La spiritualité de sainte
Mechtilde
d’après le Livre de la Grâce spéciale
Un très grand nombre des visions de
sainte Mechtilde eut lieu pendant la messe et très souvent au moment de la
communion. Comme on le verra plus loin, déjà au XIIIe siècle, Jésus invite à la
communion fréquente; mais il insiste aussi sur la nécessité de la contrition
c’est-à-dire du regret de ses péchés.
Un jour, au moment de la communion,
Mechtilde vit le Seigneur sous l’aspect d’un roi magnifique prendre la place
du prêtre tandis que chacune des sœurs tenait en main une lampe ardente et
s’arrêtait devant lui, le visage illuminé par la clarté de sa lampe. Le
Saint-Esprit lui fit comprendre que les cœurs étaient symbolisés par ces lampes;
la miséricorde du Cœur divin, par l’huile; et enfin, l’ardeur de l’amour par la
flamme de la lampe, car le Très Saint Sacrement communique à ceux qui le
reçoivent la piété utile à tout et, de plus, elle les embrase de l’amour divin.
(Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 4)
Ce jour-là, Mechtilde, après avoir
demandé au Seigneur comment elle devait se préparer à communier, le vit dans une
splendide maison; une table d’or était dressée. Jésus dit:
― Cette
maison désigne l’ampleur de mon immense largesse qui accueille ... quiconque
vient à elle. Celui qui voudra communier peut se réfugier auprès de ma clémente
générosité: elle l’accueillera avec une maternelle bonté et le protègera contre
tous les dangers.
La table est l’amour près duquel
celui qui doit communier trouvera un sûr accès; il enrichira l’indigence de
l’âme en lui communiquant tous ses biens. La nappe est ma tendresse: comme une
étoffe souple et douce au toucher, elle tend fortement à se rapprocher de
l’homme. Dans ma tendresse, la créature trouve un refuge assuré, parce que le
souvenir de ma douceur et de ma miséricorde doit la rendre audacieuse pour
rechercher et obtenir tout ce qui est nécessaire à son salut.
Sur la table parut un Agneau
plus blanc que la neige... cet Agneau était le Christ, seule nourriture et
véritable rassasiement des âmes. Dans cette maison, deux vierges très belles
faisaient le service: elles se nommaient Miséricorde et Charité. (Le Livre
de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXII, 22)
Un jour Mechtilde, malade, demanda
si l’on perdait quelque chose quand on ne pouvait entendre la messe que de loin.
Le Seigneur dit :
― Il est
bon d’être présent; si c’est impossible, il faut s’efforcer du moins d’être
assez près pour entendre les paroles, car l’Apôtre dit: “La parole de Dieu est
vivante, pénétrante et efficace.” La parole de Dieu fait produire à l’âme des
vertus réelles, des œuvres bonnes; elle pénètre pour illuminer. Quand donc
l’infirmité, une obédience ou quelque cause raisonnable empêche une personne
d’assister à la messe, n’importe où elle est, je suis avec elle.
Une autre fois en allant à la messe
elle vit le Seigneur... entièrement revêtu de blanc. Il dit :
― Quand
les hommes se rendent à l’église, ils devraient se préparer par la pénitence, se
frapper la poitrine et confesser leurs péchés. Alors ils pourraient aller
au-devant de ma divine lumière et la recevoir en eux-mêmes. C’est cette lumière
que désigne la blancheur éclatante de mon vêtement. (Le Livre de la Grâce
spéciale, troisième partie, chapitre XIX, 19)
Le Seigneur dit :
― Plus on
communie, plus l’âme devient pure, de même que le corps est plus propre quand on
le lave plus fréquemment. Plus une personne communie, plus aussi j’opère en elle
et elle en moi, de sorte que ses œuvres deviennent plus saintes... (Le Livre
de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXVI, 27)
Mechtilde venait de communier quand
le Seigneur lui dit :
― Ma
volonté est que les cœurs des hommes me soient tellement unis par leurs désirs
que la créature ne souhaite plus rien, mais dispose toutes ses aspirations selon
mon Cœur. Ainsi lorsque les vents soufflent de deux côtés, on ne distingue plus
leurs courants. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre
XXVII, 28)
Jésus demande à Mechtilde, donc à
nous tous :
― Quand
tu veux communier examine avec soin la maison de ton âme pour voir si ses murs
ne sont ni sales, ni dégradés... Observe si tu as été fidèle envers l’Église
entière, comment tu as agi avec ton prochain, si tu l’as aimé d’une charité
profonde, si tu as regardé ses peines comme étant les tiennes, si tu as prié
dévotement pour les pécheurs, pour les âmes des fidèles et pour tous ceux qui
sont dans le besoin. Et si sur l’un de ces points tu trouves quelque tache ou
quelque dommage, applique-toi à le réparer par la pénitence et la satisfaction. (Le
Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XIX, 33)
Un samedi, , comme on faisait
mémoire de la sainte Vierge, Mechtilde fut emportée dans un ravissement. Elle
vit le Roi de gloire; à sa droite se trouvait sa sainte Mère. Mechtilde se
pencha sur le Cœur de Jésus et entendit les battements réguliers de son Cœur.
Mais les pulsations de ce Cœur divin résonnaient comme une invitation adressée à
l’âme, en ces termes :
― Viens
te repentir, viens te réconcilier, viens te consoler, viens te faire bénir.
Viens mon amie recevoir tout ce que l’ami peut donner à celui qu’il aime. Viens,
ma sœur, posséder l’héritage éternel que je t’ai acquis par mon sang? Viens mon
épouse, jouir de ma divinité. (Le Livre de la Grâce spéciale, deuxième
partie, chapitre I, 1)
Mais ce n’est pas tout. Le Seigneur
informe Mechtilde sur ce que doit posséder celui qui se dispose à la sainte
communion. Il nomme particulièrement les sept pierres précieuses
indispensables:
– La pureté du cœur
– Le souvenir assidu de
la vie et des paroles du Christ
– L’humilité,
– L’accroissement des
œuvres bonnes
– La patience
– l’espérance
– l’amour des choses
célestes. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XXIII, 23)
Il rappelle aussi les trois vérités
dont il faut se souvenir:
– L’éternel amour dont
Dieu nous aimait déjà avant que nous ayons l’être
– L’amour immense qui a
tiré le Fils de Dieu du sein des ineffables délices qu’il goûtait dans la gloire
du Père...
– L’amour insondable
avec lequel il nour regarde et prend soin de nous.
On doit se rappeler ces trois
vérités à toute heure, mais spécialement lorsqu’on prend part au céleste banquet
que notre très doux Amour nous a laissé... (Le Livre de la Grâce spéciale,
3ème partie, chapitre XXIV, 24)
Un jour Jésus dit :
― Rien ne
me procure autant de délices que le cœur des hommes, dont je ne jouis pourtant
que rarement. J’ai tous les biens en abondance, excepté le cœur de l’homme qui
m’échappe souvent. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie,
chapitre LIV, 50)
Une autre fois Mechtilde crut
entendre le Seigneur se plaindre d’être si maltraité dans l’Église et
spécialement de trois manières: le clergé ne s’appliquait pas à la sainte
Écriture mais s’en servait par vanité; les hommes spirituels négligeaient les
choses intérieures pour se porter aux œuvres extérieures; le commun du peuple ne
se souciait ni de la parole de Dieu ni des sacrements de l’Église. (Le Livre
de la Grâce spéciale, quatrième partie, chapitre I, 1)
Mechtilde dans une vision vit Jésus
tenant un cercle de bois desséché sur lequel il fixait des roses. Elle ne
comprenait pas, mais Jésus dit :
― Comprends
par là qu’il n’y a pas de pécheur dont le cœur soit si desséché par la rouille
du vice qu’il ne puisse reverdir sur-le-champ, s’il est saisi d’une maladie
quelconque. Il lui suffit de la supporter avec intention de souffrir bien
davantage pour mon amour et pour ma gloire, et il devient capable de recevoir
grâce et miséricorde. Je te dis même qu’il n’y a si grand criminel auquel je ne
remette tous ses péchés dès qu’il se repent sincèrement, et vers lequel je ne
sois disposé à incliner mon Cœur divin avec autant de clémence et de douceur que
s’il n’eût jamais péché. (Le Livre de la Grâce spéciale, quatrième partie,
chapitre LVIII, 54)
Le Seigneur précisera :
― Toutes
les fois que l’homme propose de préférer la mort au péché en combattant les
pensées et les désirs mauvais, cette volonté est aussitôt agréée de Dieu comme
si l’intention avait été suivie de l’acte lui-même.
Et au sujet de la plaie de son
Cœur, Jésus dit :
― Dans
cette plaie d’amour, si grande qu’elle embrasse le ciel, la terre et tout ce
qu’ils contiennent, applique ton amour à mon divin amour, afin qu’il devienne un
seul et même amour, comme le fer pénétré par le feu. (Le Livre de la Grâce
spéciale, première partie, chapitre XVIII, 28)
À une âme qui voulait réparer ses
négligences, le Seigneur conseille :
― Pour
réparer tes négligences et regagner le temps perdu, salue mon Cœur dans sa bonté
divine, car Il est la source et l’origine de tout bien. Salue mon Cœur dans la
surabondance de la grâce qui a découlé, découle et découlera sans cesse de lui
sur les saints et sur les âmes de tous les élus. Salue cette eau pleine de
douceur qui a jailli tant de fois de mon Cœur infiniment bon, pour enivrer ton
âme au torrent des divines voluptés. (Le Livre de la Grâce spéciale,
troisième partie, chapitre VIII, 8)
Le Seigneur dit :
― Tout
acte de charité purifie du péché véniel; mais le péché mortel, qui adhère à
l’âme aussi fortement que la poix, ne peut être enlevé que par la confession et
une plus grande contrition. Je garde aussi tout acte de charité dans mon Cœur
comme un trésor spécialement aimé, jusqu’à ce que vienne à moi celui qui l’a
accompli, et alors je le lui rends pour mettre le comble à son mérite et à sa
grâce. (Le Livre de la Grâce spéciale, cinquième partie, chapitre XXV, 28)
Mechtilde parle aussi de confession
de louange. Il arrivait souvent, même de son temps, qu’on ne sache plus se
confesser. Que faire?
Réponse inspirée à Mechtilde :
― Que
l’âme, exaltant la Divinité, se reconnaisse coupable de n’avoir pas eu pour Dieu
tous les respects convenables, d’avoir tant de fois souillé en elle l’image
divine en occupant sa mémoire de choses terrestres et inutiles, en appliquant
curieusement sa raison à la sagesse humaine et en prenant plaisir à ce qui est
vil et passager... Que l’âme loue les oreilles de la miséricorde de Dieu,
qu’elle s’accuse de n’avoir pas donné toute l’attention requise à la parole de
Dieu, et de n’avoir pas prêté l’oreille aux requêtes de son prochain.
Et que de péchés commis par la
bouche! Murmures, vaines et inutiles paroles, silence inopportun au sujet de la
parole de Dieu et de la doctrine, silence parfois dans la prière et dans le
chant. Le joug accepté au baptême, combien de fois l’a-t-elle secoué! Et même
dans les circonstances pénibles, ne l’a-t-elle pas porté de mauvais cœur?... Son
cœur a péché quand elle n’a pas aimé Dieu de toutes ses forces, quand, au lieu
de méditer la loi divine, elle s’est laissé envahir par les pensées inutiles. (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre VI, 6)
Dans une étonnante vision Mechtilde vit, dans un
grand jardin, les saints vêtus en fonction de leurs vertus, du regret de leurs
fautes, etc... reposer sous des arbres, tous différents, et se nourrir de leurs
fruits. Bientôt elle vit
“celles
qui, s’étant purifiées du péché en châtiant leur chair, semblaient devenues des
encensoirs d’or, parce que la mortification monte devant Dieu comme un encens
d’agréable odeur.” (Le
Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre X, 17)
D’où le conseil que Mechtilde nous
livre: nous devons remercier de ce que la blessure du très doux Cœur de Jésus
a fait jaillir sur nous l’eau vivifiante et le vin enivrant, c’est-à-dire le
sang du Christ et l’abondance infinie de tous ses biens... (Le Livre de la
Grâce spéciale, première partie, chapitre XIX, 29)
Et le Seigneur ajoute :
― ... que
chacun ait pour tous ces bienfaits autant d’amour et de reconnaissance que si
j’avais souffert pour lui seul toutes mes douleurs. (Le Livre de la Grâce
spéciale, première partie, chapitre XIX, 30)
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