On ne connaît pas beaucoup de détails personnels sur ce grand évêque oriental, qui joua pourtant un grand rôle dans les rapports entre Constantinople et les églises perses.
Quand lon voit la difficile situation des chrétiens du Moyen-Orient, on prendra intérêt à ce saint évêque et à la situation florissante de ces chrétientés dans les premiers siècles.
Le nom de Marutha est araméen : peut-être vit-il le jour dans une zone dinfluence perse, donc à lextrême orient de lEmpire romain. Il étudia la théologie et la médecine.
On le trouve au synode de Side (382-383), organisé par Flavien archevêque dAntioche contre les messaliens ou euchites, des vagabonds qui priaient et ne travaillaient point. Marutha y porte le titre dévêque de Sophene, région au sud-ouest de lArménie. Il est difficile de déterminer le nombre et les dates de ses missions en Perse.
Les empereurs romains, une fois chrétiens, avaient accoutumé dorner dun prélat leurs ambassades à la cour sassanide. On choisissait de préférence un évêque de Mésopotamie, bien au courant des affaires persanes à cause des relations fréquentes de voisinage. Il pouvait prendre langue avec ses coreligionnaires araméens vivant au-delà de la frontière ; il les sondait sur les menées et les projets du prince sassanide.
Cest comme évêque de Mésopotamie quil vint au synode du Chêne, près de Chalcéeoine (été 403). On ne sait au juste pourquoi il sy prêta, en apparence, sinon de cur, aux menées de Théophile dAlexandrie et de saint Epiphane contre saint Jean Chrysostome. Il pensait sans doute, dans un premier temps, obtenir la protection des chrétiens dans cette immense empire sassanide, et dans un second temps faire rapidement cesser lexil du Chrysostome. Cette attitude lui valut en tout cas les bonnes grâces du gouvernement et une mission en Perse.
De son côté, saint Jean Chrysostome exilé écrivait à son amie Olympias, vers la fin de 404 : Nabandonnez pas lévêque Marutha, veillez sur lui autant que vous le pouvez pour le tirer de labîme. Jai très grand besoin de lui dans les affaires de Perse. Tâchez dapprendre de lui, si possible, ce qui sest fait là-bas grâce à lui, pourquoi il est revenu et indiquez-nous si vous lui avez transmis les deux lettres que je lui ai envoyées
On voit ici avec quelle charité saint Jean Chrysostome considérait Marutha, le rejoignant en quelque sorte dans le souci commun du bien des fidèles.
Marutha sut se gagner lestime du monarque perse : il laurait délivré de maux de tête opiniâtres, ou bien il aurait libéré son fils dun démon. Ce qui est sûr, cest quil inclina le sassanide, Iazdgerd, à une politique favorable aux chrétiens et put ainsi réorganiser lEglise de Perse au moyen du concile de Séleucie (410). Les mages, jaloux du crédit de Marutha, firent entendre une voix au moment où le roi venait adorer le feu, disant quil fallait chasser ce prince ami dun pontife chrétien. Marutha conseilla au roi de faire creuser à lendroit où la voix sélevait. Le roi saperçut ainsi que ce nétait pas le feu qui parlait, mais un homme caché en un caveau. Il décima les mages et permit à Marutha de bâtir toutes les églises quil voudrait.
Iazgerd était un politique avisé qui jugea prudent de se concilier les nombreux chrétiens qui habitaient son vaste royaume. Il concéda à Marutha une sorte de concordat. Malheureusement, à la fin de sa vie, il nhésita point à persécuter ces chrétiens quand ils lui parurent gênants.
Au concile de Séleucie, Marutha se présenta nanti de trois lettres des Pères occidentaux. On adopta les canons de Nicée. Deux officiers du Roi des Rois demandèrent quIsaac fût primat et mirent le bras séculier au service dIsaac et de Marutha pour faire respecter les décisions du concile. On se sépara en remerciant le Roi des Rois et en décrétant des prières publiques.
Marutha pouvait être heureux du changement quil avait obtenu en si peu de temps. LEglise, hier persécutée et divisée, était maintenant protégée par la Porte Royale. Une hiérarchie organisée allait appliquer les règles canonisées dans le monde romain. La foi de Nicée unissait toutes les chrétientés syriennes. Plus de liturgies privées à domicile ; une église par paroisse, un évêque par diocèse (environ trente), un métropolitain par province (cinq), et un chef, le catholicos des villes royales, Séleucie-Ctésiphon.
Marutha embellit sa ville épiscopale, Maïperqat, très probablement lancienne Tigranocerte, que lon devait appeler Martyropolis à cause des nombreuses reliques de martyrs perses quil y apporta. Il la dota déglises, lentoura de murailles. La cité fut séparée du diocèse de Sophene.
Marutha fut donc un négociateur persuasif, éminent agent de liaison entre Constantinople et Séleucie.
Lorthographe du nom de cet évêque a pu différer : Maruta, Marutha, Maruthâ, Maroutha. Le Martyrologe Romain écrit Maruthas.
En Orient, on le fête le 16 ou 17 février ; en Occident, on lavait commémoré curieusement le 4 décembre, mais les récents contacts entre les Eglises catholique et orthodoxe ont fait adopter partout une date unique, ce qui fait que Marutha est mentionné maintenant au 16 février.
Bruno Kiefer, Prêtre
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