LETTRES
Si ce qui s'est passé dernièrement
à Éphèse nous a vivement affligé, car les lois de la justice et celles de la
religion ont été foulées aux pieds, d'un autre côté, votre piété sincère et vos
acclamations contre l'injuste sentence nous ont fait éprouver une grande joie.
Bons fils, vous conserverez toujours votre amour à votre excellent père, et vous
ne souffrirez pas qu'on porte le moindre changement aux saintes doctrines qu'il
vous a enseignées. Sans doute, comme le saint Esprit vous l'a révélé, ils sont
souillés par l'hérésie de Manichée, ces hommes qui nient la vérité de la Nature
humaine de notre Seigneur Jésus Christ et attribuent à un vain fantôme toutes
ses actions corporelles. De peur que vous ne tombiez dans cette erreur, nous
vous avons déjà fait remettre une lettre par nos enfants Épiphane et Denys,
notaires de l'Église romaine, et, d'après votre désir, nous vous écrivons de
nouveau. Vous ne douterez point ainsi que nous ne veillions sur vous avec une
sollicitude toute paternelle et que nous n'employions tous les moyens possibles
pour faire cesser, avec le secours de la Miséricorde de Dieu, le scandale que
des ignorants et des insensés ont fait naître. Qu'aucun de ceux qui ont pu se
laisser convaincre par de pareilles impiétés n'ose se glorifier de son rang dans
l'Église : car si l'ignorance est à peine tolérable chez un laïc, quel juste
châtiment ne mérite-t-elle pas chez des hommes chargés de conduire les autres,
et surtout quand ils défendent des opinions dangereuses et les font adopter par
les esprits inconstants, à l'aide des caresses et des menaces ? Ils méprisent
les saints membres du Corps de Jésus Christ, mais la liberté catholique ne
subira pas leur joug. Ils manquent de la Grâce divine et ils doivent être privés
du sacrement du salut, ces hommes qui nient la Nature humaine de Jésus Christ et
contestent ainsi les vérités de l'évangile et rejettent le Symbole. Ils ne
comprennent pas que cette impiété les conduit à détruire la réalité de la
Passion et de la Résurrection ; car comment auraient pu s'accomplir ces
mystères, si notre Sauveur n'a pas la chair d'un homme ? Dans quelles ténèbres
d'ignorance sont-ils plongés, dans quelle honteuse paresse ont-ils vécu pour ne
pas avoir appris, soit par des discours, soit par des lectures, ce qui dans
l'Église de Dieu retentit de tous côtés, cette vérité du Corps et du Sang de
Jésus Christ, que les enfants eux-mêmes confessent à la communion, distribution
mystique de la nourriture spirituelle où notre chair, après avoir reçu cette
nourriture céleste, s'unit à la Chair de Celui qui S'est incarné. Aussi, pour
vous confirmer dans votre charité qui s'est opposée avec une foi digne d'éloges
aux ennemis de la vérité, je vous dirai comme l'Apôtre : " C'est pourquoi moi
aussi, ayant entendu parler de votre foi au Seigneur Jésus et de votre charité
pour tous les saints, je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de
vous dans mes prières, afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus Christ, le Père
de gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, dans sa
connaissance, et qu'Il illumine les yeux de votre coeur, pour que vous sachiez
quelle est l'espérance qui s'attache à son Appel, quelle est la richesse de la
gloire de son Héritage qu'Il réserve aux saints, et quelle est envers nous qui
croyons l'infinie grandeur de sa Puissance, se manifestant avec efficacité par
la vertu de sa Force. Il l'a déployée en Christ, en Le ressuscitant des morts,
et en Le faisant asseoir à sa Droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute
Domination, de toute Autorité, de toute Puissance, de toute dignité, et de tout
nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans
le siècle à venir. Il a tout mis sous ses Pieds, et Il L'a donné pour Chef
suprême à l'Église, qui est son Corps, la Plénitude de Celui qui remplit tout en
tous ". (Ep 1,15-23) Qu'ils nous disent, les adversaires de la vérité, quelle
nature le Père tout-puissant a placée au-dessus de toutes choses, car " toutes
choses ont été faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans
Lui " (Jn 1,3), Il est nécessairement supérieur à toutes les créatures qui, de
tout temps, ont été soumises à Celui qui les a créées. Éternel, Il est de la
Nature du Père, Il est semblable au Père, Il ne forme qu'un avec Lui. Si donc sa
Puissance, sa Dignité, sa Gloire ont été augmentées, c'est qu'Il possédait une
nature inférieure qui n'avait ni la puissance, ni la grandeur, ni la gloire de
la Nature divine. C'est Arius qui a inspiré son impiété à ces hommes qui nient
la nature humaine dans le Verbe, refusent avec mépris de croire que l'humilité
de notre nature ait été jointe à la Majesté de Dieu, prétendant que le Corps du
Sauveur était un vain fantôme, et attribuent plutôt à sa Divinité qu'à sa Chair
toutes ses Actions et toutes ses Souffrances corporelles. Il est bien insensé
celui qui ose défendre une pareille doctrine, car elle détruit la foi et la
vérité du sacrement ; d'après elle, ou la Divinité a souffert, ou bien il n'y a
rien eu de réel dans le mystère de la Passion. Le fils de Dieu impassible est de
toute éternité de l'essence immuable de la Trinité avec le Père et le saint
Esprit. Quand les temps furent venus, temps fixés par l'éternelle Sagesse et
révélés au monde par les prophètes, Il S'est fait homme sans perdre sa Substance
divine, mais en revêtant notre nature. Il " est venu chercher et sauver ce qui
était perdu " (Lc 19,10) ; Il vint parmi nous, non comme une apparition
passagère, mais bien sous des formes visibles et palpables, en prenant la chair
et l'âme d'un homme dans le sein de la Vierge, sa mère ; Dieu, Il S'unit à la
forme de l'esclave, à la nature de la chair du péché : et l'Homme n'a pas
altéré la Divinité, et le Dieu a glorifié l'humanité.
La faute de nos premiers parents,
dont le péché originel a été transmis à toute leur postérité, ne pouvait être
effacée ; et nous ne pouvions échapper à la damnation éternelle, si le Verbe ne
se faisait Chair et n'habitait parmi nous dans cette même nature, cette même
chair et ce même sang que les nôtres. C'est ainsi que l'Apôtre a dit dans son
Épître aux Romains : " Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation
a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification
qui donne la vie s'étend à tous les hommes. Car, comme par la désobéissance d'un
seul homme beaucoup ont été rendus pécheurs, de même par l'obéissance d'un seul
beaucoup seront rendus justes " (Rm 5,18-19). Et dans une autre épître : " Car,
puisque la mort est venue par un homme, c'est aussi par un Homme qu'est venue la
résurrection des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous
revivront en Christ " (1 Co 21-22). Ils sont étrangers à tout sacrement de la
religion chrétienne ceux qui ne confessent pas la vérité de la nature humaine
prise par le fils unique de Dieu dans le sein de la Vierge de la descendance de
David ; ils ne connaissent ni l'Époux ni l'Épouse ; ils ne peuvent assister au
banquet nuptial. La Chair de Jésus Christ est la Robe du Verbe ; celui qui
confesse le Christ en est revêtu. Mais celui qui rougit de ce vêtement et le
rejette comme indigne, quoiqu'il s'approche de la table royale et prenne part au
banquet sacré, convive parjure, il n'échappera pas à la justice du Roi, comme le
Seigneur l'a prédit Lui-même ; il sera chassé, ses pieds et ses mains seront
chargés de fers et il sera lancé dans les ténèbres extérieures où il y aura des
sanglots et des grincements de dents. Aussi quiconque ne confesse pas la Nature
humaine de Jésus Christ, est jugé indigne du mystère de l'Incarnation, et ne
jouira des bienfaits du sacrement dont l'Apôtre parle en ces termes : " Parce
que nous sommes membres de son Corps. C'est pourquoi l'homme quittera son père
et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule
chair " ; et il a ajouté pour expliquer ces paroles : " Ce mystère est grand;
je dis cela par rapport à Christ et à l'Église ". (Ep 5,30-32) Dès le
commencement de la race humaine, l'Avènement du Christ dans la chair a été
annoncé à tous les hommes. Ils seront deux dans la même chair, a-t-il été dit ;
et en vérité, ils sont deux dans la même chair : Dieu et l'homme, le Christ et
l'Église qui est née de la chair de l'Époux ; quand, par le sang et l'eau qui
coulaient de son Côté sur la croix, elle a reçu le sacrement de la rédemption et
de la régénération. Et tel est le nouvel état de la créature qui, par l'eau du
baptême, n'est point privée de sa chair, mais purifiée de la tache originelle ;
de telle sorte que son corps devient celui de Jésus Christ, car le Corps du
Christ est celui d'un homme. Nous ne devons donc pas dire que le Christ est
seulement Dieu, comme les manichéens, ou comme l'hérétique Photinus, qu'Il est
seulement homme ; nous ne devons pas croire qu'il Lui manque rien de la nature
humaine, soit l'âme, soit la raison, soit la chair ; proposition impie
développée par les apollinaristes, qui prétendaient que le Verbe n'avaient pas
pris sa chair dans le sein d'une vierge, mais qu'Il était Lui-même changé en
chair. Nous ne devons pas admettre davantage que la bienheureuse vierge Marie
ait conçu un homme sans la Divinité, homme qui, une fois créé du saint Esprit,
ait été habité par le Verbe ensuite, erreur qui a été justement condamnée dans
la personne de Nestorius ; mais telle doit être notre croyance : Le Christ,
fils de Dieu, Dieu véritable, né de Dieu le Père, de toute éternité, est aussi
un homme véritable, né d'une femme à une époque déterminée ; son Humanité, par
laquelle Il est inférieur au Père, n'a porté aucune altération à sa Nature
divine, par laquelle Il est égal à Dieu. Il n'y a qu'un seul Christ en deux
natures ; Il l'a prouvé Lui-même quand Il a dit comme Dieu : " Moi et le Père
nous sommes un " (Jn 10,30) ; et comme Homme : " Le Père est plus grand que
Moi " (Jn 14,28). Cette profession de foi est la seule qui soit aux coeurs des
véritables chrétiens ; c'est la seule qui soit bonne et impérissable ; vous la
défendrez avec zèle et amour ; vous y persévérerez ; vous la confesserez avec
constance. Et, comme après la Miséricorde de Dieu il faut aussi mériter les
bonnes grâces de vos princes chrétiens, demandez avec sagesse et humilité au
très clément empereur qu'il daigne ordonner la convocation d'un concile général,
comme je l'en ai déjà prié, afin de retremper le courage et l'ardeur des bons
catholiques et de purifier les hérétiques qui consentiront à rentrer dans la
bonne voie.
Fait aux ides d'octobre, sous le
consulat des très illustres Astère et Protogène.
Nous avons appris par nos frères et
collègues, qui sont de retour du saint concile, où le Siège du bienheureux
Pierre les avait envoyés, que, protégé comme nous par le Bras du Tout-Puissant,
tu es resté victorieux de l'impiété de Nestorius et de la fureur des eutychéens.
Glorifions-nous donc en notre Seigneur et chantons avec le prophète : " Notre
secours est dans le Nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre " (Ps 123,8).
Il n'a pas permis qu'on nous portât préjudice dans la personne de nos frères ;
et ce divin mystère qu'Il avait défini par ma bouche, Il l'a confirmé par
l'assentiment irrévocable de tous nos collègues. Il a voulu prouver ainsi que
cette exposition de foi, donnée par le premier des Sièges et approuvée par tout
l'univers chrétien, avait été composée sous son Inspiration ; et en faisant
ainsi concourir au même but les membres et le corps, Il nous a donné d'autant
plus matière à nous réjouir, qu'Il a frappé notre ennemi avec d'autant plus de
rigueur, qu'il avait sévi plus cruellement contre les ministres du Christ. Pour
augmenter l'éclat du témoignage que tous les autres Sièges rendirent à celui que
le Seigneur établit le premier de tous, il s'en trouva d'abord qui se laissèrent
aller à de soupçons injustes et qui doutèrent de notre jugement ; mais tandis
que le démon, le père de la discorde, excitait quelques-uns à nous contredire, à
lutter contre nous, par la Grâce du Dieu de bonté, le mal que celui-là nous
faisait a été remplacé par un plus grand bien. En vérité, les présents de la
Grâce divine paraissent bien plus doux toutes les fois qu'on les a acquis au
prix de grandes sueurs ; et la paix qui s'écoule dans le repos paraît bien moins
agréable que celle qui nous est rendue après de grands travaux ; et la vérité
elle-même brille d'un plus vif éclat et se grave plus profondément dans les
esprits, lorsque, enseignée d'abord par la foi, elle est ensuite confirmée par
l'examen. Enfin, la dignité des évêques paraît plus grande, lorsque l'autorité
du plus puissant est respectée de telle sorte qu'on ne voit pas qu'aucune
atteinte ait été porté à la liberté des inférieurs.
L'examen tourne d'autant plus à la
Gloire de Dieu, qu'on ne craint point d'arracher le masque à l'hérésie pour la
vaincre, de peur que ce qui est évidemment injuste par soi-même, ne paraisse
opprimé dans un injuste silence. Exulte donc, très cher frère, et exulte,
vainqueur en Jésus Christ, le Fils unique de Dieu. Il a triomphé par nous, Celui
dont on niait la vérité de la chair ; Il a triomphé par nous et pour nous, Celui
en qui nous vivons et dont l'arrivée en ce monde est un nouveau jour de gloire
pour l'univers. Le divin mystère de l'Incarnation fut rendu au monde après la
défaite de l'ennemi du genre humain, qui, ne pouvant l'abolir et le faire
oublier, s'était efforcé de le rendre incompréhensible par ses mensonges. Bien
plus, ce mystère immortel avait été banni du coeur des incrédules, car un si
grand sacrement de salut ne peut servir à l'incrédule. Jésus Christ Lui-même a
enseigné cette vérité à ses disciples par ces paroles : " Celui qui croira et
qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné "
(Mc 16,16). Les rayons du Soleil de justice, interceptés par les ténèbres
épaisses de Nestorius et d'Eutychès, ont brillé d'un nouvel éclat sur l'Orient,
où le Seigneur a placé de préférence le Siège des enseignements des apôtres et
des docteurs ; et dans ces contrées qu'il n'est pas permis de croire que le
Seigneur abandonne jamais, là où Il avait placé ces illustres confesseurs, notre
antique ennemi s'efforçait de nouveau, à l'aide du coeur corrompu d'un second
pharaon, de détruire la race fidèle d'Abraham et les enfants de la nouvelle
promesse ; mais Dieu, dans sa Miséricorde, rendit vains les efforts des démons,
et il ne peut nuire qu'à lui seul. Dieu, dans sa Toute-Puissance, agit d'une
manière si admirable, que loin de condamner avec leur maître ceux qui s'étaient
armés avec lui pour massacrer les enfants d'Israël, Il les réunit à son peuple.
Et comme il était digne de Lui, Source des miséricordes et comme il était
possible à Lui seul de le faire, Il réunit les vaincus avec nous pour leur faire
partager notre victoire ; car l'esprit de mensonge est le seul véritable ennemi
du genre humain, et il n'est point douteux que tous ceux que la vérité a appelés
vers elle ne puissent le terrasser. Les paroles suivantes de notre Sauveur
prouvent bien qu'elles sont d'autorité divine ; elles s'adressent si bien aux
ennemis de la foi qu'on ne peut douter que ce ne soit d'eux qu'Il ait voulu
parler : " Vous, dit-Il, vous avez pour père le diable, et vous voulez
accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et
il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui.
Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur
et le père du mensonge " (Jn 8,44).
On ne doit donc pas s'étonner de ce
que ceux qui ont regardé comme un mensonge la vérité de la Chair de Jésus Christ
s'accordent avec leur père, prétendant que tout ce qui a été vu, entendu, touché
et palpé, comme le témoigne l'évangile, ne présente point des preuves solides de
cette réalité de la nature humaine, mais que Jésus Christ était d'une seule
nature coéternelle et consubstantielle au Père, comme si la Nature divine avait
été attachée au bois de la croix, comme si cette Nature immuable avait pu
grandir avec l'âge, comme si la Sagesse éternelle avait pu croître en sagesse,
comme si l'Esprit de Dieu, qui est l'Esprit Lui-même, S'était développé et avait
augmenté. Cette folie furieuse montra bien quel était son père, en s'efforçant
par tous les moyens possibles de faire partager son impiété à tous les hommes.
Quoiqu'elle nous eût déjà frappé dans chacun de nos frères, qui sont nos
membres, elle ne voulut pas nous épargner nous-même ; avec une audace nouvelle,
inouïe, incroyable, elle déversa l'injure contre le chef des Églises. Mais plût
à Dieu que, se repentant après tant de crimes, elle ne nous ait fait point
pleurer sur sa damnation éternelle. Elle voulut mettre le comble à tous ses
crimes ; ceux qu'elle avait commis ne lui suffisaient pas ; elle n'épargna ni
les vivants ni les morts ; ennemie de la vérité, protectrice de l'erreur, elle
trempa ses mains déjà souillées dans le sang d'un innocent, dans le sang d'un
évêque catholique. Tandis qu'il a été écrit : " Quiconque hait son frère est un
meurtrier " (1 Jn 3,15), l'impie qui s'était déjà rendu meurtrier en haïssant
son frère, accomplit son oeuvre criminelle, comme s'il n'avait point entendu ces
paroles du Seigneur : " Recevez mes instructions, car Je suis doux et humble de
coeur; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon
fardeau léger " (Mt 11,29-30). Ce digne apôtre des mensonges du démon, cet
Égyptien dévastateur s'éleva comme un tyran farouche. A l'aide d'une foule
furieuse de séditieux, il imposait à l'Église des blasphèmes criminels qu'il
faisait approuver par nos vénérables frères avec les mains sanglantes des
soldats. La Voix de notre divin Rédempteur nous a assuré qu'il n'y avait qu'un
seul et même auteur de l'homicide et du mensonge ; eh bien, il s'est rendu
coupable d'homicide et de mensonge comme s'il n'avait reçu les conseils que le
Fils de Dieu nous a donnés pour notre salut, que pour faire les choses contre
lesquelles Il nous mettait en garde et ainsi se damner à jamais. Il n'avait
point non plus prêté une oreille attentive à ces paroles du Seigneur : " Je dis
ce que J'ai vu chez mon Père ; et vous, vous faites ce que vous avez entendu de
la part de votre père " (Jn 8,38).
Aussi, en conspirant d'arracher la
vie de ce monde à Flavien, de sainte mémoire, il se priva de la lumière de la
véritable vie. En voulant vous arracher à vos Églises, il se sépara du nombre
des chrétiens. En entraînant vers l'erreur un grand nombre de fidèles et en les
y faisant tomber, il a percé son âme de nombreuses blessures ; seul il fut
criminel plus que tous, par tous et pour tous ; car il fut la cause des crimes
de tous. Quoique tu sois fortifié par une solide nourriture spirituelle et que
tu n'aies point du tout besoin de ce conseil, cependant je te dirai de te
conduire de même que l'Apôtre, comme c'est notre devoir, afin que nous puissions
répéter avec lui : " Et, sans parler d'autres choses, je suis assiégé chaque
jour par les soucis que me donnent toutes les Églises. Qui est faible, que je ne
sois faible ? Qui vient à tomber, que je ne brûle ? " (2 Co 11,28-29) Je crois
surtout devoir t'avertir en cette occasion, mon très cher frère, que toutes les
fois que, par un effet de la Grâce divine, nous condamnons ou nous recevons à la
pénitence, de vive voix ou par écrit, ceux qui sont tombés, il nous faut prendre
garde de nous écarter en rien des règles de foi que la Divinité du saint Esprit
a révélées au concile de Chalcédoine et avoir soin, placés entre deux ennemis
comme nous le sommes, de peser toutes nos paroles avec la plus grande attention,
de crainte d'une nouvelle perfidie. Il ne faut point parler comme si nous avions
à traiter des sujets douteux, ce qui ne se présente pas ici, mais nous baser sur
des autorités qui ont été mûrement définies. Nous savons que dans la lettre du
saint Siège apostolique, confirmée par l'approbation du saint concile universel,
sont réunis des témoignages d'une autorité si divine, que nul ne peut élever le
moindre doute sur leur validité, à moins qu'il ne préfère se plonger dans les
ténèbres de l'erreur ; et les actes du concile, soit ceux qui renferment la
définition de foi qui fut composée, soit ceux où se trouvent les lettres
précitées du Siège apostolique, lettres que tu as défendues avec tant de zèle,
et principalement l'allocution de tout le concile, à nos princes très pieux,
sont appuyés par un si grand nombre de témoignages des anciens pères de
l'Église, qu'ils suffisent pour convaincre un esprit, quelque imprudent et
quelque opiniâtre qu'il soit, à moins qu'il ne soit déjà condamné avec le démon
pour son impiété.
Aussi, est-il nécessaire, dans
notre manière d'agir contre les ennemis de l'Église, de veiller à ne leur jamais
laisser, en ce qui nous concerne, aucune occasion de calomnie, et dans notre
lutte contre Nestorius et Eutychès, de ne jamais paraître éviter l'un ou
l'autre, mais de frapper de la même lance ces deux ennemis du Christ et de les
condamner. Ainsi, toutes les fois que cela peut être utile à ceux qui nous
écoutent, il faut formuler contre eux et contre leurs dogmes un anathème prompt
et clair, de crainte que, si nous paraissions tarder à le faire et si nous le
formulions en termes obscurs, on ne croie que nous agissons malgré nous. Tu as
éprouvé naguère la vérité de ce que j'avance, quoique je n'aie à adresser
d'admonition qu'à ta prudence, car notre Seigneur très saint, dans sa Vérité
invincible, a démontré par le jugement du saint Siège que tu étais pur de toute
souillure des hérétiques. Tu Lui rendras de grandes actions de grâces pour tant
d'épreuves qu'Il t'a fait subir, si tu t'es conservé tel que nous t'avons
reconnu et tel que nous te reconnaissons, pour la défense de l'Église
universelle. En ce que le Seigneur a confondu les mensonges de tous les
calomniateurs, je reconnais que le bienheureux Pierre a intercédé pour nous
tous : après avoir confirmé dans la définition de foi le jugement de son Siège,
il n'a pas permis qu'on pût trouver rien de condamnable dans la personne de ceux
qui avaient combattu avec nous pour la foi catholique ; au jugement du saint
Esprit, ceux-là ne pouvaient être que triomphants dont la foi avait déjà
triomphé.
Pour terminer, je t'exhorterai à
collaborer avec le Siège apostolique ; car nous avons appris qu'il existait
encore dans vos contrées quelques restes de l'erreur eutychéenne et nestorienne.
La victoire que Jésus Christ notre Seigneur et notre Dieu a donnée à son Église,
tout en nous inspirant une plus grande confiance, tant que nous restons en ce
monde, ne doit pas cependant nous faire perdre toute sollicitude ; elle ne nous
a point été accordée pour que nous nous endormions, mais pour que nous
travaillions avec plus de plaisir. D'après le rapport que tu nous as fait, nous
voulons t'aider dans ta sollicitude pastorale, afin que la doctrine du Seigneur
fructifie parmi ces hérétiques. Hâte-toi donc d'instruire le Siège apostolique,
afin que nous puissions prêter secours, autant qu'il me sera convenable et
nécessaire, aux prêtres de la religion. Sur ce qui concerne les choses illicites
qui ont été tentées par un esprit d'orgueil au dernier concile, à l'encontre des
vénérables canons de Nicée, nous avons écrit à notre frère et collègue, l'évêque
d'Antioche, et nous avons ajouté, d'après un rapport que nous avaient fait nos
vicaires sur l'iniquité de certains moines de votre Église, que nous arrêtions
d'une manière toute spéciale que personne ne se permît de prêcher, à l'exception
des prêtres du Seigneur, soit moine, soit laïc, et de quelque science qu'il pût
se glorifier. Nous voulons que cette lettre, pour l'utilité de toute l'Église,
soit rendue publique par notre frère et collègue Maxime ; et comme nous ne
doutons point qu'il ne s'empresse de remplir cette recommandation, nous n'avons
pas voulu joindre une copie à la présente.
Que Dieu te garde intègre, très
cher frère.
Fait le 4 des ides de juin, sous le
consulat du très illustre Opilion.
Je me souviens de vous avoir
promis, vénérable empereur, de vous adresser sur la foi, dont j'ai reconnu que
votre Clémence avait embrassé la cause, animé d'un pieux zèle, un sermon dicté
par mon humilité. Je crois que le temps est venu de m'acquitter de cette
promesse avec le secours de Dieu, et que je ne dois point laisser manquer votre
sainte ardeur pour la religion, d'une instruction utile, autant que je le puis.
Quoique je sache que votre Clémence est abondamment pourvue des instructions des
hommes, et qu'elle a puisé la doctrine la plus pure à la source inépuisable du
saint Esprit, il n'en est pas moins de mon devoir de vous démontrer ce que vous
comprenez, et de vous expliquer ce que vous croyez, afin que ce feu sacré, comme
par des aliments, s'échauffe et brûle, s'enflamme et brille.
L'hérésie d'Eutychès s'est efforcée
d'amonceler de profondes ténèbres sur les provinces d'Orient, et elle a essayé
de dérober aux yeux des ignorants l'éclat de cette lumière qui, selon
l'évangile, brille dans les ténèbres, et que les ténèbres ne purent saisir. Mais
après que son obscurité a causé sa ruine, voici que de nouveaux disciples
viennent prêcher les erreurs du maître. À des époques très rapprochées, la foi
catholique, qui est la seule vraie et à laquelle on ne peut ni rien ajouter, ni
rien retrancher, eut à repousser les attaques de deux ennemis : le premier,
Nestorius, donna naissance au second, Eutychès ; ils voulurent introduire dans
l'Église de Dieu deux hérésies contraires, et ils méritèrent ainsi d'être
condamnés tous les deux par les apôtres de la vérité, car les erreurs
différentes qu'ils professèrent tous deux sont par trop insensées et par trop
sacrilèges. Anathème à Nestorius qui crut que la bienheureuse vierge Marie ne
fut pas la mère de Dieu, mais seulement la mère de l'Homme, qui divisa la Nature
humaine et la Nature divine en deux Personnes, et qui ne comprit pas que dans le
Verbe de Dieu et la chair il n'y avait qu'un seul Christ. Il enseignait que le
Fils de Dieu et le Fils de l'homme étaient distincts et séparés, tandis que le
Verbe, conservant son essence immuable, qui de toute éternité est coéternelle au
Père et au saint Esprit, Se fit Chair dans les entrailles d'une vierge et
accomplit ce mystère ineffable de telle sorte que par une seule conception, un
seul enfantement, et en deux natures réunies en une seule Personne, cette vierge
devint à la fois la servante et la mère du Seigneur. Elisabeth, comme le
rapporte l'évangéliste Luc, comprit cette vérité et dit à Marie : " Comment
m'est-il accordé que la mère de mon Seigneur vienne auprès de moi :? "
(Lc 1,43). Qu'Eutychès soit aussi frappé du même anathème, lui qui, se roulant
dans la fange des erreurs impies des anciens hérétiques, adopta le troisième
dogme d'Apollinaire. Se refusant ainsi de croire à la vérité du Corps et de
l'Âme humains de notre Seigneur Jésus Christ, il affirmait qu'il n'y avait en
Lui qu'une seule nature, comme si la Divinité du Verbe S'était commuée en la
chair et l'âme d'un homme, comme si sa conception et sa naissance, son enfance
et sa croissance, son supplice et sa mort, son ensevelissement et sa
résurrection, et son ascension dans les cieux où Il Se plaça à la droite de son
Père, d'où Il doit venir pour juger les vivants et les morts, étaient là des
actes de sa Nature divine ; ces actes ne présentant aucune réalité sans
l'existence véritable de la chair, car la Nature du Fils unique de Dieu est la
même que celle de son Père et que celle du saint Esprit ; elle est, comme elles,
impassible et immuable, et toutes trois, elles forment l'unité éternelle,
indivisible et consubstantielle de la sainte Trinité. Si quelque eutychéen
condamne l'erreur d'Apollinaire de crainte d'être convaincu de croire que la
Divinité est mortelle et soumise à la souffrance, et cependant ose proférer
qu'il n'y a qu'une seule nature du Verbe incarné, c'est-à-dire du Verbe uni à la
chair, alors il partage d'une manière évidente les erreurs absurdes de Valentin
et de Manichée : il croit que le Médiateur de Dieu et des hommes, que l'Homme
Jésus Christ n'a accompli tous ces actes qu'en apparence, qu'Il n'avait point un
corps véritable et qu'Il n'a montré à ceux à qui L'ont vu que la forme
fantastique d'un corps. Comment peut-on douter que ces mensonges sacrilèges que
la religion catholique maudit, et que les sentences des saints pères ont déjà
condamnés autrefois par tout l'univers dans les erreurs impies dont ils tirent
leur naissance, ne soient contraires et hostiles à la foi que le Symbole de
Nicée confirma en ces termes : " Nous croyons en un seul Dieu, le Père
tout-puissant, Créateur de toutes les choses visibles et invisibles, et en un
seul Seigneur Jésus Christ, Fils seul-engendré de Dieu, né du Père, c'est-à-dire
de la substance du Père, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu
né du vrai Dieu, non créé, consubstantiel au Père (" homoousion ", comme disent
les Grecs), par qui tout a été fait au ciel et sur la terre. Qui pour nous et
pour notre salut est descendu des cieux, S'est incarné et S'est fait Homme, a
souffert et est ressuscité le troisième jour. Il est monté aux cieux, d'où Il
viendra juger les vivants et les morts. Nous croyons aussi au saint Esprit." :?
Dans cette profession de foi sont évidemment renfermées toutes nos croyances sur
l'Incarnation de notre Seigneur, qui, pour accomplir le salut de la race
humaine, n'a point apporté du ciel notre véritable chair si fragile, mais l'a
prise dans le sein de la Vierge, sa mère.
Tous ceux qui sont donc aveuglés et
privés des lumières de la vérité, au point de refuser de croire à l'existence
réelle de la Chair que notre Seigneur prit en S'incarnant, prouvent en quoi ils
usurpent le nom de chrétiens ; car ils se trouvent d'accord avec la vérité de
l'évangile sur quelque point, soit par exemple sur l'enfantement de la
bienheureuse Vierge, alors selon eux, ou la chair naquit sans la Divinité ou la
Divinité sans la chair. De même qu'on ne peut nier ces paroles de l'évangile :
" Le Verbe S'est fait Chair et Il a habité parmi nous " (Jn 1,14) ; de même il
faut croire celles-ci du bienheureux apôtre Paul : " C'est Dieu qui nous a
réconciliés avec Lui par Christ " (2 Co 5,18). Comment cette réconciliation
était-elle possible ; comment Dieu pouvait-Il pardonner à la race humaine, si le
Médiateur de Dieu et des hommes ne S'était chargé de défendre la cause de
tous :? Comment pouvait-Il accomplir en réalité son rôle de médiateur, si Lui,
qui, dans sa Nature de Dieu, est égal à son Père, n'avait participé à notre
nature en revêtant la forme d'un esclave, afin de rompre les fers de la mort,
dont la prévarication d'un seul homme avait chargé le monde par la mort d'un
seul, qui seul ne fut pas soumis à la mort :? L'effusion du Sang du Juste pour
les injustes produisit un si grand bienfait et fut une si magnifique rançon,
que, si tous les esclaves du démon avaient cru en leur Rédempteur, il n'en
restait pas un seul dans les fers ; car, comme l'Apôtre l'a dit : " Š là où le
péché a abondé, la grâce a surabondé " (Rm 5,20). Les hommes nés dans
l'esclavage du péché ont reçu la liberté de se régénérer, et la liberté qu'ils
reçurent en présent est plus puissante que la dette de servitude qui les
enchaîne. Ils abandonnent l'espérance d'être régénérés par la vertu du sacrement
ceux qui refusent de croire à la réalité de la Chair de notre Seigneur Jésus
Christ. Qu'ils disent donc quel sacrifice les a réconciliés, quel sang les a
rachetés. Quel est Celui, comme dit l'Apôtre, " qui S'est livré Lui-même à Dieu
pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur " (Ep 5,2) :? Quel
sacrifice fut jamais plus sublime que celui où le véritable et immortel Pontife
offrit à son Père les dépouilles de son Corps sur l'autel de la croix :?
Quoique la mort de plusieurs saints ait été agréable à Dieu, cependant le
supplice d'aucun de ces hommes innocents ne racheta le monde. Ces justes
reçurent et ne donnèrent point de couronnes ; ils naquirent pour offrir à la
vertu des fidèles des exemples de patience, et non pour la justifier. La mort de
chacun d'eux a servi à leur propre justification ; aucun n'a payé par son
supplice la dette d'autrui ; entre les fils des hommes il n'y avait que notre
seul Seigneur Jésus Christ qui fût vraiment l'Agneau sans tache ; en Lui, tous
les hommes ont été crucifiés, sont morts, ont été ensevelis, et tous sont
ressuscités en Lui. Il disait Lui-même : " Et Moi, quand J'aurai été élevé de
la terre, J'attirerai tous les hommes à Moi " (Jn 12,32). La vraie foi, qui
justifie les impies et qui crée les justes, trouve sa source dans Celui qui
participa à notre humanité, elle nous sauve par les mérites de Celui qui seul
d'entre les hommes fut trouvé innocent, qui, pouvant par la Grâce de Dieu Se
glorifier de sa Puissance, combattit l'ennemi du genre humain avec notre chair
fragile, et attribua sa Victoire à ceux dont Il avait revêtu la nature pour
triompher. Donc quoiqu'il n'y ait eu en notre Seigneur Jésus Christ, vrai Fils
de Dieu, vrai Fils de l'homme, qu'une seule Personne composée du Verbe et de la
chair, Personne qui jouit des propriétés inséparables et indivisibles des deux
natures ; cependant on doit établir une distinction dans les Oeuvres de cette
Personne, et admirer dans la contemplation d'une foi sincère jusqu'où s'élève la
bassesse de notre nature et jusqu'où s'incline la Grandeur de la Divinité.
Quoiqu'il en soit, la chair n'agit pas sans le Verbe, ni le Verbe sans la chair.
Sans la Puissance du Verbe, la Vierge n'aurait ni conçu ni enfanté ; sans la
réalité de la chair, Jésus Christ Enfant n'aurait point été enveloppé de langes.
Sans la Puissance du Verbe, les mages ne seraient point venus, guidés par la
nouvelle étoile, adorer l'Enfant Dieu ; et sans la réalité de la chair, l'Enfant
n'aurait point été transporté en Egypte par l'Ordre de Dieu et soustrait à la
persécution d'Hérode. Sans la Puissance du Verbe, Dieu le Père n'aurait point
fait entendre ces paroles du haut des cieux : " Celui-ci est mon Fils
bien-aimé, en qui J'ai mis toute mon Affection : écoutez-Le ! " (Mt 17,5) ; et
sans la réalité de la chair, Jean ne se serait point écrié : " Voici l'Agneau
de Dieu, qui ôte le péché du monde " (Jn 1,29). Sans la Puissance du Verbe, la
régénération de l'homme et la résurrection des morts n'auraient point eu lieu,
et sans la réalité de la chair, Jésus Christ n'aurait point été soumis à la
nécessité de prendre des aliments et de se livrer au sommeil. Enfin, sans la
Puissance du Verbe, notre Seigneur ne Se serait point dit égal à son Père, et
sans la réalité de la chair Il n'aurait point affirmé que le Père était plus
grand que Lui. La foi catholique admet et enseigne les deux natures ; et elle
confesse, selon la profession du bienheureux apôtre Pierre, un seul Christ, Fils
du Dieu vivant, à la fois Homme et Verbe. Dans le principe, quand le Verbe
S'incarna dans le sein de la Vierge, il n'y eut aucune division entre la Nature
divine et la nature humaine ; et de tout temps l'action provint d'une seule et
même Personne. Cependant, il ne faut pas établir de confusion dans les actes et
les attribuer indistinctement aux deux natures, mais savoir juger par la qualité
de l'acte de quelle nature il provient. Car les actes de la Nature divine ne
portent point préjudice aux actes de la nature humaine, ni les actes de la
nature humaine à ceux de la Nature divine. Les uns n'annihilent pas les autres,
et leur simultanéité ne double pas la Personne qui agit. Qu'ils nous disent
donc, ces hypocrites dont les esprits enténébrés ne veulent point s'éclairer au
flambeau de la vérité, quelle Nature de Jésus Christ notre souverain Maître fut
attachée au bois de la croix, quelle Nature fut couchée dans le sépulcre, quelle
Chair souleva la pierre de sa tombe, ressuscita le troisième jour :? Dans
quelle Nature enfin, après sa Résurrection, Il convainquait certains de ses
disciples qui n'y ajoutaient point foi, et Il confondait ceux qui doutaient
encore, lorsqu'Il leur disait : " Touchez-Moi et voyez : un esprit n'a ni
chair ni os, comme vous voyez que J'ai " (Lc 24,39) ; et à l'apôtre Thomas :
" Avance ici ton doigt, et regarde mes Mains ; avance aussi ta main, et mets-la
dans mon Côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois ! " (Jn 20,27). En vérité,
cette preuve de l'existence de sa Chair détruisait déjà les mensonges des
hérétiques, et l'Église universelle, qui devait graver dans son sein les
doctrines du Christ, ne pouvait hésiter à croire ces vérités que les apôtres
avaient apprises pour les lui enseigner. Si les lumières éclatantes de la vérité
n'ont point dissipé les ténèbres de l'hérésie, que les insensés qui la défendent
nous disent dans leur endurcissement comment ils ont pu concevoir l'espérance de
la vie éternelle que l'on ne peut obtenir que par le Médiateur de Dieu et des
hommes, par l'Homme Jésus Christ. Comme l'a dit le bienheureux apôtre Pierre :
" Il n'y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par
lequel nous devions être sauvés " (Ac 4,12). L'homme n'a pu être racheté de sa
captivité que par le Sang de Celui qui fut livré Lui-même pour être le prix de
la rédemption de tous ; et comme l'enseigne le bienheureux apôtre Paul : " Lui
qui, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher
d'être égal avec Dieu, mais S'est dépouillé Lui-même, en prenant une forme de
serviteur, en devenant semblable aux hommes ; et ayant paru comme un simple
homme, Il S'est humilié Lui-même, Se rendant obéissant jusqu'à la mort, même
jusqu'à la mort de la croix. C'est pourquoi aussi Dieu L'a souverainement élevé,
et Lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au Nom de Jésus
tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute
langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la Gloire de Dieu le Père "
(Ph 2,6-11). Ainsi, quoique notre Seigneur Jésus Christ soit un, que la
véritable nature humaine et la véritable Nature divine soient réunies dans sa
seule et même Personne, et que la solidité de cette union ne puisse être rompue
en rien, nous comprenons cependant que cette perfection, dont Il était doté par
Dieu, qui, selon l'expression du Docteur des nations, Lui a donné un Nom qui est
au-dessus de tout autre nom, appartient bien à cette nature qui devait être
glorifiée par un présent si magnifique. En effet, dans sa Nature de Dieu, Il
était Fils égal au Père, et il n'y avait aucune différence en nature et en
puissance entre le Père et le Fils unique, et par le mystère de l'incarnation le
Verbe ne perdait rien de cette nature et de cette puissance que le Père eut la
faculté de Lui rendre en présent. Mais la forme d'esclave, dans laquelle la
Divinité impassible accomplit son Oeuvre de miséricorde, était cette humanité
incomplète que Dieu glorifia par sa Puissance, quand Il lia la Divinité et cette
humanité par la conception de la Vierge, de telle sorte que l'humanité participa
aux actes de la Divinité, et la Divinité à ceux de l'humanité. Aussi dit-on que
le Seigneur fut crucifié dans sa Majesté, de même qu'on dit qu'Il fut glorifié,
Lui égal à Dieu dans son Éternité, parce que, sous le rapport de l'unité de sa
Personne, Il ne forme qu'un seul et même être, et Il est tout entier le Fils de
l'homme selon la chair, et tout entier le Fils de Dieu selon sa Divinité qui est
celle de son Père. Tout ce que Jésus Christ reçut dans le temps, Il le reçut
comme Homme ; car, comme tel, Il pouvait recevoir ce qui Lui manquait ; comme
Dieu, Il possède tout ce que son Père possède, et tout ce qu'Il reçut de son
Père dans sa Nature d'esclave, Il Se le donne Lui-même dans sa Nature de Dieu.
Comme Dieu, Lui et le Père ne sont qu'un ; mais comme Homme, Il n'est point venu
faire sa Volonté, mais celle de Celui qui L'a envoyé. Comme Dieu, son Père, qui
possède la vie en Lui-même, Lui donne de même à Lui, son Fils, de posséder la
vie en Lui-même, et comme homme, son âme est triste jusqu'à la mort. Comme dit
l'Apôtre, Il est à la fois riche et pauvre. Riche, parce que, selon le
Théologien, " Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le
Verbe était Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été
faites par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui " (Jn 1,1-3).
Pauvre, parce que pour notre salut le Verbe Se fit chair et habita parmi nous.
D'où Lui vient cette faiblesse et cette pauvreté, si ce n'est de la forme
d'esclave qu'Il a prise :? La Majesté du Verbe, voilée par cette forme,
accomplit le mystère de notre rédemption. Les fers de l'esclavage originel ne
pouvaient être rompus que par un Homme de notre race et de notre nature, que le
péché ne souillerait point, et qui effacerait avec son Sang immaculé notre
contrat de mort ; et, comme la Divinité l'avait ordonné dans sa Sagesse dès le
commencement, ces choses s'accomplirent aux temps prescrits par Elle, afin que
cette promesse, qui nous avait été faite de plusieurs manières, fût remplie
après une longue attente, et que l'on ne pût conserver de doute sur ce qui nous
avait été annoncé par des témoignages continuels. L'impiété des hérétiques
prouve combien elle est sacrilège, lorsque, sous prétexte d'honorer la Divinité,
elle se refuse à croire à la réalité de la Chair humaine de Jésus Christ, et
qu'elle pense faire preuve de piété en disant que cette chair qu'Il sauve
n'existe point en Lui d'une manière véritable. Tandis que, selon les promesses
répétées dans tous les siècles, Dieu S'est réconcilié avec le monde en la
Personne de Jésus Christ, et qu'aucune chair ne pouvait être sauvée si le Verbe
n'avait daigné revêtir la nature de la chair. Ainsi, tous les mystères de la foi
catholique sont enveloppés de l'obscurité la plus profonde, comme le veulent les
hérétiques, si on pense que la Lumière de la Vérité se soit cachée sous les
apparences mensongères d'un fantôme. Aucun chrétien ne doit avoir honte de
confesser la réalité de notre chair dans la Personne de Jésus Christ, puisque
tous les apôtres et tous les disciples des apôtres, ainsi que les cinq illustres
docteurs des Églises, qui méritèrent la couronne du martyre ou la gloire de la
confession, resplendissants des lumières de la foi, prêchèrent en accord par
tout l'univers qu'il fallait confesser dans notre Seigneur Jésus Christ une
seule Personne composée de la chair et de la Divinité. Sur quelle apparence de
raison, sur quel passage des saintes Écritures l'impiété des hérétiques
pense-t-elle donc de s'appuyer pour nier la vérité du Corps de Jésus Christ, que
la Loi n'a cessé de témoigner, les prophéties d'annoncer, les évangiles
d'enseigner et que Jésus Christ Lui-même n'a point cessé de montrer :? Qu'ils
cherchent dans tous les Livres saints de quoi justifier leurs erreurs, sans
tenter d'obscurcir les lumières de la vérité, et ils trouveront cette vérité qui
brille sur tous les siècles ; ils verront accrédité dès le commencement ce grand
et admirable mystère qui a été accompli dans sa fin. Comme aucune partie des
Livres saints ne gardent le silence sur cette vérité, il suffit d'avoir choisi
certains passages où elle est exposée pour servir de guide à la foi dans ses
régions sublimes, et pour que l'intelligence sincère puisse comprendre avec
clarté que les chrétiens ne doivent pas rougir, mais se glorifier sans cesse de
ce que le Fils de Dieu a toujours confessé qu'Il était Fils de l'homme et Homme
Lui-même. Afin que votre piété reconnaisse que nous sommes entièrement d'accord
avec les enseignements des vénérables Pères, j'ai cru qu'il était convenable de
joindre à cette lettre quelques passages de leurs écrits. Si vous daignez les
examiner avec soin, vous verrez que nous ne prêchons rien d'autre que ce que nos
saints Pères ont enseigné par tout l'univers, et que personne n'est en
opposition avec eux que les seuls hérétiques impies. Dans ces passages que j'ai
résumés le plus possible, reconnaissez donc, très glorieux et vénérable
empereur, que nous enseignons cette même foi que vous avez reçue par
l'inspiration du ciel, et que nous ne différons en rien ni des doctrines de
l'évangile et des apôtres, ni du Symbole de la foi catholique ; car nous disons,
comme l'enseigne le bienheureux Paul : " Sans contredit, le mystère de la piété
est grand : celui qui a été manifesté en chair, justifié par l'Esprit, vu des
anges, prêché aux gentils, cru dans le monde, élevé dans la gloire " (1 Tm 3,16).
Quoi de plus utile à votre salut, quoi de plus digne de votre puissance, que de
maintenir par des lois la paix des Églises du Seigneur, de défendre les Dons du
Seigneur dans les coeurs de tous vos sujets, et de ne point souffrir pour aucune
raison que l'envie du démon ne cause, par ses ministres, la perte d'aucun d'eux.
Ainsi, vous qui brillez sur le trône dans ce siècle qui doit finir, vous
mériterez de régner avec le Christ dans le royaume éternel.
SOURCE : http://www.jesusmarie.com
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