Une enfance protégée
Le 16 mai 1834, Sophie
Thérèse de Soubiran naît à Castelnaudary, petite ville du Lauragais
à 40 km environ au sud
de Toulouse. Sa famille très chrétienne est
issue de la vieille noblesse méridionale, ruinée à la Révolution
lorsqu’elle revint de son exil en Espagne.
Six ans plus tard, une
petite sœur Marie, vient la rejoindre. Le père, ancien militaire,
est austère et attaché aux valeurs traditionnelles ; ses enfants
reçoivent une éducation à la maison auprès de leur, mère, de la
tante Sophie restée célibataire et de l’oncle paternel, le chanoine
Louis de Soubiran. Tous habitent le vieil hôtel familial.
Le chanoine de Soubiran
dirige la Congrégation Mariale de Castelnaudary qui regroupe un
certain nombre d’enfants et de jeunes filles de cette ville et des
environs, de tous milieux sociaux. Sophie Thérèse y est admise très
jeune ; c’est là qu’elle entend l’appel à la mission. Elle note dans
ses écrits spirituels :
« De quatorze à dix
huit ans, le bon Dieu subjugua entièrement mon cœur… L’oraison sur
la vie et les mystères de notre Seigneur m’était facile et douce ;
j’y recevais de vives lumières sur la vie intérieure, le prix de la
souffrance connue de Dieu seul…l’abandon à la sainte volonté. Dès ce
moment le bon Dieu s’est attaché mon cœur…Oui les charmes de son
amour ont ravi mon cœur….Je reçus de vives lumières sur la beauté du
travail apostolique. Je compris l’abnégation qu’exigeait ce travail
tout divin et combien il est nécessaire de s’y dépenser sans cesse,
sans rien retenir pour soi-même, avec un soin tout particulier de
tout rapporter à Dieu….
La grâce d’une
grande dévotion au Sacré Cœur de Jésus me fut donnée, une douce
confiance en la très sainte Vierge… Mon âme désirait très vivement
le carmel, parce que l’on y est à Dieu sans partage… »
Le Béguinage
Depuis plusieurs
années, le chanoine de Soubiran mûrit le projet d’établir à
Castelnaudary, un Béguinage, institution religieuse médiévale pour
jeunes filles pieuses, restées célibataires mais sans vocation
religieuse proprement dite. Pour le réaliser, il compte sur sa nièce
qui va avoir vingt ans…
Cette proposition est
loin de répondre aux attraits de Sophie Thérèse qui lutte pendant un
an et fait une retraite pour se déterminer.
« pour exécuter la
volonté divine qui venait de m’être clairement manifestée, mon
esprit dut marcher de tout point sur tout ce qu’estime le monde… »
Le 8 août 1854, Sophie Thérèse part au Béguinage de Gand , en
Belgique pour s’initier à cette nouvelle vie.
De retour, dans sa
ville natale le 29 septembre de la même année, elle va directement
s’installer à l’Enclos du Bon Secours, préparé à cet effet par son
oncle : le Béguinage est fondé.
Des jeunes filles se
joignent à elle et le 14 novembre 1855, Sophie Thérèse y fait
profession et devient la Supérieure de cette petite communauté, sous
le nom de Mère Thérèse. Très vite elle modifie la Règle du
Béguinage, pour y mettre une vie plus conventuelle.
Dans la nuit du 5 au 6
novembre 1861, un incendie, ravage tout les bâtiments que l’on vient
de construire pour agrandir le couvent. Mère Thérèse emporte le
Saint Sacrement dans ses bras pour le mettre à l’abri et passe le
reste de la nuit en adoration ; la Sainte Vierge invoquée donna
miraculeusement le temps de sauver les religieuses et les 26 enfants
de l’œuvre de la Préservation qui étaient accueillies au Bon
Secours.
L’année suivante, Mère
Thérèse fait le vœu que toutes les Sœurs porteront le nom de Marie ;
à la date anniversaire de l’incendie, les religieuses renouvellent
une nuit d’adoration devant le Saint Sacrement.
Dès lors, l’aspiration
à une vie religieuse plus solidement établie se précise parmi les
Sœurs du Béguinage, où l’adoration eucharistique tiendrait une place
centrale.
Nuit de feu
Nuit du 5/6 novembre
1861 au Béguinage de Castelnaudary. Lieu source pour la
Congrégation.
« Le 6 novembre
1861, un incendie épouvantable dévora le couvent et faillit
envelopper dans ses flammes 26 religieuses et bon nombre d’enfants.
La très sainte Vierge invoquée donna miraculeusement le temps de
sauver les personnes ; pour l’édifice, il fut détruit ; et chose
remarquable, la veille au soir, après une instruction, il avait été
dit : être de mauvaises religieuses, donner naissance à une
communauté qui serait sans régularité et sans ferveur, il vaudrait
mieux mourir mille fois, oui, il vaudrait mieux que le bon Dieu nous
détruise toutes d’un seul coup,même en nous brûlant. »
Pendant l’incendie, et
dès que les secours furent organisés, Marie Thérèse de Soubiran, qui
avait emporté le Saint Sacrement pour le mettre à l’abri, passa le
reste de la nuit en adoration, rejointe par quelques religieuses.
« L’événement est
fondateur en ce qu’il est à l’origine de l’adoration eucharistique ;
et plus précisément de l’adoration de nuit. Il l’est aussi pour la
conception de la pauvreté religieuse à vivre à Marie Auxiliatrice.
Nuit de feu riche en
symboles bibliques :
– Nuit : temps de
repos, temps où peut germer la semence qui pousse toute seule. Nuit
qui enveloppe la terre de son mystère quand la Parole se fait chair.
Nuit pascale…
– Feu : qui brûle et
détruit, purifie et se propage, qui consomme le sacrifice adressé à
Dieu. Marie Thérèse n’a pas choisi de brûler sa maison ; celle-ci a
été livrée aux flammes sans son accord ! mystère de la destruction
d’un bâtiment et d’une œuvre pour la construction d’une autre maison
“selon le cœur de Dieu”, c’est le même mystère qui a pénétré les
profondeurs du « oui » de Marie Thérèse de Soubiran. Ce feu n’est
pas venu par hasard. A la lumière de la foi, elle a compris tout ce
qu’il signifiait pour elle et pour nous ».
Marie Auxiliatrice
Afin de mieux discerner
le dessein de Dieu sur le Béguinage,Mère Marie Thérèse demande
conseils et fait une retraite spirituelle de 30 jours selon les
Exercices spirituels de St Ignace, à Toulouse en 1864. Dans la
prière elle comprend que Dieu lui demande de continuer la fondation
ébauchée, mais en lui donnant une autre base.
Les Sœurs adopteront la
spiritualité ignatienne et trouveront Dieu aussi bien dans la prière
que dans l’action apostolique. Pour mieux se mettre entre les mains
de Dieu, « pour ne faire fond que sur Lui seul », Marie Thérèse
renonce à tous ses biens personnels par un vœu de pauvreté
radicale ; c’était le 7 juin 1864. Dieu lui donne une tâche à
accomplir, elle compte uniquement sur Lui pour la réaliser.
Mère Marie Thérèse se
met à l’œuvre : elle constate l’exode rural des jeunes vers la ville
où l’industrialisation commence à se développer. Le projet
apostolique de la Congrégation de Marie Auxiliatrice sera donc de :
« Soutenir les jeunes filles de l’âge de quatorze à vingt cinq ans
environ. Très spécialement cette partie de la jeunesse qui, sans
famille, réside dans les grandes villes, fréquente l’atelier et les
fabriques. Ce but étant un besoin de nos sociétés modernes qui
centralisent tout et remplacent les familles chrétiennes par des
masses d’individus… »
Marie Thérèse fonde une
communauté à Toulouse et ouvre une « Maison de famille », ancêtre du
Foyer de jeunes travailleuses.
Dès 1869, s’amorce une
période d’extension : elle ouvre une maison de famille à Amiens ,
sur la demande pressante de l’évêque, puis à Lyon A la guerre de
1870, Presque toutes les sœurs partent en Angleterre avec le
Noviciat qui regagne la France fin 1871 à Bourges, une communauté
reste en Angleterre ; une autre maison de famille s’ouvre à Paris,
puis à Angers.
Le développement de la
Congrégation a été très rapide, sous l’impulsion de Mère Marie
François qui a été élue Assistante Générale en 1871. Fin 1873, cette
dernière profite de petites difficultés pour annoncer une faillite
avec des comptes qu’elle a falsifiés et elle accuse la Supérieure
Générale, Mère M. Thérèse de ne pas savoir gouverner….
Un orage à Marie Auxiliatrice
Exil et départ de la Fondatrice
Sous l’action intrigante de son Assistante générale, début 1874
Marie Thérèse doit s’éloigner de la Congrégation qu’elle avait
fondée :
« Le 9 février, tout
se brisait pour moi,
la tempête me sépara violemment
de tout ce qui m’était le plus cher ici-bas…
Je fus rejetée sans asile, chargée de la responsabilité
de tout ce qui s’effondrait,
accusée par tous, de tous les malheurs
prêts à fondre sur Marie Auxiliatrice. »
Marie Thérèse quitte sa
communauté de Bourges ; elle va prendre conseil auprès du Père
Ginhac S.J qui réside à Castres ; elle démissionne de sa charge de
Supérieure Générale
« Mon Dieu seul me
restait, seul il me consolait dans ce flot d’amertume dans lequel
mon être tout entier semblait être submergé… »
Elle vit son exil à
l’hôpital de Clermont Ferrand, où elle est tolérée comme « hôte » ;
Marie Thérèse est dans le dénuement et presque l’indigence, elle
fait un peu de broderie pour subvenir à ses besoins…Elle prie et
s’en remet à la direction du Père Perrard, jésuite, qui l’accompagne
dans cette épreuve, et cherche pour elle un couvent qui accepterait
de la recevoir…Sa mauvaise santé et son passé de fondatrice, lui
ferment bien des portes…
Marie Thérèse de Soubiran au monastère de Notre Dame de Charité
Après 9 mois d’exil,
Marie Thérèse de Soubiran est accueillie le 20 septembre 1874, au
monastère Notre Dame de Charité, rue St Jacques à Paris. Admise
d’abord comme dame pensionnaire, elle entre au Postulat le 24
décembre.
Le 20 avril de l’année
suivante, elle prend l’habit et reçoit son nouveau nom : Sœur Marie
du Sacré Cœur ; elle est admise définitivement dans ce monastère le
29 juin 1877.
Avec beaucoup
d’humilité, de fidélité et d’amour, elle s’initie à tous les usages
et coutumes de sa nouvelle famille religieuse ; tantôt seconde
portière, ou troisième maîtresse, dans les classes, son apostolat
auprès des jeunes filles que recueille cet institut est réduit. Sa
santé se détériore très vite.
Pendant quinze ans,
Sœur Marie du Sacré Cœur, vit un enfouissement avec le Christ et une
résurrection en Lui. Elle relit sa vie, ses épreuves à la lumière
d’une foi toujours plus vive et d’une confiance sans limite en
l’amour de Dieu qui l’a dépouillée de tout et qui est devenu sa
force, sa joie, sa prière, sa plénitude.
« Notre Seigneur m’a
traitée comme une tendre mère qui, prenant son enfant dans ses bras,
lui enlève tout pour qu’enfin le petit ne regarde qu’elle, ne pense
qu’à elle. »
Le 7 juin 1889, Sœur
Marie du Sacré Cœur, s’endort dans la paix de Dieu.
Le 20 octobre 1946, le
Pape Pie XII, la proclame bienheureuse.
http://www.marieauxiliatrice.cef.fr/
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