Troisième partie
LES Œuvres
DE Marie Lataste
(1822-1847)

 

Chapitre VI
 

Spécificités de la morale chrétienne

 

La religion chrétienne n'implique pas que des épreuves, des obligations ou des contraintes. En fait, le but réel de la religion catholique, c'est le bonheur de l'homme. Dieu a créé l'homme par Amour et pour qu'il soit heureux. Alors pourquoi tous ces malheurs qui ont accompagné l'histoire de tous les peuples de tous les temps? Nous savons que c'est le péché qui a introduit le malheur dans les sociétés humaines. Dieu avait dit: "Tu ne tueras pas!" Or depuis Caïn les hommes ne cessent de s'entretuer. Comment seraient-ils heureux?

Pour tenter de réparer cette situation intolérable, Dieu a donné aux hommes un mode d'emploi et sa notice explicative qui permettent d'accéder au bonheur: ce sont ses commandements, lesquels se résument en un seul: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, et ton prochain comme toi-même." Les autres commandements ne sont que le mode d'emploi, la notice explicative détaillée à mettre en œuvre, pour que les hommes, encore trop soumis aux tentations de leur ennemi puissent être heureux. En effet, les hommes ne savent pas encore très bien aimer leur prochain. Alors, le Verbe de Dieu s'est incarné en Jésus, vrai Dieu et vrai homme, et il est venu chez nous, pour nous apprendre à aimer.

Mais toujours aimer, même ses ennemis, même ceux qui nous persécutent, même ceux que l'on n'a pas toujours envie d'aimer, ce n'est pas facile: aussi Jésus a-t-il complété la mise en œuvre des commandements divins par des précisions concernant la notice explicative; il nous a donné les béatitudes.

Toute la vie de Jésus a été tendue vers ce but fondamental: nous apprendre à aimer: aimer Dieu, aimer son prochain. Si les hommes font cela, ils seront heureux, car ils seront vraiment dans la volonté de Dieu. Pour nous faire comprendre la véritable volonté de Dieu, Jésus nous a d'abord donné l'exemple de sa vie si riche de toutes les vertus. Puis, afin de nous faire comprendre que l'amour véritable, c'est le bonheur, il nous a montré comment les commandements aboutissent aux béatitudes.

Dans ce chapitre, nous traiterons d'abord des vertus, théologales et morales dont Jésus a très longuement parlé, puis nous rapporterons ce qu'il a enseigné à Marie Lataste, à propos de la pureté, béatitude essentielle. En effet, "Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu!" Nous verrons aussi que Dieu nous aide à mettre en pratique les vertus qu'il exige de nous en nous donnant ses grâces et les dons du Saint-£Esprit.

1
Les vertus théologales
(Livre 8, chapitre 7)

       

La grâce sanctifiante, dont nous parlerons plus loin, met dans l'âme:

– les vertus théologales: foi, espérance et charité pour la diriger vers Dieu,

– les vertus cardinales de justice, de force, de prudence et de tempérance pour la diriger dans ses rapports avec les créatures, et

– les sept dons du Saint-Esprit pour la disposer à recevoir les mouvements qu'il donne à ceux qui veulent se sauver.

1-1-La foi

Jésus décrit la foi, en explicitant tour à tour tout ce qu'elle désigne: "La foi désigne le jugement intérieur de l'âme, la bonne ou mauvaise foi. Elle désigne aussi la fidélité à tenir un pacte ou une promesse; c'est la confiance que l’on a en la parole de quelqu'un ou l'inclination par laquelle quelqu'un donne son assentiment, sans crainte d’être trompé, à ce qu'il ne voit pas pourtant d'une manière précise.

          1-1-1-La vertu de foi

La foi désigne un des dons gratuits de Dieu par lequel on a une certitude suréminente des choses qu'on doit croire. Le caractère distinctif entre les chrétiens et ceux qui ne le sont pas, c'est le baptême." Pour entrer dans les détails, il faut ajouter, que "la foi désigne la matière ou la réunion des vérités qu'il faut croire, ou les symboles. C'est aussi une habitude qui informe les œuvres et leur donne vie. Enfin, dit Jésus, il y a la foi théologique, la vertu surnaturelle de foi...

La vertu de foi, ma fille, est une habitude surnaturelle que Dieu met dans l'âme et qui lui donne la conviction ferme et l’assentiment libre aux vérités qu'il a révélées, et que l’Église catholique propose à sa croyance. C'est  une vertu surnaturelle, un don de Dieu... Elle enlève toute crainte d’erreur dans ce que l’on croit... elle produit l’assentiment de la volonté, assentiment libre et non forcé, comme celui des démons, qui croient, eux aussi, mais avec nécessité. La foi se porte sur les vérités que Dieu a révélées et que l’Église catholique propose à sa croyance. Il a institué l’Église pour cela. Celui qui a la vertu de foi croit ces vérités réalité divine, sans peine ni difficulté... Celui qui a la vertu de foi est convaincu de ces vérités, bien qu'il ne les comprenne pas... Celui qui a la foi, a en lui le commencement de la vie éternelle, c’est-à-dire qu'il possède par la croyance ce qu'il ne voit point, mais qu'il espère... ce vers quoi il tend par le mouvement de son intelligence et l'assentiment de sa volonté.

La foi est la première des vertus et le fondement des autres vertus. Elle est avant l’espérance, parce que pour espérer il faut savoir ce qui fait l’objet de cette espérance. Elle est avant la charité, parce que la charité c'est l'amour, et pour aimer, il faut connaître l’objet de cet amour. Or, la foi fait connaître Dieu... C'est donc sur elle que reposent l’espérance et la charité... L'espérance ne peut exister sans la foi. La charité aussi, du moins ici-bas, demande la foi pour exister... La foi et l’espérance n’existeront point dans l’éternité parce que dans le ciel on voit Dieu face à face...  Dans le ciel on possède Dieu, par conséquent on ne l’espère plus...

La foi doit être une en ce qui concerne son objet; tous doivent croire la même chose: Dieu et les révélations de Dieu. Elle est une aussi, quant à sa fin: elle ne dirige que vers la possession de Dieu. La foi doit être catholique et universelle, c’est-à-dire qu'elle doit s’étendre à toutes les vérités sans exception... et embrasser le bien universel du temps et de l’éternité, Dieu. Elle doit être vraie, car si elle était erronée, elle ne serait plus foi, mais erreur... La foi doit nécessairement porter sur la vérité, c’est-à-dire sur Dieu. La vertu de foi repose dans l’intelligence et dans la volonté. Dans l’intelligence comme dans le lieu spécial de sa demeure... dans la volonté, comme force de ce regard et comme assentiment à l’existence de ce qui est vu.

          1-1-2-L'acte de foi

L’acte de foi intérieur est triple. Il peut porter sur Dieu d’une manière générale, tel qu'il est en lui-même: trinité et unité... L’acte de foi peut porter sur Dieu, vérité infaillible et éternelle... Enfin, l’acte de foi peut être un acte de l’intelligence que la volonté détermine à tendre vers Dieu... vérité et bonté suprême.

L’acte de foi extérieur, triple aussi... se manifeste de trois manières.

Tout d'abord ce peut être la reconnaissance publique de tous les articles de foi... Si vous étiez citée devant le tribunal d’un prince, d’un juge ou d’un magistrat, dit Jésus à Marie Lataste, et qu’on vous interrogeât sur votre foi, vous seriez obligée de la manifester... Cette confession de sa foi est, vous le comprenez, ma fille, un des actes les plus glorieux du chrétien. Confesser sa foi, en effet, c'est honorer et glorifier Dieu; confesser sa foi, c'est être son défenseur; confesser sa foi, c'est confondre les incrédules; confesser sa foi, c'est édifier son prochain et lui donner le bon exemple. Le second acte extérieur de foi, c'est l’acte d’adoration de Dieu par le culte extérieur qu'on lui rend pour reconnaître ses divins attributs. Le troisième acte extérieur de foi, c'est la confession de ses péchés par laquelle on reconnaît avoir offensé Dieu, et par laquelle aussi on lui demande pardon et oubli de ses offenses.

La foi est nécessaire au salut, ma fille... Il y a deux mouvements essentiels de l'homme... le mouvement vers l’existence et le mouvement de retour vers Dieu. Le mouvement vers l’existence, c'est le don de tout ce qui convient à la nature humaine; le mouvement de retour vers Dieu, c'est le mouvement que la nature divine, supérieure à la nature humaine, donne à celle-ci pour la diriger dans le bien. Avec ce mouvement, on va droit au bien, droit à Dieu, droit à l’éternelle félicité. Or, la première condition pour la réception de ce mouvement, c'est la foi qui fait connaître Dieu, qui fait tendre vers lui en appréciant ce qui est en lui et ce qu'il veut mettre en vous... Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, parce que c'est repousser Dieu. Sans la foi on ne peut être sauvé, parce qu'on n'est pas uni à Dieu...

          1-1-3-Que devons-nous croire?

Ma fille, que devez-vous croire? La vérité: la vérité éternelle, la vérité qui demeure toujours et demeurera dans les siècles des siècles. La vérité, c'est Dieu; la vérité, c'est moi. Je suis l’expression personnelle de la vérité... Je suis la vérité première qui contient toutes les autres vérités, la vérité qui les rassemble toutes, et toutes les vérités réunies en moi ne font qu’une vérité: la vérité de Dieu ou Dieu, vérité éternelle. Vous devez croire la vérité première. Vous devez croire aussi les autres vérités qui découlent de moi et par lesquelles vous êtes aidée à tendre vers moi. La manifestation de la vérité première à une âme attire cette âme vers la vérité. Pour l’attirer plus facilement, cette vérité se manifeste sous diverses formes, et, comme autant de liens, elles viennent l’enlacer doucement et la porter vers Dieu.

Ainsi, tout ce qui a rapport à la divinité, en tant qu’elle est Dieu en trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, ce qui a rapport à mon humanité, à mon Église, aux sacrements que j’ai institués, sont autant de formes diverses de la vérité première qui se présentent à l'homme et lui disent: 'Crois et marche vers Dieu!' Toutes ces vérités sont renfermées dans les symboles de l’Église et les décisions qu’elle porte sur la vérité première, décisions qui lui sont inspirées par Dieu lui-même. Ces vérités, l'homme ne les comprend pas dans leur nature intime, parce que la vérité c'est Dieu, mais il les croit parce qu’elles viennent de Dieu.

La foi, ma fille, est donnée par Dieu, cause première de la foi. Mais la foi a plusieurs causes secondaires qui la produisent: la révélation, la vision des miracles... et l’assentiment de l’âme à ce qu'il faut croire.

La révélation est cause de la foi. Comment avoir la foi, en effet, si Dieu ne révèle pas ce qu'il faut croire... La foi véritable est une foi vivante, et pour qu’elle vivre, il lui faut une nourriture, un objet qu’elle saisisse: la  révélation.

La vue des miracles est cause de la foi, non seulement en ce sens que les miracles sont opérés par Dieu, mais en ce sens que Dieu doit exciter la foi par la vue des miracles...

L’assentiment de l’âme à la vérité est une cause de la foi... en ce sens que Dieu donne à l’âme l’inclination et la force pour arriver à la foi.

          1-1-4-Les avantages de la foi

La foi est une arme contre le monde... Par la foi, on repousse la concupiscence de la chair... la concupiscence des yeux, parce qu’on sait que la seule richesse que les voleurs ne peuvent point enlever, c'est Dieu. Par la foi on repousse l’orgueil de la vie, parce que la vue d’un Dieu humilié, crucifié et mort pour les hommes fait connaître la misère et le péché de l'homme qui ne lui permet pas de s’enorgueillir.

La foi est un bouclier contre Satan et contre ses traits. Vainement cherchera-t-il à frapper celui qui a la foi, à l’entraîner dans la révolte, à le faire tomber dans le péché. Celui qui a la foi sait que Satan veut sa perte et sa damnation, il sait que Dieu veut son salut et son bonheur; il écoutera Dieu et repoussera Satan. La foi est par conséquent un éloignement du péché... 

La foi produit la sanctification du cœur. Elle fait fuir le péché, par conséquent elle conserve la grâce, qui est état de sainteté... Elle fait avouer le péché quand on a eu la faiblesse de le commettre; elle fait expier par la pénitence...

La foi produit la crainte... de la séparation de Dieu, la crainte de ne point l’aimer, de ne point le servir fidèlement. Elle opère des prodiges: celui qui a la foi transporte des montagnes... Elle relève la dignité de l'homme et le déifie en le faisant participer à la vie divine... Enfin, la foi assure la vie éternelle, parce que celui qui a la foi vit dans la justice, opère des œuvres bonnes et saintes qui seront l’objet de sa récompense dans l’éternité. Il faut désirer la foi de plus en plus... (Livre 8, chapitre 7)

1-2-L'espérance (Livre 8, chapitre 8) 

Après avoir longuement perlé de la foi, Jésus aborde l'espérance. Il commence par présenter les trois sortes d'espérance: l’espérance naturelle, l’espérance surnaturelle et l’espérance criminelle.

– L’espérance naturelle est une inclination qui se trouve dans chaque individu, et le fait tendre vers un but naturel qu'il croit être bon et dans lequel il croit posséder le bonheur.

– L’espérance surnaturelle ou la vertu d’espérance est une habitude surnaturelle que Dieu met dans l’âme pour lui faire attendre avec une confiance certaine la vie éternelle et les moyens de l’obtenir par le secours de Dieu.

– L’espérance criminelle n'est une espérance que de nom... Cette espérance est une espérance nulle, trompeuse et mensongère. Elle peut être fondée sur soi, sur autrui, ou sur la vanité. L'homme, être créé, tiré du néant est faible, et le démon ne tarderait pas, par ses ruses et son habileté à l’entraîner au mal, si la miséricorde de Dieu ne le soutenait à chaque moment.

          1-2-1-L'espérance criminelle

Cette expression étonne. Aussi Jésus va-t-il prendre le temps de donner les explications nécessaires. Il parle: "L'homme est faible. L'homme ne peut rien mériter par lui-même, et la pensée... si elle revêt un caractère de bonté surnaturelle, n'est pas à lui, car elle lui vient de Dieu. Par conséquent, fonder sur soi son espérance, c'est faire injure à Dieu, c'est opérer le mal, c'est se perdre.

De même, l’espérance fondée sur les autres est une espérance criminelle... En effet, tous les hommes même unis ensemble, sont la personnification même de la faiblesse; ils sont plus fragiles qu’un roseau et, compter sur eux, c'est être sûr d’être trompé et confondu à l'heure du danger. Votre espérance doit s’arrêter à Dieu et demeurez toujours en lui... et vous pourrez dire un jour: 'Seigneur, j’ai espéré en vous; je ne serai point confondue.'

L’espérance dans la vanité est une espérance criminelle. Espérer dans la vanité, c'est espérer sur sa vie, qui est fugitive et transitoire comme la fumée emportée par le vent; c'est espérer sur la renommée, la gloire ou l’estime des hommes... qui disparaissent avec la vie en face de l’éternité; c'est enfin espérer sur les richesses et les biens de ce monde, qui auront également un terme. Peut-on placer une espérance solide sur ce qui aura un terme et une fin? L’espérance dans la vanité est une vaine espérance, une espérance qui éloigne de Dieu, par conséquent coupable et criminelle.

          1-2-2-L'espérance surnaturelle

La seule véritable espérance, c'est l’espérance surnaturelle. Jésus, s'adressant à Marie Lataste, la décrit longuement. Il dit: "La nature de l’espérance c'est une habitude, une inclination surnaturelle; c'est un don de Dieu. Elle vient de Dieu et dépasse les forces de la nature humaine. Par cette inclination, l'homme a constamment les yeux sur les biens futurs: il les regarde, il les attend avec courage, avec fermeté, avec la certitude de les obtenir, parce qu'il sait que Dieu lui accordera les moyens nécessaires pour les acquérir, et en être un jour le possesseur. Celui qui a la vertu d’espérance s’oublie lui-même pour s’abandonner complètement à Dieu, pour se reposer en lui.

L’acte d’espérance est une attente, une expectative certaine; et quand vous faites un acte d’espérance, quand vous dites à Dieu: 'Mon Dieu, j’espère votre grâce en cette vie et la vue de votre gloire dans le ciel', vous dites en vérité: Mon Dieu, j’attends votre grâce en cette vie et la vue de votre gloire dans l’autre. Cette expectative est certaine, parce qu’elle repose sur des fondements certains, le secours de la toute-puissance de Dieu et de son immense miséricorde...

L’objet de l’espérance, le premier objet de votre espérance c'est la béatitude éternelle, c'est la possession de Dieu. L’objet secondaire, ce sont les grâces de Dieu, les secours de Dieu, la protection de votre Sauveur, l’effusion sur vous de mes mérites, la tutelle de Marie, qui éloignera de vous les dangers.

Les heureux effets que l’espérance produira en votre âme, les voici, poursuit Jésus: Elle vous excitera à faire pénitence de vos péchés, parce que vous en espérerez le pardon; elle vous donnera force et courage dans les dangers, parce qu’avec elle vous comptez sur Dieu qui renverse tous les ennemis; elle vous délivrera des dangers, car Dieu n’abandonne jamais ceux qui se fient en lui... Elle vous fera triompher des tentations... Elle éclairera votre intelligence. Espérer en Dieu, c'est se rapprocher de Dieu. Or, Dieu est lumière, et sa lumière répand le jour dans les ténèbres et montre la vérité. Elle gardera et sauvera la bonté de vos intentions... C'est ainsi, ma fille, que l’espérance sera pour vous une source de multiplicité de bonnes œuvres que vous n’auriez point opérées sans elle. L’espérance, ma fille, doit être en vous... toujours.

          1-2-3-Que faut-il espérer, et quand?

Jésus indique à Marie Lataste qu'elle doit espérer aussi bien dans la tentation que dans l’affliction, dans la sécheresse ou dans l’état de péché:

– "Vous devez espérer dans la tentation. C'est alors, surtout, que votre espérance doit être forte; c'est elle qui doit être le bouclier avec lequel vous renverserez vos tentations. Si vous ne les fuyez point, c'est là de la présomption... Si dans la tentation vous ne priez pas, vous vous mettez dans la certitude de succomber et de pécher. Espérez donc, ma fille, à l'heure de la tentation.

– Espérez dans l’affliction. Espérez, parce que Dieu n’abandonne jamais les malheureux; espérez, parce que Dieu mettra un terme à vos afflictions; espérez, parce que Dieu vous donnera une sécurité entière au milieu même de vos tribulations.

– Espérez dans la sécheresse de l'âme, dans la pauvreté... Dieu vous donnera la nourriture dont vous avez besoin, le secours qui vous est indispensable pour vous soutenir, un abri pour vous couvrir, et vous ne serez point trompée dans votre espérance.

– Espérez quand vous êtes dans l’état de péché. Pourquoi, ma fille? Parce que Dieu est un médecin qui connaît la manière de guérir l’infirmité de votre âme, qui peut la guérir et le désire.

L'espérance est nécessaire... Sans elle, vous ne pouvez obtenir le ciel, parce que Dieu ne veut le donner qu'à ceux qui l’espèrent..."

          1-2-4-Où trouver l'espérance?

Jésus continue son exposé: "L’espérance n'est point dans le ciel où les anges et les élus jouissent de la vue de Dieu... L’espérance n'est point dans l’enfer. Les démons et les damnés savent qu'ils sont à jamais séparés de Dieu... L’espérance était parmi les âmes qui attendaient ma venue, et le bonheur du ciel que je devais leur donner par la satisfaction de ma croix offerte à mon Père. L’espérance est dans le Purgatoire, parmi les âmes qui n’ont point encore satisfait à la justice de Dieu, et qui attendent le moment où elles jouiront du bonheur. L’espérance est parmi les hommes tant qu’ils sont sur la terre. C'est, en effet, dans la vie que le ciel leur est montré comme une récompense, et qu'ils cherchent à l’obtenir par les actes de vertus qu'ils accomplissent.

Ayez une ferme espérance en Dieu, ma fille, une ferme espérance en moi. Cette vertu est comme un trait qui me perce le cœur, non pour me faire souffrir, mais pour que j’en laisse sortir les flots de ma miséricorde sur l'âme qui espère en son Sauveur... Allez, ma fille, marchez dans cette belle voie de la sainte espérance, vous ne serez point trompée." (Livre 8, chapitre 8)

          1-3-La charité  (Livre 8, chapitre 9) 

Marie Lataste est émerveillée par les paroles du Sauveur Jésus. Elle désire qu'Il lui parle encore... si cela est sa volonté. C'était la volonté de Jésus qui lui dit: "Ma fille, je veux vous entretenir de la charité. La charité est triple, et vous pouvez la considérer dans son essence, qui est Dieu, dans sa personne, qui est le Saint-Esprit, et dans le don que Dieu en fait à l'homme, savoir: la vertu de charité.

– La charité est l’essence de Dieu; c'est ce qui constitue la Divinité; la charité c'est Dieu... la charité, c'est l’être même de Dieu.

– La charité est la personne du Saint-Esprit. La personne du Saint-Esprit, en effet, qui procède du Père et du Fils, est l’éternel amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père. Le Saint-Esprit est le lien du Père et du Fils, et ce lien vient du Père et du Fils; il est dans le Père et dans le Fils; il en est pourtant distinct, et ne fait qu’un néanmoins avec le Père et le Fils. Le Père est charité, le Fils est charité, le Saint-Esprit est charité. Je dis néanmoins que la charité est la personne du Saint-Esprit, qui procède du Père et du Fils, et qui unit, par la charité qui est lui-même, la personne du Fils à la personne du Père."

– La charité comme vertu est le don que Dieu fait à l'homme du mouvement surnaturel de son cœur vers la Divinité, comme objet de son amour...

          1-3-1-La vertu de charité

L’amour est un nom générique qui désigne la propension[1] naturelle vers une chose bonne ou mauvaise; c'est une passion de l’âme... Ainsi on aime une fleur, une habitation, un lieu. Cet amour vous pouvez l’appeler l’amour de désir. Quand on aime ainsi un objet ou une personne, et qu’on désire du bien à cet objet ou à cette personne, cet amour s’appelle bienveillance, parce qu’on veut du bien à ce qu’on aime.

L’amitié renferme plus que la bienveillance. Il y a bienveillance quand on désire du bien à quelqu'un sans qu'il y ait réciprocité de sa part. L’amitié requiert cette réciprocité. L’amitié consiste à aimer et à être aimé, à aimer et à savoir qu'on est aimé... La charité est l’amour de Dieu fondé sur la communication future de la béatitude. La charité ne s’adresse d’abord qu’à Dieu, elle n’a que Dieu pour objet; secondairement elle s’adresse aux hommes en qui on voit l’image de Dieu, et parce que Dieu l’a voulu comme condition de la communication de son bonheur."

          1-3-2-Définition de la vertu de charité

Avant de poursuivre son "cours", Jésus définit la vertu de charité: "La charité est une vertu ou un don surnaturel intrinsèquement inhérent à l’âme, par lequel l'homme aime Dieu par-dessus tout, à cause de ses perfections, et le prochain en Dieu et pour Dieu. La charité est au dessus de toutes les autres vertus, à cause de sa nécessité, de ses œuvres, de sa durée et de sa dignité. Pour la nécessité, elle est évidente. Quand vous auriez tous les autres dons spirituels, si vous n’avez point la charité, ces dons ne vous servent de rien pour le salut; mais avec la charité sans rien de plus, vous feriez sûrement votre salut."

Jésus reprend alors, en les précisant, les enseignements contenus dans le nouveau Testament: "La foi elle-même, celle qui transporte les montagnes, ne vous servirait de rien sans la charité. Le martyre, s’il pouvait être enduré sans la charité, ne vous servirait de rien. La conversion du monde entier opérée par votre parole, sans la charité, ne vous servirait de rien.

Il n'y a point de vertu sans la charité, de vertu véritable, vivante, opérante.  La vertu, en effet, est un mouvement vers le bien. Or, le bien suprême c'est Dieu; pour tendre vers lui, il faut le connaître et l’aimer. On ne va point vers celui qu’on n’aime pas... La charité vous fait aimer Dieu, vous le fait désirer, vous porte à lui être agréable, afin qu'il se rapproche de vous, et vous de lui..."

          1-3-3-La charité est la vie de la foi et de l'espérance

Jésus prend le temps d'expliquer comment la charité dépasse la foi et l'espérance: "Comme il y a plusieurs vertus, il faut que chacune ait un mouvement particulier. La vertu de foi meut l’âme vers Dieu et la porte à affirmer son existence; la vertu d’espérance meut l’âme vers Dieu et la porte à attendre la jouissance de sa vue; la vertu de charité meut l’âme vers Dieu et la porte à s’attacher à lui. Le mouvement de la vertu de charité est la vie des deux mouvements donnés à l’âme par les vertus de foi et d’espérance.

On peut avoir la foi et l’espérance sans la charité; mais cette foi et cette espérance sont sans couleur, sans force, sans action féconde et fructueuse. Vous avez la foi, vous n’avez point la charité; cette foi tournera à votre ruine et à votre condamnation... Vous avez l’espérance; mais que pouvez-vous espérer, si vous n’aimez point Dieu?... La charité, ma fille, est la voie qui mène au ciel... sans la charité, vous ne pouvez point aller au ciel. Par conséquent, de toutes les vertus, la charité est la plus nécessaire... La charité est au dessus de toutes les autres vertus, à cause de l’excellence de ses œuvres.

          1-3-4-Excellence de la charité

Toutes les œuvres produites par la charité sont bonnes; voilà pourquoi, dit Jésus, je suis venu en allumer le feu sur la terre, n’ayant qu’un seul désir, celui de voir le monde entier embrasé par ses flammes. Celui qui a la charité, qui aime Dieu, cherche à lui plaire, observe sa loi et ses commandements, n’agit que pour suivre en tout sa divine volonté. Celui qui a la charité opère par conséquent des œuvres de vertu, puisque la charité en est le fondement...

Estimez donc la charité: elle vous obtiendra tant de mérites pour la vie qui ne passera jamais. La charité est de toutes les vertus celle qui dure le plus... en ce sens qu'elle ne tombe jamais dans le péché mortel... La charité dure toujours dans ceux qui sont confirmés en grâce.. parce que la grâce donne la charité... La charité dure toujours, même après cette vie. La foi et l’espérance finissent avec la vie; mais après la mort la charité est reçue dans le ciel avec les âmes... La charité est de toutes les vertus la plus précieuse... La foi fait regarder Dieu; l’espérance le fait attendre; la charité le fait posséder... La charité est aussi de toutes les vertus la plus estimable, parce que la charité...  élève l'âme jusqu'à Dieu, c'est elle qui l’unit à Dieu... Voilà, ma fille, en quelques paroles, la nature de la charité."

          1-3-5-La perfection de la charité

Nous pourrions penser que Jésus a fait le tour de la vertu de charité. Pas du tout! Il pose maintenant à Marie Lataste, toute une série de questions concernant la place de la charité dans les âmes, et comment elle conduit à la vie spirituelle. Ces questions sont importantes: aussi Jésus demande-t-Il à Marie de l'écouter avec beaucoup d'attention: "La charité, je vous l’ai déjà dit, ne finit point avec la vie. Elle continue dans le ciel. La charité n’existe pas dans l’enfer, séjour du désordre et de la haine éternelle contre Dieu. La charité sur la terre se trouve dans les âmes qui ont en elles la grâce.

La charité réside principalement dans une des facultés de l’âme: la volonté. C'est la volonté en effet, qui saisit Dieu et s’attache à lui dès qu'il lui est présenté par l’intelligence. Il y a des degrés dans le don de la vertu de charité que Dieu accorde aux hommes... selon les dispositions que Dieu découvre dans l’âme... La charité augmente à mesure qu'on se rapproche de Dieu, non pas d’une manière sensible par chaque acte de charité, mais en rendant l'homme plus apte à agir de nouveau selon la charité... La charité est susceptible d’augmentation et de progrès... jusqu'à atteindre la charité parfaite que rien ne peut enlever d’une âme.

– En Dieu la charité est parfaite car Dieu est parfait et Dieu est charité; cette perfection divine de la charité qui est Dieu, n’appartient qu’à Dieu.

– Pour les âmes, la perfection de la charité dans le ciel, consiste en ce que toutes les puissances de l'âme sont uniquement attachées à Dieu...

– Et sur la terre, la perfection de la charité est triple et renferme trois degrés:

La charité est parfaite dans un homme qui se donne tout entier à l’étude de Dieu, à la recherche de Dieu et de ce qui est à Dieu, oubliant tout le reste...

La charité est parfaite dans celui qui tient habituellement son cœur uni à Dieu, de telle manière qu'il ne veuille et ne désire rien qui soit contraire à l’amour de Dieu.

La charité est parfaite dans celui qui tend vers Dieu, non seulement par l’accomplissement des commandements, mais encore par la pratique des conseils évangéliques.

Telle est la perfection possible de la charité sur la terre. La perfection absolue de la charité qui puisse se concevoir n'est point possible sur la terre... "

Jésus poursuit: "Je n’ai pas besoin d’insister longuement, ma fille, pour vous montrer que la charité peut diminuer et se perdre. Adam avait la charité, il la perdit par son péché. Les chrétiens, après leur baptême, ont la charité, un seul péché mortel suffit pour la leur faire perdre. En effet, ma fille, pécher mortellement, c'est se retirer et s’éloigner de Dieu... Le péché mortel est la mort de la charité dans une âme; le péché véniel en est la diminution. Le péché véniel n’éloigne pas complètement de Dieu, néanmoins il commence la séparation et l’éloignement."

D'où le conseil: "Fuyez donc, ma fille, non seulement le péché mortel, mais encore le péché véniel, qui est si préjudiciable aux âmes. Conservez précieusement la charité. Si vous avez la charité, vous le reconnaîtrez aux signes que je vais vous indiquer."

1-3-6-Comment reconnaître que l'on possède la charité

Jésus vient de dire à Marie Lataste: "Si vous avez la charité, vous le reconnaîtrez aux signes que je vais vous indiquer." Voici ces signes:

– "Si vous pensez à Dieu volontiers et avec plaisir, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité. Là où est votre cœur, là est votre trésor, et celui qui a Dieu pour trésor n’a rien à craindre.

– Si vous entendez parler de Dieu avec plaisir, si vous retenez les paroles bonnes et édifiantes que vous aurez entendues, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

– Si vous vous entretenez souvent avec Dieu, si vous lui parlez par la prière, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

– Si vous donnez volontiers pour Dieu ce qui vous appartient, ce dont vous pouvez disposer, vous lui êtes unie par la charité. Si vous souffrez patiemment les douleurs de cette vie en vue de plaire à Dieu, tranquillisez-vous, vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

– Si vous observez fidèlement les commandements de Dieu... Si vous aimez tout ce que Dieu aime... si vous détestez tout ce qu'il déteste... vous lui êtes unie par la charité, vous n’avez rien à craindre.

– Si vous avez la charité, Dieu vous aime parce que vous lui êtes agréable...  Il ne suffit pas, ma fille, de savoir ce que c'est que la charité... il faut que vous en connaissiez encore l’objet, afin que vous exerciez dignement la vertu de charité."

          1-3-7-Les objets de la charité

Jésus estime qu'il y a quatre objets sur lesquels la charité doit se porter: Dieu, son âme, son prochain et son corps.

L'amour de Dieu

"Dieu, ma fille, doit être, par reconnaissance, le premier objet de votre charité. C'est de lui que vous avez tout reçu: l'âme et le corps, la rédemption et la grâce... Vous devez aimer Dieu parce qu'il est infiniment aimable... Vous devez l’aimer, non seulement parce qu'il est Dieu, mais parce qu'il est votre Maître, votre Seigneur, et parce qu'il veut être votre possession, votre Dieu. Oui, Dieu vous appartient, car il est votre Père; Dieu vous appartient, car vous êtes son enfant. Eh bien! Puisqu’il en est ainsi, aimez Dieu, aimez-le de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces... Manifestez-lui votre amour par des œuvres extérieures. Aimez Dieu toujours... Que votre vie ne soit qu'une seule chose, l’amour continuel de Dieu... C’est là un commandement formel qui est imposé à toute créature raisonnable... La charité ou l’amour de Dieu efface la multitude des péchés.  La charité est la lumière de l’âme que Dieu éclaire quand elle se rapproche de lui..."

La sauvegarde de l'âme

"La charité est la sauvegarde de l’âme, car elle donne Dieu lui-même pour gardien. Dieu aime ceux qui l’aiment, il les garde et il les préserve de tout malheur... La charité obtient le secours de Dieu dans les nécessités de la vie, elle soutient à l’heure de la mort... La charité tourne tout ce qui est dans l'homme à son avantage et à son profit... parce qu’elle rapporte tout à Dieu... La charité donne ici-bas un avant-goût de la réalité du ciel. Elle élève au plus haut degré de la contemplation de Dieu les âmes qui la possèdent... Tout, au contraire, s’élève contre celui qui n’aime pas Dieu. Le péché s’empare de son cœur et le fait ramper terre à terre; les contrariétés de la vie et ses diverses épreuves se tournent contre lui..."

La charité s'exerce sur soi-même

Jésus avait dit un jour: "Aimez Dieu par-dessus tout et le prochain comme vous-même." Le chrétien doit aimer le prochain comme il s’aime lui-même. Il doit donc commencer par s'aimer lui-même, puisque l’amour que l'on doit avoir pour le prochain doit être à comparable à celui que l'on a pour soi. Jésus dit à Marie Lataste, donc à nous aussi: "Vous devez aimer votre âme... avant et de préférence à celle de votre prochain, mais vous devez aimer plus l’âme de votre prochain que votre corps, tout comme vous devez commencer par aimer votre corps avant celui de votre prochain. Pourquoi, demande Jésus à Marie, devez-vous plus aimer votre âme que celle de votre prochain ou devez-vous aimer votre âme avant celle de votre prochain? Vous aimez Dieu comme principe du bien, vous devez vous aimer vous-même en Dieu par charité pour obtenir société avec Dieu, qui sera votre bien... Or, l’unité de participation à Dieu est préférable pour vous à l’union de plusieurs avec vous dans cette même participation, par conséquent vous devez chercher d’abord votre union à Dieu avant celle d’autrui...

Mais vous devez aimer l'âme plus que votre frère ou votre prochain, ou que votre propre corps. Ainsi, ma fille, si vous deviez exposer votre vie, c'est-à-dire la vie du corps, pour procurer le salut de l'âme d’une personne quelconque, même en la sacrifiant, ce serait là, ma fille, la marque d’une charité parfaite. Vous n’êtes point tenue à cela par nécessité de charité, mais la charité parfaite peut porter à ce sacrifice, tant à cause du bonheur que vous procurez à l'âme que vous sauvez, que de la gloire qui en revient à Dieu."

L'amour du prochain

Jésus parle de la préférence que nous devons avoir pour notre corps sur le corps de notre prochain. Mais qui est notre prochain que nous devons aimer? Jésus dit: "Votre prochain est tout être raisonnable de qui vous pouvez recevoir quelque bien en vue de la vie éternelle, ou à qui vous pouvez rendre quelque bien de cette sorte. Ainsi les anges comptent parmi votre prochain... parce qu'ils veillent sur vous, parce que vous partagerez un jour leur bonheur... Les élus du ciel sont votre prochain; ils sont de la grande famille humaine à laquelle vous appartenez... Tous les justes de la terre sont votre prochain, non seulement parce qu'ils sont disposés à vous faire du bien, mais parce que vous pouvez leur en faire à votre tour... Les âmes qui sont dans le purgatoire sont votre prochain, vous pouvez et devez prier pour elles, afin de les soulager dans leurs peines et obtenir leur délivrance. Les pécheurs sont aussi votre prochain, et vous devez les aimer par charité... Leur personne est susceptible de participer au bonheur du ciel, et vous devez aimer leur personne... Ne confondez pas le péché avec le pécheur. Haïssez le péché comme Dieu le hait; mais aimez le pécheur comme Dieu l’aime dans sa miséricorde...

Attention! Le précepte de la charité ne s’étend point aux démons ni aux damnés... "

          1-3-8-L'amour de Jésus pour les hommes

Le Sauveur Jésus dit un jour à Marie Lataste: "Ma fille, si vous voulez bien accomplir le précepte de la charité, prenez-moi toujours pour modèle. Considérez de quel amour j’ai aimé les hommes, et vous verrez qu'il avait trois caractères bien distincts:

– Je les ai aimés gratuitement... Si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, ma fille, vous n’aimerez point votre prochain. J’ai aimé les hommes, non à cause du bien qu'ils m’avaient fait, mais uniquement pour leur faire du bien. C'est ainsi que vous devez aimer votre prochain, sans rien attendre de lui, et dans la disposition de lui faire toujours du bien si vous le pouvez. J’ai aimé les hommes, même mes plus grands ennemis, mes bourreaux, et, sur la croix, je demandai à mon Père leur pardon. Si vous avez des ennemis, si vous rencontrez des personnes qui vous persécutent... aimez-les encore plus que vos amis...

        – J’ai aimé les hommes avec discrétion. Je n’ai jamais aimé en eux le vice ou le péché. J’ai guéri le paralytique en lui disant: 'Tes péchés te sont remis.' J’ai pardonné à la femme adultère en lui disant: 'Allez, ne péchez plus.' J’ai pardonné à saint Pierre... J’ai pardonné à l’apôtre incrédule, et il se releva plein de foi en disant: 'Mon Seigneur et mon Dieu!' J’ai pardonné tous les péchés des hommes sur la croix; mais ce pardon n’était point l’approbation de leurs fautes, c’en était la condamnation... Ainsi, ma fille, il faut aimer le prochain, mais condamner et haïr tout ce qu'il y a de répréhensible en lui, c'est-à-dire le vice et le péché.

– J’ai aimé les hommes d’un amour extrême et fructueux. Je les ai aimés d’un amour extrême, car j'ai quitté la splendeur des cieux, je me suis fait homme, je me suis humilié jusqu’à la mort de la croix. Je les ai aimés d’un amour fructueux, puisque mon amour leur a rendu la vie... Aimez ainsi le prochain, en vous dépouillant de votre volonté propre, en vous mortifiant, en vous sacrifiant pour lui... et ainsi vous aimerez véritablement votre prochain, comme j’ai aimé moi-même les hommes.

Aimez le prochain, ma fille; aimez-le en Dieu et pour Dieu, et en aimant le prochain vous aimerez Dieu... parce que votre amour se terminera toujours directement ou indirectement à Dieu." 

          1-3-9-Pourquoi l'amour embrase-t-il si peu de cœurs?

Après avoir montré les grands bienfaits de l'amour, Jésus s'écrie: "Ô amour! Amour! Amour! Flamme de la charité, comment se fait-il que, désirant si fort te communiquer, tu embrases si peu de cœurs?

Ah! c'est qu'il trouve l’entrée des âmes fermée... Priez Dieu qu'il dispose ces cœurs à recevoir et à conserver la grâce; il les ouvrira, et avec la grâce, l'amour divin viendra habiter en eux."

Et comme Jésus aime beaucoup les paraboles, il ajoute: "Le cœur d’un pécheur ressemble à une belle maison remplie de meubles vermoulus et gâtés, que la lumière du jour ne pénètre point, et qui éloigne par son infection insupportable ceux qui voudraient en approcher. Si l'amour divin pénètre dans ce cœur, il l’éclaire, il l’illumine, il remplace par des meubles précieux ceux qui y étaient avant, il répand enfin dans tout son intérieur un parfum dont l’odeur suave monte de la terre au ciel pour inviter le Dieu de charité à venir en prendre possession.

Jésus s'adresse maintenant à la grande mystique qu'est Marie Lataste: "Ma fille, resserrons de plus en plus les doux liens qui nous unissent... Aimez-moi chaque jour davantage; moi... je vous donnerai des marques plus sensibles de mon amour. Ouvrez votre âme à toutes les ardeurs du divin amour, et que ses flammes circulent avec votre sang dans vos veines. Offrez-vous comme victime, et que votre sacrifice soit consumé par le feu de l'amour divin. Aimez-moi comme je vous ai aimée quand j’étais sur la terre. Que de peines, que de fatigues, de souffrances vous m’avez coûtées! J’ai donné ma vie et mon sang pour vous sauver, et... je suis toujours ici près de vous dans le sacrement de mon amour. Je demeure ici constamment avec mon corps, mon âme et ma divinité par amour pour vous... Quand j’instituai ce sacrement, je connaissais déjà les outrages et toutes les injures que je devais y recevoir, mais je sus me contenter du petit nombre d’âmes fidèles qui devaient m’y honorer et m’y témoigner leur amour. Soyez de ce nombre, ma fille. Dédommagez-moi par votre amour de l’indifférence et de l’insensibilité de tant de mauvais chrétiens. J'ai le droit et un droit tout spécial pour attendre cela de vous.

Ô amour sacré, embrasez tous les cœurs! Ô puissance de l'amour divin sur les hommes! Ô puissance de l'amour divin sur Dieu! Il donne les hommes à Dieu, il fait mourir Dieu pour les hommes! Je suis mort par amour pour vous, ma fille, donnez-vous donc à votre Sauveur, à votre Dieu par amour pour lui. Répondez à mon amour par votre amour, vivez par amour pour moi, sacrifiez-vous par amour pour moi, mourez par amour pour moi, parce que j’ai vécu, j’ai souffert, je suis mort par amour pour vous."   (Livre 8, chapitre 9)

1-4-Les fruits de la charité  (Livre 8, chapitre 10)

Le Sauveur Jésus veut nous faire connaître, en détails, les fruits de la vertu de charité. Ces fruits sont: la paix, la soumission à la volonté de Dieu, le détachement de soi-même, la pauvreté du cœur, la liberté entière et complète et le bon exemple.

          1-4-1-La paix

La paix est un fruit de la vertu de charité; elle consiste dans la concorde entre ses propres désirs avec les désirs d’autrui. La paix est toujours un effet de la vertu de charité, car toutes les choses sont rapportées à Dieu, et ce rapport à Dieu est l’union ou la concorde de tous les désirs des hommes avec le désir de Dieu et les désirs d’autrui, en tout ce qui n'est pas contraire à la volonté de Dieu. Jésus dit: "La paix n'est point une vertu spéciale, car tous les actes qui produisent la paix ne partent que du principe de la charité... Tout le monde veut la paix, mais peu la possèdent, parce qu'il y en a peu qui aient la charité.

On peut considérer:

– La paix temporelle, c'est la paix dans la famille, dans les cités, dans les empires... c'est l’accord, l’entente entre deux hommes, entre plusieurs hommes, entre plusieurs peuples divers. Là où il n'y a point de charité il n'y a point de paix. La paix temporelle, c'est la paix ou le calme du corps, c'est la concorde entre l’esprit et la chair, c'est l’entente dans les diverses opinions. Le corps est en paix quand il ne souffre pas, quand il n’a point de maladies; la charité lui conserve cette paix, même dans la souffrance et la maladie... La charité conserve la paix entre la chair et l’esprit, parce qu'elle dompte la chair et permet à l’esprit de demeurer uni à Dieu, et cette paix contribue au bien-être temporel.

La charité conserve la paix entre des opinions diverses; la diversité d’opinion n'est point une attaque à la paix, c'est l’usage rationnel et raisonné de la liberté dans le mouvement actif de l’intelligence... Si vous avez la charité, ma fille, vous aurez cette paix temporelle. Car si vous avez la charité, si vous m’aimez, vous vous tournerez vers moi dans les souffrances et les maladies de votre corps, dans l’affliction ou l’abattement de votre cœur, ou les contrariétés de votre esprit. Vous viendrez à moi sans effort me faire part de votre état, de vos peines les plus secrètes avec la sincérité et la confiance d’un enfant, et dans la tendresse de ces épanchements... vous conserverez la paix et l’égalité de votre âme.

Les personnes affligées, souffrantes... supporteraient mieux leurs épreuves...  si elles avaient la charité... Mais sans la charité elles se troublent et rien ne peut les consoler. Elles me prendraient pour leur confident et je les aimerais moi-même avec constance et fidélité... Je compatirais à leur douleur et je les consolerais... Moi, ma fille, non seulement je vous écouterais, mais je vous ferais tellement éprouver de consolations que vous oublieriez même votre douleur... et que vos plaintes et vos épanchements ne seraient qu’une conversation pleine de félicité avec votre Sauveur et votre Dieu.

Celui qui a la charité a la paix, parce qu'il sait de quelle manière il doit agir pour que la concorde soit en lui pour tout ce qui le concerne. Il a la paix... parce qu'il hait le monde, parce qu'il a confiance en Dieu... Celui qui a la charité hait le monde et le méprise. Il sait que le monde passera et avec lui tout ce qui est dans le monde... Il ne considère que mon jugement, la connaissance que j’ai de lui, l’amitié que j’ai pour lui, et cela lui suffit, il est calme et toujours en paix. Celui qui a la charité met toute sa confiance en Dieu. Il supporte les épreuves qu’il lui envoie; il n’a d’autre volonté que la volonté de Dieu: il est en paix. Ayez donc la charité et vous aurez la paix temporelle, vous aurez aussi la paix spirituelle.

– La paix spirituelle, c'est la paix avec Dieu, c'est la concorde entre vous et Dieu, et c'est la charité qui vous la donne. Si vous avec la charité, vous accomplissez toujours la volonté de Dieu, vous observez fidèlement sa loi et ses commandements. Cet accomplissement vous tient nécessairement dans le calme et la paix du cœur, car il vous unit à Dieu, vous fait vivre de sa vie. Il y a donc conformité de volonté, conformité de vie, vous avez la paix véritable, la paix spirituelle.

Quelque grand pécheur qu’ait été celui qui a la charité, par cela seul qu'il a la charité, il a paix; car le souvenir des fautes passées éloigne du péché, et là où il n'y a point de péché, là règne la paix. Le souvenir des fautes passées est le souvenir d’un état qui n'est plus et il donne une meilleure appréciation de l’état présent. Le souvenir des fautes passées que la charité a effacées rappelle le pardon qu'on en a reçu... l’aveu qu'on en a fait au ministre sacré, la douleur et le repentir du cœur... Le souvenir du pardon, c'est la paix spirituelle parce qu'il rappelle l’œuvre de Dieu sur le pécheur et les paroles qu'il lui a adressées: 'Courage, mon fils, ne craignez point. Venez à moi; si vous êtes faible, je suis fort; si vous ne pouvez rien, je puis tout; si vous êtes pauvre, je suis riche'..."

Jésus se fait suppliant: "Venez puiser à mes pieds les eaux salutaires de la grâce qui jaillissent jusqu’à la vie éternelle. Venez, je serai votre bonheur, le bonheur ne se trouve qu’avec moi. Vous l’avez cherché loin de moi et il vous a échappé; vous avez voulu puiser dans les citernes boueuses du monde, de Satan et des passions, et vous n'y avez trouvé que des eaux empoisonnées qui ne désaltèrent point... Venez à moi, ayez confiance en moi, écoutez ma voix, acceptez mon amour et vous aurez le bonheur autant qu'il peut être sur la terre...

La charité donne la paix éternelle, c'est-à-dire le ciel. La paix éternelle, est la récompense de l'âme qui a la charité quand Dieu l’appelle à lui... La charité donne la paix au ciel et sur la terre. Soyez donc toujours en état de charité... et vous aurez aujourd'hui aussi la paix sur la terre, pour l’avoir demain au ciel.

Il y a une grande ressemblance entre la paix et la soumission à la volonté de Dieu. Celui qui a la paix est soumis à la volonté de Dieu, et celui qui est soumis à la volonté de Dieu a la paix. On ne peut pas être soumis à la volonté de Dieu sans avoir la charité... La soumission à la volonté de Dieu est produite aussi par la charité. Cependant, la soumission à la volonté de Dieu n'est pas la même chose que la paix. La paix est un état de l’âme donné par la charité... La soumission à la volonté de Dieu est plus qu'un état, c'est une inclination... qui fait que l'homme accomplit tout ce que Dieu veut...

          1-4-2-La soumission à la volonté de Dieu

La soumission à la volonté de Dieu est l'hommage le plus glorieux que l'homme puisse offrir à Dieu et l’acte le plus avantageux à l'homme. Qu’est-ce, en effet, que se soumettre à Dieu? C'est accomplir sa volonté... c'est reconnaître qu'il est maître souverain, que rien n'est au-dessus de lui; c'est adorer ses desseins... c'est, en un mot, donner à Dieu tout ce que l’on a... selon le bon plaisir de Dieu.

La soumission à la volonté de Dieu est préférable à tous les jeûnes, à toutes les austérités, à tous les sacrifices, même à l’apostolat le plus fécond et le plus fructueux..."

Cette dernière phrase de Jésus peut nous étonner, et Jésus le sait; aussi explique-t-il longuement ses dernières paroles: "Que diriez-vous d’un serviteur qui travaillerait toujours à accroître le bien-être et les possessions de son maître, qui vanterait partout sa bonté, qui lui prodiguerait toutes sortes de richesses, mais qui refuserait de lui obéir ou d’accomplir sa volonté? Que diriez-vous de ce serviteur si son maître ne pouvait lui adresser aucun reproche, aucune remontrance sans qu'il se révoltât, sans qu'il lui témoignât son mécontentement? Ne préfèreriez-vous pas un serviteur moins entreprenant, mais plus obéissant, plus respectueux? Eh bien, ma fille, il en est ainsi de Dieu.

Dieu vous demande la soumission pleine et entière à sa sainte volonté. Si vous l’aimez, vous la lui accorderez. Vous recevrez les épreuves qu'il vous imposera en lui disant: 'Mon Dieu, que votre volonté soit faite et non la mienne.' Vous... recevrez tout comme des témoignages de l’amitié de Dieu... qui veut que vous soyez plus unie à lui...

Parfois on peut se plaindre, mais à Dieu. Cette plainte... c'est un cri de prière, une demande, un appel du secours de Dieu, prière et demande dictées par la soumission... Être soumis à la volonté de Dieu... c'est marcher dans le droit chemin, c'est marcher dans le bien... car Dieu ne conduit que dans le bien et la vérité. Que cherchez-vous sur la terre? La vérité. Que désirez-vous? La possession de la vérité. Vous la trouverez dans la soumission à la volonté de Dieu, parce que vous trouverez Dieu, et que Dieu est la vérité... Pour aller à Dieu, il faut suivre ses voies, et pour suivre ses voies, il faut être soumis à sa volonté. Celui qui se soumet à sa volonté, va vers Dieu, arrive au ciel...

Que cette pensée: 'Dieu le veut!' vous aide et vous soutienne. Ayez confiance dans cette volonté, et marchez, vous arriverez au ciel. La soumission à la volonté de Dieu n'est pas un bien seulement pour le ciel, elle est encore un bien pour le temps... La soumission à la volonté de Dieu fait disparaître toute haine ou toute aversion autre que celle du péché...

          1-4-3-Le détachement et la pauvreté

Si la charité produit la soumission, elle produit aussi le détachement. Dieu suffit à celui qui l’aime. Aimer Dieu, ma fille, c'est le posséder; posséder Dieu, c'est posséder le souverain bien, le bien qui ne passe pas, le bien qui demeurera éternellement. Or, celui qui a ce bien ne peut s’attacher aux biens périssables, ni à la vie, ni aux créatures, ni aux richesses... il ne s’en sert que selon les desseins de Dieu... Il accepte tout comme venant de Dieu, il se sert de tout pour aller à lui... il n’a qu’un seul attachement, l’attachement pour Dieu..."

Jésus poursuit son exposé en expliquant comment celui qui aime Dieu ne peut être attaché, ni à la vie, ni aux créatures, ni à leur beauté qui est passagère, ni aux liens du sang, parce son Père est dans le ciel. Celui qui aime Dieu ne peut être attaché aux richesses que la rouille et les voleurs enlèvent; il n'est point attaché aux honneurs de la vie, sa seule gloire consistant à servir Dieu. Jésus insiste: "Dieu est tout pour cet homme, et rien ne le séparera de Dieu: ni la vie, ni la mort, ni les créatures raisonnables, ni les créatures sans raison, ni le monde, ni Satan, parce que l'amour de Dieu est plus puissant que toutes les puissances, et que rien ne peut lui résister... On reconnaît l’arbre à ses fruits, et la charité produit le détachement, et parmi les diverses sortes de détachement, il en est un que je vous recommande entre tous, la pauvreté."

La pauvreté

Il y a deux sortes de pauvreté: la pauvreté de nécessité et la pauvreté volontaire. Jésus demande que les pauvres des biens de la terre estiment leur pauvreté, car ils se trouvent dans l'état où lui-même se trouvait sur la terre avec sa Mère. Qu’ils se disent à eux-mêmes: nous sommes petits aux yeux des hommes, mais nous sommes grands aux yeux de Dieu, nous sommes sûrs d’aller au ciel; car le ciel c'est Dieu, et Dieu est la possession et la richesse du pauvre. Cependant, dit Jésus: "Les pauvres doivent être soutenus dans leur état de pauvreté par la vue de ma pauvreté et de celle de ma Mère, par l’espérance de voir leur pauvreté disparaître et se changer en une richesse immense et sans bornes. C'est la charité encore qui nourrit et entretient ces sentiments de foi et d’espérance." Cela ne signifie pas qu'il faille négliger d'aider les pauvres matériellement puisque nous devons les aimer comme nous-mêmes. Mais Jésus veut que nous allions au-delà des contingences terrestres pour marcher librement selon la volonté de Dieu.

          1-4-4-La liberté

Jésus nous demande de marcher librement selon la volonté de Dieu. Librement? Mais quelle liberté? Jésus répond: "La charité vous donnera la vraie liberté, la liberté des enfants de Dieu. Je n’entends point parler de cette liberté qui est le désordre, de cette liberté qui fait le mal. Non, cela n'est point la liberté.

La liberté consiste à se soumettre volontairement à la loi. Or, celui qui aime véritablement Dieu, l’aimant toujours, fera toujours aussi ce qu'il lui commande; il se soumettra sans peine, parce qu'il l’aime et qu'il ne veut lui déplaire en rien. La volonté de Dieu sera la règle de sa conduite, et il suivra cette règle parce qu'il aime Dieu. Il fera tout ce qu’il voudra, et sera libre par conséquent, parce qu'il ne voudra que ce que Dieu veut. Tenez à cette liberté qui est la seule liberté vraie, conservez-la toujours en vous en y conservant l’amour de Dieu.

Croissez dans l’amour de Dieu, et votre liberté grandira, parce que vous deviendrez de plus en plus portée à ne faire que ce que Dieu veut."  (Livre 8, chapitre 10) 


[1] Propension ou tendance

   

 

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