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La fuite en Égypte
Nous n'arrivons pas
à comprendre la raison de tout ce mal qui nous submerge...
Pourquoi les hommes rejettent-ils Dieu, leur Créateur et Père?
Parfois nous sommes consternés, épouvantés. Pourquoi tant de
responsables
politiques s'agitent-ils en ce moment pour faire voter des lois
contraires aux commandements de Dieu? Alors nous prions et nous
nous tournons vers Marie. Il ne semble pas qu'à son époque, le
monde juif qui pourtant était grandement pécheur, en soit arrivé
à des absurdités aussi coupables que les nôtres d'aujourd'hui,
péchés aussi graves que ceux des mondes païens où les sacrifices
humains étaient très nombreux et les débauches épouvantables.
Nous revenons à
Marie et à ce qui faisait sa vie, sa vie de prière et sa vie
humaine de tous les jours placées sous le regard de Dieu selon
les enseignements des docteurs de la Loi. Ces enseignements
étaient bons; ce que Jésus leur reprochera plus tard, c'est de
les imposer aux autres et de ne pas les observer eux-mêmes qui
devraient être des modèles. Jésus dira: "Ils disent, mais ne
font pas." Certes, les enseignements des docteurs de la Loi
étaient trop formalistes, trop extérieurs, mais ils étaient
justes, trop pratiques peut-être, mais conformes aux
enseignements de Dieu. Marie obéissait, parfaitement, sans
discuter, répondant ainsi à la volonté de Dieu.
Les mages sont
partis. Joseph, que les dernières paroles des mages ont rendu
inquiet, termine une dernière commande et la livre dès le
lendemain à la grande surprise du client. Puis, après le
souper, Joseph et Marie font le point sur la situation:
— C'est vrai, dit
Joseph, trop de monde nous connaît ici. Peut-être faudrait-il
déménager, aller dans un autre village. L'Enfant ne doit pas
être en danger.
Marie est d'accord,
mais où aller?
— À Nazareth?
suggère Marie.
— Peut-être, mais
il faudrait rentrer vite et incognito.
— À Nazareth, on ne
connaît rien de l'Enfant, ni de la manifestation des anges aux
bergers, ni de la venue des mages.
Joseph soupire :
— Ce n'est pas
certain, car trop de caravanes passent par ici, venant ou allant
à Jérusalem et ailleurs. Ce soir, je ne sais vraiment pas quoi
faire... Mais Dieu nous fera signe.
— Comme tu veux,
dit Marie. Mais, en attendant, nous devons prier, puis nous
irons nous reposer. Joseph alors entonne quelques passages du
psaume 54.
"Ô Dieu,
sauve-moi par ton nom, et rends-moi justice par ta puissance. Ô
Dieu, écoute ma prière, prête l'oreille aux paroles de ma
bouche. Car des étrangers se sont levés contre moi... Mais voici
que Dieu est mon secours; le Seigneur est le soutien de mon âme.
Il fera retomber le mal sur mes adversaires... Je louerai ton
nom Yahweh car il est bon, il me délivre de toute angoisse..."
Joseph et Marie ont
longtemps prié. Puis ils se dirigent chacun dans son coin de
repos, mais comme malgré eux, ils rangent un peu leurs affaires.
Enfin, ils se couchent et s'endorment rapidement d'un sommeil
profond et réparateur. Soudain, Joseph est réveillé... Un ange
est là qui lui dit: "Lève toi, prends l'enfant et sa mère,
fuis en Egypte et restes-y jusqu'à ce que je t'avertisse; car
Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr."
(Matthieu 2, 13)
Joseph se lève, et,
réveille Marie. Elle doit tout de suite préparer l'Enfant...
Malgré la nuit, Joseph s'en va trouver sa logeuse. Il lui
explique la cause de son départ précipité, et lui achète deux
ânes. La logeuse croit immédiatement tout ce que lui dit Joseph,
car elle a été très impressionnée par tout ce qui s'est passé
ici, depuis quelques jours. De retour auprès de Marie, Joseph
dépose tous les vêtements préparés par Marie, dans les besaces
posées sur le dos des ânes. Il y range aussi ses outils. La
maison est maintenant toute nette; ils peuvent partir "et se
retirer en Égypte où ils resteront jusqu'à la mort d'Hérode,
afin que s'accomplît ce qu'avait dit le Seigneur par le
prophète: j'ai rappelé mon fils d'Égypte." (Matthieu 2, 14
et 15)
À la dérobée,
Joseph essuie une larme. Marie est très triste: que va-t-il leur
arriver? Est-ce cela le glaive qui lui a été promis par Siméon:
ne pas savoir où aller pour sauver son Fils à tout prix? Malgré
son angoisse, le petit groupe marche relativement lentement car
les ânes sont très chargés. Mais nos amis sont sous la
protection de Dieu, et déjà ils murmurent quelques phrases du
cantique de Tobie: "Vous êtes grand, Seigneur, dans
l'éternité, et votre règne s'étend à tous les siècles. Car vous
châtiez et vous sauvez, vous conduisez au tombeau et vous en
ramenez, et il n'est personne qui puisse échapper à votre mains.
Célébrez le Seigneur, enfants d'Israël, et louez-le devant les
nations. Car il vous a dispersés parmi les nations qui
l'ignorent, afin que vous racontiez ses merveilles, et que vous
leur fassiez connaître qu'il n'y a point d'autre Dieu
tout-puissant que lui seul..."
Joseph, en raison
des besoins de son métier était déjà allé plusieurs fois en
Égypte. Il n'est donc pas inquiet sur la route à suivre. Il sait
qu'ils doivent d'abord passer par Hébron, une ville très sainte.
Là, il espère qu'il sera en sécurité au moins pour quelques
jours; il trouvera aussi un refuge pour sa famille. Ensuite,
quand Marie sera un peu reposée, ils repartiront, et iront
jusqu'à Béer-Shéba. Il connaît bien la route. Ensuite, pense
Joseph, le mieux serait peut-être d'aller jusqu'à Nitsana.
Certes le chemin est long, accidenté et désertique: mais c'est
le chemin le plus court, et les caravanes qui passent
continuellement leur assureront une certaine sécurité. Et puis,
Nitsana n'est pas loin de l'Égypte. Une petite journée de
marche, et ils seront enfin en sécurité.
Tout se passa comme
Joseph l'avait prévu. Leur fuite leur demanda environ une
quinzaine de jours, mais tout s'était passé pour le mieux. Marie
avait été remarquable, ne se plaignant jamais. Et le Petit avait
été adorable. Il avait particulièrement aimé l'âne qui le
portait quand ses petites jambes étaient trop fatiguées... Et
puis, parfois, ce petit Enfant semblait mieux connaître le
chemin que les adultes: ainsi, à plusieurs reprises, il avait
fait comprendre qu'il fallait quitter la route des caravanes
pour profiter d'un peu de calme dans un endroit particulièrement
beau. Qu'était donc ce Petit qui savait tant de choses? Joseph
et Marie s'étonnaient et conservaient toutes ces choses dans
leur cœur.
Enfin, voici
l'Égypte! La famille de Joseph s'arrêta dans un petit village.
Là ils rencontrèrent quelques compatriotes exilés comme eux.
Joseph fut bien content: ainsi, ils ne seraient pas complètement
dépaysés, et ils pourraient prier dans la minuscule synagogue
qu'on leur indiqua. On informa aussi Joseph que non loin de là,
les Égyptiens avaient entrepris d'importants travaux: il
pourrait facilement trouver du travail. Comme il y avait un
petit bosquet tout proche, Joseph alla se procurer des
branchages avec lesquels il construisit une petite hutte, pas
trop loin d'un point d'eau. La famille s'installa et une
nouvelle vie commença pour Joseph et Marie, et Jésus...
La sainte famille
s'était bien organisée. Elle pouvait aller prier dans la petite
synagogue avec des compatriotes, et Joseph avait trouvé un
travail intéressant: il était très content. La Vierge Marie
s'occupait de son enfant et de quelques autres qui n'avaient
plus de maman: ainsi Marie apprenait à prier et à vivre selon
Dieu à ces pauvres petits abandonnés. Quel bonheur pour eux!
Joseph ne pouvait plus retourner à Nazareth: d'une part c'était
beaucoup trop loin et, de plus, il n'osait pas risquer de
provoquer des questions indiscrètes ou des bavardages dangereux.
Mais, heureusement il recevait régulièrement, grâce aux
caravanes, des nouvelles de Jérusalem et de son pays. |