BREF HISTORIQUE
A quelques exceptions
près les "cahiers de doléances", rédigés avant la réunion des États
Généraux, proclament que le catholicisme est la religion du royaume
et doit le rester. Les rédacteurs des cahiers ne contestent
nullement l'autorité de l'Église et parlent même avec sympathie des
curés des paroisses. Des réformes sont cependant demandées : fin des
privilèges fiscaux, des droits seigneuriaux, des dîmes, meilleure
répartition des revenus ecclésiastiques par limitation des richesses
des évêques et attribution d'un traitement décent aux prêtres des
paroisses, remise en ordre du clergé régulier, en particulier
suppression de la commende et fermeture des abbayes dépeuplées.
Seuls 25 cahiers, sur plus de 1.300, demandent des mesures
anticléricales comme la suppression des vœux monastiques prônée par
les philosophes.
Cependant la
composition des États-Généraux allait amener rapidement aux mesures
extrêmes. Aux côtés d'adversaires résolus de l'Église Catholique,
agnostiques, déistes, anticléricaux, on trouve parmi les députés
catholiques de nom, ou même de vie, des personnes plus ou moins
gagnées aux idées des philosophes et de la "libre pensée". Parmi les
croyants sincères on trouve des députés se rattachant au jansénisme,
au richerisme, et au gallicanisme, tous courants de pensée
sourdement hostiles à Rome et au Pape et favorables à une domination
de l'État sur la Religion.
Quelques dates :
Le 12 mars 1792 Pie VI excommunie les
prêtres jureurs.
Le 28 avril de cette même année est
publié le décret
d'interdiction du costume religieux. Décret de suppression de toutes
les congrégations. L'anticléricalisme est de plus en plus virulent.
Le 27 mai 1792 est publiée la
loi permettant la "déportation"
(c'est à dire l'exil) au delà des frontières des prêtres
insermentés.
Pendant la nuit du 10 au 11 août,
la Commune insurrectionnelle
de Paris lance des ordres d’arrestation des prêtres réfractaires en
application de la loi du 27 mai.
Le 28 août,
Danton, ministre de la Justice, ordonne
des perquisitions chez tous les "suspects". Elles sont confiées aux
48 Sections de la Commune.
Pendant ce temps, en Normandie, dans le
Limousin, en Provence, des prêtres sont massacrés. A Paris,
l'Assemblée multiplie les mesures anticléricales et les décrets de
déchristianisation : annulation du vœu de Louis XIII, ordre de
fondre les bronzes et les ors des églises, répétition de
l'interdiction du port de l'habit ecclésiastique, de l'ordre de
suppression des congrégations qui pourraient subsister, renforcement
de la loi de déportation des prêtres insermentés prévoyant de les
envoyer en Guyane, s'ils ne franchissent pas la frontière.
Les arrestations
Dés l'arrestation du
Roi le 10 août 1792, le décret du 27 mai est considéré comme
exécutoire et le soir même la Commune communique aux sections des
listes de prêtres réfractaires aux fins d'arrestations. La chasse
aux réfractaires commence et va se poursuivre tout le mois.
Le 11 août en
fin de matinée, Monseigneur du Lau, particulièrement visé pour sa
courageuse attitude à la Constituante, est arrêté en même temps que
son vicaire général, les deux neveux de celui-ci et ses serviteurs
(qui seront relâchés peu après). Dans la journée les arrestations
continuent et, en fin de journée, Monseigneur du Lau et 46 prêtres
se retrouvent à la section du Luxembourg. Après un interrogatoire
sommaire, ils sont enfermés le soir même dans l'église des Carmes
transformée en dépôt : on leur donne du pain et de l'eau et ils
couchent à même le pavage, avec un garde à côté de chacun d'eux pour
interdire toute conversation.
Le 13 août,
c'est au tour de l'évêque de Beauvais d'être arrêté ; son frère,
l'évêque de Saintes, qui n'avait pas à prêter serment, son diocèse
étant supprimé, demande à le suivre ; ils sont tous deux conduits
dans l'église des Carmes. Le même jour, ce sont tous les prêtres
résidant à Saint-Firmin qui sont arrêtés et maintenus sur place, une
sentinelle est placée à l'entrée du séminaire avec consigne de
laisser entrer tout le monde et ne laisser sortir personne. Dans
l'après-midi les prêtres et les professeurs laïcs de la Maison des
Nouveaux Convertis sont amenés à Saint-Firmin au milieu des
hurlements et des insultes, ils sont incarcérés dans les chambres
des deux galeries du bâtiment neuf. On déclare aux prisonniers que
c'est pour assurer leur protection qu'ils sont incarcérés.
Le 15 août, dans
l'après-midi, une cinquantaine de volontaires lorientais armés,
conduits, par un nommé Lazowski dit Le Foudroyant, envahissent les
différentes maisons religieuses d'Issy. Ils arrêtent les professeurs
et les séminaristes du séminaire Saint-Sulpice d'Issy et 10
pensionnaires, pour la plus part âgés et infirmes, de la Maison
Saint-François-de-Sales et les conduisent à la pension de l'Abbé
Dubourg ; le maire d'Issy, alerté, se rend sur place et essaye de
démontrer que ces arrestations sont contraires au décret sur la
déportation des prêtres. Un "particulier vêtu d'un pantalon et veste
bleu, décoré d'un hausse col, sans dire son nom et qualité" présente
deux papiers dont il lit les premiers mots sans présenter le reste
et déclare qu'il n'y a plus de loi qui puisse l'arrêter. Le maire,
trouvant les esprits échauffés et disposés à en venir aux mains avec
la force armée de sa commune, ne croit pas prudent d'opposer toute
l'autorité de la loi à cette démarche violente. Il obtient tout de
même que trois des prêtres, les plus âgés, soient libérés.
A la tombée de la nuit,
vingt huit prêtres et séminaristes, en habit ecclésiastiques,
puisque pris dans l'intérieur de leurs maisons, sont alors emmenés à
Paris. Ils sont précédés du Foudroyant à cheval et de deux canons,
avec accompagnement de tambours, escortés par des hommes armés qui
poussent des cris de mort et obligent les vieillards infirmes à
marcher plus vite à grands renforts de coups. Au bout d'une marche
de près de 5 kilomètres, à 11 heures du soir, ils sont enfermés dans
l'église des Carmes.
Le 16 août au
matin, le Bataillon de Vaugirard arrête les prêtres insermentés et
les séminaristes des maisons de campagne des collèges de Laon et des
Robertins situées dans ce village. Ils sont conduits sous les cris
et huées, par la rue de Sèvres, à la section de la Croix Rouge qui
siégeait dans l'église des Prémontrés (à l'angle des rues de Sèvres
et du Cherche-Midi) ; là, après plusieurs heures d'attente sans
manger, vers 3 heures et demie du matin, les séminaristes reçoivent
l'ordre de rentrer dans leur famille, les prêtres sont conduits dans
l'église des Carmes.
Les rafles continuent
systématiquement par établissement religieux ou par rue et chaque
jour de nouveaux prêtres sont arrêtés et conduits aux dépôts de
Saint-Firmin et des Carmes ou dans les prisons de l'Abbaye et de La
Force.
Le 28 août
Danton, ministre de la justice, ordonne à toutes les Sections
d'effectuer des visites domiciliaires chez tous les suspects. Du
29 au 30 août les barrières de Paris sont fermées, pendant que
des patrouilles vont de maison en maison. Des milliers
d'aristocrates, bourgeois, et prêtres insermentés, accusés d'êtres
conspirateurs et traîtres à la Patrie, sont arrêtés et conduits dans
les différentes prisons de Paris.
Les dernières
arrestations de prêtres auront lieu le 2 septembre dans la
matinée, ils seront conduits directement à l'Abbaye et massacrés
devant la porte.
Pendant ce temps les
rumeurs courent bon train : on a vu des prêtres tirer sur les
patriotes le 10 août, on a trouvé des armes cachées dans un
presbytère de banlieue, un condamné sur le point d'être exécuté a
révélé un vaste complot dans les prisons, en liaison avec les nobles
restés chez eux et visant à poignarder dans le dos les patriotes qui
tenteraient de s'opposer à la progression de l'ennemi.
La peur s'installe dans
la population, les meneurs ont beau jeu de remuer les foules. Les
journaux révolutionnaires appellent au meurtre, comme "L'Ami du
Peuple" du 19 août dans lequel Marat écrit : "Avant de voler aux
frontières, il faut être sûr de ne laisser derrière soi aucun
traître, aucun conspirateur... Le plus sûr parti est de se porter en
armes à l'Abbaye, d'en arracher les traîtres, particulièrement les
officiers suisses et leurs complices et les passer au fil de
l'épée."
Le 28 août ce
sont des affiches qui proclament qu’"il faut que le peuple
juge lui-même les grands procès des conspirateurs".
La chapelle des Carmes
et le séminaire Saint-Firmin ne sont pas des prisons à proprement
parler, ce sont des "dépôts" dans lesquels les prêtres sont retenus
en attente de leur déportation. Le régime officiel des prisons ne
leur est pas obligatoirement applicable et le règlement intérieur en
vigueur est celui fixé par les Sections dont ils dépendent. Il n'y a
pas de registres d'écrou mais un simple cahier d'enregistrement des
entrées tenu par le concierge.
La vie dans les prisons
Aux Carmes
Les premiers jours les
prisonniers doivent dormir à même le pavage de l'église ou sur les
quelques chaises qui se trouvent là .Il est ensuite permis, à ceux
qui en ont les moyens, de se procurer lit de sangles et paillasse.
Les fidèles du quartier sont autorisés à apporter aux prêtres ce qui
leur est nécessaire : lit, linge, nourriture. Un traiteur apporte
régulièrement des repas, des fidèles payant pour les prêtres
démunis. Toute la nourriture, même les bouillons destinés aux
malades, est soigneusement fouillée au sabre par les gardes.
Les détenus sont
confinés dans l'église, sans possibilité d'en sortir ; de très
nombreux gardes y séjournent aussi. Au bout de quelques jours le
médecin de la Section obtient, pour éviter les risques d'épidémie,
que les prisonniers sortent dans le parc une heure le matin et une
heure l'après-midi pendant qu'on tente d'aérer l'église en brûlant
des herbes fortes et des liqueurs spiritueuses. Selon le caprice des
gardes cette sortie s'effectue tous ensemble ou par moitié. Des
gardes dans chaque allée limitent les parties du jardin où la
promenade est autorisée. Des appels nominatifs ont lieu avant et
après chaque sortie.
Les visites venant de
l'extérieure sont également autorisées à certaines heures, sous
contrôle des gardes. Elles se poursuivront jusqu'au 2 septembre au
matin.
La garde est relevée
chaque jour, mais presque tous les jours les gardiens insultent le
pape, qu'ils traitent, entre autres, d'antéchrist, et les
prisonniers ; Monseigneur du Lau est tout particulièrement visé,
mais, aux provocations, il oppose calme et sérénité.
La nuit, le repos n'est
pas toujours facile à prendre, les gardes sont toujours présents
dans l'église, bruyants et grossiers, et c'est en général en pleine
nuit, dans un grand tapage, que sont amenés les nouveaux
prisonniers. Ils seront ainsi 160 (dont 8 ou 9 laïcs), ce qui posera
quelques problèmes pour étendre les matelas et obligera à en replier
un grand nombre dans la journée.
Bien qu'il ne leur soit
pas permis de célébrer la messe, même le dimanche, les prisonniers
organisent leur vie religieuse. Comme ils n'ont pu apporter que peu
de bréviaires, ils se repartissent en trois groupes sous la
direction des évêques : après la prière commune du matin, "un tiers
vaquait à l'oraison, l'autre tiers à la récitation de l'Office ou à
la lecture, les autres prenaient les exercices d'une récréation
modeste et paisible qui ne troublaient aucunement ceux que la piété
occupait alors".
Lors de la sortie dans
le jardin, ils sont nombreux à se réunir dans l'oratoire de la
Sainte Vierge (à l'emplacement du 102 de la rue de Rennes actuelle).
Les massacres
Le 1er
septembre,
le bruit court que les Prussiens ont investi Verdun et l'ont sommé
de se rendre.
Le 2 septembre au
matin, la Commune fait placarder dans Paris un appel aux armes,
il prévoit la fermeture des barrières, l'ordre de marche pour Verdun
de tous les hommes valides, le désarmement des suspects et de ceux
qui refuseraient de marcher ; il ordonne de tirer le canon d'alarme
et de battre la générale dans toutes les sections, les membres du
conseil général doivent retourner dans leurs sections respectives et
"y annonceront les dispositions du présent arrêté, y peindront avec
énergie à leurs concitoyens les dangers imminents de la Patrie, les
trahisons dont nous sommes environnés ou menacés".
A la section du
Luxembourg, dans l'église Saint-Sulpice, on délibère. Un membre
propose qu'avant de partir aux frontières on se débarrasse des
individus détenus dans les prisons et en particulier des prêtres
détenus aux Carmes ; plusieurs membres, dont Violette, accueillent,
tout d'abord, cette proposition avec réticence. Un autre membre,
Carcel, horloger, propose alors qu'une commission soit désignée pour
traduire devant les tribunaux ceux qui avaient des faits à leur
charge ; cette nouvelle proposition est violemment combattue par les
partisans des solutions extrêmes et finalement "la motion d'un
membre de purger les prisons en faisant couler le sang de tous les
détenus de Paris avant de partir, les voix prises, elle est
adoptée". Trois commissaires ont été nommés ... pour aller à la
ville communiquer, afin de pouvoir agir d'une manière uniforme." La
section Poissonnière, de son côté, adopte une motion semblable "que
tous les prêtres et personnes suspectes enfermés dans les prisons de
Paris, d'Orléans et autres seront mis à mort". Elle le fait
connaître à celle du Luxembourg. Carcel, redoutant ce qui allait
arriver, se rend auprès du commandant Tanche, de la Garde Nationale,
pour qu'il rassemble le plus grand nombre possible de citoyens afin
de protéger les prisonniers qu'on veut attaquer, mais en vain, il
n'est pas entendu.
En ville, dans le bruit
du canon et de la générale, on dresse des estrades aux carrefours
pour recueillir les enrôlements ; de nombreux attroupements se
forment, les esprits s'échauffent. En début d'après-midi, on sonne
le tocsin à tous les clochers de Paris, ce n'est "point un signal
d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la Patrie" dit Danton
qui dans le même discours annonce qu'une partie du peuple va se
porter aux frontières, une autre va creuser des retranchements, et
la troisième avec des piques défendra l'intérieur de nos villes."
Dans les prisons,
depuis le matin, les détenus sentent que quelque chose se prépare :
les gardes sont renforcées, on sert le repas plus tôt, on fouille
les détenus avec un soin tout particulier on leur enlève beaucoup
d'objets en particuliers leurs couteaux, des traiteurs, comme à la
Force, se font payer les repas plus tôt qu'à l'accoutumé. Aux Carmes
la sortie du matin est supprimée, mais les visiteurs extérieurs
restent autorisés.
C'est alors que
commencent vers 15 heures les massacres, menés d'abord d'une
façon anarchique par quelques individus, à l'Abbaye et aux Carmes,
puis, dans ces deux mêmes prisons, à partir de 16 heures environ
d'une manière plus organisée après l'arrivée de "commissaires" qui
contrôlent les identités et opèrent un certain tri des victimes. Ils
dureront 5 jours faisant entre 1243 et 1411 victimes.
A l'Abbaye, sous la
"présidence" de Maillard, ils dureront jusqu'au 4 septembre en fin
de matinée (180 morts env. dont 21 prêtres sur 238 prisonniers dont
29 prêtres), aux Carmes, avec Violette, ils cesseront vers 18 heures
faisant 116 morts sur 162 à 172 prisonniers. Vers 21 heures c'est à
la Conciergerie que commencent les massacres qui dureront 9 heures
(275 morts env. sur 500 détenus) ; vers minuit c'est au tour des
prisons de la Force (165 morts env. dont 3 prêtres, sur 408 détenus
- ils dureront jusqu'au 7 septembre au matin) et du Châtelet (220
morts env. sur 269 détenus, tous de droit commun - ils cesseront le
3 septembre vers 4 heures du matin). Le 3 septembre à partir de 5
heures 30 et pendant environ deux heures les tueurs s'attaquent aux
détenus du séminaire Saint-Firmin (77 morts, tous prêtres, sauf 4
laïcs suivant volontairement leur sort, sur 91 ou 93 détenus). A 8
heures, aux Bernardins, à coté de Saint-Firmin, les tueurs
massacrent, 73 forçats sur les 75 qui y étaient détenus en instance
de transfert sur le bagne, les accusant d'être des prêtres déguisés.
Dans l'après-midi du 3 septembre, c'est au tour de Bicêtre (asile de
vieillards, maison de correction et prison pour mendiants, vagabonds
et droits commun), ils cessent à la nuit pour reprendre en fin de
matinée le 4 et se terminer vers 15 heures (165 morts env., dont 43
enfants de 12 à 17 ans, sur 411 prisonniers et pensionnaires ), puis
à 17 heures le même jour les tueurs arrivent à la Salpêtrière,
prison-hospice pour femmes (35 victimes sur 270 détenues)
Aux Carmes
Le 31 août,
Manuel, commissaire de la Section vient annoncer aux détenus que le
décret de déportation leur sera signifié le dimanche 2 et qu'on leur
rendra la liberté pour qu'ils puissent se mettre en devoir d'obéir à
la loi et gagner la frontière. Les prêtres qui le peuvent font venir
argent et vêtements en bon état pour le voyage.
La matinée du 2
septembre se passe comme à l'ordinaire dans les exercices de la
piété chrétienne. Vers midi, on entend battre la générale et gronder
le canon d'alarme. Mais cela inquiète moins les détenus que la
mauvaise garde de ce jour là. Pendant le repas un officier de garde
dit aux prêtres : “lorsque vous sortirez, on vous rendra à chacun ce
qui vous appartient”.
La promenade habituelle
est différée puis, finalement, annoncée vers 3 heures ;
contrairement aux usages les prêtres âgés, malades ou infirmes sont
obligés de sortir.
Dans le jardin la garde
est doublée et toute composée de gens armés de pique; la chapelle de
la Vierge est fermée, mais sur intervention de l'évêque de Saintes,
elle est rouverte et plusieurs prêtres s'y rendent.
Vers 16 heures,
les détenus entendent de grandes clameurs au voisinage ; et peu de
temps après, un groupe de forcenés apparaît aux fenêtres menaçant de
leurs piques. Certains qu’ils vont être massacrés les prêtres se
donnent l’absolution l’un à l’autre. Les gardes disparaissent et les
tueurs entrent dans le jardin armés de fusils à baïonnettes, de
piques et de pistolets. Ils massacrent le premier qu'ils
rencontrent, l'abbé Girault qui lisait son bréviaire près du bassin;
l'abbé Salins qui se trouvait à proximité se précipite pour
s'interposer mais est abattu d'un coup de fusil. Puis ils se
précipitent dans le jardin en réclamant l'archevêque d’Arles. Les
prêtres qui entourent Mgr du Lau veulent le cacher mais lui leur
répond que puisque c’est lui qui est recherché il ne seront apaisés
que quand il l’auront trouvé. Un des tueurs devance les autres et
vient au devant du groupe entourant Mgr du Lau “Es-tu l'Archevêque
d'Arles ? ― Oui, je le suis, répondit-il calmement. ― C'est donc toi
qui a fait répandre tant de sang à Arles. ― Moi ? Je ne sache pas
avoir fait du mal à personne. ― Scélérat ! Je vais t'en faire à
toi !“ Et aussitôt, il lui décoche un grand coup de sabre sur la
tête. A ce premier coup, Mgr du Lau joint ses mains et s'en couvre
le visage et, sans faire la moindre plainte, il est mis à mort. Un
second assassin vient encore enfoncer sa pique dans le corps de la
victime ; il lui arrache sa montre et l'a présente à ses camarades
d'un air content et satisfait.
Les tueurs se
précipitent alors vers la petite chapelle de la Vierge du jardin,
et déchargent leurs fusils et leurs pistolets. Mgr de la
Rochefoucauld, évêque de Beauvais, est blessé à la jambe.
Plusieurs prêtres
escaladent le mur de clôture. L'un d'eux, l'abbé Gallais, renonce à
fuir et revient partager le sort de ses compagnons, il est alors
blessé d'un coup de feu à la jambe ; 5 ou 6 autres parviennent à
s'échapper. Dans le jardin, le "parc aux cerfs" disent les tueurs,
la "chasse" continue, plusieurs prêtres sont blessés à coups de feu
et achevés à l'arme blanche.
Le massacre dure depuis
une quinzaine de minutes quand des fenêtres on crie “Arrêtez ! C'est
trop tôt; ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre !” Violette,
commissaire de la Section, accompagné de 12 à 20 hommes, entre alors
dans le jardin et ordre est donné aux prisonniers de rentrer dans
l'église. Toujours excités les tueurs continuent de tirer des coups
de fusils. Quand il pense que tous les rescapés ont pu rentrer dans
l’église Violette fait fermer la porte du perron, mais les abbés
Martin et Grayot de Kéravenant, sont encore à l'extérieur, ils
escaladent un appentis, se réfugient dans les combles de l'allée
menant de la maison aux lieux communs. Ils y restent jusqu'à 7 h et
demie le lendemain matin, "entendant tous les coups sans qu'aucun
cri ait été poussé par les victimes".
Enfermés dans l'église,
les détenus entendent encore des coups de feux dans le jardin; ils
sont entassés dans le chœur, la nef leur étant interdite. Deux des
détenus, l'abbé Leturc et le frère Istève parviennent à se cacher
dans l'escalier menant à la chaire et échapperont ainsi au massacre
; un autre se cache sous des matelas (pris d'éternuements il sera
découvert vers 21 heures et massacré).
Rentrés dans l'église
les prêtres, au milieu des hurlements, se prosternent au pied du
crucifix qui y restait, seul et unique signe religieux qui n’avait
pas pu être enlevé. .Brusquement les forcenés font silence, c'était
Mgr de la Rochefoucauld qu'on portait avec assez d'humanité. On le
place sur un lit, où son frère l’évêque de Saintes, vient le
rejoindre. Puis les forcenés recommencent cris, insultes et menaces.
C’est alors que parait
un commissaire de la Section qui implore les droits de l'humanité
faveur des détenus. Mais il met si peu de chaleur et d'intérêt dans
son discours qu'il n'eut aucun succès.
Dès qu'il fût sorti de
l'église, on ordonne aux prêtres de cesser les prières et de se
lever. Un des tueurs leur demande alors d'un ton menaçant : “Avez
vous prêté le serment ?” Il lui est répondu, que pas un des détenus
n'avait prêté ni ne prêterait ce serment,. “C'est égal, allons,
passez, passez, votre compte est fait."
Deux par deux les
prêtres sont appelés et, sortant par la chapelle de la Vierge, il
passent dans le petit corridor menant au jardin, sont poussées vers
le petit perron où ils sont massacrés à coup de sabres, de piques et
d'outils agricoles. Les corps sont traînés et entassés au pied d'un
if proche.
L'évêque de Beauvais
appelé à son tour, dans les derniers, fait remarquer qu'il ne peut
marcher et demande de l'aide, il est alors soutenu humainement par
des gardes qui le conduisent jusqu'au perron.
Des gardes nationaux
réussissent à soustraire plusieurs prêtres au massacre, deux d'entre
eux sont conduits à l'extérieur par leurs sauveurs, les abbés Saurin
et Letellier ; l'Abbé de La Pannonie est invité à profiter de
l'invasion de l'église par une foule de pillards et de badauds pour
se mêler à elle et gagner la sortie. D'autres enfin sont regroupés
sous garde armée pour être jugés à la Section.
Aux environs de 18
heures les massacres cessent, et les 30 derniers prisonniers, dont 8
laïcs, sont conduits sous escorte à la Section, ils seront relâchés
les jours suivants.
En arrivant à la
Section, après le massacre, un des commissaires dit :”Je ne comprend
pas ces gens, ils allaient à la mort comme on va à un mariage !“
Toute la nuit on entend
des chants et des cris dans le jardin. Le lendemain matin la
section du Luxembourg confie à Daubanel, son secrétaire, le soin de
faire enterrer les cadavres. Dès le matin du 3 septembre deux grands
chariots sont amenés dans le jardin, et, remplis d’une quinzaine de
corps chacun, les emportent au cimetière de Vaugirard là les corps
sont déposés dans une fosse commune creusée en face de la petite
porte du milieu, et recouverts de chaux.. Les autres corps sont
jetés dans un puits du jardin près de l'angle des rues d'Assas et
de Coëtlogon actuelles. Ce puits sera retrouvé en 1867, lors du
percement de la rue de Rennes et les ossements de 90 corps environ
retirés et analysés seront déposés dans la crypte de l'église des
Carmes.
LISTE Martyrs
Béatifiés
(95)
Évêques
– François,
Joseph de La ROCHEFOUCAULD MAUMONT ; évêque de Beauvais.
– Pierre,
Louis de La ROCHEFOUCAULD BAYERS ; évêque de Saintes
(Charente-Maritime).
– Jean-Marie
du LAU d'ALLEMANS ; archevêque d'Arles (B.-du-R.).
Prêtres, diacres, Religieux, Clercs
– Vincent
ABRAHAM ; curé de Sept-Saulx (Marne).
– André
ANGAR ; second vicaire paroisse Saint-Sauveur, à Paris.
– Jean,
Baptiste, Claude AUBERT ; curé de Notre-Dame à Pontoise
(Val-d'Oise).
– François
BALMAIN ; confesseur des Filles de la Croix à Rueil
(Hts-de-Seine)
– Jean,
Pierre BANGUE ; chapelain de l'hôpital Saint-Jacques, à
Paris.
– Louis
BARREAU de LA TOUCHE ; professeur à l'école de Sorèze
(Tarn).
– Louis,
François, André BARRET ; vicaire à Saint-Roch, à Paris.
– Joseph
BECAVIN ; ordonné prêtre à Paris le 15 avril 1792.
– Charles
BERAUD du PEROU ; vicaire Général de Saintes
(Charente-Maritime).
– Jacques,
Jules BONNAUD ; vicaire général à Lyon (Rhône).
– Louis,
Alexis, Mathias BOUBERT ; diacre économe des Clercs de
Saint-Sulpice à Paris.
– Jean,
Antoine, Hyacinthe BOUCHARENC de CHAUMEILS ; vicaire
général de Viviers, (Ardèche).
– Jean,
François BOUSQUET ; canoniste, demeurant à Paris.
– Jean,
François BURTE ; supérieur des Cordeliers, à Paris.
– Claude
CAYX dit DUMAS ; pensionnaire de la maison Saint-François
de Sales à Issy (Hts-de-Seine).
– Jean
CHARTON de MILLOU ; confesseur des religieuses du
Saint-Sacrement à Paris.
– Claude
CHAUDET ; administrateur des sacrements de
Saint-Nicolas-des Champs, à Paris.
– Ambroise,
Augustin CHEVREUX ; Supérieur Général des bénédictins de
la Congrégation de Saint-Maur.
– Nicolas
CLERET ; chapelain des Incurables, à Paris.
– Claude
COLIN ; maître au spirituel de l'Hôtel-Dieu à Paris.
– Bernard,
François de CUCSAC ; supérieur des philosophes du
séminaire Saint-Sulpice de Paris
– François
DARDAN ; confesseur des élèves de Sainte-Barbe, à Paris.
– Guillaume,
Antoine DELFAUT , curé de Daglan (Dordogne).
– Mathurin,
Victor DERUELLE ; chapelain des Filles de la Charité de
Saint-Gervais à Paris.
– Gabriel
DESPREZ DE ROCHE ; vicaire général de Paris.
– Thomas,
Nicolas DUBRAY ; prêtre-sacristain de Saint-Sulpice à
Paris.
– Thomas,
René DUBUISSON ; curé de Barville (Loiret).
– François
DUMASRAMBAUD de CALANDELLE ; secrétaire de l'évêque de
Limoges.
– Henri,
Hyppolyte ERMES ; premier vicaire de
Saint-André-des-Arts, à Paris.
– Armand
FOUCAULD DE PONTBRIAND ; vicaire général d'Arles.
– Jacques,
FRITEYRE DURVE ; prédicateur, missionnaire à Paris.
– Claude,
François GAGNIERES des GRANGES ; pensionnaire de la
maison Saint-François-de-Sales, à Issy (Hauts-de-Seine)
– Jacques,
Gabriel GALLAIS ; supérieur du séminaire des Robertins à
Paris.
– Pierre
GAUGUIN ; bibliothécaire au séminaire d'Issy
(Hts-de-Seine).
– Louis,
Laurent GAULTIER ; aumônier de l'hôpital des incurables,
à Paris.
– Georges
GIRAULT ; en religion Père SEVERIN de SAINT-JEAN,
confesseur des religieuses franciscaines de Sainte-Elizabeth, à
Paris.
– Jean
GOIZET ; curé de Notre-Dame à Niort (Deux-Sèvres).
– André
GRASSET de SAINT SAUVEUR ; chanoine de Sens.
– Pierre,
Michel GUERIN ; directeur au séminaire de Nantes.
– Jean,
Antoine GUILLEMINET ; vicaire à Saint-Roch, à Paris.
– François,
Louis HEBERT ; coadjuteur du supérieur général des
Eudistes, confesseur du Roi.
– Jacques,
Etienne, Philippe HOURIER ; directeur au séminaire de
Laon, à Paris.
– Jean,
Baptiste JANIN ; aumônier de la Salpétrière à Paris.
– Jean
LACAN ; aumônier de l'hôpital de la Pitié, à Paris.
– Pierre
LANDRY ; vicaire de Notre-Dame à Niort.
– Claude,
Antoine, Raoul LA PORTE ; curé de Saint-Louis de Brest.
– Robert
LE BIS ; curé de Saint-Denis de Briis-en-Josas (Essonne).
– Mathurin,
Nicolas LE BOUS de La VILLECROHAIN dit VILLENEUVE ;
confesseur des Bénédictines à Paris.
– Guillaume,
Louis, Nicolas LECLERCQ ; en religion Frère SALOMON;
secrétaire général du Supérieur Général des frères des Ecoles
Chrétiennes.
– Olivier
LEFEBVRE ; chapelain des Dames de la Miséricorde, à
Paris.
– Urbain
LEFEVRE ; attaché au clergé de Saint-Eustache à Paris.
– François
LEFRANC ; supérieur du séminaire de Coutances et vicaire
général de ce diocèse.
– Charles,
François LE GUE ; prédicateur à Paris.
– Jacques,
Joseph LEJARDINIER DESLANDES ; curé de La Feuillie
(Manche).
– Jacques,
Jean LE MEUNIER ; vicaire de Notre-Dame de Mortagne
(Orne).
– Vincent,
Joseph LE ROUSSEAU de ROSENCOAT ; confesseur des
religieuses de la Visitation à Paris.
– François,
César LONDIVEAU ; vicaire à Saint-Martin d'Evaillé
(Sarthe).
– Louis
LONGUET ; chanoine de Saint-Martin de Tours.
– Jacques,
François de LUBERSAC SAINT-GERMAIN ; aumônier de Madame
Victoire, tante du Roi.
– Marie,
Auguste LUZEAU de la MULONNIERE ; ancien directeur au
séminaire d'Angers (Maine-et-Loire)
– Gaspard,
Claude MAIGNIEN ; curé de Villeneuve les Sablons (Oise).
– Jean,
Philippe MARCHAND ; vicaire de Notre-Dame à Niort
(Deux-Sèvres).
– René
Julien MASSEY ; prieur de Saint-Florent de Saumur
(Maine-et-Loire).
– Louis,
Jean, Guillaume MAUDUIT ; curé de Saint-Pierre à Noyers
(Loiret).
– François,
Louis MEALLET de FARGUES ; vicaire général de Clermont
(P-de-D).
– Jacques,
Alexandre MENURET ; supérieur de la maison de retraite de
Saint-François de Sales à Issy (Hauts-de-Seine).
– Jean,
Jacques MOREL ; en religion Frère APOLLINAIRE de PREZ;
vicaire des Allemands à la paroisse Saint-Sulpice à Paris.
– Jean-Baptiste
NATIVELLE ; vicaire à Saint-Martin de Longjumeau
(Essonne).
– René
NATIVELLE ; vicaire à Saint-Denis d'Argenteuil
(Hauts-de-Seine).
– Auguste,
Denis NEZEL ; tonsuré, professeur de latin à la Maison
Dubourg à Issy (Hauts-de-Seine).
– Antoine,
Mathieu, Augustin NOGIER ; chapelain des Ursulines à
Paris.
– Pierre,
François PAZERY de THORAME ; vicaire général d'Arles.
– Joseph,
Thomas PAZERY de THORAME ; sous-doyen du chapitre de la
cathédrale de Blois, (Loir-et-Cher.
– Jules,
Honoré Cyprien PAZERY de THORAME ; vicaire général de
Toulon.
– Pierre
PLOQUIN ; vicaire de Druye (Indre-et-Loire).
– Jean-Baptiste,
Michel PONTUS ; vicaire de Saint-Sulpice, à Paris.
– René
Nicolas PORET ; curé de Saint-Martin à Boitron (Orne).
– Julien,
Augustin POULAIN DELAUNAY ; premier chantre d'office à la
paroisse de Toussaints, à Rennes.
– Pierre,
Nicolas PSALMON ; supérieur de la communauté de Laon, à
Paris.
– Jean,
Robert QUENEAU ; curé de Saint-Doucelin à Allones,
(Maine-et-Loire).
– Antoine,
François, Dieudonné de RAVINEL ; diacre, séminariste au
séminaire de Saint-Sulpice, à Issy.
– Augustin,
ROBERT de LEZARDIERE ; diacre, séminariste au séminaire
de Saint-Sulpice à Issy (Hauts-de-Seine).
– Claude
ROUSSEAU ; directeur au séminaire de Laon, à Paris.
– François,
Urbain SALINS de NIART ; chanoine de Saint-Lizier
(Ariège).
– Jean,
Henri, Louis, Michel SAMSON ; vicaire de Saint-Gilles de
Caen.
– Jean,
François de SAVINE ; supérieur des Clercs de
Saint-Sulpice à Paris.
– Jean,
Antoine, Barnabé SEGUIN ; vicaire et supérieur des clercs
de Saint-André-des-Arts..
– Jean-Baptiste,
Marie TESSIER ; prédicateur à Saint-Sulpice.
– Loup
THOMAS dit BONNOTTE ; confesseur des Ursulines à Paris.
– François
VAREILHE-DUTEIL ; chanoine de Saint-Merry à Paris.
– Pierre,
Louis, Joseph VERRIER ; aumônier de l'hospice de Bicêtre
à Paris.
Laïc
– Charles-Régis
MATHIEU de la CALMETTE ;
comte de VALFONS ; ancien officier.
NOTA :
Pour mieux connaîtare cette période troublée et
douloureuse de notre histoire, nous vous invitons à visiter
un très important site qui vous donnera de précieux détails,
non seulement sur l'Histoire elle-même, mais aussi sur les
personnages qui en ont été les victimes.
Il est rare que nous fassions une telle recommandation, mais
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