Recueil des Lettres
écrites par la main
de Monsieur Nicolas Roland,
Théologal,
à plusieurs de ses pénitentes
Lettre 1
à une Dame de qualité
Vous ferez très bien d’exécuter le dessein que vous avez de
cette petite retraite; tâchez d’y être encore plus recueillie dans l’intérieur
qu’à l’extérieur. Entrez dans les dispositions de silence, d’oraison, de
présence de Dieu, d’humilité, dans lesquelles a été la sainte Vierge en ces
saints jours, afin de recevoir dans votre cœur son divin Fils. Unissez-vous
aussi aux dispositions du Saint Enfant. Demandez avec larmes et gémissements,
quelque part au pur amour, à la sainte pureté, à l’innocence, et à l’esprit de
pénitence qu’Il est venu répandre sur la terre. Paraissez, devant ses yeux
divins, avec la confusion d’une épouse qui Lui a gardé si peu de fidélité.
Enfin, soyez surtout humble, pénitente, recueillie.
Humilité, pénitence, esprit de recueillement, d’oraison et
attention perpétuelle sur vous-même ce sont trois choses que vous devez toujours
avoir devant les yeux, comme trois moyens de salut, pour vous très nécessaires
et très assurés.
Je vous dirai volontiers avec un grand Saint: quand
aimerons-nous l’Amour ? Attendons-nous de nouveaux sujets d’aimer, de nouveau
bienfaits, de nouvelles beautés, pour aimer ce Dieu d’amour qui vient solliciter
notre cœur par l’humilité de sa crèche, par la tendresse de son enfance, par ses
larmes, et par ses cris enfantins ? Ce feu divin ne fondra-t-il pas la glace de
notre cœur, ne consommera-t-il point toutes nos souillures et toute notre
corruption ? Commençons donc à aimer tout de bon ce divin Enfant. Oui! je le dis
de bon cœur avec le Saint-Esprit, quand ce malheur devrait tomber sur vous et
sur moi: anathème, malédiction, damnation, séparation de Dieu pour jamais à
celui qui n’aime pas le Seigneur Jésus. C’est en son saint amour que je suis
tout à vous.
Lettre 2
à une autre Demoiselle de qualité
Nous avons reçu, Mademoiselle, la charité que vous avez
procurée à nos pauvres orphelins par le moyen de Mademoiselle de N... On a
célébré les Messes que vous me marquez, et je n’ai pas manqué de demander à
Notre-Seigneur, pour ces deux bonnes demoiselles, qu’Il les prévienne fortement
contre la corruption du siècle et du monde, et que son air empesté ne corrompe
jamais les bonnes dispositions dans lesquelles elles paraissent.
Je ne sais si vous savez que Mademoiselle N... est allée à
Paris, comme je l’ai ouï dire, et si vous savez quand elle reviendra, et quelque
chose de ses dispositions. Si vous en avez connaissance, vous me ferez plaisir
de me le mander.
Les choses semblablement se disposent de plus en plus pour
l’établissement de notre Maison. Monsieur..., qui paraissait le plus opposé,
semble avoir changé de sentiments. Je recommande le tout à vos prières. Je prie
notre Seigneur qu’Il accomplisse en vous tous ses desseins et que vous Lui soyez
parfaitement fidèle. Je vous prie de Lui demander pour moi la même grâce. C’est
dans son saint amour que je suis, pour jamais, tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 3
à une Demoiselle de piété, de Reims
J’ai reçu, Mademoiselle, votre lettre du 23 de ce mois, qui
est obligeante, à votre ordinaire. Je vous écris, parce que j’ai cru vous devoir
donner avis que je n’ai reçu aucune nouvelle de Mademoiselle N... On m’a dit
qu’elle n’était pas repassée par Reims; je ne sais ce qu’il en est, n’ayant pas
fait d’enquête, mais j’ai quelque sujet de penser qu’elle a changé de dessein,
ne voyant pas qu’elle entretienne avec nous le commerce qui se pourrait pour une
personne qui penserait à se consacrer à Dieu dans notre maison.
Je suis résolu, en cela, d’adorer les ordres de la
Providence, et si cette bonne Demoiselle n’y pense plus, je croirai que la
Maison n’est pas digne de la posséder.
Nous demandons à Notre-Seigneur qu’Il y conduise Lui-même
celles qui sont marquées de sa main, pour travailler à son œuvre, et que jamais
rien d’humain ne se mêle dans l’admission ou dans l’exclusion des sujets.
Mais, quoique nous tâchions de nous tenir dans l’indifférence
en cette occasion, je serais cependant bien aise de savoir par vous,
Mademoiselle, la disposition de Mademoiselle N..., afin que nous sachions si
nous devons y faire quelque fond, ou non. C’est sur quoi j’attendrai de vos
nouvelles, lorsque ladite demoiselle aura été à N..., ou que vous l’aurez appris
par ailleurs. Cependant, n’oubliez pas de prier pour moi qui en ai grand besoin
et qui suis, pour jamais, dans les Sacrés Cœurs de Jésus et Marie.
N. R. P. I.
Lettre 4
autre lettre de Rouen
J’ai vu, dans la retraite où je suis, ma très chère Fille,
tous les écrits que vous m’avez mis en main. Vous avez déjà dû, depuis ce
temps-là, recevoir mon silence, comme une épreuve de la Providence à votre
égard, pour vous détacher des créatures et ne tenir plus qu’à Dieu seul qui doit
être votre Tout.
Ce que je peux vous dire c’est que votre état n’est point
mauvais, ni d’une réprouvée, comme vous vous l’imaginez; mais il marque, au
contraire, que Dieu a sur votre âme des desseins d’amour et de perfection
particuliers auxquels il faut que vous correspondiez, faisant plus d’état des
moindres imperfections que de tous les assauts que les démons vous livrent.
Ainsi, telles pensées que vous ayez, telles impressions
mauvaises que vous ressentiez, ne vous en mettez nullement en peine. Mettez-vous
au-dessus de toutes ces attaques, et tâchez, sur toute chose, au milieu de
toutes ces agitations et tempêtes intérieures, de vous tenir dans le calme dans
l’intime de votre âme, la tenant en vos mains en paix et en patience, en vous
abandonnant à des dispositions encore plus pénibles, si telle était la volonté
de Dieu sur vous.
Car, quoiqu’il est vrai que le tout nous vienne de l’ordre de
Dieu, il est de son même ordre de ne point fomenter en nous-mêmes ces sortes de
choses, en y faisant trop de réflexion, que nous tâchions de nous mettre
au-dessus de tout ce qu’Il permet nous arriver, nous unissant à Lui et à son bon
plaisir, au-dessus des orages et des tempêtes. C’est dans son saint amour que je
suis tout à vous.
Lettre 5
une autre de Rouen
Ma chère Sœur,
Je crois que vous devez vous simplifier davantage que vous ne
le faites, en ne faisant point tant de retours sur vous-même, qui souvent vous
agitent l’esprit et vous dérobent à l’ordre de Dieu et au service que vous
pourriez rendre au prochain.
Cela n’est autre chose qu’un effet de l’amour-propre très
subtil qui se démène, s’agite et se remue pour éviter les peines et se dérober à
l’ordre de Dieu sur vous.
Ainsi, ne vous mettez point en peine de votre état de
perfection; c’est l’affaire de Dieu. Travaillez seulement pour sa gloire: c’est
là votre devoir. Humiliez-vous, et devenez comme un enfant à l’égard de ceux qui
vous gouvernent; et soyez fidèle à votre vocation. Et croyez que le consentement
à des pensées qui vont à vous la faire perdre vous nuira extrêmement. Et,
partant, ne vous y laissez point aller; car, si vous n’y persévérez, vous êtes
en très grand danger de vous perdre, si vous retournez à votre liberté.
Croyez-moi, dans l’amour de Jésus, tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 6
une autre de Rouen
Ma très chère Fille,
Ce que je puis vous dire sur la répugnance que vous avez à la
manifestation de votre conscience, aux personnes qui vous tiennent la place de
Dieu, vous devez devenir comme un enfant qui n’a point de retour sur lui-même,
ni d’appréhension des créatures.
Ainsi, croyez que vos répugnances, vos craintes, et tout ce
que la nature peut vous suggérer, ne sont que des preuves et des effets de votre
faiblesse et de votre amour-propre, comme elles sont des tentations visibles,
auxquelles, pour y remédier, je vous exhorte à ne regarder jamais vos Supérieur
et Supérieure que par l’œil de la foi, et de n’envisager que Notre-Seigneur en
leurs personnes. Ne faites jamais non plus réflexions sur leurs qualités
personnelles. Parlez de ce qui vous concerne avec simplicité, marquez vos
répugnances, écrivez-moi de vos dispositions une fois le mois, si vous en avez
besoin.
Donnez-vous tout de nouveau à Notre-Seigneur pour Le servir
avec fidélité et renoncement de vous-même, mettant vos intérêts entre ses mains,
prenant seulement garde d’être fidèle dans tout ce qu’Il permettra vous arriver,
étant prête à recevoir de la main de Dieu toutes sortes de dispositions, si
crucifiantes qu’elles puissent être, sans aucun choix de votre part. Priez-Le
pour moi, et me croyez pour jamais tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 7
une autre de Reims
Ma très chère Fille,
Pour répondre à la vôtre, je ne crois point que vous péchiez,
au moins notablement, dans toutes ces choses que vous me marquez, et je ne vois
rien autre chose à vous dire, sinon: mettez-vous au-dessus de ces peines,
méprisez-les, pour qu’elles ne ruinent point la paix de votre âme, laquelle doit
être paisible dans l’intime de votre cœur, quoique bouleversée en sa superficie.
Humiliez-vous et croyez que ces impulsions si fâcheuses et si
humiliantes sont de justes punitions de vos péchés. Portez donc, de la main de
Dieu, le froid de Dieu, l’incapacité de vous occuper de Lui et de ses mystères,
sans Le vouloir trouver à force de tête. Résignez-vous, perdez-vous et
oubliez-vous, et portez cet état tant qu’il Lui plaira. Plus il vous semble
pénible et éloigné de Dieu, plus il est avantageux et vous approche de lui.
Je fais plus d’état d’une imperfection naturelle mal
mortifiée, et d’une action faite par nature, que de tout ce qui paraît le plus
criminel dans vos peines, par ce que j’y vois plus de volonté.
Appréhendez les choses relevées, demandez à Dieu qu’Il vous
conduise par la foi, allez simplement, ne cherchez que Lui seul, priez-Le pour
moi, toute misérable que vous êtes, et me croyez, en son saint amour, tout à
vous.
N. R. P. I.
Lettre 8
une autre de Paris, à une de ses filles
J’ai vu, ma très chère Fille en Notre-Seigneur, votre
dernière lettre, à laquelle je fais réponse bien tard pour n’avoir pas eu le
temps plus tôt.
Je ne crois pas, pour les choses que vous me marquez, que
vous soyez en mauvais état, comme la tentation peut vous le persuader; mais je
ne doute point que Notre-Seigneur ne permette ces choses pour apporter un remède
très efficace à vos infidélités et au délai que vous apportez à correspondre aux
grâces que Dieu vous fait.
C’est pourquoi, dorénavant, tâchez d’être plus vigilante et
généreuse; défaites-vous de ce qui vous retarde dans la voie de la vertu; ne
vous arrêtez jamais à votre propre jugement, sous prétexte de piété et de plus
grande perfection. Ne vous rebutez point des personnes, quoiqu’elles ne soient
pas de vos sentiments; souffrez en patience, humiliez-vous, et croyez-vous
toujours la plus imparfaite. Travaillez à devenir petite à vos yeux et à ceux de
tout le monde, faisant le personnage d’écolière et d’humble servante de
Jésus-Christ. Ce sera le moyen abrégé de mettre fin à vos peines et de vous
rendre très agréable à Dieu. Priez-Le pour Moi et me croyez dans le Sacré-Cœur
tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 9
une autre de Reims, à une de ses filles
J’ai reçu la vôtre, ma très chère Fille; ce que je puis vous
dire sur celle-ci est que vous ne vous laissiez jamais préoccuper l’esprit par
aucune créature, et que vous ne soyez pas de concert avec les personnes faciles
à s’indiquer la conduite de ceux qui vous tiennent la place de Dieu; vous
pourriez participer à leurs défauts.
Croyez que le changement que vous voyez, et qui fait le sujet
de votre plainte et celui de vos inquiétudes, est une suite de l’expérience que
l’on a, dans un grand nombre de personnes, qu’il y a des conduites aussi
différentes que possible. Et, pour ce sujet, il est nécessaire que les forts
suppléent les faibles. Une Communauté ne se peut établir autrement. L’esprit de
Dieu ne se perd pas par la facilité des Règles, mais par l’indocilité des
esprits.
Soumettez toujours le vôtre à tout ce qui sera dans l’ordre,
et pour la gloire de Dieu, selon l’esprit de simplicité et d’obéissance qui doit
régner parmi vous. C’est le moyen de contenter le saint Enfant-Jésus, en l’amour
duquel je suis tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 10
une autre, à la même, de Reims
Ma très chère Fille,
Je suis content de votre réponse et ai la joie que vous soyez
rentrée en vous-même, pour ne plus vous plaindre par un faux zèle que vous
aviez. Croyez que l’on a raison, et que l’on ne change rien des premiers
principes que nous vous avons donnés, que c’est pour vous les rendre plus
faciles.
Ne vous rebutez de rien, désirez contenter Dieu, aimez-Le
purement, mettez vos intérêts entre ses mains, et me croyez, en son saint amour,
tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 11
à une autre de Reims
J’ai la joie, ma très chère Fille en Notre-Seigneur, que vous
ayez résisté à la tentation. Celle des parents est une des plus ordinaires aux
personnes qui veulent se donner à Dieu; mais celle que vous avez ressentie me
semblait plus facile qu’une autre à surmonter, puisqu’il est visible que vos
parents ne s’opposent à votre dessein que pour des intérêts temporels qui sont
les divinités de la plupart des hommes.
Humiliez-vous beaucoup de vous être reconnue si faible; ayez
confusion d’avoir mis en comparaison le service de Notre-Seigneur et celui du
prochain, avec la vie que vous pouviez mener en votre particulier, en faisant
votre volonté et n’étant utile à personne, et souvenez-vous qu’il faut, pour
être à Dieu véritablement, pouvoir dire avec saint Paul: “Je suis certain que ni
la mort, ni la vie, ni le présent, ni le futur, ni les puissances, ni
dominations, ni toutes les forces de l’enfer, ni le glaive, ni la persécution,
ne me pourront séparer de la charité de Jésus-Christ et de l’exécution de sa
volonté sur moi”. C’est en son saint amour que je suis, pour jamais, tout à
vous.
N. R. P. I.
Lettre 12
à une autre de R.
Ma très chère Sœur,
Je vois assez de résistance dans vos peines, pour me faire
croire que vous ne consentez point aux suggestions qui vous sont faites.
Ainsi, je n’y remarque point de fautes qui vous obligent à
vous confesser.
Tâchez de plaire à Dieu dans toutes ces attaques, en vous
abandonnant entre ses mains. Il ne vous laissera point entre les mains de vos
ennemis, que pour en tirer sa gloire. Il ne veut pas votre chute; mais Il veut
que vous portiez la peine de vos péchés passés. L’extrémité où je vous vois me
donne de plus grandes espérances de votre perfection, que si Dieu vous tenait
dans des douceurs sensibles, où peut-être vous cesseriez de vous humilier et de
connaître votre bassesse.
Soyez donc courageuse. Ne manquez en rien à vos exercices
ordinaires, telle répugnance que vous y ayez. Lorsque nous croyons que tout est
perdu, c’est alors que tout va mieux. Quand vous pensez ne point avoir de foi ni
d’amour, non plus que de présence de Dieu, c’est alors qu’ils sont plus intimes.
Tenez-vous donc en paix, et me croyez, dans le Cœur de Jésus, tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 13
une autre, à une de ses filles, sur le sujet des scrupules
C’est bien mal profiter des lettres qu’on vous écrit, ma très
chère Fille en Notre-Seigneur, puisqu’après les avoir reçues, vous en écrivez de
presque toutes semblables à celles que vous m’avez déjà écrites. Si vous aviez
occupé le temps que vous avez mis à écrire ces grandes lettres à aimer Dieu et
instruire le prochain, vous jugez bien qu’il aurait été mieux occupé.
Je ne suis point d’humeur à nourrir vos scrupules, et ainsi,
si vous ne vous en corrigez pas et si vous écrivez encore des lettres semblables
à celles que vous m’avez écrites, non seulement en longueur, mais encore en
substance, vous n’aurez point d’autre réponse que la privation d’un certain
nombre de communions.
Soyez donc plus sage et plus obéissante. Priez Dieu pour moi.
Vous ne ferez pas de sacrilège tant que vos obéirez; mais vous déplairez
beaucoup à Notre-Seigneur lorsque vous préférerez votre jugement tordu à celui
de ceux qui vous conduisent. Il y a un démon qui a dessein de vous faire tourner
la cervelle, en y mettant des pensées sur pensées, réflexions sur réflexions,
auxquelles, vous vous laissez séduire.
Je veux que vous vous moquiez de toutes choses, et que vous
ne vous confessiez point de toutes ces folles pensées qui sont dans votre
lettre. Croyez-moi, en l’amour de Jésus, tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 14
une autre, sur le même sujet
Ma très chère fille en Notre-Seigneur, je ne puis vous
exprimer la compassion que j’ai pour vous, de voir l’amour effroyable que vous
avez pour vous-même. L’adhésion à la tentation, votre peu de docilité
détruiront, si vous n’y prenez garde, les desseins de Dieu sur vous, vous
priveront de l’état auquel Il vous destine, vous rendront insupportable à
vous-même et à ceux qui vous conduiront; en voilà bien assez pour travailler à
vous corriger.
Je ne veux point que vous parliez davantage de revue ni de
confession générale. Ce qu’il y a à faire, pour vous, est de ne penser à votre
confession qu’un « Miserere » avant de vous mettre aux pieds du prêtre, et de
vous interdire toute réflexion après l’avoir faite. Je me charge de tous vous
prétendus sacrilèges. Pour finir, je vous dirai que voilà la dernière fois que
je vous réponds sur vos scrupules. Vous n’avez qu’à vous régler sur ce que vous
croyez être ma pensée, suivant cette lettre. Gardez ces préceptes que je vous
donne, par toute l’autorité que Dieu m’a donné sur vous. C’est en son saint
amour que je suis tout à vous.
N. R. P. I.
Lettre 15
pour remédier aux scrupules, autre, en forme de règlement de vie
Ma chère Fille, voilà le règlement que vous garderez
dorénavant pour le bien de votre âme, et pour guérir la maladie de votre esprit:
que vous ne disiez jamais que quatre péchés à confesse, et à la fin de votre
confession un péché de la vie passée; que vous ne disiez jamais rien du passé
pour toute chose qui arrive; que vous ne disiez jamais rien d’une confession à
une autre, pour l’avoir oublié; que vous ne recommenciez point de confession
faute de contrition; que vous ne pensiez point à vos péchés dans votre oraison;
que vous ne fassiez ni revue, ni confession générale, ni en santé ni en maladie.
Je ne veux point que vous écriviez vos péchés, ni que vous les gardiez. Vous
pouvez seulement écrire vos fautes extérieures.
Vous ne m’écrirez pas plus souvent que tous les mois. Et
quand vous m’écrirez, vous n’emploierez pas plus de papier qu’il y en a dans la
moitié de cette lettre.
Je ne veux pas que vous entendiez une seconde Messe, en
prétendant n’avoir pas bien entendu la première. Je veux que vous vous défassiez
des réflexions qui vous empêchent de la bien entendre, car vous n’avez garde
d’avoir de l’attention en vos prières, étant toujours occupée de vous même.
Ne lisez point de livres relevés, ni ne répondez point à des
questions alambiquées.
Lettre 16
lettre à une Dame, touchant la réception des filles de la Communauté du
Saint Enfant-Jésus
Madame,
Pour répondre à la vôtre, touchant la réception des filles de
la Communauté, dont je suis chargé, quoiqu’indigne, je vous dirai que je ne peux
m’arrêter à la dot, pourvu que je remarque en un sujet les qualités nécessaires
pour y être admise, savoir: une bonne santé, un esprit droit qui ait de la
pénétration, sans toutefois s’en faire accroire, un cœur soumis aux ordres de la
Providence et des Règles, un talent suffisant pour l’emploi, des mœurs réglées
ou faciles à conduire.
Voilà ce que je crois être le plus nécessaire pour cette
maison, et que j’estime plus que les dots.
Si toutefois le temporel se rencontrait avec les avantages
susdits, je n’estimerais pas qu’une fille eût bonne vocation pour y être admise,
si elle voulait enrichir sa famille en lui laissant son bien pour charger la
Communauté de sa personne.
Ainsi, vous pouvez compter là-dessus pour celle dont il est
question, joint, que son bien n’est pas excessif pour la nourrir infirme, ainsi
qu’elle peut devenir. J’attends la réponse de vos derniers sentiments sur ce
sujet. Croyez-moi, en l’amour de Jésus-Christ, tout à vous.
Lettre 17
à une Religieuse de l’Ordre de Notre-Dame, où il lui enseigne la manière de
passer la journée saintement
Ma chère Fille, que votre principale maxime soit de servir
Dieu avec ferveur, vous souvenant dès le moment de votre réveil, soit le matin
ou de nuit, que tout ce que nous pouvons faire pour la gloire et le service de
Dieu est bien au-dessous de ce que nous Lui devons, à ce titre même de simple
créature, sans compter ce à quoi nous Lui sommes obligés en qualité de ses
épouses, du nombre desquelles vous avez le bonheur d’être, par un choix
particulier de son amour, et non point par hasard, ni inclination de votre
jeunesse, ni poursuites de vos parents.
Que tous les jours de votre vie soient donc de nouveaux jours
de ferveur. Dès le point de votre réveil, souvenez-vous des paroles de l’Époux:
“Venez, ma colombe, au trou de la pierre”, c’est-à-dire de son côté,
puiser de l’amour de son cœur pour en remplir le vôtre, afin de conserver son
souvenir le reste du jour.
Allez à l’Office divin, entendez la sainte Messe, vaquez et
conversez dans l’esprit de victime destinée à être égorgée sans cesse, par la
mort à vous-même, à tous vos sens et passions, ce que vous obtiendrez par la
fidélité à la sainte oraison, si vous y êtes fidèle: 1° à n’y jamais
manquer; 2° à ne rien épargner pour vous la rendre fructueuse; ainsi que
je vous l’ai déjà marqué ailleurs.
Dans le reste du temps de vos exercices, et parmi les emplois
et offices, n’épargnez pas les points de lecture spirituelle, courts et
succincts: le livre de l’Imitation, ou d’autres livres de sentences sont
tout propres pour cela. Que les oraisons jaculatoires soient votre entretien
fréquent; mais je souhaiterais que vous les fassiez sur les principes qui
doivent animer nos actions et entretiens, c’est-à-dire selon les occasions que
vous en avez journellement, comme par exemple quand vous voyez ou entendez
quelque misère, souffrance, pauvreté corporelle ou spirituelle dans les autres,
que vous disiez en vous-même: O mon Dieu, pourquoi gratifiez-vous ainsi votre
chétif créature, que vous la préserviez de telle peine ou indigence? Quelle
reconnaissance vous dois-je, ô mon Dieu! ou autre semblable.
Si vous voyez ou entendez dire que les riches manquent de
compassion pour les pauvres, que les ignorants sont sans instruction, que les
bons sont opprimés, calomniés, comme cela se répand souvent dans les
conversations, tâchez, de même, de former des conceptions humbles et charitables
qui vous fassent réparer, autant qu’il est en vous, la gloire que Dieu perd par
les outrages qu’Il reçoit des pécheurs. Cette occupation est salutaire, et de
grande utilité pour empêcher de meubler l’esprit des dissipations qu’apportent
les conversations avec les gens du siècle; ce que je vous conseille de faire
autant que vous pourrez, car ce n’est qu’un air empesté.
Voilà ce que j’ai cru vous devoir marquer pour répondre à vos
désirs. Pour ce qui est de votre autre article sur la peine que vous pouvez
avoir de ce que l’on ne vous accorde pas pour le bien du prochain, je remercie
Notre-Seigneur des sentiments qu’Il vous donne là-dessus; mais je vous dis, ma
chère Fille, qu’il faut gémir de voir une moisson si grande et si peu
d’ouvriers. je veux dire que tant de personnes passent, ou, pour mieux dire,
perdent le temps et l’argent à se parer, nourrir, vêtir, divertir. Cependant,
« le juste périt », dit le Prophète. Personne n’y prend garde et ne veut aider à
sauver une âme, ni par ses soins charitables, ni par dépense, bien qu’il ne
faudrait pour cela qu’une partie du superflu.
Bénissez Dieu de ce qu’Il vous à retirée des engagements du
siècle et des convoitises, où vous vous seriez peut-être laissée engager comme
les personnes pour lesquelles je vous exhorte de gémir et de répandre des larmes
devant Celui qui a donné son sang pour vous.
C’est en son amour que je suis tout à vous.
Lettre 18
à une autre
Ma chère fille, ce que je peux vous dire, touchant les
sentiments sur l’esprit du monde, c’est de vous persuader de n’y point adhérer
en ne vous contentant pas de l’avoir quitté à l’extérieur en vous renfermant
dans un cloître, mais d’en fuir toutes les maximes, et de vous donner garde d’un
certain esprit qui se glisse même parmi les personnes consacrées à Dieu, et qui
est un piège que le diable tend.
Cet esprit n’est autre qu’une certaine mesure que l’on prend
avec Dieu, de ne vouloir pas aller si avant dans la voie de la vertu; que cela
est bon pour certaines âmes d’élite; que chacun n’est pas porté si avant; qu’il
faut attendre le mouvement exprès du Saint-Esprit; que d’autres qu’on estime ne
font pas mieux que nous; que les voies au-dessus du commun sont suspectes; qu’il
y en a qui s’égarent pour vouloir prendre le haut vol de la perfection, et
autres semblables. Ce qui n’est autre chose qu’un esprit d’humanité que vous ne
trouverez jamais dans l’Évangile où Jésus-Christ ne faisant aucune distinction
en disant : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » « Renoncez
à vous-même, prenez votre croix et me suivez. » Et en un autre endroit de
l’Écriture : « Tous ceux que Dieu a prédestinés, Il les a appelés à la
ressemblance de son Fils. »
Par conséquent, ma chère Fille, ne vous amusez point à
pointiller avec Dieu, car c’est renoncer au salut que d’interpréter autrement
les Paroles de Dieu. Donnez-vous, dis-je, de garde de cet spiritualité mondaine
qui perd les âmes, suivant le masque de la vertu, et, dans une piété commode,
veut allier Jésus-Christ avec le monde.
Mettez-vous toujours du petit nombre, qui sont les âmes qui
ne refusent rien à Celui qui nous a donné jusqu’à la vie, et qui ne croient
jamais cependant rien faire qui Lui soit agréable, ni qui soit conforme à ce
qu’Il mérite et à ce qu’elles Lui doivent.
C’est dans ce bercail que je vous exhorte à entrer sans délai
ni mesure, pour être à Celui qui vous aime sans mesure. C’est en son amour que
je suis tout à Vous.
Lettre 19
Petit recueil des avis pour la conduite d’une âme religieuse, pénitente de
feu Monsieur Roland, lesquels il lui a donnés de vive voix
Sur la Pauvreté
Ma chère Sœur, honorez toujours votre état d’une âme dévoué
au culte particulier du Seigneur, en conservant avec fidélité l’esprit de la
sainte pauvreté. Ne vous laissez jamais captiver le cœur ni l’esprit par la
moindre propriété dans nos habits, cellule, accommodement. Contentez-vous du pur
nécessaire. Soyez bien aise de sacrifier le commode, et quand l’occasion se
présentera, de manquer même du nécessaire. Agréez cela de bon cœur, comme un
moyen que Jésus-Christ vous présente pour Lui être semblable.
Sur la Chasteté
Tenez votre cœur, votre corps, vos sens et votre esprit dans
une grande pureté, car votre Époux, étant la pureté même, est jaloux de toutes
les âmes qui Lui sont consacrées. Fuyez le commerce, je veux dire l’entretien
des créatures. Ne donnez jamais occasion à votre ennemi de vous attaquer; mais
pour vous surmonter sur cette matière, vivez toujours petite à vos yeux, et à
ceux des autres autant que vous pourrez.
Ne vous étonnez, ni ne vous affligez pas des secousses que
votre chair pourra vous livrer. Dieu les permet souvent pour vous punir de la
vie passée ou pour nous faire connaître ce que nous serions à présent si nous
étions destitués de sa grâce, ou bien pour nous purifier comme l’or dans le
creuset, afin de nous unir plus étroitement à Lui dans l’avenir. De quelque
manière que ce soit, soyez fidèle sur ce point.
Sur l’Obéissance
Ne faites rien que par dépendance. Car, par ce sacrifice de
votre volonté, vos plus petites actions, fussent-elles même nécessaires, seront
d’un très grand mérite devant Dieu.
C’est un port assuré que la sainte obéissance. Prenez-la la
plus immédiate que vous pourrez dans les choses qui sont communes, car, par ce
moyen, vous conservez un cœur nouveau et l’esprit de ferveur s’entretient
facilement.
Souvenez-vous, lorsque vous aurez de la difficulté en ce qui
vous sera prescrit, que ce n’est peut-être que le peu d’amour pour Dieu qui vous
donne cette peine.
Sur l’Oraison
Cet exercice doit être la nourriture continuelle d’une âme
consacrée à Dieu. Que ce soit la vôtre, si vous voulez vaincre vos passions et
ce qui reste du vieil homme. C’est là ou vous puiserez les lumières et grâces
nécessaires pour vivre selon votre profession.
Suivez-y votre attrait, mais toujours avec obéissance, ce qui
vous fera éviter la paresse ou le trop d’élévation. Ce que votre ennemi prétend,
lorsqu’il ne peut vous la faire quitter, c’est de vous y donner de fausses
idées. Allez-y donc en esprit de mort et d’anéantissement de vous-même. Ne
refusez pas les vues que Dieu vous y donnera, par une fausse humilité; mais ne
recherchez rien de relevé.
Votre oraison sera bonne, si vous y recevez des connaissances
propres à détruire votre nature corrompue, si vos vues sont sur les devoirs de
votre profession, si l’oraison vous fait estimer les pratiques de la vie commune
préférablement à ce qui est particulier, si elle vous tendre à l’unité de
regard, de désirs de plaire à Dieu seul, et non point à une multiplicité de
pratiques, à des empressements inutiles sur les choses créées, car la fausse
oraison porte à ces dérèglements. Donnez-vous-en de garde.
Sur le Dépouillement de soi-même
Considérez souvent la tromperie de certaines âmes qui se
donnent à Dieu avec mesure. C’est la cause du peu d’avancement après tant de
grâces reçues, tant de soutiens et de secours de providence. On se trouve aussi
vivant et entier, selon la nature corrompue, que si l’on commençait aujourd’hui.
Ne soyez pas, je vous prie, de ces âmes-là. Prenez un plus
haut vol en vous livrant sans restriction à l’unique Bonté et Beauté.
Contentez-vous de Lui seul: Il sera votre lumière, votre force et votre asile en
tout temps.
Servez-vous des moyens comme moyens, c’est-à-dire faiblement,
et à votre fin qui est Dieu, fortement. Arrachez de vous jusqu’à la moindre
racine d’affection et d’inclination naturelles pour le créé car, quelles
qu’elles soient, elles ne sont nullement capables de contenter votre cœur qui
n’est créé que pour son Créateur.
Sur l’avancement de la gloire de Dieu
Quand la Providence vous emploie à quelque chose pour sa
gloire, n’épargnez ni santé, ni honneur, ni vie, et croyez que c’est le plus
grand bien qui vous puisse arriver en cette vie.
Réparez de vos soins la gloire que les pécheurs et les démons
veulent ôter à Dieu. Brûlez donc d’un saint désir de procurer le salut des âmes,
autant que l’obéissance le permettra, sans toutefois intéresser vos premières
obligations.
Que ce que l’on dira ne vous empêche pas, non plus qu’une
crainte servile d’être estimée et approuvée. N’ayez que Dieu en vue en Lui
laissant le succès. Lorsque vous rencontrerez quelques contradictions, ne vous
désistez pas; ce sera signe que l’affaire est de Dieu.
Sur les peines
Pour les peines et tentations que vous m’avez marquées, je ne
peux rien vous dire de meilleur, ou pour y mettre quelque fin, ou bien pour
qu’elles vous soient sanctifiantes, que d’être fidèle aux mouvements intérieurs
de la grâce en vous, sans rien laisser échapper, car je m’aperçois très bien que
votre mal, comme celui de bien d’autres, vient par faute de cette attention et
fidélité. Et je crois que c’est la cause pour laquelle Dieu vous laisse souvent
à vous-même.
Cela s’entend que dans la sainte oraison, lecture, souffrance
extérieure et souffrance intérieure, et tous autres exercices, vous apportiez
une attention particulière sur le dessein adorable de cette sagesse divine qui
agit et concourt en toute chose, que tout est voulu ou permis de Lui; et
l’adoration, soumission, vénération pour cette divine Sagesse vous seront d’un
très grand réconfort pour tout supporter.
Sur les visites de Dieu
Je ne suis nullement d’avis que vous rejetiez entièrement les
consolations intérieures que vous recevez dans l’intervalle de vos peines,
consolations que je crois être données de Dieu pour vous maintenir à son
service, ou pour vous disposer à de nouvelles et plus grandes peines. Mais je
veux bien que vous vous en défiiez, de crainte que la nature n’y prenne sa part,
ou que vos ennemis ne vous les augmentent pour vous les faire désirer, ce qui
vous ferait descendre de la croix sans être crucifiée.
Lors donc que vous vous trouverez en cette disposition,
défiez-vous; ensuite, acceptez-les avec humilité, défiance, et en dehors de
toute estime de vous-même. Découvrez les vues que vous aurez pour lors, en
simplicité.
Faites surtout attention que les consolations divines ont
cela de propre qu’elles fortifient, qu’elles éclairent, qu’elles abaissent l’âme
par l’humilité, qu’elles la rendent attentive à ses devoirs essentiels, qu’elles
la retirent de la multiplicité, et la font tendre à l’union et conformité à la
volonté divine. Autrement, ces goûts, douceurs et vues ne sont que tromperie.
C’est là la pierre de touche, joint à ce que ces choses ne
sont pas nécessaires en cette vie qui n’est que pour les souffrances, et que
pour l’ordinaire l’âme avance peu tant que cette disposition lui dure.
Sur le bonheur de la vie commune
Cherchez toujours les voies communes, avec humble sentiment
de vous-même. C’est la place des noces que vous devez tenir jusqu’à ce que
l’Époux vous dise: « Montez plus haut ». Pour cela, que les moindres exercices
de votre profession, aussi bien que les moindres grâces, s’il faut ainsi dire,
vous soient en grande estime, et ne ressemblez pas à ces âmes bizarres qui n’ont
point d’assiette, qui cherchent, estiment et embrassent ce qui est nouveau et
élevé.
Fuyez ce procédé comme un piège; mais faites toujours avec un
cœur nouveau et une ferveur extraordinaire tout ce que vous faites de commun.
Estimez tout ce qui est attaché à votre profession
uniquement, sans penser à la grâce des autres, ni à ceux qui le peuvent faire
dans un autre état, car le démon prend plaisir à nous faire désirer des états
élevés, sublimes et incertains, pour nous dégoûter de nos obligations.
Sur la haine de soi-même
Croyez que vous n’avez point de plus grand ennemi que
vous-même, et que pour cela vous devez vous avoir en haine et être bien aise que
les créatures soient de concert avec vous pour vous mépriser.
C’est cette haine de soi-même qui nous fait penser que nous
ne sommes dignes d’aucune grâce; que l’on nous reçoit toujours trop bien; que
nous ne sommes dignes que de blâme.
C’est encore ce bas sentiment de vous-même qui vous fera
croire que vos habits, vos meubles, votre demeure sont toujours au-dessus de
votre mérite.
Voilà ce qui peut faire que vous passerez les jours, les mois
et les années de votre vie dans la pratique du bien, et ce qui vous donnera de
la consolation à la mort, si vous avez persévéré jusqu’à ce terrible moment.
Ainsi, surmontez toutes les difficultés et peines de la vie, dans l’espérance
des biens éternels.
Voilà ce que j’ai pensé vous être nécessaire pour le bien de
votre âme que vous devez tenir en paix. Que ces avis vous servent pour toujours
d’un régime de vie, et ne vous amusez plus à demander de nouvelles choses, non
plus qu’à rebattre les vieilles questions qui consomment le temps sans profit.
C’est à dessein que je me suis fort étendu à vous écrire ce
règlement où tous les moyens et principes nécessaires sont renfermés. Priez
l’Amour crucifié pour moi, et me croyez, en Lui, tout à vous.
Lettre 20
Lettre probable du père Nicolas Barré, attribuée, par erreur, à Nicolas
Roland.
(Voir revue d’Ascétique et
de Mystique, n° 143, juillet-septembre 1960).
Lettre 21
à un ecclésiastique, son pénitent
Que votre état me fait peine, mon cher Monsieur, et que cette
faiblesse qui dure toujours me fait de compassion. C’est bien là qu’on ressent
la vérité de ces paroles: « Infixus, etc. ... Mais que peut-on attendre d’un
vaisseau de terre qui tombe, si ce n’est qu’il se brise ?
Allez, encore un coup, Dieu ne vous veut pas perdre. Il y a
de la lâcheté et beaucoup d’infidélité qui s’y mêlent. Mais l’amour immense de
Jésus pour vous est encore plus grand que votre infidélité et votre malice.
Ne voyez-vous pas que c’est le démon qui vous veut
surprendre, et qui, sous ces tentations pressantes et ces craintes qu’il vous
donne, vous veut faire quitter le service de Dieu? Allez à l’Amour; jetez-vous
dans le Sacré-Cœur de Jésus, cachez-vous dans ses amoureuses plaies.
Quoi qu’il arrive, ne perdez jamais la sainte confiance, ce
doit être votre unique refuge et votre tout. Voyez saint Pierre. Après avoir
renié son Maître, il pleure; mais il ne désespère pas comme Judas. C’est lui qui
va le premier au-devant de Jésus, qui apprend qu’il est ressuscité et qui, dans
les reproches que lui fait son Maître, ne répond rien, si ce n’est: « Tu scis,
Domine, etc. ... » Comme il était convaincu, pour lors, de sa misère, de son
incapacité à tout bien, de sa disposition prochaine à tout mal. Il n’avait pas
de quoi s’en étonner; mais il avait recours à son médecin. Usez-en de même. Que
cela vous serve à vous humilier, à vous rendre plus fidèle et à demander avec
saint Augustin: « Jube quod vis, da quod juves ».
Une retraite vous est nécessaire. Disposez vos affaire pour
cela. Si vous n’en aviez point de peine, j’en pourrais dire un mot en secret à
Monsieur de..., afin que, s’il y avait quelque difficulté à votre demande, il y
condescendit plus volontiers. Il en sera tout ce que vous voudrez.
Vous ferez bien de menacer vos parents de quitter votre
tutelle et, s’il y a de l’inconvénient, et pour vous et vos..., que cette menace
serve à vous faire donner un procureur, et que vous ne soyez pas inquiet aux
conditions que vous me marquez. Il vaut mieux que vos... perdent quelque chose,
que vous votre temps, votre bien et votre salut.
Pour l’affaire du billet, on croit que vous ne ferez rien qui
vaille d’en user comme vous avez fait, si la chose était à faire; mais, étant
faite, vous avez droit de vous en servir, pourvu qu’on ne vous oblige point, par
la même raison, à révélation, pour votre égard et ce qui vous concerne.
Je vous remercie de vos papiers; mais vous êtes bon d’aller
les écrire de votre main. Une autre fois, si cela arrive, je vous les renverrai.
Prenez une copie, et dites-moi combien il en coûtera; autrement, je ne vous
donnerai plus de semblables commissions.
Vous pourriez essayer de coucher habillé sur une paillasse,
sans collet, sans souliers, afin que vous ayez la liberté de dormir, et ensuite
d’être bientôt levé. Si cela vous échauffe et vous empêche de prendre votre
repos, faites comme à l’ordinaire, et donnez-vous à votre bon Ange et aux âmes
du Purgatoire. Faites dire trois messes pour elles, et rendez-vous plus fidèle
que vous n’avez été.
Nous avons vu M..., nous le verrons encore. C’est un bon
ecclésiastique. Priez Dieu pour nous. A Dieu, et n’allons qu’à l’amour et à la
pureté de l’amour.
Lettre 22
à une Religieuse
Je crois que vous avez reçu, à présent, les livres que vous
désiriez, excepté les vies des Saints du Tiers Ordre de Saint-Dominique, vies
que l’on n’a pu trouver à Paris, parce qu’elles sont très rares; je ferai
cependant en sorte de vous les faire avoir...
Souvenez-vous toujours que, pour être une véritable et fidèle
épouse de Notre-Seigneur, il faut se faire beaucoup de violence, penser que vous
portez un très grand trésor, à savoir la grâce et l’amour du Fils de Dieu, dans
un vaisseau fragile, et ainsi qu’il faut veiller continuellement pour ne pas le
perdre et pour l’augmenter à tout moment.
Soyez fidèle aux pratiques de mortification que vous savez et
à l’accomplissement de tout ce qui est contenu dans le petit écrit que vous
avez. Je vous recommande surtout le silence, et de vous adonner à deux grands
exercices, à savoir: à la présence de Dieu et à la conformité à sa volonté,
regardant tous les petits sujets de déplaisir qui vous arrivent comme un effet
de la volonté de Dieu, comme un présent de sa main, comme une épreuve qu’Il veut
prendre de votre fidélité; et dans cette vue il faut beaucoup chérir les
contradictions, les murmures que l’on fait de vous, comme des occasions de
souffrir quelque chose pour le Bien-Aimé.
Vous pourrez lire, dans « Les exercices du chrétien
intérieur », ce qu’il y a sur la présence de Dieu et sur la conformité à sa
volonté. Rodriguez a fait aussi deux traités de ces deux choses; lisez fort à
loisir, et toujours le même chapitre deux fois, les fondements de la vie
spirituelle, et tâchez de bien concevoir la doctrine toute divine dont ils sont
remplis.
Ne regrettez rien du passé, et croyez que Dieu a permis ce
qui est arrivé pour votre plus grand bien. Ainsi, bannissez toutes les pensées
qui vous en peuvent venir comme des tentations. Ne demandez jamais le nom de
celles qui auraient parlé de vous, ni ce qu’on en a dit.
Vous savez ce que je vous ai dit des détours. Je vous dis
encore de ne vous en servir jamais; il vaut mieux que tout ce monde périsse que
de faire le moindre déguisement, même officieux. Donnez-vous de garde de vous
relâcher en vos exercices, tout serait bientôt perdu; mais que votre soin soit
de croître tous les jours en l’amour de votre Époux, et dans le désir de
participer à ses souffrances.
Soyez exacte, en ce qui regarde la pauvreté, à ne rien donner
et ne rien recevoir. N’oubliez pas, tous les jours, à la Sainte Messe et après
vos communions, de demander à Notre-Seigneur qu’il me convertisse.
Du mois de décembre 1669.
N. R. P. I. = Nicolas
Roland Prêtre Indigne
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