DES QUAIS DE LA LOIRE
AUX RIVES DU SAINT-LAURENT
Marie Guyart (c'était le nom de famille de Marie de l'Incarnation), née en
1599, épousa en 1617 Claude Martin, un fabricant de tissus et de soieries à
Tours en France dont elle eut un fils qu'on prénomma Claude
comme son père. A 20
ans, elle était veuve. Son mari était mort en lui laissant son enfant à élever
et une entreprise sur le bord de la faillite.
Premières grâces (1599-1619)
Marie Guyart, comme beaucoup des ancêtres québécois, était de constitution
robuste et ne se laissait pas écrasée facilement par les problèmes. Elle prit en
main l'entreprise de son mari, régla les dettes, liquida les biens et se retira
chez son père avec son jeune fils. Plusieurs prétendants se présentent. Elle
préfère attendre avant de se remarier. Elle se consacre à son fils et à son
vieux père. Pendant cette période plus calme de sa vie, elle voit son goût de
Dieu se développer. Déjà dans son enfance , elle nous raconte qu'elle avait une
'pente au bien' et qu'elle aimait bien rendre service autour d'elle. Maintenant
qu'elle est plus libre, elle va suivre de plus ce penchant.
Les étapes unitives (1619-1631)
Un matin de mars 1620, le 24 mars plus précisément, alors qu'elle s'en va
à la messe , elle fait une expérience bouleversante. Elle n'avait jamais saisi
dans le fond d'elle-même que Dieu l'aimait telle qu'elle était, qu'il avait
donné son Fils pour son salut. Ce matin-là, elle se voit comme plongée dans le
sang du Christ. A 55 ans , elle se rappelle encore ce jour comme celui d'un
nouveau départ dans sa vie " Je m'en revins à notre logis, changée en une autre
créature, mais si puissamment changée que je ne me connaissais plus moi-même"
écrira-t-elle à son fils en 1654.
Dans les années qui suivent , Marie met de côté les projets de mariage.
Elle accepte d'aller aider sa soeur et son beau-frère. Elle fera tous les
travaux ménagers, elle s'occupera des employés malades et finalement elle
dirigera l'entreprise de son beau-frère lors de ses nombreuses absences. C'était
une entreprise de transports de marchandises par bateau sur la Loire.
"Quelquefois, écrit-elle, il était minuit que j'étais sur le port à faire
charger ou décharger des marchandises. Ma compagnie ordinaire était des
crochetiers, des charretiers (nous dirions aujourd'hui des débardeurs)."
Par toute cette vie assez occupée, Marie Guyart ne se sent pas éloignée de
Dieu qu'elle a rencontré. Au contraire, parce qu'elle peut venir en aide à
toutes sortes de gens , les encourager, les soigner, leur parler de Jésus, elle
est sûre qu'elle répond de cette façon à l'appel de Dieu. Sa rencontre avec le
Seigneur continuera de se faire à travers la vie quotidienne et concrète. Son
fils grandit. Sa vie spirituelle s'épanouit. Elle connaît des moments pour elle
inoubliables en la présence de Dieu dans la prière comme en 1627 où elle se voit
liée à Jésus comme en un mariage spirituel et mystique. Sa vie n'en sera pas
changée extérieurement. Ce qui comptera encore plus pour Marie, ce sera de vire
l'Évangile de Jésus. Les "maximes de l'Evangile", comme elle dit, seront là pour
la guider où Dieu voudra.
La vocation missionnaire (1631-1647)
En entrant dans la trentaine, Marie Guyart ne se doutait pas encore que
son amour de Dieu et son goût du service la conduiraient en Nouvelle-France
comme missionnaire dans pays de froidures, de chasses et de commerce de peaux de
castors. Québec à ce moment était un petit village de 300 personnes à peine.
Après être entrée dans la congrégation des religieuses Ursulines en 1631, tout
en souffrant de se séparer de son fils, elle avait senti que le Seigneur la
préparait à d'autre chose. On lui proposa d'aller en Nouvelle-France et elle
décida d'accepter. Le 1 août 1639, elle débarquait à Québec avec quelques
compagnes. Il fallait se bâtir un logis, puis commencer à apprendre les langues
indiennes, car le but de ce petit groupe d'Ursulines était l'éducation des
enfants des colons et des jeunes indiennes.
L'état consommatif et permanent (1647- 1672)
Dans cette période de la vie de Marie de l'Incarnation (c'est le nom
qu'elle avait pris en entrant chez les Ursulines), les épreuves ne font pas
défaut comme par exemple l'incendie du monastère en plein hiver en 1650 dans la
nuit du 30 au 31 décembre.
Conclusion
Ce qui nous frappe chez Marie de l'Incarnation C'est qu'elle ne retourne
jamais en arrière. Favorisée d'un grand sens pratique et d'une confiance
inébranlable en Dieu, elle vit ses soucis, son enseignement, ses responsabilités
dans la paix. "Dieu luit au fond de mon âme, qui est comme dans l'attente"
écrira-t-elle en ajoutant que toutes ses occupations ne lui font pas perdre de
vue la présence de Dieu dans sa vie. Elle est parvenue à une intégration
spirituelle remarquable du service de ses frères et soeurs et de la communion
intime avec Dieu au fond d'elle-même. Après une brève maladie, elle meurt en
1672. Elle avait voulu de toutes ses forces contribuer à l'annonce de l'Evangile
dans ce nouveau pays où elle apprit à vivre de façon différente sa fidélité au
Seigneur
Mariée et mère de famille, gérante du commerce de son beau-frère,
éducatrice des enfants sur les rives du St-Laurent, Marie Guyart s'est appliquée
à répondre de tout son coeur aux appels que le Seigneur lui a fait au cours de
sa vie. Elle a vécu simplement, n'a pas eu peur de prendre de nouveaux départs
et surtout elle s'est attachée à cette lumière de l'Evangile qui l'a soutenue et
réjouie bien souvent. "Dieu ne m'a jamais conduite par un esprit de crainte,
mais par celui de l'amour et de la confiance" dira-t-elle en 1668, quelques
années avant sa mort.Elle a été déclarée bienheureuse par le pape Jean-Paul II,
le 22 juin 1980. Sa sainteté est ainsi reconnu de façon officielle par l'Eglise.
On peut souhaiter qu'un jour elle devienne comme Thérèse d'Avila et Catherine de
Sienne Docteur de l'Eglise.
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