Marcellin
Pape, Saint
+ 302

Entre les glorieux martyrs qui ont donné' leur vie pour Jésus-Christ du temps des empereurs Dioclétien et Maximien, furent Pierre et Marcellin, dont la sainte Église célèbre la fête le 2 de juin.

Saint Pierre était exorciste, et Notre-Seigneur faisait par lui beaucoup de miracles, délivrant plusieurs démoniaques du pouvoir de Satan; c'est pourquoi il était fort connu et haï des ministres d'iniquité. Le vicaire Sérène le fit prendre et l'envoya à Artémie, qui avait une fille nommée Pauline, qu'il aimait uniquement, mais qui était possédée et tourmentée du malin esprit. Saint Pierre, étant en prison, vit Arlémie fort triste, à cause du mal de sa fille, et lui dit : Si vous saviez, ô Artémie, qui est Jésus-Christ, et si vous fa~ doriez comme un Dieu, votre âme recevrait alors de grands biens, et votre fille serait aussitôt délivrée. Artémie répondit : Je vois bien par ce que tu me dis, que tu rêves et que tu es fou. Ce Jésus-Christ que tu estimes Dieu, ne te saurait délivrer de la prison où tu es, ni de mes mains, et tu me dis qu'en croyant en lui il délivrera ma fille du démon qui la tourmente, et qu'il la guérira ?

Pierre répliqua à cela : Notre Dieu ne délivre pus toits ses serviteurs des peines et des fatigues qu'ils endurent, afin de les éprouver davantage par le tourment : ce n'est pas qu'il ne le puisse faire, et qu'il ne le fasse quand il le juge à propos. Et si vous voulez en faire l'essai, accordons-nous, et me promettez de croire en Jésus-Christ, s'il me délivre cette nuit de la prison où je suis maintenant.

Artémie, se moquant de ce qu'il lui disait, le promit : et afin qu'il n'y eût point de tromperie, il redoubla les fers au saint, et le mit au plus profond de la prison, ferma les portes plus soigneusement, renforça les gardes, et dit à Candide, sa femme, pourquoi il faisait cela, en se raillant de ce que Pierre lui avait dit : mais Candide, qui était plus avisée, dit à son mari qu'il ne se souciât pas de ce que Pierre avait dit, mais qu'il veillât toute la nuit pour voir ce qui en serait, parce que l'on en saurait bientôt la vérité. Comme ils étaient sur ce discours à l'entrée de la nuit, saint Pierre se présenta à eux et à Pauline leur fille, qui était avec sou père. Il était vêtu d'une belle robe blanche, portant une croix en sa main. Cette croix ayant été aperçue par le diable, il s'enfuit de là, en disant : La vertu de Jésus-Christ, ô Pierre, qui est en toi, m'a enchaîné et chassé, et je laisse Pauline libre et saine.

Ses parents demeurèrent tout surpris de voir Pierre devant eux sans chaînes, et leur fille guérie. Ils se jetèrent incontinent aux pieds du saint, confessant que Jésus-Christ était vrai Dieu, et demandant le baptême : tous ceux de sa maison firent de même, et trente autres personnes, au bruit de ce miracle, accoururent chez Artémie, qui déchaîna les criminels pour les amener à saint Pierre, lesquels ayant appris le grand miracle que Notre-Seigneur avait opéré en lui, se convertirent et furent tous baptisés par saint Marcellin, prêtre, que saint Pierre appela pour cet effet.

11 fut plus d'un mois en la maison d'Artémie, catéchisant et enseignant à ces nouveaux chrétiens les admirables mystères de notre sainte Religion, et les confirmant en la foi, d'autant que le juge Sérène était pour lors malade. Sitôt qu'il fut guéri, il envoya dire à Artémie qu'il lui amenât les chrétiens qui étaient dans les prisons. Artémie, leur baisant humblement les mains, leur dit que ceux qui désiraient le martyre se préparassent courageusement au combat, et quant à ceux qui s'en voudraient aller, que toutes les portes étaient ouvertes.

Le lendemain au matin il alla trouver le juge, et lui raconta ce qui se passait; et que Pierre et Marcellin n'avoient jamais voulu sortir de la prison, quoiqu'il les en eût priés, et laissé les portes ouvertes. Sérène s'en fâcha étrangement, fit prendre Artémie et le fit fouetter avec de» plombs, puis le renvoya en prison. Il fit amener devant lui Pierre et Marcellin. Du commencement il tâcha de les gagner par la douceur ; mais voyant que c'était en vain, et que Marcellin lui répondait constamment, il commanda aux soldats de sa garde de lui donner des coups de poing sur le visage ; ils lui en donnèrent tant qu'ils s'en lassèrent. Le méchant juge ordonna qu'on le séparât d'avec Pierre, et qu'on le remmenât en prison, qu'on l'étendit sur le carreau semé de verre cassé, et qu'il demeurât sans clarté, ni de quoi boire ni manger : puis se retournant vers Pierre d'un visage enflammé, il lui dit : Ne pense pas que je te veuille encore une fois tourmenter sur les tréteaux, et te faire brûler les côtés avec des torches allumées : demain je te ferai attacher à un poteau, et dévorer des bêtes farouches.

Le saint exorciste lui répondit : Je ne sais pourquoi on vous nomme Sérène, étant si rempli de nuées et de ténèbres, vous qui commandez qu'on batte et emprisonne Marcellin, qui est ami de Dieu, au lieu de le supplier d'intercéder pour vous, afin que Notre- Seigneur vous délivre des peines éternelles qui vous sont préparées.

Sérène s'irrita davantage des discours de Pierre, et le fit enchaîner et conduire dans la prison, où il fut mis en un cachot. Notre-Seigneur n'oublia pas ses deux serviteurs, car il envoya un ange qui apparut à Marcellin, lequel était eu oraison étendu sur le verre cassé; il lui fit prendre ses habits, et lui ordonna de le suivre au lieu où Pierre était enfermé ; il le délivra aussi, et les mena dans la maison où étaient ceux qui avoient été baptisés depuis peu, qui priaient unanimement Dieu. L'ange leur dit qu'ils demeurassent là sept jours avec ces nouveaux chrétiens pour les encourager et les confirmer en la foi, puis après qu'ils s'allassent présenter au juge Sérène.

Celui-ci envoya le lendemain à la prison pour en tirer Pierre et Marcellin, mais on ne les trouva plus. Sérène en pensa perdre l'esprit et lâcha toute sa fureur contre Artémie et Candide sa femme, ainsi que leur fille Pauline, qu'il commanda d'enterrer tout vifs. Le lendemain, comme on les menait pour exécuter cette cruelle sentence, saint Pierre et saint Marcellin vinrent au devant d'eux pour les animer, et leur représenter la récompense que Dieu leur donnerait s'ils combattaient vaillamment. Les méchants ministres de Sérène, les ayant reconnus, se saisirent d'eux : puis ils tranchèrent la tète à Artémie, et jetèrent Candide et Pauline en une fosse qu'ils comblèrent de grosses pierres qui servirent à faire leur tombeau.

Le juge commanda que l'on emmenât Pierre et Marcellin en un bois écarté de la ville, que l'on nommait la forêt Noire, et qui depuis s'appelle la forêt Blanche : le Pape saint Damase ajoute que les saints nettoyèrent avec les mains le champ, qui était couvert d'épines, pour y faire leur sacrifice à Dieu. Les deux glorieux martyrs s'embrassèrent et s'entredonnèrent le baiser de paix avec une grande dévotion et tendresse, et s'étant agenouillés et mis en oraison, ils furent décapités. Deux saintes dames, Lucine et Firmie, enlevèrent leurs corps, et les enterrèrent près du sépulcre de saint Tiburce, martyr, par le commandement du même Tiburce.

Saint Damase sut toute cette histoire (ayant été ordonné lecteur) par le même bourreau qui les décapita, lequel était nommé Dorothée ; depuis, étant devenu évêque, il fit des vers à la louange de ces saints, où il décrit leur martyre. Le même bourreau dit publiquement qu'il avait vu les âmes de ces bienheureux martyrs vêtues de blanc être conduites au ciel par les anges : ce qui lui donna du remords, et lui fit faire pénitence de son péché après qu'il eut été baptisé, en sorte qu'il acheva saintement sa vie.

L'Église place le martyre de ces saints le 2 juin de l’an 302. L'empereur Constance édifia une église de leur nom en la rue Lavicane, et la dota de grands revenus et possessions. Il y a encore à Rome une autre église dédiée aux mêmes saints. On apporta de leurs reliques en France du temps de Grégoire IV, et la ville de Crémone gagna une victoire signalée, l'an 1213, contre les Milanais, par l'intercessions de saint Pierre et de saint Marcellin, auxquels tout le peuple demanda secours : à l'instant on vit sortir de dessus leur autel deux colombes blanches, et lors du combat les soldats de Crémone virent devant eux deux jeunes hommes montés sur des chevaux blancs qui renversaient les bataillons de leurs ennemis , et leur donnaient la chasse, ainsi qu'il est rapporté par Charles Sigonius, livre 16e du Royaume d'Italie, l'an 1213.

Les Martyrologes romain, de Bède, d'Usuard et d'Adon font mention de ces saints ; ainsi que les actes de leur martyre rapportés par Laurent Surius et le cardinal Baronius.

 

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