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Jésus jeune adulte
Jésus vivait à
Nazareth. Il était soumis à ses parents. Notre étonnement est
grand : comment Dieu incarné en Jésus pouvait-il agir ainsi ?
L'Évangile ne nous dit rien. Nous n'avons même aucune
information sur l'épisode douloureux à la fois pour Jésus et
pour Marie, de la mort de Joseph. Certes, certains saints
mystiques ont “vu” la mort de Joseph assisté par Jésus. Certes,
nous aimerions bien rapporter ces scènes, mais, comme elles ne
font pas partie de la Révélation retenue par l'Église, nous nous
en abstiendrons. Cependant, notre curiosité étant bien excitée,
nous essaierons de contempler longuement Jésus dans sa vie de
jeune adulte, en nous inspirant seulement de ce qu'Il fut
pendant sa vie publique et de ce que nous connaissons de la vie
des gens de son pays, à cette époque.

Jésus dira plus
tard, à ses apôtres, “qu'Il est doux et humble de Cœur”.
Il était donc doux et humble à Nazareth, doux, compréhensif et
patient avec les clients de Joseph. Comme il est doux pour nous
de contempler Jésus faisant la paix autour de Lui! Il apaise les
tensions par sa simple présence. Comme on se sent en sécurité
avec lui! Pourtant, il est si discret, si compréhensif, mais
aussi si clairvoyant. Les gens qui l'approchent ont l'impression
qu'il comprend tout: toutes les difficultés, toutes les
incompréhensions, tout ce qui gêne, tout ce que l'on ne comprend
pas.
Pourtant Jésus
jeune adulte se conduit en homme ordinaire, et c'est tout le
mystère de son être. Il se soumet à un apprentissage d'homme et
de prophète. Verbe de Dieu incarné, sa nature divine sait; mais
l'homme qu'Il est, l'homme Jésus ne sait pas car Jésus-Christ
veut laisser dominer sa nature divine par sa nature humaine.
Mystère insondable de l'Amour! Et si l'on contemple aussi son
attitude vis à vis des pécheurs, on reste aussi très étonné:
Jésus ne les fuit pas; ils ne lui répugnent pas. Au contraire,
on peut imaginer que Jésus saisit une occasion pour les
rencontrer, seul à seul, pour leur expliquer leurs erreurs, et
le mal qu'ils se font aussi à eux-mêmes. Comme on est heureux
avec Jésus! Comme on a envie de devenir des justes! Oui, le
péché est atroce... Mais comment fait-il Jésus, qui n'est que le
fils du charpentier, pour agir avec une telle bonté et une telle
clarté? C'est très simple, il vit les commandements de Dieu. Et
puis, Il est tout proche de Marie, sa Mère Immaculée, qui reçoit
avec tant d'amour et d'affection tous ceux que son fils lui
envoie... Et l'on peut facilement imaginer le dévouement de
Marie envers les pauvres pécheurs.
Mais nous devons
quitter Jésus apaisant les plaies dont souffrent les pécheurs,
pour le contempler dans sa vie ordinaire. Voici Jésus qui
travaille avec Joseph. Il est très discret, très obéissant, mais
parfois c'est lui qui donne un conseil à Joseph, comme s'il
voyait à l'intérieur des objets. Joseph s'étonne, sourit, puis
fait comme son Jésus vient de lui conseiller. Quel amour entre
eux! Quelle confiance extraordinaire! Pour Joseph, son travail
devient un vrai plaisir... Mais de temps en temps Jésus quitte
Joseph pour aller voir Marie, lui chercher l'eau dont elle a
besoin, ou cueillir quelques légumes difficiles à arracher. Et,
au passage, Jésus dépose rapidement un baiser sur la joue de sa
Mère qui sourit et essuie une larme...
À Nazareth, comme
dans les petits villages, tout le monde se connaît. Aussi Jésus
est-il amené à rendre de nombreux services, à consoler ceux qui
pleurent, à soulager ceux qui souffrent. Oui, Jésus fait déjà
des miracles, mais ils sont si discrets, ces miracles, que l'on
ne s'en aperçoit pas. On sait qu'avec Jésus, si on l'appelle,
tout ira beaucoup mieux. Jésus n'est que le fils du Charpentier,
mais tout le monde a confiance en lui. Et Jésus sait tant de
choses: les habitants de Nazareth sont souvent étonnés de la
science de Jésus. On lui confie parfois la mission de lire le
texte prévu, le jour du sabbat. Et tout devient si clair si
simple avec lui, quand il explique les textes parfois bien
obscurs; qui lui a donné une telle science ?
Il n'y a pas que
les adultes qui fassent confiance à Jésus; les enfants
l'adorent. Quand des enfants viennent le voir pendant qu'il
travaille, Jésus s'arrête un moment, il les accueille, leur
demande de ne pas déranger Joseph qui est très occupé, mais il
prend la peine de leur montrer et de leur expliquer ce que lui,
Jésus est en train de fabriquer. Les enfants sont émerveillés,
et ils écoutent Jésus, surtout quand il leur parle de Dieu, avec
une attention exceptionnelle. Puis, au bout d'un certain temps
Jésus renvoie les enfants et leur donne rendez-vous avec Marie,
à la fin de l'après-midi. Enfin, le soir, Jésus organise des
jeux et renvoie tout le monde. Jésus aurait-il inspiré le
scoutisme ?
Continuons notre
contemplation: quand on appelle Joseph à l'extérieur pour
résoudre un litige, Jésus prend sa place à l'atelier. Parfois
Joseph revient demander conseil à Jésus quand le problème est
trop difficile ou trop délicat. Jésus découvre toujours le nœud
qu'il faut absolument dénouer. Un nœud souvent très simple, mais
que l'on n'avait pas vu. Jésus demande aussi de modifier
certains comportements qui ne sont pas dignes des juifs pieux.
Il renvoie au texte de la Loi qui devient comme une lumière.
Vivre avec Jésus, ce devait être un extraordinaire bonheur.
Comment se fait-il que ceux de Nazareth ne l'ait pas tous
apprécié, ce bonheur ?
Nous avons
contemplé Jésus à son travail dans l'atelier de Joseph,
enseignant les enfants et les envoyant vers Marie. Peut-on aussi
imaginer Jésus avec les jeunes adultes? Au temps de Jésus, le
travail manuel était obligatoire pour tous. Il était donc tout à
fait normal que Jésus travaillât comme charpentier. À cette
époque, l'électricité n'existant pas, la journée de travail
correspondait à la durée du jour, car les lampes étaient
insuffisantes pour éclairer les travaux délicats. De même, tous
les travaux, même les plus durs, se faisaient avec la seule
force de l'homme. Les hommes et les femmes étant le plus souvent
séparés, sauf en famille, les hommes se retrouvaient lorsqu'il y
avait des travaux pénibles à réaliser; les travaux ménagers
étaient réservés aux femmes qui étaient également, en plus du
soin des enfants, chargées de filer et de tisser les étoffes et
de confectionner les vêtements, de laver le linge et, parfois,
d'accomplir des tâches dans les jardins ou dans les champs. La
vie au temps de Jésus et en Israël était totalement différente
de la nôtre, ce qui ne facilite pas une représentation aussi
exacte que possible des relations au sein de la sainte Famille.
Efforçons-nous
pourtant de contempler Jésus et sa famille dans sa vie
quotidienne. Oui, il travaille beaucoup; oui, il rend bien des
services; oui, son intelligence est remarquée et sa gentillesse
aussi. Oui, Jésus est le Verbe de Dieu incarné, mais il doit
vivre comme tous les hommes et se couler dans leurs exigences,
mais aussi dans leurs joies quotidiennes. Oui, Joseph est
souvent en admiration devant son Jésus, et il le fait savoir,
mais Marie se tait. Oh! elle aussi s'étonne parfois, elle aussi
admire Jésus, mais sans rien en dire. Elle seule sait qui est le
vrai Père Jésus, et elle adore Dieu en silence quand elle le
contemple. Souvent elle ne comprend pas, mais elle garde tout
dans son cœur. Elle sait aussi que si elle posait trop de
questions à son fils, il ne répondrait pas toujours, car ce
n'est pas encore l'heure. Marie se contente d'aimer, et de se
conformer toujours à la très sainte volonté de Dieu.
Comme Jésus, qui
est le Fils de Dieu, le Messie attendu et venu pour sauver tous
les hommes, mais pas à la manière humaine désirée par les juifs,
Marie se soumet à la volonté de Dieu dont elle est toujours
l'humble servante. Donc Marie se considère comme la servante de
son Fils, oh! pas d'une manière servile et voyante, mais
discrètement, en douceur, comme une mère attentive et réservée,
connaissant le mystère de Jésus. Souvent Marie regardait Jésus,
longuement comme pour lui demander conseil. Et Jésus lui
répondait, lui aussi par un long regard d'amour. Et Marie
comprenait; Marie souriait et elle allait là où était la volonté
de Dieu manifestée par le regard de Jésus.
Ainsi Jésus et
Marie se parlaient simplement en se regardant, et cela n'a rien
d'extraordinaire. Qui d'entre nous n'a pas, un jour, fait cette
expérience? On veut dire tout son amour à quelqu'un, mais on ne
peut pas parler: alors on regarde ce quelqu'un qui comprend. Ou
bien, on écoute un conférencier qui bientôt émet une hypothèse
apparemment scabreuse. Un simple regard vers un ami compétent
nous confirme notre désaccord ou, au contraire, approuve le
conférencier. Ou encore, lors d'une grande détresse, le regard
d'un ami fidèle apporte la paix dont nous avions besoin. Il
n'est donc pas étonnant que Jésus et Marie aient conversé de
cette façon.
N'oublions jamais
que Jésus et Marie furent les plus grands mystiques qui aient
jamais existés. Être mystique, c'est d'abord aimer Dieu plus que
tout, Le regarder du fond de son cœur, Lui parler, Le louer, Le
bénir, L'adorer... et écouter ses paroles toujours discrètes
mais très personnelles, et répondre en faisant sa volonté. Notre
monde, qui ne sait plus écouter Dieu, ne sait plus que se moquer
des mystiques, les prenant pour des fous, des illuminés, des
aliénés, même. C'est très dommage, car agir ainsi c'est se
priver de Dieu, de ses paroles, de ses enseignements, et surtout
de son Amour qui seul rend heureux. Contemplons longuement les
conversations muettes de Jésus et de Marie, et laissons-nous
d'abord regarder par le Christ; nous le regarderons aussi, et
nous comprendrons tant de choses, et nous découvrirons le
véritable bonheur, à travers le langage silencieux de l'amour
que nous aurons réappris.
Ce jour-là un jeune
de Nazareth frappa tout doucement à la porte de la maison. Il
pleurait. Ce jeune avait un gros problème personnel et intérieur
dont il ne pouvait pas parler, surtout chez lui. Il regarda
Marie et semblait la supplier. Marie comprit et elle appela
Jésus. Jésus comprit aussitôt et, après avoir fait signe à
Marie, il emmena le jeune à l'extérieur. Que se sont-ils dit?
Que fit Jésus et comment comprit-il cette douleur inexprimable ?
Nous ne le saurons jamais. Mais Jésus, en quittant ce pauvre lui
donna rendez-vous pour le soir même. Il lui demanda de venir
avec ses amis. Le soir, Jésus commença par organiser un bon jeu
de ballon (l'ancêtre du football ?). Puis quand on se sentit
fatigué, il fit asseoir tout le monde et se mit à enseigner. Et
Jésus parla du bonheur, du bonheur quand on rend service à ses
frères, du bonheur quand on aime Dieu et qu'on le prie. Ces
jeunes adultes ne perdaient pas une seule des paroles de Jésus.
La nuit étant venue, Jésus les renvoya en leur disant qu'il
fallait qu'ils aillent tous se reposer, car demain, ils auraient
une longue journée de travail.
Jésus revit
régulièrement tous ces jeunes. Chaque sabbat après-midi ils
étaient là. Ils jouaient avec conviction, puis écoutaient Jésus
avec passion, et s'en allaient après avoir pris une bonne
résolution. Jésus apprenait à ses amis que "ce n'est point
avec leur épée que leurs pères avaient conquis le pays, ce n'est
point leur bras qui leur a donné la victoire ; mais c'est la
droite de Dieu, c'est le bras de Dieu, c'est la lumière de sa
face, parce qu'Il les aimait." (Ps. 44, 4) Encore une fois
nous nous demandons : Jésus jeune adulte ne serait-il pas le
véritable inspirateur du fondateur du scoutisme ? |