Marie-Madeleine de Justamond
Sœur Catherine-de-Jésus
Religieuse ursuline de Pont-Saint-Esprit.
Marie-Madeleine était, comme nous l'avons dit, la tante de
trois religieuses martyres. Heureuse famille que la Providence jugea digne d'un
tel honneur ! Les trois nièces de notre bienheureuse avaient déjà donné leur vie
pour Jésus-Christ, quand leur tante fut appelée devant ses juges, et consomma, à
son tour, son sacrifice.
Née le 6 septembre 1724 à Bollène, Marie-Madeleine avait pour
père Jean-Baptiste de Justamond. Sa mère était Anne-Ursule de Camaret. Elle
entra, toute jeune encore, au couvent des Ursulines de Pont-Saint-Esprit ; elle
y devait demeurer jusqu'à l'âge de soixante-huit ans, et rendre, au cours d'une
si longue carrière, le témoignage d'une obéissance et d'une régularité
admirables. Ses exhortations affectueuses, non moins que ses prières, surent
attirer à la vie religieuse ses trois nièces, et ses exemples ne contribuèrent
pas médiocrement à éveiller en elles ces saintes dispositions qui devaient un
jour faire d'elles trois martyres.
Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait porté elle-même une
pieuse envie aux vingt-sept compagnes qui, du 6 au 26 juillet, avaient quitté la
prison pour l'échafaud et le paradis.
Interrogée à son tour, sollicitée de renoncer à ses vœux et
de prêter le serment qu'elle considérait comme schismatique, elle sut, par la
fermeté de ses réponses, lasser l'obstination de ses juges, et opposer à toutes
leurs invitations le refus le plus énergique.
Le soir même, elle allait rejoindre, aux noces de l'Agneau,
ses trois nièces Marguerite, cistercienne, Dorothée, ursuline comme sa tante, et
Madeleine, cistercienne comme son aînée. Elle avait soixante-dix ans. Son grand
âge n'avait pas arrêté les bourreaux ; mais à dire vrai, ils espéraient de ces
vieilles religieuses moins de fermeté, et plus de complaisance. Ils pensaient
que l'âge ayant affaibli leurs facultés, il serait facile d'obtenir d'elles, la
vieillesse aidant, quelque mot ou quelque signe, qu'ils pourraient aisément
interpréter comme une acceptation du serment ou une apostasie de leur vocation.
Ils se trompaient. De même que, sur les plus jeunes, la peur de la mort et
l'amour de la vie avaient été inefficaces, ainsi sur les plus vieilles, les
terreurs et les angoisses d'un sacrifice prochain étaient sans vertu. La
fidélité à leurs saints vœux, l'horreur d'un serment réprouvé par leur
conscience, la joie du martyre, et l'impatience du paradis, donnaient à de
faibles femmes le courage de mépriser la peur, de dompter la nature, et de
mourir en souriant... Par là, comme sur bien d'autres points, l'histoire des
trente-deux martyres d'Orange rejoint les annales de la primitive Église et fait
du récit de leur jugement et de leur mort comme la suite naturelle de la
grandiose et sanglante épopée des premières persécutions.
Abbé Méritan

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