Longobardi,
lieu de la Calabre citérieure dans le royaume de Naples, fut
la patrie du bienheureux Nicolas. Il y naquit le 6 janvier 1649, et
eut pour parents Fulvio Saggio et Aurélie Pizzini, pauvres
journaliers, remplis
de crainte de Dieu. Il était l'aîné de trois
garçons, et reçut au baptême le nom de Jean-Baptiste. Sou éducation
fut entièrement négligée sous le rapport des sciences humaines, mais
ses vertueux parents s'appliquèrent avec grand soin à lui inspirer
les sentiments de foi et de piété, dont ils étaient eux-mêmes
animés. Dieu bénit leurs efforts ; ils eurent la consolation de voir
leur fils marcher, dès ses jeunes années, dans la voie qu'ils lui
avaient tracée encore plus par leurs exemples que par leurs
discours.
Quoique pauvre,
Jean-Baptiste avait l'air distingué, un extérieur agréable et un
caractère heureux qui le rendait aimable à tout le monde. Son
attrait pour la prière se manifesta dès ses premières années. Il
remplissait avec exactitude ses devoirs de religion, et assistait
tous les jours à la messe. Aussitôt qu'il fut en âge de travailler,
ses parents l'employèrent au labourage dont ils s'occupaient
eux-mêmes. Doué d'une grande activité, il se levait le matin avant
toute sa famille, était toujours le premier à l'ouvrage et le
dernier à le quitter. Mais s'il montrait de l'ardeur pour le
travail, il en avait encore davantage pour parvenir à la perfection.
Sa coutume était d'approcher tous les dimanches du tribunal de la
pénitence, et de passer dans les églises la majeure partie des jours
où il ne travaillait pas. Il marchait ordinairement, k chapelet à la
main, et son extérieur grave et modeste prouvait à tous combien il
était éloigné de la légèreté de son âge.
Le vertueux jeune
homme avait une inclination décidée pour la solitude et un grand
désir de se donner entièrement à Dieu ; il prit le parti d'embrasser
l'état religieux, et se décida pour l'ordre des Minimes. Ayant
obtenu l'agrément de ses parents, qui le virent avec joie se
consacrer au service du Seigneur, il alla se présenter au Père
provincial de la Calabre, qui, ayant examiné les motifs de sa
vocation, le reçut aussitôt, et l'envoya commencer son noviciat au
couvent de Paule, lieu célèbre par la naissance du saint fondateur
de l'ordre qu'il avait choisi. Ce temps d'épreuve ne fut pas pénible
pour cette âme innocente, déjà accoutumée à la mortification des
sens et au recueillement intérieur. Jean-Baptiste se forma
facilement à toutes les pratiques de l'état religieux. On remarquait
surtout en lui le soin qu'il avait de joindre aux travaux manuels
l'esprit d'oraison et sa soumission parfaite à ses supérieurs, son
amour pour la pénitence et la mortification, en un mot toutes les
vertus qui font les
Saints.
Aussi devint-il l'objet de l'admiration de la communauté qui l'admit
volontiers lorsqu'il fut proposé pour la profession.
Ce fut à l'âge de
vingt-un ans que frère Nicolas, c'est le nom qu'il reçut alors, se
lia au Seigneur par les vœux de religion. Il fit son sacrifice avec
une grande joie et montra par la satisfaction qu'il témoigna,
combien il s'estimait heureux d'avoir choisi le Seigneur pour son
partage. Ce sacrifice ne paraissait pas sans doute considérable aux
yeux du monde, qu'avait eu effet à quitter un pauvre paysan condamné
depuis ses premières années au travail et à la fatigue. Mais Dieu,
juste appréciateur du mérite de la valeur de chaque œuvre, vit avec
quelle générosité ce vertueux jeune homme s'offrait à lui et
renonçait à sa liberté ; aussi se plut-il à le récompenser dès cette
vie, en le comblant de ses grâces les plus signalées. Frère Nicolas,
nouveau profès, ne perdit rien de la ferveur de son noviciat. Envoyé
au bout de deux ans au couvent de Saint-Marc, pour y remplir les
offices de cuisinier et de jardinier, il s'acquitta de ces
emplois avec la plus grande exactitude. Aucun des moments que ses
travaux lui laissaient libres n'était perdu pour sa piété, car il se
retirait alors dans un des endroits les moins fréquentés de la
maison, ou dans un coin du jardin, pour s'y livrer avec plus de
liberté à la prière et à la contemplation.
Mais quoique ce
saint religieux eût un grand attrait pour la vie intérieure, il ne
négligeait pas néanmoins les devoirs extérieurs qui lui étaient
imposés. Plein de respect pour ses supérieurs, il s'empressait
d'exécuter tous les ordres qu'il en recevait. Sa charité se
manifestait surtout lorsqu'il était dans le cas de rendre quelques
services aux prêtres, parce que leur caractère sacré lui inspirait
pour eux une profonde vénération. Le bon esprit de ce vertueux
frère, joint à sa capacité, déterminèrent les supérieurs à lui
donner plusieurs emplois de confiance, qui avaient pour objet le
temporel des couvents. Ces emplois l'obligeaient de s'occuper en
même temps de plusieurs affaires différentes ; mais quelque
multipliées qu'elles fussent, jamais elles ne lui causaient ni
embarras, ni impatiences ; il conservait la paix de son âme comme
s'il avait été entièrement libre de toute occupation.
Le désir de
visiter les monuments de la foi que renferme Rome portait frère
Nicolas vers la capitale du monde chrétien. Ses supérieurs
répondirent à son vœu, et l'envoyèrent au couvent de
Saint-François-de-Paule-du-Mont, occupé par les religieux minimes
calabrais, et dont l'église est paroissiale. On le donna pour
compagnon au Père qui était curé de cette paroisse. Ce fut dans cet
emploi qu'il montra tout ce que peut faire une ardente charité. Il
s'assura d'abord d'une manière exacte du nombre des pauvres du
quartier, et s'appliqua ensuite à pourvoir à leurs besoins. Il
savait, par sa pieuse industrie, créer des ressources pour les
soulager. Il visitait les malades et les infirmes ; mais sa
sollicitude ne se bornait pas à secourir les misères corporelles,
elle s'étendait aux pécheurs qu'il
aidait à sortir du bourbier des vices et à entrer dans le chemin de
la vertu. Après quatre ans passés dans cet emploi, frère Nicolas
devint portier du couvent à la place d'un vertueux religieux dont il
s'efforça d'imiter la conduite. On était surtout édifié de son
humilité, de sa douceur et de sa charité. Ce qui n'édifiait pas
moins, c'était de voir que, malgré les sujets continuels de
distraction que lui devaient donner des occupations aussi
continuelles, il ne perdait rien du recueillement habituel dans
lequel il vivait.
Ses supérieurs,
qui n'avaient que des sujets de satisfaction d'une conduite si
régulière, permirent volontiers au serviteur de Dieu de faire le
voyage de Lorette. Il revint de ce célèbre sanctuaire animé d'une
nouvelle ferveur. Aussi disait-on que si frère Nicolas était déjà un
bon religieux en partant pour son pèlerinage, il paraissait être un
Saint depuis qu'il en était de retour. Dirigé par un Père de son
ordre très expérimenté dans la conduite des âmes, il fit de nouveaux
progrès dans la voie de la perfection. Ses austérités devinrent plus
rigoureuses, sou silence plus exact, sa dévotion plus remarquable.
Il visitait chaque soir les sept églises patriarcales de Rome, sans
néanmoins que ses devoirs en souffrissent d'aucune manière.
Une vertu si
parfaite ne put rester longtemps ignorée, quelque soin que frère
Nicolas prit de la cacher aux hommes. Le bruit de sa sainteté se
répandit bientôt dans la ville de Rome, et l'on publiait hautement
ses louanges. Le pape Innocent XII, qui régnait alors, se rappelant
sans doute ce mot de saint Bernard, qui dit que l'humilité honorée
est une vertu bien rare, craignit que tant de marques d'estime ne
lui fussent nuisibles, et de concert avec les supérieurs des
Minimes, il le fit retourner en Calabre, au bout de douze ans de
séjour dans la capitale du inonde chrétien. On l'envoya au couvent
de Longobardi, son pays natal, afin qu'il présidât à la construction
d'une église qui manquait à cette maison. L'attente de ses
supérieurs ne fut pas trompée ; le saint religieux, par les quêtes
qu'il fit, les travaux auxquels il se livra, et les prodiges qu'il
opéra, réussit à élever un nouveau temple au Seigneur.
Le serviteur de
Dieu, ayant heureusement terminé la pieuse entreprise dont il était
chargé, fut rappelé à Rome par ses supérieurs. Il y devint bientôt
encore l'objet de la vénération générale. Les ecclésiastiques du
plus haut rang, et les séculiers les plus distingués par leur
naissance, venaient le voir et traiter avec lui des affaires de leur
conscience. Il leur inspirait une confiance entière, parce qu'ils
savaient qu'il était rempli de l'esprit de Dieu. En effet, cet
humble frère parlait des choses divines d'une manière à étonner les
professeurs de théologie eux-mêmes. Comblé des grâces les plus
précieuses, on le trouvait souvent eu extase, malgré tout le soin
qu'il prenait de cacher ces faveurs célestes ; mais ce n'étaient
peut-être pas ces dons éclatants qu'on avait le plus à admirer eu
lui, c'étaient les bas sentiments qu'il avait de sa personne ; à
l'entendre, il ne faisait aucun bien, et n'était digne que de
mépris ; cependant tous ses jours étaient consacrés au service de
Dieu et du prochain. Il ne semblait vivre que pour les pauvres, tant
sa tendresse pour eux était vive et agissante. Quelque pénitent que
fût ce saint religieux, le Seigneur voulut, sans doute pour
augmenter ses mérites, le visiter plusieurs fois par la maladie. H
avait résisté à sept attaques de pleurésie ; mais la huitième fut le
moyen dont Dieu se servit pour l'appeler à lui, afin de récompenser
ses vertus. Dès qu'on sut dans Rome que frère Nicolas était en
danger, plusieurs grands seigneurs accoururent le visiter, et le
pape Clément XI lui envoya sa bénédiction apostolique. Absorbé en
Dieu, le saint malade n'était nullement touché des marques d'estime
qu'on lui donnait. Après avoir reçu les sacrements de l'Église ct
invoqué avec une tendre dévotion les trois personnes de l'adorable
Trinité, il termina sa vertueuse carrière, en s'écriant deux fois :
Paradis ! Paradis ! Il mourut à l'âge de 60 ans, le 3 février 1709.
Son corps demeura froid et flexible et ne répandit aucune mauvaise
odeur. Le pape Pic VI mit Nicolas au nombre des bienheureux, le 12
septembre 1786.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard. |