche, c’est Lui que l’on meurtrit... Et voyant la souffrance que se préparent ceux qui Le refusent encore, Lui aussi souffre, et son Cœur pleure... “

Thomas Merton écrit aussi: “Dans le monde entier, d’un bout à l’autre de l’histoire, même parmi les religieux et les saints, le Christ subit un démembrement. Son Corps physique a été crucifié par Pilate et les pharisiens; son Corps mystique est traîné et écartelé de siècle en siècle par les démons dans les affres de cette désunion qui naît et croît en nos âmes enclines à l’égoïsme et au péché...

Aussi longtemps que nous sommes sur terre, l’amour qui nous unit nous fait souffrir par notre contact même les uns avec les autres, parce que cet amour est la réfection d’un Corps aux os brisés.”

Ces citations évoquent des images différentes, mais la pensée est la même: le Corps mystique de Jésus, n’est, pour l’instant, sur terre, qu’un Corps en cours de constitution, mais un Corps encore -ou déjà?- brisé. Pour nous, c’est bien le Corps du Christ, et quand le Corps souffre, c’est Jésus qui souffre. Ici, nous touchons un peu ce mystère de Jésus-Rédempteur, qui, jusqu’à la fin des temps, sera toujours notre Rédempteur, continuant à souffrir dans ses membres, et nous demandant d’”achever dans notre chair ce qui manque à ses souffrances pour son Corps qui est l’Église”.

Jésus nous étonne toujours. Le Corps aux os brisés, c’est toujours son Corps qui fut écartelé sur la Croix. Le Corps aux os brisés, c’est son Corps mystique brisé à cause de nos péchés. Et son Cœur amoureux souffre une Agonie qui ne cessera qu’à la fin du monde. Le Cœur amoureux de Jésus cherche des consolateurs pour porter avec Lui le poids de la souffrance des hommes rassemblés déjà dans son Corps, mais pas encore unis dans l’Amour qu'Il désire parce qu'Il est l’Amour. Son Corps est encore disloqué à cause des divisions provoquées par les plus grands péchés: l’orgueil, et nos égoïsmes sensuels.

 

12-1-Des méditations étonnantes

12-1-1-Un homme à la droite du Père

 

Depuis que Jésus est remonté au Ciel près de son Père, il y a un homme assis à la droite de Dieu. C’est stupéfiant, mais ce n’est pas du rêve, ni de l’imagination, c’est dans l’Évangile et dans notre Credo: “Il est assis à la droite de Dieu.”

Il y a donc un homme, Jésus, assis à la droite du Père. Certes, Jésus est toujours la seconde Personne de la Sainte Trinité, mais Il est aussi Homme. Jésus, Fils de Dieu et Fils de l’Homme, Jésus, une seule personne en ses deux natures, Jésus est assis à la droite du Père!... Et si Jésus est assis à la droite du Père, Il l’est avec son Corps ressuscité, son Cœur et son âme d’homme, Jésus est assis à la droite du Père avec son Corps total, c’est-à-dire avec son Corps mystique, son Église, c’est-à-dire tous les saints déjà auprès de Dieu, et nous aussi, encore en marche vers la sainteté.

Le Corps mystique du Christ est assis à la droite du Père, donc, un jour, dans le Corps mystique de Jésus, nous serons, nous aussi, assis à la droite du Père. Un jour, en fait aujourd’hui de l’éternité de Dieu, nous serons, nous aussi, avec tous nos frères, les hommes rachetés par le Sacrifice de la Croix, nous serons assis à la droite du Père...

C'est littéralement stupéfiant! Comment nous, les hommes, qui sommes si petits, pouvons-nous être aussi si grands pour avoir notre place à la droite du Père, pour être, si nous sommes dans le Cœur de Jésus, donc dans le Cœur du Père, pour être dans le Cœur de la Très Sainte Trinité?

Qu’est-ce que l’homme, si petit et si grand, mortel et immortel? Qu’est-ce que l’homme pour avoir sa place dans le Cœur de Dieu? Qu’est-ce que l’homme capable de répondre librement et amoureusement oui, à l’Amour de Dieu?

 

12-1-2- Le Corps mystique, Pont entre Dieu et la création

 

Jésus, le Verbe de Dieu, Deuxième Personne de la sainte Trinité, Jésus le Fils unique de Dieu, a pris chair, un jour du temps, pour ramener à Dieu les hommes qui s'étaient égarés à cause d'un ange. Les hommes, Dieu le Créateur les avait aimés dès l’instant où, dans sa pensée éternelle Il les avait conçus, Il les avait modelés, Il les avait vus. Son œuvre était si parfaite que ses délices étaient d’être avec les enfants des hommes. Car l’homme, malgré toute sa petitesse, malgré sa faiblesse et sa contingence, l’homme était le lien que Dieu avait voulu placer entre l’esprit et la matière. L’homme était, et il est toujours, destiné à construire le Corps Mystique du Christ, ce Pont merveilleux lancé entre les mondes matériels et spirituels, ce Pont Mystique entre la Divinité et la création, la création totale, mondes des anges et mondes de la matière inerte ou vivante.

L'Amour de Dieu et ses desseins sur sa création nous laissent émerveillés et muets, comme des petits enfants, qui se sentent tellement petits devant l'infini qu'ils ne savent plus ni parler, ni même penser. Ils doivent d'abord contempler ces choses trop grandes pour eux. Heureusement une grande sainte, Catherine de Sienne, vient un peu à notre aide

Un jour le Seigneur Jésus lui dit: “Je suis Celui qui suis... Tu es celle qui n’est pas.”  Comment cela peut-il se faire? Si elle peut parler avec Jésus, c’est qu’elle existe. Il n'est pas question de contredire le Seigneur, mais il y a là quelque chose qu’on doit approfondir. En effet, Dieu, l’Immuable, a créé l’homme à son image: donc, doué de mémoire. Et nous savons que la mémoire est quelque chose de redoutable, nos moindres actions, nos moindres pensées y étant inscrites d’une manière indélébile. Dieu aussi, et bien davantage, est Mémoire. Sa pensée, sa Mémoire sont immuables. Il ne peut supprimer sa pensée, sinon Il ne serait pas Dieu et Il disparaîtrait ce qui est absolument impossible puisqu’Il “EST”.

Dieu, le Père, a longuement et souvent entretenu Catherine de Sienne des moyens à utiliser pour arriver à la perfection. Le Moyen essentiel, donné par le Père à l’humanité, c’est le Pont, le Pont qu’est son Fils qui doit, de par sa nature même de Dieu-Homme, assurer la liaison entre les hommes et la divinité. Ce pont, se construit sans cesse pour devenir le Corps mystique du Christ, le Corps de la Deuxième Personne de la Sainte Trinité. Ce pont sera, est déjà dans la pensée de Dieu, le lien destiné à créer l’unité de la création en réunissant les mondes des esprits et les mondes de la matière.

Certes, nous n’existons pas par nous-mêmes car nous-mêmes nous ne pouvons rien faire, c’est sûr. Mais puisque Dieu nous a voulus et qu’Il nous aime, et qu’Il veut nous faire participer de sa vie divine, alors, nous sommes aussi un peu. Nous sommes puisque nous sommes dans la pensée de Dieu et dans son Amour. Et nous sommes dans sa mémoire immuable, donc immortels. Si Dieu perd la mémoire, il n’est pas Dieu, donc il n’est pas, donc il n’y a pas de Créateur... et pas de Big Bang. On est dans une effroyable impasse.  Mais, si Celui qui EST nous a pensés et voulus, nous sommes, et si donc nous sommes, pourquoi Jésus dit-il à Catherine: “Tu es celle qui n’est pas.”?

 

12-2-En route vers la sainteté

 

Satan étrangle, étouffe notre monde; il nous étrangle tous, et nous étouffons tous. Alors, parfois, Jésus nous fait penser à sa douce Maman qui multiplie ses efforts pour que nous nous convertissions et revenions à Dieu... Cela nous donne un peu de courage. Il y a aussi tant de saints épris de charité dans notre monde en perdition: cela aussi nous aide un peu. Et puis il y a Jésus...

Il y a Jésus qui conduit parfois nos méditations vers l’infiniment petit, vers cet aspect de notre univers que nous connaissons encore peu, mais que Dieu connaît puisque c’est Lui qui l'a créé et qui continue à le créer. Dieu maîtrise l’infiniment petit, Dieu le “voit” aussi. Si donc Dieu voit ce qui est pour tous les hommes, infiniment petit, Dieu peut voir individuellement chacun de nous, nous comprendre et nous aimer. Nous ne sommes pas seuls, perdus dans l’univers...

Oui, c'est souvent inconfortabble d’être un homme! Est-ce pour cela que Jésus a voulu expérimenter nos détresses métaphysiques? Et pour Le remercier, nous L’avons crucifié... Il le fallait, car Dieu ne pouvait connaître ces détresses infinies, ces détresses de ceux qui ont perdu Dieu, qu’en les ayant vécues Lui-même; il fallait donc que Jésus les expérimentât Lui-même, Lui le Verbe de Dieu, le Fils du Père, la deuxième personne de la Trinité sainte.

Ces voyages dans nos espaces intérieurs virtuels peuvent nous épuiser. Alors, de temps en temps Dieu nous envoie une caresse. Il nous remet vite dans le monde des hommes, le monde de tous les jours et Il nous redit ses enseignements. “Si donc Moi aussi je vous ai lavé les pieds, vous devez vous les laver les uns les autres.” Jésus nous conduit vers le service des pauvres, des malheureux, de tous ceux qui souffrent: “Heureux les pauvres de Cœur... Heureux ceux qui font la paix autour d’eux... Heureux les miséricordieux... Heureux ceux qui pleurent...” 

Et nous  comprenons de plus en plus et de mieux en mieux, son exclamation: “Père, Je Te rends grâce d’avoir révélé ces choses aux pauvres et aux tout petits, et de les avoir cachées aux riches et aux puissants!” Nous aussi nous rendons grâce à Dieu. Et nous cherchons à suivre Jésus. Oui, mais nous appelons quand même Jésus pour qu'Il  revienne vite, car nous avons voulu mordre dans le fruit de l’arbre de la connaissance. Et ce fruit ne conduit pas à la vie... Pour aller à la vie, il faut suivre Jésus, il faut devenir saint...

 

12-2-1-Suivre Jésus, c'est marcher vers la sainteté

 

Le but de toute vie est la sainteté. Peu importe l’heure du départ, peu importe le ou les chemins empruntés, pourvu qu’ils soient ceux du Seigneur, peu importe la durée de la progression, l’essentiel c’est de réaliser sa vocation, celle de la terre qui prépare celle du ciel, l’essentiel c’est d’atteindre, avec la grâce de Dieu l’état de sainteté auquel Dieu nous destine. L’essentiel c’est d’arriver. L’essentiel c’est d’atteindre le but; l’essentiel c’est la sainteté à laquelle Dieu nous appelle. Or Dieu appelle tous les hommes, absolument tous à la sainteté: ce ne doit donc pas être si difficile que cela...

Les pauvres du Seigneur, ceux que le Seigneur chérit le plus, ceux qui sont les bénéficiaires de ses béatitudes: “Bienheureux les pauvres de cœur...” s’ils sont bienheureux, c’est qu’ils sont des saints! C’est donc qu’ils ont atteint le but, la sainteté. C’est donc que la sainteté, c’est pour tout le monde. Pour les pauvres, les petits, les vertueux et les imparfaits, ceux qui ont bon caractères et ceux qui sont impatients. Les intelligents, et ceux qui le sont moins. Les forts et les faibles qui rament péniblement sur le chemin... Tous les pauvres du Seigneur sont appelés à la sainteté...

La sainteté serait-elle donc à la portée de tous les hommes? Mais qu’est-ce, au juste, que la sainteté?

Dieu est saint, Dieu est pur, Dieu est innocent, Dieu est le Tout-Puissant, le Tout-Autre, Dieu est le Créateur, le Maître qui peut tout. Oui, mais Dieu est Amour. Dieu a créé l’homme par Amour, et à son image. Donc, à l’origine, l’homme était saint, était pur et innocent. Créé par Amour, pour répondre à l’Amour, pour être la joie de l’Amour, l’homme avait une vocation propre, un état: c’était la sainteté dans l’Amour. Cela ne devait lui coûter aucun effort, sinon la joie de dire “Oui”. De dire “Oui”, librement, à la Volonté de Dieu, Volonté intrinsèquement bonne puisqu’elle est Amour. Dire amoureusement “Oui” à l’Amour créateur. La sainteté de l’homme, c’était sa vocation propre, c’était son bonheur dans le bonheur de Dieu. Mais l'Homme a dit "NON!"

Alors, qu'est-ce que la sainteté aujourd’hui? Qu'est-ce que la sainteté pour les hommes pécheurs qui se sont repentis mais qui restent marqués par leurs fautes, qui restent blessés dans leur chair et dans leur cœur? La sainteté est-elle encore possible, est-elle encore la vocation de l’homme, de l’homme ordinaire qui n’est pas un géant, de tous les hommes? Sommes-nous encore tous appelés à la sainteté, et comment faire?

Comment faire pour devenir des saints? Tout simplement ouvrir son cœur à l’action de Dieu, ou à l’Amour de Dieu, ce qui est exactement la même chose. Ouvrir son cœur pour laisser Dieu y pénétrer, c’est lui faire une absolue confiance, c’est Le laisser faire, c’est se laisser aimer par l’Amour. Alors l’homme se construit, l’homme se transforme jusqu’à ne plus rien désirer que Dieu seul, jusqu’à ne rien vouloir d’autre que sa volonté à Lui, sa volonté souveraine, infiniment bonne, infiniment parfaite. C’est laisser l’Amour nous envahir, pour devenir aussi amour.

Ouvrir son cœur, c’est laisser le cœur amoureux de Jésus pénétrer en nous, pour que, inondés de sa grâce, nous pensions comme Lui, et que nous vivions comme Lui, comme Il veut que nous vivions, à l’époque qui est la nôtre, de la vie qu’Il désire pour nous, pour chacun d’entre nous. Ouvrir son cœur à l’Amour de Dieu, à l’Amour de Jésus, c’est se laisser transformer en Lui, c’est devenir un autre Lui-même, c’est Lui donner l’humanité de surcroît dont Il veut avoir besoin pour achever en nous la Rédemption du monde. 

Marcher vers vers la sainteté, c'est ouvrir son cœur à l’Amour, c’est se laisser épouser par l’Amour, c’est se laisser épouser par Jésus, car Dieu veut épouser toutes les âmes, toutes ses âmes, à condition qu’elles le veuillent, car il n’y a de mariage que dans la liberté. Jésus veut épouser toutes les âmes, mais à chacune, individuellement, Il demande: “Veux-tu? Veux-tu devenir mienne? Veux-tu devenir saint? ”

 

12-2-2-Qu'est-ce que la sainteté?

 

La sainteté doit commencer par les commandements: “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de tout ton esprit et de toutes tes forces... Tu aimeras aussi ton prochain comme toi-même.” La sainteté commence par les deux premiers commandements: "tu aimeras". Les autres commandements en découlent automatiquement, car ils ne sont que la manière de mettre en œuvre le  “tu aimeras”. C’est le B.A. BA, le minimum vital pour vivre la sainteté en société. Mais pour aimer vraiment, pour devenir saint, il y a un "mode d'emploi".

Oui, la sainteté nécessite un mode d'emploi, et ce sont les Béatitudes de Jésus. Pour que nous devenions saints comme Il veut que nous le soyions, Jésus a dit: “Soyez parfaits comme votre Père du Ciel est parfait”. Et, pour nous aider, Il nous a donné les Béatitudes. "Bienheureux les pauvres de cœur, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, bienheureux les miséricordieux, bienheureux les cœurs purs, bienheureux les pacifiques, bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, bienheureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement toutes sortes de mal contre vous... Réjouissez-vous alors, et tressaillez d’allégresse car votre récompense sera grande dans les cieux, et vous serez des saints."

Oui, pour devenir des saints, il faut commencer par vivre les Béatitudes de Jésus; et ce n’est pas facile, car leurs exigences, toujours positives, sont grandes. Ceux qui vivent des Béatitudes sont déjà sur le chemin de la sainteté puisque, à ceux-la, Jésus promet une grande récompense dans les cieux: la sainteté.

La sainteté n’est pas réservée à un petit nombre de grandes âmes; la sainteté, Dieu la veut pour tous ses enfants dans toutes les conditions de vie. Et puis, en y regardant d’un peu près, les conseils que Jésus nous donne ne sont, en réalité que la mise en œuvre de ses Béatitudes: la pauvreté du cœur, la chasteté dans tous les états de vie, c’est-à-dire, en fait, le juste équilibre qui fait de l’homme, un homme, et non pas une bête ou un être dégénéré. Et puis, il y a l’humilité des pauvres, des purs, des miséricordieux, des justes, des fidèles qui marchent selon les lois divines malgré les moqueries ou les haussements d’épaules.

Dieu est toujours en nous puisqu'Il est notre vie, et notre sainteté, c’est encore Lui. Notre sainteté, c’est le Seigneur prenant de plus en plus de place dans nos cœurs, là où Il nous donne la vie. Notre sainteté, c’est Dieu prenant toute la place en nous jusqu’à nous transformer en Lui.

 

12-2-3-Une étonnante prière pour demander la sainteté

 

Jésus, aidez-nous! Ouvrez le cœur de vos enfants, de tous vos enfants. Ouvrez les cœurs fermés, pansez les cœurs blessés, donnez de l’espérance aux désespérés et du courage aux fatigués. Jésus, déliez les cœurs prisonniers du péché, apaisez les cœurs violents, soulagez les cœurs meurtris. Jésus, ouvrez nos intelligences au secret de vos Béatitudes, éclairez nos volontés aveugles et redressez nos âmes boiteuses, handicapées, et guérissez nos cœurs lépreux.

Jésus, faites de nous des saints: nous Vous le demandons, car c’est votre désir que nous soyions parfaits comme le Père céleste est parfait. Jésus, Vous nous appelez tous à la sainteté, tous, sans exception. Jésus, nous sommes tous vos privilégiés quand nous sommes dans votre volonté, et votre volonté est douce, comme votre fardeau et votre joug sont doux et légers. Jésus faites de nous des saints, des saints qui avec Vous sauveront le monde.

Où sont tes saints, Jésus, dans nos pays perdus? Il y en a, c’est sûr, mais nous ne les voyons plus. Où sont tes saints, Jésus, dans nos pays perdus? Pourquoi les caches-Tu? Pourquoi ne nous montres-Tu pas tes Thérèses, tes Dom Bosco, tes François, tous tes François. Nous savons Jésus que Tu as toujours des saints, mais pourquoi les caches-Tu? Il y en a, dit-on, mais où les as-Tu mis? Tu en prépares, dit-on aussi... C’est bien, mais s’il Te plaît, Jésus, hâte-Toi de les achever, de les fignoler! Hâte-Toi, Jésus, de nous donner des saints, les saints dont nous avons besoin.

Seigneur, Vous êtes étonnant! Au moins, avec Vous, on ne risque pas de s’ennuyer. Parfois nous Vous supplions de nous donner des saints, des saints pour aujourd’hui. Car nous avons besoin de saints, de saints pour aujourd’hui, notre aujourd’hui à nous, l’aujourd’hui du XXIème siècle... Nous Vous supplions de nous donner des saints, et Vous nous répondez en nous disant que c’est à nous, nous les gens d’aujourd’hui, de devenir des saints... Et nous ne savons pas faire; alors, Jésus, s'il Te plaît, aide-nous, dis-nous ce qu'il faut que nous fassions.

 

12-2-4-Les petites fleurs de sainteté

 

Oui, Jésus, nous Te demandons de nous dire ce que nous devons faire pour devenir des saints. Et voici que Tu viens à notre aide tandis que nous Te contemplons... Voici que Tu nous livres une nouvelle parabole.

Jésus, nous Te contemplons à Gethsémani. Tu es assis sur le sol dur, mais autour de Toi il y a un peu d’herbe et de toutes petites fleurettes qui se cachent dans l’herbe.

Jésus, autour de Toi, il n’y a pas de grandes fleurs, il n’y a que de toutes petites fleurs, si petites qu’on les voit à peine. Ces petites fleurs, images de nos petites âmes, ont une histoire: elles sont nées là. Elles se sont développées à l’abri des regards, en vue d’une mission qu’elles ne connaissent pas. Souvent elles se désolent d’être comme oubliées ou d’être inutiles, de ne servir à rien. Aussi, parfois, pour montrer qu’elles existent comme toutes les autres fleurs, cherchent-elles à se faire remarquer. Alors, elles se dressent sur le bout de leurs tiges, elles étalent leurs minuscules pétales, elles s’efforcent d’exhaler davantage leurs senteurs délicates. Elles se comparent aux grandes herbes, aux belles fleurs des massifs voisins. En réalité elles se comportent comme des sottes.

Oui, pauvres sottes petites fleurs faites pour l’humilité qui voulez vous comparer aux grandes âmes, aux riches plantes du Jardin. Pauvres petites fleurs soudain exposées aux trop nombreux dangers du voisinage, dangers pour lesquels elles ne sont pas préparées. Pauvres petites fleurs écrasées par des pieds inconscients, méprisées par des jardiniers trop pressés, outragées par les ruisselets d’eau beaucoup trop puissants pour elles, oubliées de tous les passants, car trop petites: avec elles, on ne peut rien faire, elles ne tiendraient dans aucun bouquet...

Pauvres petites fleurs sans vocation dans le Jardin...

Jésus, Tu es, à Gethsémani. Tu es là, Jésus, et Tu pleures. Satan aussi est là pour Te tourmenter, pour ajouter à ta douleur de voir tant d’âmes se perdre... Satan est là pour Te montrer l’inutilité de ta souffrance... Jésus ta douleur est immense comme le monde, si grande qu’il ne peut pas y avoir de consolateur pour Toi. Jésus, Tu pleures et maintenant, Tu sues ton sang. Jésus, maintenant tes larmes tombent sur le sol, ton sang coule et des gouttes touchent les herbes, mouillent les petites corolles des fleurettes placées là, pour cette tâche, à ce moment précis...

Jésus quelles merveilles Tu nous découvres! Ces petites fleurs insignifiantes, inutiles car trop petites, sans utilité, sans vocation, ces petites fleurs sont, depuis toujours, de toute éternité, destinées à recueillir ton sang, à recueillir tes larmes... Voici que Tu Te penches, Jésus, Tu Te penches sur l’herbe et Tu vois ces fleurettes: tes larmes qu’elles ont recueillies brillent comme des diamants dans un rayon de lune. Tu Te penches, Jésus, et tes yeux embués les voient. Tu souris, Tu les cueilles, Tu les caresses, Jésus. Tu les aimes infiniment, ces petites fleurs, ces petites âmes de ta consolation, ces petites âmes de ton Agonie, ces petites âmes que Tu sanctifies.

Jésus, Tu as cueilli, à Gethsémani, ces toutes petites fleurs, insignifiantes et inutiles. Vois, elles ont un peu peur: c’est la première fois qu’on les regarde et qu’on s’occupe d’elles. Elles sont si étonnées qu’elles se font encore plus petites. Mais elles sont si heureuses qu’elle parfument tout le jardin. Jésus, Tu les caresses ces toutes petites âmes de ta consolation. Tu les regardes, Tu leur donnes un baiser, le baiser de ton Amour. Tu les regardes encore Jésus et ton Cœur s’attendrit. Alors, dans un tendre geste de ton Amour d’Homme et de Dieu, et plein de compassion pour ces petites prédestinées que le Père Te préparait de toute éternité pour ce jour de ton Agonie, alors Jésus, Tu les regardes encore et Tu les mets dans ton Cœur. Et Tu Te sens comme consolé...

Jésus, Tu nous éblouis. Tu choisis les tout petits, les petits et les humbles, car l’amour est un choix. Tu nous choisis, Jésus, et nous, nous Te choisissons, car l’amour est un choix. Nous savons que le néant ne peut pas créer puisque le néant, c’est rien, c’est absence de tout, c’est le vide absolu. Donc, si nous pensons, si nous sommes, c’est que Dieu existe. La sainteté, c’est la conformité de notre être au désir de Dieu Créateur, c’est la conformité de notre vie à la volonté éternelle de Dieu sur chaque être qu’Il crée! Si nous Te comprenons bien, c'est facile d'être des saints. Ainsi, nous sommes tes toutes petites fleurs. Quel bonheur! Nous sommes tes tout petits au milieu de tous tes autres tout petits, tes tous petits que Tu es venu prendre par la main, à qui Tu dis: “Viens avec Moi!” et que Tu mets dans ton Cœur.

Chez tes tout petits, il n’y a pas de grands talents, pas de héros, pas d’atlètes de la sainteté. Chez tes tout petits, il n’y a pas de vedettes, pas de stars, pas de champions, non, chez tes tout petits il n’y a que des gens ordinaires, des riches ou des pauvres de tous les milieux, tous pauvres de mérites, de qualités extraordinaires, de compétences supérieures, tous démunis de biens spirituels, tous un peu désemparés devant la vie, tous pécheurs aussi. Mais ils T’aiment.

Chez tes tout petits, Seigneur, il n’y a que des gens ordinaires, des gens moyens, des pauvres de cœur mais si riches d’amour, de ton Amour. Chez tes tout petits, Seigneur, il n’y a que des cœurs purs, des cœurs qui ont longtemps cherché ton Cœur avant que Tu ne viennes les prendre, des cœurs doux et humbles, qui ont longtemps tâtonné avant de découvrir ta douceur et ton humilité, des cœurs qui n’ont pas découvert tout de suite les richesses de ta pauvreté, de ta douceur, de ton humilité.

Tes tout petits, Jésus, sont tous dans ton Cœur, car Tu aimes les petits enfants et ceux qui leur ressemblent. Et Tu as mis chacun de nous dans ton Cœur, Jésus, avec tes tout petits qui T’aiment. Quel émerveillement et quel bonheur, Jésus, d'être tout petits, mais dans ton  Cœur. C'est cela la sainteté que Tu nous enseignes: être les petites fleurs; les petites âmes  que Tu mets dans ton Cœur.

 

12-2-5-Les saints découvrent l'Amour

 

À tous ceux que Vous aimez, Jésus, et qui Vous aiment, c’est toujours votre Croix que Vous proposez. C’est votre Croix que Vous offrez, cette Croix qui, toujours, cache sa force et sa puissance sous des apparences de stérile et terrible impuissance. Et ceux qui doivent porter avec Vous votre Croix, constatent souvent votre apparente impuissance. La foi seule  leur dévoile votre puissance irrésistible à travers des moyens déconcertants de pauvreté et d’impuissance. Et c’est souvent bien difficile à comprendre, à admettre, et à accepter.

Les saints découvrent chaque jour une nouvelle facette de l'amour de Dieu qui  les émerveille. Ainsi, Dieu a fait tous les hommes libres, pour que librement ils puissent L'aimer. Et comme Dieu sait combien les hommes sont faibles et petits, Il multiplie les gestes d’amour. Et nous ne comprenons pas très bien, nous ne savons pas faire, nous hésitons... Mais un jour Jésus nous dit: “Laisse-Moi faire!” Tous les saints ont essayé de laisser Dieu faire: le résultat fut merveilleux: leur cœur resta jeune toujours amoureux comme on l’est à vingt ans, jeunes pour aimer Dieu, et cela, c’est son œuvre.

Le cœur des saints est jeune pour découvrir l’Amour. Chaque jour ils découvrent Jésus, ils découvrent son Amour. Car l'Amour de Dieu est toujours neuf, toujours renouvelé, toujours changeant dans sa fidélité. L'Amour de Jésus est un puits infini dans lequel tous les saints se plongent. Ceux qui sont en marche vers la sainteté avancent et s’enfoncent dans ce puits infini, mais ils ne tombent pas. Ils ne peuvent pas tomber car la main de Dieu les soutient, sa main les porte et les guide. Ils avancent dans ce puits infini, dans la nuit, mais ils ne se perdent pas. Ils ne peuvent pas se perdre car le regard divin les suit, son regard les illumine. Ils avancent dans ce puits de silence, mais ce silence ne les écrase pas, car dans leur cœur, ils entendent sa voix.

Les saints avancent dans ce puits infini. Dans ce puits il n’y a ni repère ni paroi. Et pourtant ils avancent en sûreté car ils savent que Dieu les conduit. Ils ne savent pas où ils vont, mais ils avancent en confiance. Ils n’ont pas de repère, mais ils savent que Dieu est là, ils ne savent pas comment, mais ils Le savent présent. Les saints avancent dans un puits infini, sans limite et sans fond; ils avancent sans tomber, sans se perdre dans l’obscurité. Ils avancent dans ce puits de silence et de nuit, mais le regard de Jésus est leur lumière, et sa voix se fait tendre....

Les saints avancent dans ce puits, ce puits qui est Amour, ce puits que est Dieu Lui-même. Les saints avancent dans l’Amour, et leurs cœurs amoureux de l’Amour trouvent le Cœur de Jésus. Avançant dans l’Amour, leurs cœurs ont rencontré son Cœur, le Sacré-Cœur de Jésus.

 

12-2-6-Méditation sur Sainte Agnès

 

Agnès n'était qu'une toute petite jeune fille, une petite vierge, petite fille à peine sortie de l’enfance mais qui sut pourtant, malgré son jeune âge et son inexpérience, affronter courageusement le martyre pour conserver la virginité qu’elle avait déjà vouée à Jésus, Celui qui devait rester son unique Époux. Agnès, était une petite femme volontaire dans un monde où la femme n’avait que le droit d’obéir. Agnès était une petite femme qui avait su trouver sa liberté, grâce à l’amour qu’elle portait à Jésus. Voilà qui est extraordinaire: oui, le véritable artisan de la libération de la femme, mais de la vraie libération de la femme, celle qui lui rend toute sa dignité et non pas celle qui l’avilit et dont on se gargarise de nos jours, le véritable artisan de la libération de la femme, c’est Jésus, et Jésus seulement. Agnès est une preuve éclatante de cette libération de la femme, rendue libre jusqu’au martyre.

Une autre chose attire notre attention chez Agnès: le jour de sa fête se situe exactement au milieu, ou plutôt au sommet, de la Semaine pour l’Unité des Chrétiens. Agnès trop jeune encore pour avoir pu, pendant da courte vie, susciter des polémiques, donc des causes de rupture, Agnès dont le courage et la vertu ont toujours été reconnus dans l’intégralité de l’Empire romain non encore disloqué, et qui intégrait donc encore en son sein les peuples d’Orient et d’Occident, Agnès fut le petit agneau immolé par amour du Grand Agneau, immolé Lui aussi.

Jésus réalise vraiment des merveilles dans les âmes de ceux qu'Il aime, de ceux qu'Il choisit, de ceux qui sont sa couronne et sa joie, de ceux qui sont ses élus. Il y a les géants de la sainteté, ceux qui semblent avoir été préparés dès le berceau ou dès leur prime jeunesse: nous pensons en particulier à Padre Pio, à Saint Jean l’Évangéliste ou au Curé d’Ars, ou encore à Sainte Marguerite-Marie et à tant d’autres. Il y a ceux et celles qui donnèrent leur vie très jeunes, dans un élan irrésistible de générosité, comme sainte Agnès ou Thérèse de Lisieux, par exemple. Il y a aussi ces géants de la sainteté qui durent apprendre durement les exigences de la sainteté avant le sacrifice suprême, tels les apôtres, ou saint François, saint Bernard, Jean de la Croix, pour ne citer qu’eux.

Il y a aussi ceux que Dieu laisse plus longtemps sur cette terre pour qu’ils apprennent lentement l’Amour que Dieu leur destine, pour qu'ils soient des modèles pour leurs frères, comme tant de fondateurs d’ordres religieux dont la vie fut une abnégation constante. Et il y a aussi ceux dont la destinée fut totalement hors normes, comme Monsieur Vincent, Anne-Catherine Émmerick et plus près de nous, Marthe Robin.

Il y a aussi tous les anonymes que nous ne connaîtrons qu’au ciel, mais qui surent aimer sans bruit, sans rien d’extraordinaire, et que Jésus aimait déjà tellement quand ils étaient sur terre.

Enfin il y a les saints qui furent d’abord des boîteux du cœur ou de l’âme, des gens très ordinaires, souvent des pécheurs, des gens qui cherchaient Dieu sans le savoir, des gens sans grande vertu, mais dont le Seigneur a voulu avoir besoin, un jour. Alors ces boîteux du cœur, ces boîteux de l’âme, ces intelligences sans gloire, ces petits sans mérite, ou ces bandits pleins de haine, Jésus est allé les chercher pour leur montrer qu’eux aussi étaient des enfants aimés de Dieu et que Dieu voulait avoir besoin d’eux, d’eux aussi... car leur place était déjà prête dans le Royaume qui ne serait pas complet sans eux. Et l’on a vu ces boîteux se redresser, comme les paralysés que Jésus guérissait sur les chemins qu'Il sillonnait avec ses disciples.

On a vu ces boîteux du cœur devenir bons. On a vu ces mécréants devenir honnêtes et donner tous leurs biens aux pauvres. On a vu ces bandits, oubliant leurs haines passées, témoigner soudain de l'Amour du Seigneur. On a vu les enlisés dans leurs découragements retrouver du courage et de l’enthousiasme. On a vu les aveugles de l’esprit comprendre les divins commandements d’Amour et aimer leur prochain. On a vu les pécheurs demander pardon. On a vu les orgueilleux apprendre l’humilité. On a vu les cœurs tièdes brûler d’amour pour Dieu et pour leurs frères. On a vu les indifférents s’intéresser soudain à Jésus, et se mettre à aimer. On a vu les boîteux de l’âme revenir vers leur Dieu et prêcher la Bonne Nouvelle.

 

12-2-7-La souffrance dans la vie des saints

 

Parmi toutes ces choses que nous ne comprenons pas, il ya la souffrance. Et nous sommes souvent gênés par la place prise par la souffrance dans la vie de tous les saints: souffrances physiques ou morales, incompréhensions, calomnies, etc... ainsi que leur attitude face à la souffrance. Nous avons beaucoup de mal à intégrer l’amour des saints pour la souffrance, que ce soit celle de Thérèse d’Avila ou de Thérèse de Lisieux, ou de Marthe Robin, ou de Padre Pio et de tant d’autres. Même Saint Paul surabondait de joie au milieu des tribulations...

Généralement nous, nous ne surabondons pas de joie au milieu des tribulations. Nous comprenons un peu leur valeur rédemptrice, et les saints les acceptaient comme telles. Mais de là à les désirer!... Or les saints ont tous désiré la souffrance, et l’ont aimée. Ils ont tellement aimé la souffrance qu’ils en remerciaient le Seigneur... Pensons à Marthe Robin, qui, évoquant “les douleurs folles” qu’elle subissait ne pouvait que rendre grâce, se perdre dans l’Amour de Jésus et louer Dieu. Cette attitude était permanente chez Marthe Robin, et quotidiennement vécue et exprimée dans son journal intime. Il en est de même de la Bienheureuse Alexandrina de Balasar.

Alors, comment les saints ont-ils pu tant aimer la souffrance? Comment ont-ils pu la désirer avec autant d’ardeur? Ils étaient pourtant bâtis comme nous, avec un cœur d’homme, aimant et sensible, avec un corps comme le nôtre, capable de réagir violemment aux sollicitations extérieures douloureuses. Comment faisaient-ils pour tant aimer leurs souffrances? Et pour rester paisibles au plus fort de leur douleur? La souffrance que les saints ont tant aimée, tant désirée, qu’est-ce que c’est?

La souffrance, qu’est-ce que c’est? La souffrance, c’est d’abord et toujours, la conséquence inévitable du péché. La souffrance n’est pas voulue par Dieu, c’est l’œuvre de l’ennemi qui savait très bien, lui, ce qui se passerait quand l’harmonieux équilibre de la création serait détruit. L’équilibre rompu de la création génère automatiquement des distorsions, donc la souffrance. Et pour rétablir l’équilibre rompu, il faut d’abord réparer les pièces abîmées ou cassées, puis les remettre à leur place, et replacer également les pièces voisines qui avaient été déplacées, écartelées ou froissées. Et cela fait toujours mal, très mal même souvent. Prenons comme comparaison certaines grosses machines de travaux publics, une pelleteuse ou un bulldozer, par exemple: quand il y a une panne, ou quand une pièce est un peu déplacée, les ouvriers tapent dessus, et pas doucement. Mais quelle satisfaction quand tout est rentré dans l’ordre et quand la machine peut recommencer à bien fonctionner, à faire ce pour quoi elle était faite!... Quand elle peut enfin recommencer à répondre à sa vocation.

Les souffrances humaines, et surtout les souffrances des saints, ne seraient-elle pas comparables à la réparation d'un engin mécanique? La souffrance des hommes c’est comme ce qui accompagne la réparation d’une merveilleuse machine qu’on aurait cassée. Les pièces mauvaises doivent être parfois remplacées si elles s’obstinent à refuser la miséricorde divine, ou réparées si, repentantes, elles renoncent à leurs péchés. Et la souffrance des saints, c’est l’effort nécessaire que doivent assumer les pièces saines mais voisines des pièces défectueuses, pour maintenir l’ensemble dans une certaine cohérence et stabilité.

La souffrance des saints, c’est l’écartèlement, localisé et douloureux, que doivent supporter les éléments sains, écartèlement indispensable à la remise en place des éléments blessés et maintenant réparés. La souffrance des saints, c’est l’énergie nécessaire qui doit être fournie pour permettre le redémarrage de la machine humaine et l’achèvement de la construction, en l’occurence ici, de la construction et de l’achèvement du Corps mystique. Cette souffrance des éléments sains est inévitable et indispensable, et seuls les saints, ou ceux à qui le Seigneur le demande, peuvent comprendre cette merveille. C'est peut-être cela aussi le rôle spécifique des âmes victimes.

Le 23 novembre 1978, à l'un de ses confidents, Mgr Ottavio MICHELINI[1], Jésus explique: “Qui sont les âmes-victimes? Quelle est la raison d’être des âmes-victimes? Pourquoi les âmes-victimes ne sont-elles connues que de très peu de personnes? Pourquoi les âmes-victimes encourent-elles si souvent l’incompréhension, l’aversion ou la persécution de ceux qui, logiquement, devraient les comprendre  et les soutenir de toutes les façons?

Les âmes-victimes sont des âmes choisies d’une façon spéciale par le ciel, par la Trinité divine dont elles deviennent filles et épouses; ce sont les âmes les plus aimées du Père, les plus intimement unies au Fils et au Saint-Esprit. Ce sont des âmes qui, généreusement, souvent héroïquement, font don de leur vie humaine à Dieu, subordonnant toute leur vie à la volonté divine, ne voulant que ce que Dieu veut d’elles, ne désirant que Dieu, vrai, unique grand bien, Alpha et Oméga de tout et de tous, s’offrant et s’immolant elles-mêmes, par amour pour Dieu, Bien suprême, raison et but de la vie, pour réparer leurs offenses et celles d’autrui... Ces âmes privilégiiées ne se contentent pas seulement de suivre le Christ sur la voie du Calvaire, elles montent avec Lui sur la Croix... Ce sont les âmes éclairées qui ont compris qu’il ne peut y avoir d’amour de Dieu et de nos frères sans la souffrance.”

Pour bien comprendre la souffrance des saints, il est nécessaire de se resituer au niveau du Corps mystique du Christ, c’est-à-dire l’Église. Le péché a rompu l’harmonie de la Création et du Corps mystique et bouleversé son équilibre. Cette rupture a eu la souffrance comme conséquence directe et immédiate, souffrance non voulue de Dieu, mais œuvre de Satan. La réparation sera forcément douloureuse.

Pourtant, la nécessité de la souffrance et sa valeur n’ont pas été perçues tout de suite dans l’humanité, et Job en est l’exemple typique. Il faudra attendre Jésus pour comprendre que c’est par ses souffrances qu’Il nous a rachetés. Les apôtres comprendront combien la réparation du Corps est douloureuse, eux qui ont accepté le martyre derrière leur Maître. Et Saint Paul expliquera, dans une phrase lapidaire: “J’achève en ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son Corps qui est l’Église.” Cela ne signifie pas que Jésus nous ait incomplètement rachetés et sauvés, mais tout simplement que nous devons, nous les pécheurs, donc les responsables du désordre, apporter notre petite quote-part à l’œuvre de la Rédemption, aux côtés de Jésus et de Marie.

Le Corps mystique et la Création blessés par le péché, ont subi des distorsions et des dysfonctionnements graves qui peuvent être réparés grâce aux mérites de la Croix du Christ. Mais, dans une machine, lorsqu’une pièce est réparée et prête à de nouveau bien fonctionner, il n’est pas toujours facile de la remettre en place. Pour la remettre exactement dans ses rouages, il faut souvent pousser les autres pièces, les bousculer, ou tordre un peu une ou plusieurs pièces voisines, ou écarter momentanément certains éléments. Cela demande des outils spéciaux, et ne se réalise pas sans de grands efforts. Alors, il faut que chacun collabore, s’étire ou se resserre un peu, pour permettre la réparation complète: cela, c’est un peu comparable à la souffrance des innocents qui doivent subir des sévices à cause des fautes ou des erreurs des autres.

Il y a aussi les outils spéciaux qui sont là pour aider le mécanicien à insérer, visser, serrer, rôder les pièces réparées qu’on doit remettre en place. Le travail des outils spéciaux n’est pas toujours facile; il est même souvent assez pénible. Mais quand tout est de nouveau à sa place, prêt à fonctionner, l’outil spécial, et docile, qui est toujours dans la main du mécanicien, contemple l’ouvrage auquel il a participé, mû par une volonté et une intelligence qui n’étaient pas les siennes mais dont il n’a pas gêné l’action réparatrice. Il contemple, et il est content. On pourrait même imaginer qu’il est plus que content, heureux, et naturellement désireux de participer à une nouvelle tâche salvatrice.

D'où la clé du problème. Pourquoi la souffrance, que tout le monde a tendance à rejeter, est-elle désirée, voire ardemment désirée par les saints et les âmes-victimes? C’est qu’ils sont comme les outils spéciaux dont on vient de parler. Pauvres et petits devant Dieu, abandonnés entre les mains de Jésus qu’ils aiment par-dessus tout, ils commencent par se laisser faire pour n’être plus que des instruments aimants, intelligents mais dociles entre les mains de l’Amour. Le travail à accomplir est souvent bien pénible, mais Jésus les soutient, les porte, et parfois leur permet de contempler son œuvre: une âme, vient d’être sauvée, le Corps du Christ se reconstruit dans son harmonie primitive. C’est beau, et c’est bon... Alors, la petite âme-victime, émerveillée par la bonté de Dieu, ne souhaite plus qu’une chose: être de nouveau dans les mains du divin Mécanicien pour “L’aider” à réparer et sauver d’autres âmes.

Elle sait, par expérience, que ce sera douloureux, mais elle ne peut que souhaiter les souffrances qui, achevant la Rédemption du monde, seront aussi la consolation que recherchait Jésus, que recherche Jésus à Gethsémani, dans l’éternel présent de son éternité. 

 

12-3-La fécondité

 

Parfois, on entend dire, à  propos des charismes: “Ne laissez pas passer la grâce.”

Ne laissez pas passer la grâce!... Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire? La vie humaine est comme un bouquet qui doit s'épanouir à mesure que la vie avance. Puis, un jour, l'homme s'aperçoit que  son bouquet est beau et heureux, les fleurs de l'amour et des sacrifices se sont ouvertes peu à peu, mais quelque chose manque encore...

Ne laissez pas passer la grâce!... Jésus, est le bouquet de la vie des chrétiens, le bouquet de la sainteté qu'Il désire pour chacun de nous. Quand une vie est presque achevée presque toutes les fleurs sont –ou devraient- être ouvertes. Mais, pour être un vrai bouquet de sainteté, le bouquet de notre vie doit devenir fécond, car la fécondité, c’est la raison d’être de n’importe quelle fleur. Quand les fleurs du bouquet de chacune de nos vies sont ouvertes, elles doivent s’ouvrir encore davantage pour recevoir le pollen qui les fécondera. Nos vies doivent s'ouvrir encore plus à la grâce et recevoir le pollen de Dieu, sa grâce, qui nous rendra conformes à ce que Dieu veut de nous pour être aptes à remplir la vocation qui est la nôtre, dans ce monde et dans l’autre.

Dieu nous aime! Il aime ces poussières de néant qui doivent même, un jour, faire ses délices. Dieu nous a créés pour L’aimer, Le réjouir, nous rendre heureux dans  son Amour. Dieu nous aime tellement qu’Il a envoyé son Fils pour vivre avec nous; son Infinitude s’est faite "minusculinité", sa Puissance s’est faite impuissance, son Amour s’est fait amour...

Le Fils du Père est venu parmi nous pour retirer de nos cœurs l’atroce vertige de notre misère, de notre faiblesse, de notre totale dépendance. Et de notre monstrueuse impuissance... Jésus est venu parmi nous pour commencer à construire son Église, son mystérieux Corps mystique qui sera sa Gloire et la gloire des saints. La Gloire et l’Amour de Dieu envelopperont le Corps mystique du Christ, le Nouveau Cosmos. La Gloire et l’Amour de Dieu envelopperont le Corps mystique du Christ, le Fils unique, de son Amour infini, de sa Puissance merveilleuse et de sa Vie éternelle. La Gloire et l’Amour de Dieu envelopperont le Corps mystique du Christ et le façonneront pour la Vie et l’Amour immortels.    

Car son Corps mystique, Jésus est déjà en train de le construire. Son vaste chantier est déjà en cours d’avancement. Pour l'achever, toutes les âmes, toutes les fleurs des bouquets de nos vies doivent devenir fécondes.

 

12-4-Le Cœur mystique: les petites âmes

 

Un corps a toujours un cœur qui le fait vivre, et qui est son être profond. Aucun corps ne peut vivre sans cœur. Alors, pour que le Corps mystique puisse vivre, il lui faut un Cœur, il faut un Cœur mystique au Corps mystique du Christ.

Il faut un Cœur mystique au Corps mystique du Christ. Il faut un Cœur à l’Église que Jésus se construit pour sa Gloire et la Gloire du Père. Alors, si Jésus construit son Corps mystique avec toutes les âmes sauvées par sa Croix, Il doit aussi construire son Cœur mystique, mais avec qui? Ne serait-ce pas avec les nombreuses toutes petites âmes qu'Il a sauvées avec toutes les autres, mais qu'Il a mises un jour dans son Cœur, et qui furent sa consolation à Gethsémani?

Avec les toutes petites âmes Jésus construit ton Cœur mystique!!!

Nous sommes stupéfaits. Ainsi, ces petites âmes, ces pauvres petites âmes destinées à consoler les deux agonies de Jésus, ces humbles toutes petites âmes de sa consolation, il faut bien qu'Il les fabrique, qu'Il les prépare. Pour mieux comprendre l'Amour du Seigneur et ses façons de faire, imaginons un santonier tenant dans ses mains une petite statuette qu’il façonne avec amour?

Jésus est-Il ce sculpteur merveilleux qui tient dans ses mains un petit santon, peut-être le Ravi? Jésus regarde ce petit santon, Il le tourne et le retourne, Il ajoute une pointe de peinture ici, un peu de vernis là. Il modèle, Il fignole... Il faut qu’il soit beau ce petit! Il ne servira pas à grand chose, mais il sera Ravi. Il n’aura aucune utilité réelle, on pourrait s’en passer car il ne sert à rien.

Est-ce parce qu’il sera inutile dans la grande Création que Jésus l’aime déjà tant, ce tout petit santon qui ne sera que Ravi? Il doit seulement être beau, il doit avoir beaucoup d’amour dans son cœur, car un jour, le Jour terrible de l'agonie de Jésus, en réalité, de ses deux agonies, il devra être là, simplement, pour sa consolation. Il devra être là, tout petit, simple petite fleur posée là, juste pour Lui dire: “Je T’aime...” et pour Le consoler.

Contemplons encore le petit santon inachevé. Le  pinceau délicat de Jésus cache encore un défaut. Sa main douce caresse le petit être qui s’abandonne à son Amour, car il vit, ce Ravi, il vit simplement pour aimer, et pour contempler son Seigneur; il vit, pour sa consolation.

Quelle merveille! De la même façon délicate que Jésus tient le petit santon, tout doucement Il prend chaque petite âme par la main; doucement Il lui enseigne la note juste, celle qu’elle devra chanter, plus tard, dans le concert éternel des anges et des âmes qu'Il aura sauvées. Tout doucement, Il l’enseigne, Il la baise de son baiser d’Amour.

Tout doucement, Jésus contemple la toute petite âme abandonnée dans son Amour, abandonnée avec confiance. Et Il la prend et la met dans sa main. Il la regarde encore, et puis d’un geste plein d’amour, plein de miséricorde, Il la met dans son Cœur.

Toutes les petites âmes sont comme ce tout petit santon, le Ravi de Jésus. Elles se sentent bien dans son Cœur, bien en sécurité et en paix. Elles L’écoutent pour apprendre leur note juste, celle qui sera la leur dans le chœur de l’Amour, le chœur des anges et des élus. Aujourd'hui elles se sentent inutiles mais ravies, ravies en Dieu, ravies de son Amour, ravies dans son Amour.

Est-ce ainsi que peu à peu Jésus construit son Cœur mystique? Avec des santons inutiles, des Ravis qui ne savent rien faire, mais qui aiment Dieu et qui Le laissent faire? Peut-être...

 

Maintenant prions:

 

Jésus, Vous avez créé les grandes âmes, celles qui vous aiment beaucoup, qui font de grandes choses pour Vous, qui ont donné toute leur vie à votre service. Vous avez créé les âmes nobles et généreuses, qui savent mener leur vie spirituelle, qui savent se contenter de peu, qui peuvent même se passer de Vous, c’est-à-dire de votre Eucharistie.

Vous avez aussi créé les petites âmes, celles qui ne savent pas, qui sont toujours un peu boiteuses du cœur et de la générosité; les petites âmes qui ont besoin de Vous, qui ont besoin de pouvoir se cacher dans votre cœur, car elles connaissent leur petitesse, et il n’y a que près de Vous qu’elles se sentent en sécurité. Ces petites âmes ne savent pas faire grand’chose, alors Vous les consolez et Vous leur faites comprendre que le mieux, c’est de Vous laisser faire pour remédier à leur incapacité.

Vous aimez toutes les âmes que Vous avez créées, façonnées, modelées avec tant d’amour. Vous aimez les grandes âmes qui savent Vous servir. Mais Vous aimez aussi, et peut-être encore plus, les petites âmes fragiles, faibles, pécheresses, boiteuses, incapables. Vous les aimez tellement que c’est pour elles que vous êtes mort sur la Croix, c’est pour elles que Vous avez souffert votre Passion; c’est à elles que Vous pensiez à Gethsémani.

 

12-5-La grande construction de Dieu

 

Aujourd'hui, sur la terre, dans le monde des hommes, le Corps mystique du Christ est comme une grande construction encore en chantier: un immeuble ou un ouvrage d’art, peu importe. Et son Cœur mystique, c'est la vie qui l’anime, c'est le cœur qui envoie le sang dans tout le Corps. Dans le Corps mystique du Christ, son Cœur mystique distribue partout le Sang de sa vie: l'Eucharistie. Le Corps mystique du Christ est un grand ouvrage d’art. Dieu, le grand Architecte a fait un plan, et avec son Fils, son Verbe, Il a établi de solides fondations sur lesquelles l’ouvrage pourra s’élever. Pour cela Il a d'abord utilisé des pierres solides et résistantes: ses commandements. Puis, Il a choisi de belles pierres qu'Il doit nettoyer avant de les tailler soigneusement, de les polir ou de les sculpter. Il les ajuste avec précision afin qu’elles puissent répondre à l’usage auquel elles sont destinées: ces pierres, ce sont tous les saints, les futurs saints, et tous les hommes sauvés par le Sacrifice du Christ.

Pour que l’ensemble vive et tienne solidement, le grand Architecte utilise le "liant" adapté qui le maintiendra en place, réalisant l’unité de la construction tout en la nourrissant. Ce sang vital et unifiant, c'est l'Eucharistie que nous donne le Cœur de Jésus, plein d’Amour et de Miséricorde, Dieu vivant livré pour le salut de tous les hommes dans l’unité du Dieu unique, qui réalise la construction unique, le Corps mystique du Christ. Le Sang de Jésus versé pour nous jusqu’à la fin du monde, aliment et liant du Cœur mystique et du Corps mystique, c’est Jésus-Eucharistie, le divin Amoureux de nos âmes, qui nous attend toujours dans tous les tabernacles de la terre.

Chaque pierre, chaque âme en voie de sanctification peut se dire: "Jésus me tient dans sa main pour nettoyer, tailler, façonner, polir la pierre vivante qu'Il désire, la pierre qu'Il destine à une vocation spéciale dans l’Œuvre de son Corps mystique dont le Cœur mystique est et sera toujours son Cœur Eucharistique." Et Jésus peut confirmer: " L’Eucharistie est une nourriture pour vos âmes, c’est mon Cœur amoureux de vous, mon Cœur Eucharistique qui vous donne cette nourriture, votre pain de vie, votre pain quotidien... Mon Eucharistie nourrit les pierres vivantes que vous êtes et que j'utilise pour construire mon Corps mystique, en Dieu."

Quelle merveille! Le Père embrasse son Verbe, le Fils unique. Le Père et le Verbe ne font qu’un et de leur Amour procède l’Esprit Créateur. Et le Cœur du Père, c’est le Cœur du Fils, c’est le Cœur même de Dieu. Et dans le Cœur de la Trinité il y a l’univers, et les mondes et la terre, et les hommes... Il y a le Corps mystique du Christ, ce Pont merveilleux qui relit les hommes à Dieu, ce Pont qu’il faut emprunter, nous dit Saint Bernard, pour aller vers le Père, vers Dieu.

Le Corps mystique du Christ renfermera un jour l’univers tout entier, et les hommes seront dans le Cœur mystique de Jésus, le Cœur de l’Amour. Beaucoup d’hommes et de femmes, vivants ou morts, mais des vivants dans le Christ, sont déjà dans le Cœur de Dieu, dans le Cœur de Jésus, dans le Cœur mystique du Christ ressuscité.”

Essayons, pour un instant, de quitter notre échelle de valeurs et de vie, pour entrer, en pensée, dans une autre échelle, et contempler un autre monde, le monde du Corps mystique du Christ, le Corps mystique qui se construit. Le Corps infini, le Corps du Sacré-cœur en croix, le Corps du Verbe incarné qui sera la demeure de tous les hommes, le Corps de Jésus, son Corps aux bras ouverts pour accueillir tous les hommes, est déjà dans chacun de nos cœurs. Ce Corps est constitué des milliards de milliards des créatures que Dieu ne cessesde créer avec un Amour d’artiste émerveillé de l’œuvre qu’il réalise. Chaque homme est fait avec son individualité propre, sa vocation propre, pour devenir une pièce, un élément indispensable de ce Corps du Verbe de Dieu et de son Sacré-Cœur. Ce Corps mystique du Christ et son Cœur plein d’Amour, essayons de l’imaginer dans le flou de tout ce qui est en cours de construction, donc pas encore achevé.

Le Corps Mystique, Jésus, englobe toute la création et tous les univers; il rassemble dans une unité totale la pensée créatrice de Dieu. Il rassemble en un seul Corps toute la création. Un jour, le Père trouvera tout cela très bon car il n’y aura plus que de l’Amour dans l’univers devenu Corps et Cœur du Christ. Dieu Père enserre le Corps de son Fils dans un embrassement éternel et l’Esprit imprègne tout. Le Cœur du Père et le Cœur du Fils se confondent dans l’Esprit de leur Amour. Nous, nous sommes encore sur la terre que l’Esprit effleure d’un de ses rayons d’Amour. La terre est baignée de, et dans, ce rayon d’Amour qui voudrait répandre son Feu...

 

12-6-La communion des saints

 

Aujourd’hui, l’aujourd’hui du temps béni qui nous prépare à la Grande Rencontre avec Dieu, le Corps mystique du Christ n’est pas achevé. Certes, il y a déjà tous les élus, mais il y a aussi les autres en cours de préparation sur la terre. Ensemble ils constituent la Communion des saints qui est aussi le Corps mystique de Jésus en cours de construction, en cours d’évolution. Quelque part, dans ce que nous appelons le Purgatoire, il y a les âmes de ceux qui achèvent leur purification. Ils aiment déjà le Seigneur, mais leurs vêtements ne sont pas encore bien nettoyés, leur robe n’est pas tout-à-fait prête pour qu’ils puissent entrer dans la salle des noces. Mais ils savent qu’on les attend...

Et il y a aussi tous les autres que Jésus attend: ceux qui peinent encore sur la terre, ceux qui Le cherchent sans le savoir, ceux qui L’aiment déjà un peu mais qui tâtonnent encore ou qui n’osent pas faire le pas décisif qui les mènerait à Lui... Il y a aussi ceux qui L’aiment déjà beaucoup mais dont la tâche n’est pas facile. Tous comptent sur les élus pour les aider, sur ceux qui sont déjà arrivés et qui ont trouvé leur place dans le grand Corps de Jésus, dans son Corps mystique, l’Église des temps nouveaux, la Jérusalem céleste... Tous ceux qui aiment déjà Jésus sur la terre  comptent beaucoup sur les prières de ceux qui ont déjà trouvé leur place dans son Amour éternel.

Tous les hommes de la terre qui aiment en peinant, sont tous au pied de la Grande Croix glorieuse, le Corps du Christ en croix montrant son Sacré-Cœur. Le pied de la grande Croix glorieuse apparaît encore bien sombre, car les immenses racines de l’Arbre de la Croix, l'arbre de la Vie, enserrent la minuscule terre. Il y a sur ces racines, s’alimentant de la sève céleste, des petits foyers de lumière, placés là comme des poteaux indicateurs. Ils résistent aux tempêtes, ils s’accrochent de toutes leurs faibles forces aux radicelles secourables. Ils savent qu’ils sont utiles et que leurs petites lumières sont nécessaires malgré leur faiblesse et leur vulnérabilité. Ce sont les futurs saints

Jésus, hors de notre temps regarde son Corps. Il voit l’Œuvre achevée. UN avec le Père et l’Esprit, Il enferme dans son Amour toute sa création. Dans l’éternel silence de la Trinité Sainte Il réalise l’unité des mondes avec Dieu. Et c’est son Sacré-Cœur en Croix qui transforme la création en un hymne éternel d’éternelle douceur, en un hymne d’Amour, de l’Amour qui est Dieu.

Le Cœur de Jésus est toujours Eucharistique. Son Cœur éternel, uni au Cœur du Père, rayonne toujours, comme une immense Hostie de Feu, sur son Église sainte et immortelle, car son Cœur Eucharistique, c’est son Amour éternel qui donne l'Esprit à son Église pour lui donner l’Amour.

Le Corps mystique de Jésus, son Église, ce Corps immense, merveilleux et  immortel, est le Pont entre le Père et Lui, dans l’unité de la Trinité Sainte, pour accomplir en Lui, le Christ, l’unité extraordinaire de tous les mondes créés: les mondes matériels, les mondes angéliques, et le monde des hommes. Ô grandeur incroyable des pauvres petits hommes qui sont déjà comme la synthèse embryonnaire et encore mortelle du Corps immortel, complet et achevé que le Christ est venu faire naître sur la terre! Ô grandeur inconcevable de l’Eucharistie, Action de Grâces infinie et éternelle de Jésus, Amour éternel de Dieu pour nous, don extraordinaire de son Cœur au monde! Ô Eucharistie, Action de grâces et amour de Jésus pour nous, ô Cœur Eucharistique de Jésus qui est vraiment le Cœur immortel de son Église, son Corps mystique!

Imaginons le Corps mystique du Christ. Nous “voyons” les hommes, les élus, qui ont quitté la terre, et qui ont trouvé leur place au Ciel, au sein de son Ciel, et où tout est harmonie. Et nous "voyons" aussi que du Cœur de Jésus, jaillissent sans arrêt, pour les âmes qui n’ont pas encore achevé leur périple terrestre, les étincelles de son Amour, les merveilleuses hosties de son Eucharistie. Tous les cœurs, ceux de la terre et ceux du Ciel, peuvent boire à la source de sa vie, leur vie.

Mais après? Après quand les mondes anciens auront disparu pour laisser la place à la Jérusalem nouvelle, quand il n’y aura plus besoin de la lumière du soleil car Dieu sera Lui-même la Lumière, oui, après?

Après, Jésus sera toujours là, vivant avec nous, en Dieu trine, tout en restant dans son Corps, ce Corps qu'Il aura lentement constitué au cours des âges de la Grande Épreuve. Et au cœur de son Corps, au cœur de sa présence éternelle et trinitaire, il y aura toujours son Cœur, son Amour, sa Vie. Et c’est l’Amour de son Cœur en éternelle Action de grâces, son Cœur Eucharistique, qui nous baignera dans son Amour, qui nous environnera toujours de son Feu divin et créateur, d’où jailliront éternellement les étincelles de l’Amour qui crée et qui donne la Vie et l’amour, son Amour.

Ô infinitude de l’Amour éternel qui nous crée pour l’éternité et nous donne l’Amour qui ne s’éteindra jamais, nous T'adorons et nous T'aimons!


[1] Mgr Ottavio MICHELINI,  “Confidences de Jésus à ses prêtres et à ses fidèles”.

   

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