La naissance de
Marguerite fut dès plus illustres, puisqu'elle avait pour père Bêla
IV, roi de Hongrie. Ses parents,
qui l'avaient consacrée au Seigneur
par un vœu, dès avant sa naissance, l'envoyèrent, à l'âge de trois
ans et demi, dans le couvent des Dominicaines de Vesprin. Le roi
ayant ensuite fondé un monastère du même ordre dans une île du
Danube, Marguerite y fut transférée; elle y fit profession deux ans
après, c'est-à-dire à l'âge de douze ans. La ferveur suppléa en elle
au nombre des années, et lui mérita ces communications intimes de
l'Esprit saint, qui ne sont que pour les âmes parfaites. "Elle
faisait ses délices delà pratique de l'abjection la plus entière. On
l'eût sensiblement mortifiée en l'entretenant de sa naissance ; elle
eût mieux aimé devoir le jour à des pauvres qu'à des rois. Il est
étonnant jusqu'à quel point elle portait l'amour de la pénitence.
Elle couchait sur le plancher de sa chambre, qu'elle ne couvrait que
d'une peau fort rude, et elle n'avait qu'une pierre pour chevet.
Quand elle voyait punir ses sœurs pour quelque transgression de la
règle, elle portait une sainte envie au bonheur qu'elles avaient de
pouvoir pratiquer la mortification. Si Dieu l'affligeait de maladie,
elle cachait son état avec le plus grand soin, pour n'être pas
obligée d'user des adoucissements permis aux malades. Sa douceur
était admirable ; et pour peu qu'une de ses sœurs parût avoir contre
elle le moindre sujet de mécontentement, elle allait se jeter à ses
pieds pour lui demander pardon. Marguerite eut, dès son enfance, une
tendre dévotion envers Jésus crucifié. Elle portait continuellement
sur elle une petite croix faite du bois de celle du Sauveur, et
l'appliquait souvent sur sa bouche, la nuit comme le jour. On
remarquait qu'à l'église elle priait par préférence devant l'autel
de la croix. On lui entendait prononcer très-fréquemment le nom
sacré de Jésus, de la manière la plus affectueuse. Les larmes
abondantes qui coulaient de ses yeux pendant la célébration des
divins mystères, et à l'approche de la sainte communion, annonçaient
assez ce qui se passait dans son cœur. La veille du jour qu'elle
devait s'unir à Jésus- Christ par la réception de sa chair adorable,
elle ne prenait pour toute nourriture que du pain et de l'eau ; elle
passait aussi la nuit en prières. Le jour de la communion, elle
priait à jeun jusqu'au soir, et elle ne mangeait qu'autant qu'il
était absolument nécessaire pour soutenir son corps. Son amour pour
Jésus-Christ la portait encore à honorer spécialement celle de qui
il a voulu naître dans le temps. De là cette joie qui éclatait sur
son visage lorsqu'on annonçait les fêtes de la Mère de Dieu. Elle
les célébrait avec une piété et une ferveur dont il y a eu peu
d'exemples.
Une âme aussi
sainte que celle de Marguerite ne pouvait avoir d'attachement aux
choses terrestres. Morte au monde et à elle-même, elle ne soupirait
qu'après le moment qui la réunirait à son divin époux. Ses désirs
furent enfin accomplis ; elle tomba malade, et mourut à l'âge de
vingt-huit ans, le 18 janvier 1271. Son corps est dans la ville de
Presbourg. Quoiqu'elle n'ait jamais été canonisée, on ne laisse pas
d'en faire l'office en Hongrie, surtout chez les Dominicains de ce
royaume. Son culte a été autorisé par un décret du pape Pie II.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card. |