Joseph est un
juste, c'est à dire un saint. Il veut dédier sa vie tout entière
au service de Dieu. Mais comme tous les juifs de son époque, il
a dû se marier. Heureusement, l'épouse qu'on lui a donnée est
particulièrement
sainte. Comme lui, elle attend le Messie et a décidé de rester
vierge, même dans l'état de mariage. Joseph est bien content:
ainsi, tous les deux seront disponibles dès que le Seigneur les
appellera. Et leur fécondité, quoique invisible aux yeux des
hommes de son temps, sera grande devant Dieu. Joseph est
toujours tellement heureux quand il repense à son mariage avec
la douce Marie. Comme il sera heureux aussi, le jour où son
mariage sera fêté avec toute la famille réunie pour les noces!
Oui, Joseph
jubile dans son cœur... Pourtant, depuis quelques jours Joseph
est très douloureux. C'est sûr, son épouse chérie, si pure,
attend un enfant. Joseph ne comprend pas: pourtant cet enfant ne
peut pas venir de lui... De cela il est certain. Alors, de qui?
Pourtant Marie est une fille si sérieuse, si pure. Joseph n'a
rien à lui reprocher; il sait qu'elle ne quitte pas sa maison.
D'ailleurs, elle lui a bien dit qu'elle voulait rester vierge,
comme lui... Alors, que s'est-il passé? A-t-elle été victime de
quelqu'un qu'il n'ose même pas qualifier? Et pourquoi Marie ne
dit-elle rien? Parfois elle lui sourit tristement quand lui,
Joseph, semble trop malheureux. C'est sûr, il s'est passé
quelque chose de grave dans la vie de Marie, mais quoi?
Joseph est
malheureux. Des milliers d'idées lui traversent l'esprit. Il n'y
a aucune culpabilité chez Marie, de cela Joseph est certain.
Parfois, lorsque Joseph surprend Marie dans sa prière, il lui
semble apercevoir des lueurs: le visage de Marie rayonne d'une
lumière qui ne semble pas de la terre. Quelle merveille que ce
visage de Marie en prière, ce visage perdu en Dieu, ce visage en
extase... Joseph est tellement émerveillé qu'il reste là, muet,
à contempler sa sainte épouse. Mais cet enfant... d'où vient-il?
Ce jour-là
Marie était plus belle que jamais, plus lumineuse. Elle semblait
parler à quelqu'un que lui, Joseph, ne voyait pas. Oui, Marie
écoutait et répondait et parfois le mot 'Fils de Dieu'
s'échappait de ses lèvres. Joseph n'en croit pas ses oreilles:
Marie vient de dire: "Le Messie, mon Fils naîtra donc à
Bethléem..." Joseph se sauve: il ne veut pas trahir le secret de
Marie. Cette fois, Joseph a compris: l'enfant que Marie porte
est le Messie... Joseph est bouleversé: c'est sûr, lui, pauvre
charpentier, il n'est vraiment pas digne d'une telle épouse;
lui, un pauvre pécheur ne doit pas souiller la pureté de Dieu.
Joseph pleure: il ne peut plus rester à Nazareth. Mais s'il
parle, s'il fait part de sa découverte, personne ne le croira,
et Marie risque d'être lapidée... Que doit-il faire?
Joseph ne
peut plus garder sa trop sainte épouse. Il ne peut pas parler:
cela ressemblerait à une dénonciation. Que doit-il faire?
Pendant plusieurs jours Joseph est tourmenté, et ce soir-là,
comme tous les soirs, Joseph qui venait dire bonsoir à sa sainte
épouse, la trouve de nouveau en extase. Pendant un long moment
il la contemple, puis, soudain, il se lève, très doucement, et
s'éloigne. Joseph sait ce qu'il va faire... Il va faire semblant
d'abandonner son épouse; ainsi toute l'opprobre retombera sur
lui, et Marie sera sauvée.
Joseph est
chez lui. Il commence à préparer un petit baluchon, puis comme
il est déjà tard, il s'allonge: il partira demain matin, très
tôt... Joseph s'est allongé. Il pleure, et, s'endort, épuisé de
peine et de fatigue. Joseph pleure dans son profond sommeil.
Tout est calme, le silence est total, lorsque soudain Joseph
entend une voix qu'il ne connaît pas, une voix douce et ferme à
la fois. Joseph tend l'oreille et entend: "Joseph, ne crains pas
de prendre chez Toi ton épouse Marie. Ce qui est né en elle
vient de Dieu. Ce petit enfant sera appelé Fils de Dieu, et tu
l'appelleras Jésus, c'est-à-dire: Dieu sauve. Lève-toi, Joseph,
range toutes tes affaires, et va chercher ton épouse."
Instantanément Joseph s'éveille, plein de joie et profondément
heureux. Il défait son baluchon en riant, il range soigneusement
ses affaires, et court rapidement chez Marie.
Marie, est
déjà debout et prépare son petit déjeuner. Joseph se précipite:
– Ma
bien-aimée, nous devons maintenant bien vite procéder aux fêtes
de nos noces. Je te prends chez moi, car je sais qui tu es, je
sais que tu es la Mère du Sauveur, la Mère du Messie que nous
attendons tous. Marie rayonne, et voici que pour la première
fois elle explique à Joseph ce qui s'est passé, ici, chez elle,
quelques jours avant son dernier voyage à Jérusalem. Elle décrit
l'ange qui lui avait annoncé la naissance de Jean, fils
d'Élisabeth et de Zacharie, et elle raconte tout ce que l'ange
lui avait dit, et comment elle deviendrait mère... Joseph n'a
plus de crainte. Joseph est immensément heureux...
"Joseph,
ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse... Ce qui est
né en elle vient de l'Esprit-Saint..."
Cette expression ne cesse de retentir en moi: "Ne crains pas! Ne
crains pas!" Brusquement je pense à l'agonie de Jésus, juste
avant sa passion à Gethsémani. Jésus pleure et se plaint:
"Père, si cela est possible que ce calice passe loin de moi..."
Jésus gémit:
– Père,
souviens-Toi de Noé, et de sa foi pendant qu'il construisait
l'arche qui le sauverait de ta colère, cause d'une incroyable
inondation, d'un déluge... Père, souviens-Toi de la tour de
Babel: Tu dispersas les hommes assoiffés de pouvoir, en
multipliant leurs langages, mais Tu ne les détruisis pas. Père,
souviens-Toi de Sodome et de Gomorrhe; Tu détruisis des villes
maudites à cause du péché de ceux qui s'accouplaient hors de
leur nature, ce qui est pour Toi une abomination. Père, pendant
des siècles Tu envoyas tes prophètes afin que les hommes de ton
peuple se convertissent, et, à chaque fois, ton peuple revenait
à Toi, et Toi, Tu pardonnais. Tu pardonnais, car Tu sais que les
hommes sont tous pécheurs, mais généralement, ils ne savent pas
ce qu'ils font: ce sont des tout petits, faciles à tromper, et
Satan, notre ennemi, en profite...
– Père, Tu
M'as envoyé chez ces hommes, Moi, ton Verbe, Ta Parole, ton
Fils, afin que, Me voyant vivre et découvrant l'Amour, cet Amour
que nous, Dieu unique, nous sommes, ils se convertissent. Père,
pour des raisons que nous connaissons mais que les hommes ne
sont pas capables de comprendre, Tu autorises encore Satan à
venir les tenter: il faut, en effet, que leur liberté soit mise
à l'épreuve. Mais Père, nos enfants, souillés par le menteur
sont devenus trop petits, trop faibles et trop sensuels... alors
ils Nous oublient, et ils pèchent. Père pardonne-leur, car ils
ne savent pas ce qu'ils font.
Voici que
Jésus pleure encore plus fort, car Il voit défiler tous les
siècles et leurs hérésies, leurs lâchetés, leurs mensonges,
leurs haines et leurs guerres... Soudain Jésus voit les
souffrances des 20 et 21ème siècles. C'en est
vraiment trop: Jésus crie:
– Non Père,
pas ça!... Pas tous ces péchés!... Père éloigne de Moi ce
calice!
Mais dans un
souffle, Jésus murmure:
– Heureusement, maintenant c'est l'Heure, Père, donne-Moi la
force d'aller les sauver, d'aller jusqu'à la croix..."
Une lumière
entoure Jésus; une voix dit: "Ne crains pas!". Un ange est là,
debout près de Lui et Lui tend une coupe, la Coupe de sa
Consolation. Jésus regarde: dans la coupe il y a les millions
d'hommes que son Sacrifice va sauver; il y a aussi les
innombrables saints qui ont su et sauront aimer Dieu. Jésus,
vrai Dieu mais que le Père avait laissé, pendant quelques brefs
instants aux seules forces de son humanité, Jésus boit la coupe
et se lève: Il ne craint plus rien, Il peut maintenant affronter
les dernières étapes de sa Passion.
Ne crains
pas... Qu'est-ce que cela veut bien vouloir dire? Depuis des
semaines et des semaines je pleure sans cesse. Je pleure quand
je suis informée des mauvaises nouvelles concernant l'Église; je
pleure à cause des martyrs, des attentats de plus en plus
nombreux contre les chrétiens. Je pleure à cause de nos enfants
qui, n'étant plus éduqués, sont l'objet de toutes les attaques
sataniques et deviennent méchants, impurs, de vrais monstres. Je
pleure lorsque j'entends des imbéciles crier sur la télévision,
et ailleurs, que les hommes ne sont que des animaux... Je pleure
quand je constate que Dieu est devenu inconnu des hommes, à
cause d'autres hommes. Je pleure parce que le péché des hommes
fait "mal" à Dieu et qu'il Le fait pleurer...
Je pleure
parce que Dieu n'est pas aimé... Tout cela est normal, mais ce
qui ne l'est pas et que je ne comprends pas, je pleure aussi
quand j'apprends une bonne nouvelle, quand je vois se faire des
bonnes actions, et toutes sortes de bien. Je pleure quand je
regarde ce qui est beau... Et je rend grâces à Dieu, en essuyant
mes larmes... Et je pense aux paroles de l'ange à Joseph,
paroles que j'arrange un peu: "Ne crains pas, ne crains pas.
Aies la foi, espère et aime." Alors je pleure d'amour et de
bonheur, mais d'un bonheur très spécial: le bonheur de Jésus
disant: "Père! Que ta volonté soit faire!" le bonheur de
Jésus donnant Marie au disciple qu'Il aimait particulièrement,
le seul des douze présent au pied de la Croix. "Voici ta
Mère!" Et cela, juste au moment de mourir, juste avant
d'expirer en disant au Père: "Tout est accompli!"
Paulette Leblanc |