Materne de Cologne
Évêque de Trèves et de Cologne, Saint
† 328

La vie de S. Materne a été extrêmement défigurée par les fables des légendaires, qui en ont fait tin disciple de S. Pierre. Ce qu'on en peut dire de certain, c'est qu'il fut envoyé dans les Gaules par le Saint-Siège, avec saint Euchaire et S. Valère, sur la fin du troisième ou au commencement du quatrième siècle , pour y prêcher l'Evangile.

II est très vraisemblable que S. Valère gouverna le diocèse de Trèves, après S. Euchaire et du temps de Constance Chlore, et que vers le même temps S. Materne annonça l'Evangile à ceux de Tongres et de Cologne et aux peuples circonvoisins, et posa ainsi les fondements de ces deux évêchés. Il n'est pas moins probable, que S. Materne fut un de ceux qui enseignèrent la religion chrétienne à Constantin-le-Grand, et qu'après la mort de S. Valère, il devint évêque de Trèves. On convient assez unanimement qu'il gouverna d'abord ce diocèse conjointement avec les cités de Cologne et de Tongres, et qu'après avoir établi pour l'église de Trèves un pasteur particulier, que l'on croit avoir été S. Agrèce, il se borna au gouvernement spirituel des deux autres cités, où son zèle devait avoir de quoi s'exercer, puisqu'elles renfermaient toute la seconde Germanie, l'une des plus considérables provinces des Gaules. Cependant on ne saurait conclure de là que S. Materne ait été le premier évêque de Tongres. II fut en effet le premier apôtre de la cité de Tongres ; mais c'était en qualité d'évêque de Cologne qu'il étendait ses soins jusqu'à là, comme c'avait été en qualité d'évêque de Trêves, qu'il avait d'abord prêché l'Évangile aux peuples de la cité de Cologne avant qu'il en devint le pasteur propre et titulaire.

Des documents authentiques prouvent clairement la vénération universelle qu'on avait pour Materne. Le récit suivant nous en donnera une idée. A la mort de Mensurius , évêque de Carthage, en Afrique, Cécilien, archidiacre de cette église, fut légalement élu évêque et sacré. Il demanda les vases sacrés de l'église, qui étaient sous la garde des anciens. Ceux-ci refusèrent de lui remettre ce trésor, en accusant Cécilien de plusieurs méfaits. Ils prétendirent même que son sacre était illégal, comme ayant été accompli par un évêque qu'ils appelaient traître, c'est-à-dire qui durant les persécutions avait livré les Saintes Écritures aux païens. Cette inculpation était inexacte ; cependant elle servit de prétexte à certains évêques qui, dans un prétendu conciliabule, condamnèrent Cécilien, et le remplacèrent par un certain Majorin, qui fut sacré par Donat, évêque de Cases-Noires, en Numidie, et devint ainsi le fondateur du schisme généralement connu sous le nom de schisme des donatistes.

Cependant plusieurs évêques d'Afrique restèrent dans la communion de Cécilien. Il en résulta une grande dispute, provoquée par les donatistes, qui adressèrent une requête à l'Empereur Constantin, où on lit ces paroles : « Excellent Empereur Constantin, comme vous descendez d'une famille juste, que votre père, parmi les autres Empereurs, est celui qui n'a pas exercé de persécution, et que la Gaule est exempte de ce crime (celui d'avoir livré les Écritures), nous vous supplions de désigner quelques évêques de la Gaule, pour aplanir les différends qui se sont élevés entre les évêques de l'Afrique. »

A la lecture de cette requête, l'Empereur indigné et surpris répondit : « Vous demandez un jugement à celui qui attend lui-même son jugement de Jésus-Christ ». Cependant, voulant mettre fin à ces contestations, il écrivit au saint Pape Melchiade (qui gouverna l'Eglise depuis 311 jusqu'en 314), pour le prier de décider cette affaire avec Reticius, évêque d'Autun, Materne, évêque de Cologne et Marin, évêque d'Arles. L'Empereur dit dans la même lettre, qu'il a envoyé ces trois évêques à Rome, et qu'il y enverrait aussi l'évêque Cécilien, avec dix évêques pour l'accuser et dix pour le défendre.

Aussitôt que les trois évêques de la Gaule furent arrivés à Rome, le Pape Melchiade tint un concile, qui commença le 2 Octobre 313, et auquel quinze évêques italiens s'étaient également rendus. On y examina toute l'affaire de Donat et de Cécilien ; on trouva que Donat était coupable au plus haut degré, et les témoins eux-mêmes que Donat avait envoyés avouèrent qu'ils ne pouvaient produire aucune charge contre Cécilien. Le Pape termina le concile en condamnant Donat et en ordonnant que Cécilien, qui était reconnu innocent, fut conservé dans la communion de l'Eglise.

Cette sentence ne satisfit aucunement les donatistes. Ces perfides adressèrent de nouvelles plaintes à l'Empereur Constantin, dont il ne fut pas moins affecté. « Jusqu'où va, s'écria-t-il, l'audace de leur fureur ! Ils interjettent appel, comme font les gentils. » Pour justifier cet appel, ils représentèrent que le nombre de leurs juges avait été trop petit, et qu'on avait mis trop peu de temps dans l'examen de leurs affaires. L'Empereur, qui désirait extrêmement rétablir la paix dans les églises d'Afrique, et qui, comme le remarque S. Augustin, voulait dompter par tous les moyens possibles l'impudente hardiesse des donatistes, consentit à ce qu'un plus grand concile fût tenu dans la ville d’Arles, qui y fut ouvert, sous la présidence des légats du Saint-Siège, le 1er Août 314. Les trois évêques précités de la Gaule, Réticius, Materne et Marin s'y trouvèrent de nouveau ; S. Agrèce, évêque de Trèves, Imbetause, évêque de Reims, et plusieurs autres prélats assistèrent aussi à ce concile, dont le jugement fut entièrement conforme à celui qui avait été porté à Rome. Après avoir terminé cette affaire, les Pères de l'Eglise réunis à Arles firent encore quelques décrets sur la discipline ecclésiastique, et suivant l'usage comme aussi par respect pour le Siège apostolique, ils les envoyèrent à Rome, pour être approuvés par le saint Pape Sylvestre, successeur de S. Melchiade, et être portés par lui à la connaissance du monde chrétien. S. Materne signa ces deux conciles en qualité d'évêque de Cologne. Nous pouvons inférer de ce qui précède, qu'il jouissait d'une grande considération auprès de Constantin. Ce prince n'avait pas de plus ardent désir que l'abolition de l'idolâtrie et la propagation de la religion catholique : il avait ordonné que dans tout son empire les églises dégradées ou abattues fussent relevées aux frais de l'Etat. Il écrivit aux évêques métropolitains et même aux gouverneurs des provinces, de ne rien épargner de ce qui pouvait contribuer à l'embellissement des églises. Il est peu probable que Materne, dans des conjonctures aussi favorables, ait manqué à son devoir, même en faisant bâtir des églises neuves pour les peuples qui n'en avaient pas encore. Ce n'est donc pas sans raison que la tradition s'appuie de ce fait , en rapportant qu'il érigea beaucoup d'églises dans l'Alsace, les églises de Notre-Dame à Tongres et à Maëstricht, une église à Huy, une à Binant et quelques églises encore dans les diocèses actuels de Liège et de Namur. On croit aussi qu'il fonda plusieurs autres églises dans le diocèse de Cologne, entre autres à Cologne celle dédiée à la Sainte-Vierge et à S. Pierre, et celle de S. Jean-Baptiste à Bonn. Il est cependant moins probable que S. Materne ait bâti soixante-douze églises ; ou bien il faut entendre par là, qu'il a institué autant d'oratoires ou de lieux de réunion pour les fidèles, dans les parties de la Belgique où il prêcha l'Evangile. Toujours est-il présumable que le nombre des fidèles s'accrut considérablement du temps de Materne , attendu que l'église de Tongres reçut, vers l'an 335, un pasteur particulier , dans la personne de S. Servais.

Eusèbe et Optât de Milève nous font connaître en général les grandes qualités de Materne, sa sainteté, sa doctrine, sa prudence et son éminente habileté à traiter les affaires de religion ; cependant, quant aux détails de sa vie, nous ne savons presque rien de certain relativement à ses vertus et aux miracles opérés de son vivant par son intercession. L’année de sa mort n'est pas exactement connue. Il est certain qu'il est mort à Cologne, au quatrième siècle, longtemps avant l'année 347, où fut tenu le concile de Sardique, auquel S. Euphrate, son successeur, assista avec tant d'honneur.

La fête de S. Materne est marquée dans le martyrologe romain au 14 Septembre, qui est le jour où les trois églises qui le reconnaissent pour leur évêque honorent aussi sa mémoire. A Trèves, où son corps fut rapporté de Cologne, on célèbre sa translation le 23 Octobre. Son corps y fut d'abord enterré à côté de ceux de S. Euchaire et de S. Valère ; après le huitième siècle, il fut placé dans une chapelle bâtie sous son invocation, et plus tard, en 1037, il fut transféré dans l'église métropolitaine de Trèves. En 1512, ces saintes reliques furent exposées avec beaucoup de solennité à la vénération des fidèles. On en conserve des particules dans plusieurs églises des Pays-Bas, et même en Espagne et en Bohême. Le Seigneur opéra, par son intercession, de nombreux miracles. A Tongres, à Maëstricht et en plusieurs autres endroits de l'évêché de Liège, sa fête se célèbre en Septembre, quelquefois le 19, quelquefois le 25, mais nulle part le 14, à cause de la fête de l'Exaltation de la Sainte Croix, excepté dans les lieux dont il est le patron.

 

 

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