Nos morts…

Le premier novembre, chaque année, est occasion, un peu partout en France et dans les autres pays latins, de rendre hommage à nos morts ; non pas que le premier novembre soit le jour des “fidèles défunts” — programmé au 2 novembre — mais parce que ce jour-là est férié et permet aux familles de visiter les nécropoles qui, en cette période deviennent d’immenses jardins fleuris de chrysanthèmes de toutes sortes et de toutes tailles.

Étant responsable, depuis plus de vingt ans, de l’une des plus anciennes nécropoles de France, j’ai pu voir la progression — vous allez être déçus ! — non pas de l’augmentation des visites, mais bien le contraire : de sa diminution…

“Loin de la vue, loin du cœur”, dit le bon peuple ! Combien cela est vrai, hélas !

Rien n’est plus symptomatique de l’oubli des défunts que l’absence d’une fleur sur une tombe… au moment de la Toussaint…

On pourrait penser que cela est dû à la période difficile que nous vivons, mais là encore c’est se faire une idée fausse. En effet, parmi tous ces défunts dont j’ai la garde, il y en a beaucoup qui ont été des “célébrités” régionales, issus de grandes familles dont les noms à eux seuls sont respectables — députés, maires, ministres, et j'en passe — et pourtant les sépultures familiales restent nues bien des fois non seulement en cette période de “souvenir”, mais aussi, ce qui est plus affligeant, tout le long de l’année…

La charité chrétienne m’empêche de citer certains noms qui causeraient votre étonnement… mais, sachez que parmi ces noms, certains sont connus dans le monde entier… et pourtant, pas un pot, pas une fleur, pas une “marque de passage”, rien, rien…

Le respect des morts semble devenir — comme hélas tant d’autres bonnes habitudes — une tare, un respect que beaucoup estiment dépassé, pour ne pas dire arriéré, désuet…

Il n’est pas rare que l’une des personnes qui a assisté à un enterrement hier, viennent demander aujourd’hui où se trouve la sépulture où eut lieu la cérémonie de la vielle…

Émotion, pourrait-on dire…

J’en doute, car on n’a pas oublié le restaurant où, après l’enterrement on est allé “rendre hommage au décédé”, le dernier hommage… “histoire de partager avec lui ces derniers instants !”

Lors de la plupart des cérémonies, avant l’inhumation, on oublie de faire une petite prière, de rendre un dernier hommage à celui qui vient de les quitter… on n’a pas le temps, et puis, pourquoi prier encore si l’on vient à peine de quitter l’église ?…

Je me souviens d’un cas particulier qui eut lieu il a déjà bien des années, et dont je me souviendrai toujours, je pense :

Lors de l’arrivé d’un convoi civil, les employés funéraires m’ont prévenu qu’il y aurait de la musique, car le défunt, athée, ne voulait aucune cérémonie qui puisse avoir une connotation religieuse…

J’ai écouté mon interlocuteur et ne pouvant pas faire autre chose que d’acquiescer à ce qu’il venait de me dire, j’ai conduit le convoi à sa destination finale.

Le cercueil fut posé sur des tréteaux, recouvert du drapeau français — le défunt était un ancien militaire — et ensuite, on fit tourner le magnétophone…

Souvenez-vous : le défunt était athée…

Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre les premières notes de l’Ave Maria de Gounod…

C’était bien là une prière, car cette musique avait été choisie par le défunt lui-même…

“Qu’ils reposent en paix”, nos défunts, en attendant le Jugement dernier…

 

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