Pascal Baylon
religieux, saint
1540-1592

Saint Pascal Baylon naquit le jour de Pâques 1540, à Torre-Hermosa, petit bourg du royaume d'Aragon. Ses parents, Martin Baylon et Isabelle Jubera, étaient d'humbles ouvriers agricoles, pauvres et vertueux. Dès ses premières années, sa mère qui le menait fréquemment à l'église, lui apprit à adorer Jésus présent dans l'Eucharistie. Un jour qu'il était disparu de la maison, ses parents le retrouvèrent à l'église, le plus proche possible du tabernacle, si absorbé dans sa prière qu'il ne s'aperçut pas du bruit qui se faisait autour de lui. Cette ardente dévotion à l'Eucharistie devait constituer le trait distinctif de sa piété.

Dès qu'il fut en âge de pouvoir rendre service, son père le plaça comme berger chez un riche propriétaire, Martinez Garcia, qui fut bon envers lui ; en revanche, Pascal montra une grande docilité envers son maître. Déjà il manifestait un vif attrait pour la solitude et la prière. S'étant procuré quelques livres de piété, il se faisait apprendre à lire par des personnes de rencontre et apportait une grande application à s'instruire des vérités de la religion.

Il avait aussi une dévotion particulière envers le Sainte Vierge. Quand il le pouvait, il conduisait son troupeau auprès du sanctuaire de Notre-Dame de la Sierra. Sur sa houlette, il avait sculpté l'image de Notre-Dame, surmontée d'une hostie rayonnante, afin d'avoir toujours sous les yeux le double objet de sa dévotion. A genoux, au milieu des champs, devant sa houlette, il priait avec autant de piété que s'il se fût trouvé à l'église. Tout ce qui se présentait à son regard servait à exciter sa foi. Sans cesse il méditait sur les merveilles de la création, et s'élevait, vers Dieu qu'il contemplait dans toutes ses œuvres. Il eut plusieurs fois des ravissements et ne put pas toujours cacher aux yeux des hommes les faveurs dont il était comblé par Dieu.

Tout pauvre qu'il fût, Pascal trouvait cependant moyen de faire l'aumône, prenant pour assister les malheureux sur ce qu’on lui fournissait pour assurer sa subsistance. Plein de sollicitude pour le troupeau qui lui avait été confié, jamais on ne le vit maltraiter ses brebis. Il veillait également avec soin à ne causer aucun dommage dans les pâturages voisins ; si quelque dégât se produisait, il indemnisait le propriétaire sur son propre salaire. Un jour qu'un propriétaire lui refusa son argent, il l’aida à couper les blés jusqu'à concurrence du dommage causé par ses bêtes. Son maître, ravi de cette conduite si sage et si sainte, lui exprima souvent son contentement au point que n’ayant pas d’enfant, il voulut adopter Pascal qui refusa de peur que les biens de la terre le détournassent des biens du ciel.

Vers l'âge de vingt ans, Pascal se sentait appelé à la vie religieuse, se rendit dans le royaume de Valence pour rejoindre le couvent des franciscains « Soccolans »[1], construit dans un lieu désert, près de la ville de Montforte. Son allure un peu gauche et son accoutrement bizarre, mirent en défiance les supérieurs qui lui refusèrent l'entrée du couvent. Il reprit alors son métier de berger chez des cultivateurs du voisinage, sans s'éloigner pour ne pas perdre des vue le petit campanile du couvent vers lequel se portaient ses aspirations, suivant par la pensée les offices dont il entendait les sonneries, et s’unissant profondément à la messe. Un jour que la cloche annonçait l'approche de 1'élévation, et qu’il était à genoux une hostie lui apparut soutenue par deux anges.

Sa réputation de sainteté se répandit dans toute la région et, lui ouvrit les portes du couvent. Le 2 février 1564, il reçut l'habit de Saint-François. Ses supérieurs, édifiés de l'humble soumission avec laquelle il avait supporté ce temps d'épreuve, voulurent le faire religieux de chœur, mais il refusa pour rester frère convers, afin de remplir les offices les plus bas et les plus pénibles, et de se sanctifier davantage dans l’humilité.

Il pratiqua la règle de saint François dans toute sa rigueur, partageant son temps entre la prière et le travail. Jamais on ne l'entendit se plaindre ni critiquer personne. Son amour de la mortification lui faisait ajouter de nouvelles austérités à celles de la règle. S'il lui arrivait de dépasser les limites de la prudence, cet excès était compensé par sa pureté d'intention et le peu d'attache qu'il avait à son propre sentiment ; dès que ses supérieurs le rappelaient à la modération, il déférait à leur avis avec la plus humble soumission.

Pascal prononça ses vœux perpétuels le jour de la Purification de la sainte Vierge de l'an 1565, n'ayant pas encore vingt-cinq ans accomplis. Son père gardien aimait à dire qu'il n'avait connu personne qui fût à la fois plus dur et plus doux que frère Pascal : « plus dur à lui-même et plus doux pour les autres. » L'idéal qu'il se proposait était d'avoir « pour Dieu un cœur de fils, pour le prochain un cœur de mère, et pour lui-même un cœur de juge. »

Quand il changeait de couvent[2], conformément à la coutume de son ordre qui veut ainsi prévenir les attaches secrètes du cœur, on ne l'entendait jamais émettre la moindre plainte. Il trouvait là une excellente occasion de se regarder comme un étranger sur la terre. En quelque lieu qu'il allât, il était toujours le même, gai, doux, affable et très déférent pour tous. Dans les différents couvents où il passait, Pascal était ordinairement chargé de la porterie et du réfectoire, parce qu'on le savait affable, discret, vigilant, actif et fidèle. Comme portier, il devait distribuer aux pauvres les restes de la table des religieux, et pour que cette aumône fût profitable à leur âme autant qu’à leur corps, il adopta l’usage de prier avec eux avant et après chaque repas.

A l'ombre du cloître, son amour pour la sainte Eucharistie grandit encore. Le plus souvent, quand ses fonctions ne le retenaient pas ailleurs, on le trouvait à 1'église, tout absorbé en Dieu. Le premier, il était debout au milieu de la nuit pour les saintes veilles ; le dernier, il regagnait sa pauvre couche pour y prendre un très court repos.

Pendant quelques temps aussi, il remplit l'office de quêteur. Sa première visite, en arrivant dans un village, était pour l'hôte divin du tabernacle. Et quand, le soir, il rentrait au monastère, épuisé de fatigue, pour se dédommager de n'avoir pu passer auprès de son bien-aimé tout le temps de ses courses, il consacrait une grande partie de la nuit à l'adoration du Très Saint-Sacrement.

Le général de son ordre, Christophe de Cheffontaines[3], étant à Paris, il fut député vers lui pour les affaires de sa province. Il partit pour la France, sans se laisser effrayer par les dangers qu'il aurait à affronter de la part des huguenots, maîtres de presque toutes les villes qu'il lui fallait traverser. Maintes fois il fut exposé à la fureur des hérétiques qui le poursuivirent à coups de pierres et de bâton. C’est en une de ces occasions qu’il reçut à l’épaule une blessure dont il souffrit tout le reste de sa vie. Deux fois il fut arrêté comme espion et menacé de mort. Mais Dieu le délivra de tout danger.

Etant près d'Orléans, il se vit environné d'une troupe de gens qui lui demandèrent s'il croyait que le corps de Jésus-Christ était dans le sacrement de l'Eucharistie. Sur la réponse qu'il leur fit, ils voulurent entrer en controverse avec lui, pour se donner le plaisir de l'embarrasser par leurs subtilités. Mais quoiqu'il n'eût de la science théologique qu'autant qu'il avait plu à Dieu de lui en communiquer par infusion, et qu'il ne sût point d'autre langue que celle de son pays, il les confondit de telle sorte, qu'ils ne purent lui répliquer qu'à coups de pierres. Il en fut quitte pour quelques blessures dont une à la bouche qui lui donna l’air d’un éternel sourire. Etant heureusement sorti de leurs mains, il passa devant la porte d'un château où il demanda par aumône un morceau de pain, comme il avait coutume de faire lorsqu'il était pressé par la faim. Le maître du lieu était un gentilhomme huguenot, grand ennemi des catholiques, et il était à table lorsqu'on lui dit qu'il y avait à la porte une espèce de moine en fort mauvais équipage qui demandait l'aumône. Il le fit entrer, et après avoir longtemps considéré son habit déchiré, et son visage basané, il jura que c'était un espion espagnol, et il l’aurait tué si sa femme, qui en eut compassion, ne l'eût fait secrètement mettre à la porte, mais sans songer à lui donner un morceau de pain. Une pauvre femme catholique du village voisin lui fit cette charité ; lorsqu'après avoir repris ses forces, il se croyait en quelque sureté, il pensa être sacrifié de nouveau à la fureur de la populace que son habit avait attirée. Un de la bande le saisit, sans s'expliquer sur ce qu'il voulait faire, et le jeta dans une étable qu'il ferma à la clef. Pascal se prépara toute la nuit à mourir le lendemain ; mais au lieu de la mort qu'il attendait, celui qui l'avait renfermé vint lui apporter l'aumône, et le fit sortir deux heures après le soleil levé.

Lorsqu'il se fut acquitté de sa mission auprès de son général, Pascal retourna en Espagne. En chemin, il vit venir à lui un cavalier qui, sans le saluer, lui mit la pointe de la lance contre la poitrine, et lui demanda : « Où est Dieu ? » Pascal, sans s'effrayer, mais aussi sans avoir le temps de réfléchir, lui répondit : « Dans le ciel » le cavalier retira aussitôt sa lance, et partit sans rien dire de plus. Pascal, d'abord étonné de cette conduite, la comprit en réfléchissant davantage : le soldat l'avait épargné, parce qu'il s'était contenté de dire que Dieu est dans le ciel ; s'il avait ajouté qu'il est aussi dans l’Eucharistie, il l'aurait percé de sa lance. Pascal crut alors que Dieu l’avait jugé indigne de la couronne du martyre. On ne l'entendit jamais parler des dangers qu'il avait courus ; il se contentait de répondre en peu de mots aux questions qu’on lui posait, en supprimant avec soin tout ce qui aurait pu lui attirer quelques louanges.

Il passa les dernières années de sa vie au couvent Notre-Dame-du-Rosaire de Villa-Réal, près de Valence. Un jour, au cours du saint sacrifice de la messe, Dieu lui révéla sa mort prochaine dont il conçut une vive joie. Quelques jours après, il tomba gravement malade. Transporté à l’infirmerie, il y reçut les derniers sacrements avec une tendre piété, et il s'endormit doucement dans le Seigneur en prononçant le nom de Jésus. C'était le dimanche de la Pentecôte, 17 mai 1592, au moment de l'élévation de la sainte hostie dans la chapelle du couvent.

De nombreux miracles, accomplis à son sépulcre, y attirèrent de grands concours de peuple. Le 29 octobre 1618, le pape Paul V le déclara bienheureux et permit au royaume de Valence de célébrer son office. En 162l, Grégoire XV accorda cette même faveur à tous les religieux de l'ordre de Saint-François. Le 16 octobre 1690, Alexandre VIII l'inscrivit au catalogue des saints. Enfin il fut proclamé patron des congrès et œuvres eucharistiques, le 28 novembre l897, par Léon XIII. Le 13 août 1936, sa tombe fut profanée par les communistes espagnols qui brûlèrent sa dépouille incorrompue. Les ossements calcinés furent recueillis et déposés dans une nouvelle châsse le 3 juin 1952.


[1] Les Soccolans ou les Alcantarins, constituaient une réforme particulièrement austère des Francisains observants, faite par Pierre Garavito dit Pierre d’Alcantara. Pierre Garavito né en 1499 à Alcantara (Estramadure) où son père était gouverneur. A quatorze ans, il perdit son père, sa mère se remaria et il partit étudier les arts libéraux, la philosophie et le droit canon à Salamanque où il décida d'entrer chez les Frères Mineurs dont il reçut l'habit, en 1515, au couvent de Los Majaretes. En 1519 il est choisi comme gardien du couvent de Badajoz ; ordonné prêtre en 1524, il commença une si brillante carrière de prédicateur qu'on l'appelât à la cour du Portugal. Elu provincial de son Ordre (province Saint-Gabriel) en 1538, instaure un régime très austère et, son mandat terminé, il se retire dans un désert, à l'embouchure du Tage, où il fonde un couvent d'ermites (1542). Rappelé dans sa province (1544), il y fonde, près de Lisbonne, un couvent qui sera le germe d'une province nouvelle (1550). Lors d'un voyage à Rome, il reçoit l'approbation de Jules III pour expérimenter une réforme radicale, sous la juridiction des mineurs observants dont le commissaire général le nomme commissaire général des mineurs réformés d'Espagne (1556) ; Paul IV lui donne tous pouvoirs pour ériger de nouveaux couvents (1559).
[2] Outre Montforte, Pascal Baylon fut dans les couvents d’Elche, de Jumilla, d’Almanza, de Jativa et de Valence.
[3] Christophe de Cheffontaines, né près de Saint-Pol-de-Léon, entra chez les frères mineurs de l'observance, au couvent de Cuburien prés Morlaix. Ordonné prêtre, il devint bien vite un prédicateur célèbre qui fut appelé à prêcher à Paris. Pour combattre les protestants, il ne reculait ni devant les nouveautés et ni devant les témérités. Après avoir rempli diverses charges dans sa province religieuse de Bretagne, il fut élu ministre général de son ordre par le chapitre réuni à Rome en 1571. Il gouverna pendant huit ans, consacrés en grande partie a la visite des couvents en différents pays. Quand il quitta sa charge, il fut créé archevêque de Césarée et donné pour auxiliaire au cardinal de Pellevé, archevêque de Sens. Il écrivit beaucoup mais la nouveauté de ses opinions le fit appeler à Rome en 1586, pour y demeurer à la disposition du Saint-Office. Trois de ses livres furent alors absolument condamnés et les autres interdits. C’est de là sans doute que provient l'obscurité qui entoure ses dernières années. Christophe de Cheffontaines mourut à Rome, le 26 mai 1595, âgé de 63 ans, au couvent de Saint-Pierre in Montorio, où aucun monument ne conserve sa mémoire.

 

 

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