Le
père de Nicolas Factor était né à Syracuse, en Sicile, mais
il habita quelque temps Valence en Espagne. Ce fut là que le
Bienheureux vint au monde, le 29 Juin 1520. Sa piété et sa gravité
se manifestèrent dès son bas âge. Dans son enfance , il jeûnait
trois jours chaque semaine, et ses austérités ne firent qu'augmenter
avec ses années. Il donna de bonne heure des signes non équivoques
de son amour pour les pauvres et pour les infirmes. Il les assistait
selon son pouvoir, se privait souvent pour eux de ses repas, et leur
témoignait en les secourant un profond respect , s'agenouillant
devant eux, leur baisant les pieds et les mains, et même leurs
plaies les plus dégoûtantes. Les exemples de perfection chrétienne
que donnait ce saint enfant touchèrent tellement une fille maure qui
servait chez son père , qu'elle abjura le mahométisme et embrassa la
vraie religion. Cette conduite de Nicolas envers les indigents et
les affligés lui attirait quelquefois les railleries de ses
compagnons j mais il leur rappelait que les pauvres sont les images
de Jésus-Christ, et que, par le respect qu'il leur marquait, il
honorait ce Dieu qui a daigné se faire pauvre pour l'amour de nous.
Plus âgé, il allait fréquemment visiter les malades dans les
hôpitaux, et il porta plusieurs personnes de la ville qu'il habitait
à se livrer à cette bonne œuvre. Le père de ce vertueux jeune homme
le destinait au commerce et lui proposa un mariage avantageux ; mais
Nicolas le refusa respectueusement. Plein de mépris pour les biens
du monde, il pria son père de disposer en faveur des pauvres, d'une
somme d'argent considérable destinée à son établissement. Après de
sérieuses réflexions sur le choix d'un état, il se décida pour la
vie religieuse, et entra secrètement, en 1537, dans le couvent des
Observantins de Valence. Ayant obtenu ensuite le consentement de ses
parents, il sollicita du supérieur l'habit de religion, plus encore
par ses larmes que par ses prières. A la suite de son noviciat, dont
il passa le temps de manière à édifier toute la communauté, il
prononça ses vœux, reçut les ordres sacrés, et se livra ensuite tout
entier à la prédication de la parole de Dieu.
On ne peut dire
jusqu'à quel point l'innocence des mœurs de Nicolas, son affabilité,
sa modestie et toutes les autres bonnes qualités que l'on remarquait
en lui rendaient ses prédications fructueuses. Il serait impossible
de compter le nombre d'âmes égarées dont il a dissipé les erreurs,
et de pécheurs qu'il a tirés du bourbier du vice, pour les faire
marcher dans les sentiers de la vertu. « Il n'appartient pas à
toutes sortes de personnes, dit un célèbre orateur,
de prêcher la croix. C'est une vérité éternelle, qu'il faut porter
sa croix ; et que .pour la porter en chrétien, il faut la porter
volontairement jusqu'à l'aimer, jusqu'à s'en glorifier Mais cette
vérité, quoique éternelle, n'a pas la même grâce dans la bouche de
tout le monde. » Cette grâce dont parle Bourdaloue, le saint
religieux la possédait dans un degré éminent. Ses auditeurs, en
l'entendant parler de la voie étroite, se laissaient aisément
persuader, parce qu'ils voyaient en lui un homme crucifié au monde,
à ses pompes et à ses délices, un modèle de cette vie de renoncement
et de cet esprit de ferveur dont ses sermons faisaient sentir la
nécessité. Il n'est point de pratique de mortification, autorisée
par l'exemple des Saints, dont il n'usât dans toute sa rigueur. Sa
coutume était de prendre trois fois la discipline avant de monter en
chaire. Il marcha pieds nus jusqu'au moment où ses infirmités le lui
eurent rendu impossible. Il portait constamment le cilice, observait
un jeûne rigoureux, et les historiens de sa vie rapportent que
pendant deux ans il ne prit de sommeil que dans une posture
très-pénible. Malgré cette austère pénitence, son visage paraissait
toujours frais et agréable. Rigide observateur de la règle, il vécut
dans la pratique exacte et constante de l'obéissance, de la pauvreté
et de la chasteté. Quoique d'une pureté de conscience si grande, que
l'on croit qu'il n'a jamais commis aucun péché mortel, ce saint
homme exerçait sur lui-même une vigilance continuelle, bien propre à
couvrir de confusion tant de chrétiens qui ne craignent aucun danger
pour leur âme. Sa prudence et son habileté dans les voies
spirituelles le firent choisir pour gardien, et ensuite pour maître
des novices. C'était par ses discours et ses exemples, mais surtout
par sa douceur, qu'il cherchait à conduire à la perfection de leur
état les sujets qui lui étaient confiés. Cette même douceur lui
attirait la confiance des jeunes religieux, et ne lui était
cependant rien de l'ardeur de son zèle, quand il s'agissait de
sauver les pécheurs. Instruit quelquefois par une lumière
intérieure, du péril que couraient pour leur salut des criminels
livrés au désespoir et prêts à se donner la mort, il allait les
trouver avec empressement, les arrachait au trépas et au démon, et
obtenait d'eux la confession de leurs crimes. Les plus vertueux
personnages de l'Espagne qui vivaient de son temps, tels que saint
Louis Bertrand, saint Pascal Baylon et le B. Jean de Ribera,
archevêque de Valence, avaient pour ce parfait religieux une
affection singulière ; ils publiaient à haute voix sa sainteté, et
saint Louis Bertrand disait que « quoique Nicolas Factor parût être
et fût réellement sur la terre, il était néanmoins dans le ciel et
jouissait, par anticipation, des délices éternelles de l'autre
vie. »
Ayant été appelé
à Madrid par Jeanne d'Autriche, sœur de Philippe II, pour y diriger
les religieuses déchaussées que l'on appelle royales, il
remplit cet emploi avec une sagesse qui lui mérita de nouveaux
éloges. Mais quelles que fussent ses occupations extérieures, il
était constamment uni à Dieu d'une manière intime par la prière et
la méditation. Des faveurs surnaturelles et extraordinaires furent
la récompense de sa fidélité. Il avait de fréquentes extases, et il
y tombait surtout lorsqu'il s'occupait du mystère auguste de
l'Eucharistie. Ce que la voix publique en rapportait et certaines
pratiques de dévotion de ses disciples attirèrent l'attention de
l'inquisition. Le saint religieux fut appelé devant le tribunal de
Tolède, qui, après un sévère examen de sa conduite, non seulement
déclara qu'il était irréprochable, mais exprima sa haute admiration
pour ses vertus et lui donna de grandes louanges.
Peu de temps
après cet événement, Nicolas tomba malade : il connut sans doute que
sa fin était proche, car il s'occupa du lieu de sa sépulture ; et
par un trait d'humilité remarquable, il demanda instamment qu'on
l'inhumât dans une étable. Lorsqu'on lui eut appris qu'il touchait à
son terme, un air de satisfaction se répandit sur son visage, et on
l'entendit prononcer avec force ces paroles de David : « Je me suis
réjoui des choses qui m'ont été annoncées. » Enfin, plein de-jours
et de mérites, il rendit paisiblement son âme à Dieu dans le couvent
de Jésus, à Valence, le 23 Décembre 1583, à l’âge de soixante-trois
ans. La grande réputation de sainteté dont ce parfait religieux
avait joui pendant sa vie ne diminua point après sa mort. Le roi
d'Espagne Philippe II, les magistrats et le peuple de Valence,
présentèrent, en 1586, une supplique au Pape Sixte V, pour obtenir
sa canonisation. Le Pape Pie VI l'inscrivit au catalogue des
Bienheureux le 26 Août 1786.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card.
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