Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

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Sœur Marie de Saint-Pierre
était-elle prophète ?

Le 13 février 1848, Sœur Marie de Saint-Pierre reçoit une communication importante: le Seigneur lui annonce des évènements très graves. Elle écrit le jour même:

"L’Église est menacée d’une horrible tempête, priez, priez...[1]

Jésus m’a donné cette connaissance à diverses fois, mais il n’est pas possible de rendre le touchant accent avec lequel ce charitable Sauveur me disait: 'Priez, priez!...' Et il m’a enseigné de quelle prière je devais me servir pour garder son Église dans le saint Nom de Dieu; c’est de celle qu’avant de quitter la terre il avait faite à son Père céleste pour ses apôtres et pour toute l’Église: 'Père saint, gardez en votre Nom ceux que vous m’avez donnés...'[2] Cet adorable Sauveur m’a fait entendre que sa justice était fort irritée contre les péchés des hommes, mais surtout contre les crimes qui outragent immédiatement la majesté de Dieu...

Notre-Seigneur m’a recommandé aussi de prier pour le nouveau Souverain Pontife. À la fin, il m’a semblé voir comme une fumée noire qui s’élevait vers le ciel; mais le soleil n’en a pas été obscurci, ce qui m’a un peu consolée. Cette fumée était l’emblème des ennemis, et le soleil représentait l’Église."

Le 20 février 1848, elle confirme: "Le dimanche 20 février, ayant offert la sainte communion en réparation des outrages faits à la Majesté divine, j’ai vu que c’en était fini! La France, trop coupable, allait être châtiée!... Il y a plus de quatre ans que le bras du Seigneur était levé sur nos têtes coupables!..."[3] Mais ce coup ne sera pas mortel pour la France: en effet, elle ajoute: "Notre-Seigneur m’a fait comprendre aussi que le clergé serait épargné; sans doute il aura des vexations, mais il ne sera pas persécuté ouvertement; le sang des prêtres ne coulera pas comme en 93[4], parce, m’a-t-il dit, il n’a pas à se plaindre du clergé comme il avait sujet de le faire à cette malheureuse époque. Oui, j’en ai la conviction, l’Église de France sera gardée en la vertu du très saint Nom de Dieu."

Sœur Marie de Saint-Pierre rappelle ce qu'elle disait dans une précédente lettre: "Le 13 février 1848, j’ai vu la lutte s’engager, et les ennemis, sous l’emblème d’une fumée noire qui s’élevait vers le ciel, mais qui n’a point obscurci le soleil de l’Église, parce que l’Église de France avait déjà invoqué le saint Nom de Dieu, et il devait être son refuge au moment de la tempête. Le Seigneur m’avait dit qu’en faveur de son œuvre naissante, celle qui devait être réduite à l’extrémité du malheur (la France) ne serait, en cette terrible commotion, que légèrement blessée. Il a exécuté jusqu’à présent ce qu’il m’avait promis; oui, il a gardé son Église en la vertu de son Nom salutaire; avant de frapper le grand coup de sa justice, il a dit: Père saint, gardez en votre Nom ceux que vous m’avez donnés...

Oh! que je voudrais faire savoir à tous les évêques cette consolante vérité, que le très saint Nom de Dieu est le refuge de l’Église de France, en leur demandant à grands cris l’œuvre réparatrice! Je l’ai toujours dit et je le répète encore: C’est elle qui doit désarmer la justice de Dieu et sauver la France. Heureux si l’on sait profiter de ce moyen de salut!" 

Mais,"pas de crainte pour le Carmel et l’Église." Jésus dit:

– Ne craignez point, petit troupeau; votre bercail est en mon Nom. Je vous tiens toutes cachées dans mon Cœur; il ne vous arrivera point de mal; j’ai la puissance entre mes mains, et je ne souffrirai pas qu’on vous arrache de mon sein. (Lettre du 26 février  1848)

La France, par contre :

Sœur Marie de Saint-Pierre insiste pour rencontrer l'évêque pour qu'il étende davantage l'Œuvre de la Réparation. Mgr Morlot refuse et la jeune sœur se soumet... et elle se tourne vers la sainte Face de Jésus: " Rien, n’est plus propre à désarmer sa justice irritée que de lui offrir cette très Sainte-Face, qui a mis sur sa tête les épines de nos péchés et qui s’est affermie comme un rocher sous les coups de cette même justice. Elle a payé nos dettes. Elle est notre caution; c’est pourquoi notre aimable Sauveur m’a commandé de me tenir sans cesse devant le trône de son Père, malgré mon indignité, et de lui offrir cette divine Face, objet de ses complaisances; et ce tendre sauveur m’a fait cette consolante promesse: 'à chaque fois que vous offrirez ma face à mon Père, ma bouche demandera miséricorde'. Ce bon Jésus m’a promis qu’il aurait pitié de la France. Ayons donc grande confiance; son Nom tout-puissant sera notre bouclier et sa Face adorable notre divin rempart. Mais il me faisait comprendre qu’il désirait voir se développer autant que possible la dévotion à cette Face adorable."

Et la sœur d'insister :

“Père saint, gardez en votre Nom ceux que vous m’avez donnés!” Voilà la divine prière qu’il faudrait faire continuellement pour la sainte Église, en union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Permettez-moi de vous rappeler les paroles que Jésus me dit après la sainte communion, le 21 novembre 1847, et qui firent couler mes larmes en ce jour de fête consacré à Marie. Il me parlait alors de l’œuvre réparatrice; il ajouta:

– Et quand, de mon bras puissant, j’ébranlerai ce trône pour en faire tomber celui qui y est assis, en quel état sera la France ?

Vous voyez que ce n’était pas sans raison que mon cœur était affligé, puisque les grands moments de Dieu approchaient. Mais hélas! L’heure de la justice a sonné, et, dans un clin d’œil, il fait ce qu’il dit. Je vous adore, justice de mon Dieu, et j’invoque votre miséricorde, Seigneur!

Je considère les prédictions que le Seigneur m’a faites, et je dis: Les voilà bientôt toutes vérifiées! Mon Dieu, n’ai-je pas sujet de trembler d’avoir été chargée d’une mission si redoutable... (Lettre du 26 février 1848)


[1] Cette prédiction, il est bon de le remarquer, se réalisa cette même année 1848, en France, en Italie, et particulièrement à Rome: le Saint-Père Pie IX fut obligé de quitter Rome pour se réfugier à Gaète.
[2] Évangile de saint Jean. Prière sacerdotale.
[3] L'Abbé Janvier, dans sa “Vie de la Sœur Saint-Pierre” précise: "Une révolution inattendue éclate à Paris, et fait sentir ses contrecoups dans l’Europe entière. Louis-Philippe, qui croyait son sceptre affermi depuis dix-huit ans, est contraint de prendre avec toute sa famille la route de l’exil."
[4] 1793, pendant la grande Révolution.

   

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