Marguerite Marie
(1647-1690)

La Messagère du Sacré-Cœur

“Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à épuiser et se consumer  pour leur témoigner son amour; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’Amour.

Mon Dieu, mon unique et mon tout,
Vous êtes tout pour moi et je suis toute pour Vous !

La vie de Sainte Marguerite-Marie est de celles dont on dit qu’elles sont admirables, mais non imitables, ou du moins très difficilement imitables.   Marguerite Alacoque, plus connue sous le nom de Marguerite-Marie, son nom religieux de Visitandine de Paray-le-Monial, naquit le 22 juillet 1647, dans le Charolais, d’une famille de notaires, donc appartenant à la bourgeoisie aisée. Malheureusement son père mourut très jeune, à l’âge de quarante ans, le 11 décembre 1651. Marguerite n’avait que huit ans. Elle est alors placée en pension chez les Clarisses de Macon, mais de 1657 à 1661 elle est atteinte d’une maladie osseuse qui la tient paralysée pendant près de quatre ans. Après s’être consacrée à Marie, pour toujours, elle retrouva subitement la santé.

Marie lui apparaît alors une première fois, mais une nouvelle épreuve l’attendait. Sa mère, Madame Alacoque, qui ne connaissait rien à la gestion des affaires, et particulièrement de ses biens fonciers importants, signa, en faveur de son beau-frère, Toussaint Delaroche, une renonciation à ses revenus, en échange de laquelle son entretien et celui de ses cinq enfants devait être assuré. Malheureusement la famille Delaroche s’installa dans la maison, confisqua tout usage des biens de la maison et relégua la propriétaire au rang de domestique. Ce fut pour Marguerite et sa mère une douloureuse et longue période de persécutions. Démunie de tout, Marguerite est formée au plan spirituel, directement par le Seigneur Lui-même, qui lui fit comprendre que sa vie, ce serait la Croix.

Après bien des vicissitudes, Marguerite put entrer, en 1671, au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial. Après son postulat elle fut admise avec difficulté au noviciat: "La petite mystique entrait en extase trop fréquemment... Si elle voulait rester dans la congrégation, elle devait abandonner tous ces phénomènes insolites.” [1] Comme cela ne dépendait pas d’elle, elle se plaignit au Seigneur qui l’orienta vers l’obéissance à ses supérieures, Lui, Jésus, “se réservant la conduite de son intérieur et particulièrement de son cœur, dans lequel, ayant établi l’empire de son pur Amour, il ne le cèdera jamais à d’autres.” C’est alors que le Seigneur lui fit connaître le mystère de sa mort et de sa Passion, ce qui lui donna tant d‘amour pour la Croix qu’elle ne pouvait plus vivre un moment sans souffrir, mais, dit-elle, “souffrir en silence, sans consolation, sans soulagement ni compassion; et mourir avec ce Souverain de mon âme, accablée sous la Croix de toutes sortes d’opprobres, de douleur, d’humiliations, d’oublis et de mépris; ce qui m’a duré toute ma vie, laquelle par sa miséricorde, s’est toute passée dans ces sortes d’exercices, qui sont celles du pur Amour...”  

Le Seigneur lui dit quelques jours plus tard: "Tu ne dois plus avoir de volonté, que comme n’en ayant plus, en me laissant vouloir pour toi en tout et partout... vouloir comme ne voulant plus, sans jugement, sans désir, sans affection et sans volonté que celle de mon bon plaisir qui doit faire tous tes délices.” [2] Marguerite-Marie vécut dès lors une expérience d’amour absolu de Dieu, d’un amour plus fort que la mort, plus fort que la souffrance, de la puissance de l’amour brûlant du Christ, dans la paix et dans la joie. Jésus prépare celle qui sera sa messagère aux grandes apparitions de son Sacré-Cœur.

La première apparition eut lieu le 27 décembre 1673, devant le Saint Sacrement. Jésus la fit d’abord reposer longuement sur sa poitrine et lui découvrit les merveilles de son amour et les secrets inexprimables de son Cœur, secrets tenus jusqu’alors cachés. Jésus lui dit, entre autres: “Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes... que, ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre et qui contiennent les grâces sanctifiantes et salutaires pour les retirer de l’abîme de perdition.” C’est alors qu’eut lieu une grâce mystique excessivement rare: “...Après, Il me demanda mon cœur... et le mit dans le sien adorable, dans lequel Il me le fit voir comme un petit atome qui se consumait dans cette ardente fournaise, d’où, le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, Il le remit dans le lieu où Il l’avait pris, en me disant: voilà ma bien-aimée, un précieux gage de mon Amour qui renferme dans ton côté une étincelle de ses plus vives flammes, pour te servir de cœur et te consumer jusqu’au dernier moment... à présent, Je te donne le nom de la disciple bien-aimée de mon Sacré-Cœur.”  [3] 

La seconde grande manifestation du Cœur de Jésus eut lieu probablement au printemps de 1674. Marguerite-Marie écrit: “Le divin Cœur me fut présenté comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable. Il était environné d’une couronne d’épines qui signifiaient les piqûres que nos péchés Lui faisaient, et d’une croix au-dessus qui signifiait que, dès les premiers instants de son Incarnation, c’est-à-dire que ce Sacré-Cœur fût formé, la Croix y fut plantée, et Il fut rempli, dès ces premiers instants, de toutes ces amertumes qui devaient Lui causer les humiliations, pauvretés, douleurs et mépris que son humanité sacrée devait souffrir pendant tout le cours de sa vie et dans la sainte Passion... Il me fit voir que l’ardent désir qu’Il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition où Satan les précipite en foule, Lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes, avec tous les trésors d’amour, de miséricorde, de grâces, de sanctification et de salut qu’Il contenait.”

Le Cœur de Dieu, il convient de l’honorer sous la figure du Cœur de chair du Seigneur. Jésus promit que là où l’image de son Cœur serait exposée pour être honorée, Il répandrait ses grâces, et Il indiqua “que cette dévotion était comme un dernier effort de son Amour qui voulait favoriser les hommes, en ces derniers siècles de cette rédemption amoureuse, pour les retirer de l’emprise de Satan”  [4]

Un peu plus tard, probablement en juillet 1674, alors que le Saint Sacrement était exposé, Jésus se manifesta de nouveau d’une manière éclatante. Marguerite- Marie raconte : “Jésus-Christ mon doux Maître, se présenta à moi, tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée humanité sortaient des flammes de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine qui ressemblait à une fournaise; et s’étant ouvert, il me découvrit son tout aimant et tout aimable Cœur qui était la vive source de ces flammes. Ce fut alors qu’il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur Amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté à aimer les hommes dont Il ne recevait que des ingratitudes et des méconnaissances.” [5]  Le Sacré-Cœur ajoute ensuite quelques prescriptions pratiques: "Tu communieras tous les premiers vendredis de chaque mois. Et toutes les nuits du jeudi au vendredi Je te ferai participer à cette mortelle tristesse que J’ai bien voulu sentir au jardin des Oliviers.”  [6]

Ces consignes sont d’abord adressées à Marguerite-Marie, mais plus tard lui sera dévolue la tâche d’introduire dans l’Église ces deux exercices de piété en l’honneur de la Passion: la communion du premier vendredi du mois, et l’Heure Sainte dans la nuit du jeudi au vendredi.

Un an plus tard, entre le 13 et le 20 juin 1675, eut lieu la grande apparition, et probablement la révélation décisive. Découvrant son Cœur, Jésus lui dit: “Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épargné jusqu’à épuiser et se consommer (sic) pour leur témoigner son amour; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Mais ce qui m’est le plus sensible est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer mon Cœur, en communiant ce jour-là, et en lui faisant une réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels.”  [7]

Les révélations du Sacré-Cœur continuent. Un jour, tandis qu’elle filait du chanvre dans une petite cour, elle est saisie par une nouvelle extase: “Je me sentis d’abord toute recueillie intérieurement et extérieurement, et me fut en même temps représenté l’aimable Cœur de mon adorable Jésus plus brillant qu’un soleil; Il était au milieu des flammes de son pur amour, environné de séraphins qui chantaient d’un concert admirable: l’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour du Saint Cœur réjouit. Et comme ces esprits bienheureux m’invitèrent de m’unir avec eux dans ces louanges de ce divin Cœur, je n’osais pas le faire, mais ils m’en reprirent et me dirent “qu’ils étaient venus afin de m’associer pour lui rendre un continuel hommage d’amour, d’adoration et de louange, et que pour cela, ils tiendraient ma place devant le Saint Sacrement, afin que je le puisse aimer sans discontinuation par leur entremise et que, de même ils participeraient à mon amour, souffrant en ma personne comme je jouirais en la leur...”  [8] 

Il était inévitable, dans ces conditions, que Marguerite-Marie comblée de telles grâces extraordinaires fût rapidement incomprise, et même persécutée, y compris par ceux-là mêmes qui auraient dû la soutenir et la conseiller. Mais le Seigneur lui avait promis, peu de temps après sa profession, qu’Il lui enverrait “un sien serviteur”, spécialement préparé, pour la rassurer dans sa voie. C’est au début de l’année 1675 que Claude de la Colombière, jeune jésuite de trente quatre ans, est nommé supérieur de la Maison des jésuites de Paray-le-Monial. Dès qu’il se présente à la Visitation, Marguerite-Marie entend clairement ces paroles intimes: “Voici celui que Je t’envoie.”

Jésus veut montrer à sa confidente que ce prêtre est aussi, pour Lui, un instrument choisi pour la gloire de Dieu. Au cours d’une messe célébrée par le Père de La Colombière, la volonté de Dieu se manifesta: “Lorsque je m’approchai pour la sainte communion, Notre Seigneur me montra son Sacré-Cœur comme une ardente fournaise, et deux autres cœurs qui s’y allaient unir et s’abîmer, me disant: “C’est ainsi que mon pur amour unit ces trois cœurs pour toujours. Et après, Il me fit entendre que cette union était toute pour la gloire de son Sacré-Cœur, dont Il voulait que je lui découvrisse les trésors, afin qu’il en fît connaître et en publiât le prix et l’utilité; et que pour cela Il voulait que nous fussions comme frère et sœur, également partagés de biens spirituels.” Le Seigneur ordonne à Marguerite-Marie de rapporter ses paroles au Père de La Colombière qui est immédiatement certain de la véracité de la vision. Le 21 juin 1675, il se consacrera personnellement au Cœur adorable de Jésus.  [9]

Dès lors les apparitions et aussi les épreuves vont se multiplier pour Marguerite-Marie. Plusieurs de ses sœurs en religion la crurent possédée du démon et la traitèrent comme telle. En septembre 1676 le Père de La Colombière est envoyé en Angleterre. Il ne reviendra à Paray, malade, qu’en août 1681. Il y mourut le 15 février 1682, à l’âge de 41 ans.

En mai 1684, Marguerite-Marie, Sœur Alacoque, est élue assistante, et nommée directrice du noviciat le 31 décembre 1684. La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus se développe. Les apparitions continuent. Le 17 octobre 1690 elle mourait, comme elle l’avait prédit, entre les bras de deux de ses anciennes novices.    

Le Cœur de Jésus révélé à Sainte Marguerite-Marie

Nous avons rapporté ci-dessus les principales apparitions du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie, apparitions qui ont considérablement accéléré le culte à rendre au Cœur de Jésus et à l’Amour qu’il a pour les hommes. Mais les révélations de Jésus à sa confidente se sont poursuivies tout au long de sa vie. Dans ces révélations relativement peu connues, Jésus donne, non seulement une véritable image de ce qu’Il est vraiment, et de l’immensité de son Amour, mais Il présente comme un résumé de ses exigences envers tous les chrétiens, et plus particulièrement envers les âmes religieuses.

Le Cœur de Jésus, ce qu’il est

Mon amour règne dans la souffrance,
il triomphe dans l’humilité, et il jouit dans l’unité.

Le Cœur de Jésus, c’est d’abord l’Amour

Un jour, le Seigneur demanda à Marguerite-Marie à quelle fin il lui donnait ses grâces si abondamment. Il dit: “C’est pour te rendre comme un sanctuaire où le feu de mon amour brûle continuellement.” [10] Une autre fois le Seigneur lui découvrit son Cœur amoureux en disant: “Voici le Maître que je te donne, lequel t’apprendra tout ce que tu dois faire pour mon Amour. C’est pourquoi tu en seras la disciple bien-aimée.”  [11]

Un vendredi après la sainte communion, Notre Seigneur lui montra son Cœur. Marguerite-Marie raconte: “Une lumière sortait de la plaie de son adorable côté et s’élançait dans mon cœur, ce qui me faisait ressentir une très grande ardeur, avec ces paroles: c’est ainsi que mon Amour fait un continuel écoulement dans le cœur que je t’ai donné qui, par un autre écoulement, renvoie les biens dans leur source.”  [12]

Le Cœur de Jésus, et la plaie du côté

Jésus dit: “Voici la plaie de mon Côté pour y faire ta demeure actuelle et perpétuelle. C’est où tu pourras conserver la robe d’innocence dont je t’ai revêtue... vivant comme ne vivant plus, agissant comme n’agissant plus, mais Moi seul en toi.”  [13]

Une autre fois, pendant l’oraison, Jésus se présenta à sa confidente, couvert de plaies, et, “lui dit de regarder l’ouverture de son Sacré Côté qui était un abîme sans fond qui avait été fait d’une flèche sans mesure qui est celle de l’Amour... que c’était la demeure de tous ses amants, où ils rencontrent deux vies: l’une pour l’âme, l’autre pour le cœur. L’âme y rencontre la source des eaux vives pour se purifier et y recevoir la vie de la grâce que le péché lui avait ôtée; et le cœur y trouve une fournaise d’amour ardente qui ne le laisse plus vivre que d’amour. L’une s’y sanctifie et l’autre s’y consomme. (sic) Et comme l’entrée en est petite, il faut être petit pour y entrer et être dénué de toutes choses.” [14]

Le Cœur de Jésus et les âmes du Purgatoire.

A de très nombreuses reprises Marguerite-Marie fut invitée à prier pour les âmes du Purgatoire. Plusieurs personnes lui apparurent pour lui demander de prier pour leur soulagement. Tel, notamment un religieux bénédictin qui “tout d’un coup se présenta devant moi comme une personne toute en feu, dont les ardeurs me pénétrèrent si fort qu’il me semblait que je brûlais avec elle. L’état pitoyable où elle me fit voir qu’elle était en Purgatoire me fit verser d’abondantes larmes...”  [15] 

Le Cœur de Jésus, la Justice et la Miséricorde de Dieu

Dans la vie de Sainte Marguerite-Marie, l’Amour de Dieu, l’Amour de Jésus sont intensément présents. Mais si le Seigneur dévoile sa Miséricorde, sa Justice est souvent prédominante, ce qui donne à l’ensemble des révélations de Sainte Marguerite-Marie et de sa vie un aspect assez terrifiant pour les hommes du XXe siècle, aspect terrible tempéré toutefois par le fait que des âmes-victimes peuvent réparer et souffrir pour le salut des autres. A propos d’une âme religieuse infidèle Jésus déclara: “S’il ne s’amende, je lui ferai sentir le poids de ma justice vengeresse, puisqu’une âme juste peut obtenir le pardon pour mille âmes criminelles... Pleure et soupire sans cesse mon Sang répandu inutilement sur tant d’âmes qui en font un si grand abus... Malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives!... Il me fit connaître que la plus agréable prière que je pouvais faire... c’était de demander trois choses en son nom :

            – la première: offrir au Père éternel les amples satisfactions qu’Il a faites à sa justice pour les pécheurs sur l’arbre de la Croix, en le priant de rendre efficace le mérite de son Précieux Sang à toutes les âmes criminelles à qui le péché a donné la mort , afin que, ressuscitant à la grâce, elles le glorifient éternellement.

            – la deuxième: lui offrir les ardeurs de son divin Cœur pour satisfaire à la tiédeur de tant d’âmes lâches de son peuple choisi, en lui demandant que, par l’ardent amour qui lui a fait souffrir la mort, il lui plaise échauffer leur cœur tiède à son service et les embraser de son amour, afin qu’il en soit aimé éternellement.

            – la troisième: offrir la soumission de sa volonté à son Père éternel pour lui demander, par les mérites d’icelle, la consommation de ses grâces et l’accomplissement de toutes ses volontés.”  [16]

Pour sauver des âmes coupables, Marguerite-Marie eut à connaître la rigueur de la Justice de Dieu. Elle écrit: “Une autre fois, ce Souverain de mon âme me dit : Je te veux être toute chose – ta joie et ta consolation – mais Je serai aussi ton supplice.” Je connus l’effet de ces paroles... n’ayant jamais rien senti de si douloureux que cette sainteté de justice qui s’imprime dans l’âme d’une manière si terrible... Ce que je trouve de plus rigoureux, c’est la présence de mon Souverain lorsqu’Il m’en favorise en cet état. Il donne des impressions de sa pureté qu’il est impossible à l’âme de supporter, quand elle se voit dans un état si abominable.”  [17] 

Marguerite-Marie bénéficie souvent de l’assistance de son Ange Gardien, mais ”elle ne le voyait que lorsque son Seigneur lui cachait sa présence sensible pour la plonger dans les douleurs très rigoureuses de sa sainteté de justice.”  [18]

Cette sainteté de justice est celle qui écrasa Jésus au Jardin des Oliviers. Laissons parler Jésus, s’épanchant dans le cœur de sa confidente: “ C’est ici que j’ai plus souffert qu’en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délaissement général du Ciel et de la terre, chargé de tous les péchés des hommes. J’ai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m’a froissé en sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et l’amertume de sa juste indignation, et, comme s’il eût oublié le Nom de Père, pour me sacrifier à sa juste colère. Il n’y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que Je souffris alors. C’est cette même douleur que l’âme ressent, lorsqu’étant présentée devant le tribunal de la sainteté divine qui s’appesantit sur elle, la froisse, l’opprime et l’abîme en sa juste rigueur.” [19]  

Les exigences du Cœur de Jésus

L’obéissance et l’humilité

De sa confidente Jésus exigea une obéissance absolue à ses supérieures. Quand on lui commanda d’écrire ce qui se passait dans son âme, Marguerite-Marie ressentit beaucoup de répugnance pour le faire. C’est pourquoi le Seigneur lui dit: “Pourquoi refuses-tu d’obéir à ma voix et d’écrire ce qui vient de Moi et non de toi?”  [20] 

Un jour le Bien-Aimé se présenta devant Marguerite-Marie et, découvrant son Cœur, il lui fit lire ces paroles: “Mon amour règne dans la souffrance, il triomphe dans l’humilité et il jouit dans l’unité.” [21] Ou encore: "Voici une chose que cet Adorable Cœur demande de ses amis: la pureté dans l’intention, l’humilité dans l’opération et l’unité dans la prétention.”  [22] 

Jésus confia souvent des missions à sa bien-aimée, mais il exigeait toujours que ses demandes fussent soumises à l’obéissance. Alors que Marguerite-Marie redisait à Jésus qu’elle ne ferait que ce que sa supérieure lui ordonnerait, elle entendit sa réponse: “Je ne l’entends pas autrement, car tout puissant que Je suis, Je ne veux rien de toi qu’avec la dépendance de ta supérieure. Écoute bien les paroles de la bouche de la vérité: tous religieux séparés et désunis de leurs supérieurs se doivent regarder comme des vases de réprobation dans lesquels toutes les bonnes liqueurs sont changées en corruption sur lesquelles le divin soleil de justice venant à darder, opère le même effet que le soleil luisant sur la boue. Ces âmes sont tellement rejetées de mon Cœur que, plus elles tâchent de s’en approcher par le moyen des sacrements, oraison et autres exercices, plus je m’éloigne d’elles pour l’horreur que j’en ai.” [23]

Au cours de sa retraite de 1678, le Seigneur dit à sa confidente : “Lorsque Je te ferai connaître que la justice divine est irritée contre des pécheurs, ... tu M’offriras à mon Père Éternel... pour apaiser sa juste colère et fléchir sa Miséricorde à leur pardonner; et tu ne feras point de résistance à ma volonté lorsque Je te la ferai connaître, non plus qu’aux dispositions que Je ferai de toi par l’obéissance, car Je veux que tu Me serves d’instrument pour attirer des cœurs à mon Amour.” Et le Seigneur lui rappela qu’elle était la victime de son Cœur et qu’elle devait toujours être disposée à être immolée par la charité... Qu’elle devait toujours agir sans en avoir aucune prétention... car l’ouvrage n’appartient pas à l’outil dont le maître s’est servi pour le faire. Enfin le Seigneur assura: “Tu ne saurais me plaire davantage que par une constante fidélité à marcher sans détour dans les voies de ta règle.”  [24]

Jésus veut la charité dans les cœurs

Un soir, Jésus fit comprendre à Marguerite-Marie “qu’elle ne pouvait mieux lui témoigner son amour qu’en aimant le prochain pour l’amour de lui-même... et qu’elle devait oublier ses intérêts pour épouser ceux du prochain.“ C’était le rétablissement de la charité dans les cœurs qu’il demandait, “cette divine vertu prenant naissance dans le Cœur de Dieu même.”   [25]

Jésus veut que l’on s’abandonne à son amour et que l’on attende tout de Lui

Marguerite-Marie écrit: “Il voulait que je reçusse toute chose comme venant de lui, sans me rien procurer; et de Lui tout abandonner sans disposer de rien; Lui rendre grâce des souffrances comme de la jouissance... et offrir la peine que je souffrais pour les personnes qui m’affligeaient.”  [26]

Jésus a fait de Marguerite-Marie son épouse. Plus que d’autres elle doit s’abandonner, s’immoler et obéir comme une victime. Les lignes qui suivent doivent être lues avec beaucoup d’attention.

“Le Seigneur épousa mon âme en l’excès de sa charité... changeant mon cœur en une flamme de feu dévorant de son pur Amour... Toute destinée à rendre un continuel hommage à son état d’hostie et de victime au Très Saint Sacrement, je devais, en ces mêmes qualités Lui immoler continuellement mon être par amour d’adoration, d’anéantissement et de conformité à la vie de mort qu’il a dans la Sainte Eucharistie...

A son imitation il veut que je m’abandonne entre les mains de mes supérieures, quelles qu’elles puissent être... Mon Jésus a été obéissant jusqu’à la mort de la Croix, je veux donc obéir jusqu’au dernier soupir de ma vie, pour rendre hommage à l’obéissance de Jésus en l‘hostie, dont la blancheur m’apprend qu’il faut être une pure victime pour lui être immolée, sans tache pour Le posséder, pure de corps, de cœur, d’intention, d’affection; et pour se transformer toute en Lui, il faut mener une vie sans curiosité, d’amour et de privation, me réjouissant de me voir méprisée et oubliée, pour réparer l’oubli et le mépris que mon Jésus reçoit dans l’hostie.”   [27]

Alors qu’on venait de lui interdire d’exposer les images du Sacré-Cœur, et qu’affligée, Marguerite-Marie se plaignait à Jésus, Celui-ci lui dit: “Ne crains rien, je régnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui voudront s’y opposer.”  [28] Ou bien: “Pourquoi crains-tu, puisque je t’ai donné pour asile le lieu (le Cœur de Jésus) où tout est rendu facile.”  [29]

Jésus et la Croix

Jésus se présentera fréquemment à sa messagère à travers des épisodes de sa Passion: “Une autre fois, dans un temps de carnaval, cinq semaines avant le mercredi des Cendres, Il se présenta à moi après la sainte communion sous la figure d’un Ecce Homo, chargé de sa Croix, tout couvert de plaies et de meurtrissures. Son sang adorable découlait de toute part, disant d’une voix douloureusement triste: N’y aura-t-il personne qui ait pitié de Moi et qui veuille compatir et prendre part à ma douleur dans le pitoyable état où les pécheurs Me mettent, surtout à présent?”  [30] 

Parlant à son épouse, Jésus dit: “Souviens-toi que c’est un Dieu crucifié que tu veux épouser; c’est pourquoi il te faut rendre conforme à Lui, en disant adieu à tous les plaisirs de la vie, puisqu’il n’y en aura plus pour toi qui ne soient traversés par la Croix.”  [31]

Marguerite-Marie écrit: “L’Amour pur ne peut rien souffrir de dissemblable aux amants et ne donne point de repos qu’il n’ait rendu l’amante conforme à son Bien-Aimé. Autrement jamais elle n’en viendrait à l’union qui ne se fait que par la conformité. Mon Dieu m’ayant donc fait connaître que je me devais étudier à devenir une vivante image de son Amour crucifié et que, pour cela, il fallait travailler à la destruction de mon être et effacer en moi la figure du vieil Adam, afin qu’il pût imprimer la sienne en moi, qui me ferait vivre d’une vie toute crucifiée,...et que, lorsque cette image serait conforme à la sienne, il l’attacherait à la Croix.”  [32]

Il est bien évident que les exigences imposées à Sainte Marguerite-Marie sont exceptionnelles, mais il est tout aussi évident que nombreuses sont ces exigences d’une ascèse totalement oubliée de nos jours, qui s’adressent à tous les vrais chrétiens.

Un jour Jésus dit à Marguerite-Marie: “Mon Père  Éternel m’a livré entre les mains cruelles des impitoyables bourreaux pour me crucifier: et moi, Je me sers à ton égard, des personnes qui me sont dévouées et consacrées, et au pouvoir desquelles Je t’ai livrée.” [33] Car le Seigneur voulait aussi des sacrifices de l’esprit, et qu’elle soit “dans un continuel état de sacrifice.”  [34] 

Jésus veut tout de ceux qu’Il s’est choisis

S’adressant à Marguerite-Marie pendant son noviciat, Jésus lui fit comprendre “qu’Il ne voulait point d’un cœur partagé, et que, si elle ne se retirait des créatures, Il se retirerait d’elle.”  [35]

Jésus lui fit comprendre aussi “que lorsqu’Il faisait sa demeure dans une âme, Il voulait un entendement sans curiosité, un esprit sans jugement et un jugement sans volonté, et un cœur sans mouvements autres que ceux de son Amour  [36]... Car il faut tout quitter pour trouver Dieu. Notre cœur est fait pour Dieu, malheur donc à lui s’il se contente de moins que de Dieu ou s’il se laisse brûler d’autre feu que de celui de son pur amour!“ Jésus lui apprit cette prière: “Mon Dieu, mon unique et mon tout, Vous êtes tout pour moi et je suis toute pour Vous!”  [37]

Quelques conseils concernant le discernement des esprits [38]

Marguerite-Marie, craignant toujours d’être trompée par Satan dans les faveurs qu’elle recevait, récapitule les marques que lui donne son Seigneur pour reconnaître les grâces qui viennent de Lui:

            – En premier lieu, que ces faveurs soient toujours accompagnées de quelque humiliation, contradiction ou mépris.

            – Qu’après avoir reçu ces grâces, elle se sente plongée dans un abîme d’anéantissement et de confusion intérieure qui lui fasse reconnaître son indignité.

            – Que ces grâces et connaissances ne produisent en elle aucune pensée de mésestime envers le prochain quelle que soit l’étendue de ses misères.

            – Ces grâces doivent la conduire à toujours plus d’obéissance.

Paulette Leblanc


[1] “Sainte Marguerite -Marie, la Messagère du Sacré-Cœur”  d’Yvan GOBRY- Éditions TÉQUI.

[2] “Sainte Marguerite -Marie, la Messagère du Sacré-Cœur”  d’Yvan GOBRY  - Éditions TÉQUI - Chapitre 2.

[3] “Sainte Marguerite -Marie, la Messagère du Sacré-Cœur”  d’Yvan GOBRY  - Éditions TÉQUI - Chapitre 3.

[4] “Sainte Marguerite -Marie, la Messagère du Sacré-Cœur”  d’Yvan GOBRY  - Éditions TÉQUI - Chapitre 3.

[5] “Autobiographie”  N° 55 et 56.

[6] “Autobiographie”  N° 57.

[7] “Autobiographie”  N° 92.

[8] “Autobiographie”  N° 101.

[9]  “Autobiographie”  N° 82.

[10] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  35.

[11] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  37.

[12] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  59.

[13] “Mémoires des contemporaines”  N°  76.

[14] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page 33.

[15] “Autobiographie”  N° 98.

[16] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page 34.

[17] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  36.

[18] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  51.

[19] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  56.

[20] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page 21.

[21] “Mémoires des contemporaines”  N° 88.

[22] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 1 - page 445.

[23] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  70.

[24] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  88.

[25] “Mémoires des contemporaines”  N° 68.

[26] “Autobiographie”  N° 91.

[27] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  91.

[28] “Autobiographie”  N° 95.

[29] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page 21.

[30] “Autobiographie”  N° 108.

[31] “Mémoires des contemporaines”  N° 70.

[32] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page 30.

[33] “Autobiographie”  N° 86.

[34] “Autobiographie”  N° 90.

[35] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul - tome 2  - page 15.

[36] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul - tome 2  - page 18.

[37] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  60.

[38] “Vie et œuvres de Sainte Marguerite-Marie” - Éditions Saint Paul -  Tome 2 - page  77.

 

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