La PASSION de JÉSUS
selon
Angèle de FOLIGNO
(1248-1309)

 

Avertissement important

Angèle de Foligno n’a pas laissé de récit de la Passion du Christ qu’elle fut amenée à vivre à plusieurs reprises. Elle ne rapporte que quelques traits particulièrement saisissants des souffrances subies par Jésus dans son corps. Mais  elle insiste beaucoup sur les douleurs intimes de l’âme de Jésus, douleurs  qu’elle nous fait partager intensément, et elle montre comment nous sommes amenés à prendre en compte les douleurs de Jésus et à les vivre.

Les souffrances physiques de Jésus

Jésus dit à Angèle “qu’Il a souffert avec grande humilité et patience.” Et Il énumérait une par une les souffrances de sa Passion dans tous ses membres, les peines et les paroles dures et injurieuses. Jésus dit: ”La coupe que je bus était amère, mais, à cause de l’amour je la trouvais douce.”

Dès le début de sa passion Jésus incita ses apôtres à prier pour ne pas entrer en tentation. Lui-même priait sans cesse: “Alors qu’Il priait plus intensément, sa sueur devint comme des gouttes de sang tombant à terre... Jésus  alors priait pour nous... Il se laissa blasphémer, abaisser, injurier, prendre, emmener, flageller et crucifier, et toujours il resta comme quelqu’un d’impuissant. Cette pauvreté est un modèle pour notre vie; de cette pauvreté nous devons prendre exemple.”

Dans une autre de ses visions, Angèle contemple les résultats de l’écartèlement que Jésus dut subir pendant sa crucifixion:”Il semblait que toutes les articulations de ce corps béni étaient si disjointes, disloquées et désunies, à cause de la cruelle tension et de l’horrible traction infligées à ses membres virginaux, sur le gibet de la croix, par les mains homicides de ces perfides. Les tendons et les jointures des os de ce corps très sacré semblaient avoir totalement quitté leur harmonie normale.”

Angèle parle également des cinq couteaux qui transpercèrent Jésus, Dieu et homme.

– Le premier type de couteaux fut la cruauté perverse de ceux dont le cœur était obstiné contre Lui.

– Le deuxième type de couteaux fut celui des langues criant contre Lui les choses les plus méchantes.

– Le troisième type de couteaux fut celui des colères immenses et démesurées...

– Le quatrième type de couteaux fut l’oeuvre qui consomma toute leur maudite intention, car ils firent contre Lui tout ce qu’ils voulurent.

– Le cinquième type de couteaux qui transpercèrent le Christ furent ces clous terribles par lesquels ils le fixèrent à la croix.

Les douleurs intimes de l’âme de Jésus

La passion de Jésus fut montrée à Angèle. Elle vit ce que le Christ voyait:”tous les cœurs dressés contre Lui de façon impie. Il vit tous les membres s’employer à détruire son nom... Il vit toutes leurs subtilités contre Lui, le Fils de Dieu, la multitude de leurs desseins et l’énormité de leur colère. Il vit tous leurs préparatifs et toutes leurs cogitations afin de Le faire souffrir plus cruellement.”

Une autre fois il fut montré à Angèle la douleur aiguë que le Christ eut dans son âme...”Étant donné que l’homme n’offense pas Dieu avec le corps, mais avec l’âme, je me rends compte que l’âme du Fils de Dieu avait la plus grande raison d’avoir mal... Il a souffert à cause de la grande compassion qu’Il a eue pour ses élus... L’âme du Christ eut encore mal de toutes les douleurs et de toutes les peines qui furent infligées à son corps, car elles étaient toutes réunies dans son âme. Cette douleur si intense... faisait partie du plan divin... Je vois une telle douleur dans l’âme du Fils de la Sainte Vierge Marie, que mon âme en devient toute affligée et transformée en une douleur telle que je n’en ai jamais eue.”  Plus loin, Angèle reçoit la révélation que Jésus, l’homme de douleur, n’a connu dans sa vie qu’une seule situation: la croix, une croix très amère et dans la pénitence.

Pour mieux comprendre la Passion intime du Christ, il convient aussi de rapporter ce qu’Angèle de Foligno eut à connaître des sept douleurs du Christ.

“De toute éternité et de façon ineffable, le Christ fut uni au plan éternel de Dieu, ce qui rendit sa douleur extrême. Plus merveilleux en effet était le plan de Dieu, plus aiguë et intense fut la douleur du Christ.

– Il y eut d’abord dans le Christ une douleur résultant de l’ineffable lumière divine qui lui était donnée... Le Christ voyait en effet l’ineffable mesure de douleur extrême qui lui était donnée,... et cette douleur, dont le plan divin fut la source et l’origine, serait cachée à toute créature.

– Il y eut aussi dans le Christ une douleur très intense et aiguë, provenant de la compassion suprêmement admirable qu’il eut pour le genre humain... Parce que le Christ aimait chacun de ses élus d’une façon ineffable et d’un amour viscéral, selon la mesure de chacun, Il ressentait, comme continuellement présentes à lui, l’offense qui avait été ou qui serait commise, ainsi que la peine et les peines qu’ils (les hommes) devaient, à cause de cela, supporter; Il compatissait en portant leurs peines avec une douleur extrême.

– Il y eut aussi dans le Christ une douleur provenant de la compassion pour Lui-même... car Il voyait que le Père l’avait envoyé pour porter dans sa propre personne les douleurs et les peines des élus.

– Il y eut aussi dans le Christ une douleur de compassion pour sa très douce Mère...qui, comme nous le verrons plus loin dans "La Passion de Marie", souffrit comme et avec son Fils.

– Il y eut aussi dans le Christ une douleur provenant de la compassion pour ses apôtres et ses disciples, à cause de la très violente douleur qu’ils devaient endurer... quand sa douce présence corporelle leur serait retirée.

– Il y eut aussi dans le Christ une douleur violente et aiguë à cause de la gentillesse, de la noblesse et de la délicatesse de son âme...”

Angèle de Foligno expose aussi les trois raisons que Jésus avait de crier son abandon

Jésus voulut nous montrer quelque chose de la douleur excessive qu’il avait supportée pour nous:

– Jésus cria pour prier, pour manifester Dieu et Lui. Dieu, en effet, ne pouvait pas être abandonné, mais Jésus se montra humain lorsqu’Il cria qu’Il était quasi abandonné par Dieu dans ses douleurs: “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?

– Jésus cria aussi pour manifester la douleur suraiguë et ineffable qu’Il avait supportée pour nous. C’est seulement pour nous qu’Il cria ces mots, pour nous faire connaître la douleur qu’Il avait supportée...

– Le christ cria aussi ces mots pour nous donner espoir et courage. Ainsi, même si nous sommes affligés et tourmentés, si nous nous sentons abandonnés dans des douleurs, nous ne sombrerons pas dans le désespoir...

Les trois compagnes du Christ

Selon Angèle de foligno, il est des douleurs qui furent les compagnes fidèles et continuelles de la vie du Christ, mais qui se manifestèrent avec un éclat particulier au moment de la Passion. C’est pourquoi il semble utile de les rapporter ici. Ces trois fidèles compagnes furent la pauvreté, le mépris et la douleur.

Jésus voulut vivre la pauvreté, et d’abord, être pauvre de toutes les choses temporelles du monde. Il fut également pauvre de ses proches et de toute amitié temporelle: personne ne chercha à lui épargner une seule de ses douleurs sur le chemin de Croix... Jésus, sur la terre, fut aussi “très pauvre de sa propre puissance, de sa propre sagesse et de sa propre gloire.

La deuxième compagnie à laquelle la vie du Christ fut continuellement associée en ce monde fut le mépris voulu et parfait... Il vécut comme un serviteur... couvert d’opprobres, tourné en dérision, frappé, fustigé, flagellé, et finalement condamné sans raison et mis à mort.

Enfin, sa troisième compagne, expérientée... fut une extrême douleur à laquelle l’âme du Christ fut immédiatement associée. Cette âme très sainte connaissait et voyait comment il devait être trahi, vendu, capturé, abandonné, renié, ligoté, tourné en dérision, frappé, flagellé, jugé et condamné comme un voleur, mené à la croix, dépouillé, crucifié, mis à mort, blasphémé, frappé par la lance, et ouvert en son saint côté."

L’âme de Jésus connaissait tout cela, et ainsi sa vie fut accompagnée d’une douleur continuelle.

Pourquoi partager et vivre la Passion de Jésus

Jésus, Fils de Dieu, n’était pas soumis à la loi. Mais le Père voulut que son Fils devint sujet de la loi, et que “lui qui était libre devint esclave. C’est pourquoi ceux qui veulent servir le Christ doivent se conformer à la vie du Christ... en se soumettant à la loi, aux préceptes et même aux conseils divins... car, plus la grâce divine plonge l’âme dans l’humilité, plus cet approfondissement de l’humilité fait grandir la grâce divine.”

Angèle nous confie aussi les enseignements de Jésus sur la “nécessité de partager la compagnie du Christ, c’est-à-dire sa pauvreté, sa douleur, son état de méprisé et son obéissance véritable.”  Jésus prend d’ailleurs la peine de lui faire comprendre qui sont ceux qui sont appelés par Dieu, et par quel chemin ils sont venus: “Ils sont venus par les chemins de la tribulation: ce sont les vierges, les chastes, les pauvres, les souffrants et les malades... Ceux-là sont ceux qui savent qu’ils sont beaucoup aimés de Dieu, mais savent aussi qu’ils en sont indignes. Pour apprendre cela, ils vont à la croix; ils restent là à contempler et apprennent l’amour.” Jésus dira aussi: “souffre et ressens de la douleur, âme qui dois passer près de la croix sur laquelle est mort le christ. Il faut que tu t’y places et t’y reposes, car la croix est ton salut et ton lit.”  Dieu dit encore:”Que tous ceux qui veulent rester en état de grâce ne quittent pas la croix des yeux, quoi que je leur donne ou permette, joie ou tristesse.”

Jésus montra également à Angèle “la profondeur de l’humilité de Dieu à l’égard des hommes.”  Plus loin Angèle comprend aussi “pourquoi il y eut dans l’âme du Christ une douleur non mitigée, car lorsque son âme est transformée en la Passion du Christ, elle découvre une telle douleur dans cette Passion du Christ qu’elle ne trouve en elle aucun adoucissement.”  Et encore:”C’est le signe du travail du véritable amour que d’apporter la croix à l’âme, c’est-à-dire une pénitence aussi longue que la vie, et aussi grande et dure que possible... “  et après, quand tout sera fini, nous nous apercevrons que nous ne sommes que des serviteurs inutiles.

Le pécheur et la Croix

Comment une âme pécheresse peut-elle se convertir en regardant la Croix, “ce livre de vie, la vie et la mort du Dieu-homme crucifié.”  Bien sûr, il nous faut, pour comprendre, nous, hommes du XXI ème siècle, nous resituer dans le contexte du Moyen-Age, à la fin du XIII ème siècle. Mais si nous  transposons correctement, nous nous apercevons qu'il y a beaucoup à apprendre et à prendre, pour enrichir notre vie spirituelle.

“Lorsqu’elle regarde la Croix, l’âme considère comment elle a offensé Dieu avec sa tête, en la lavant, la peignant, la parfumant pour paraître aux yeux des autres, au déplaisir de Dieu... Parce que l’âme a exagéré en lavant, peignant et parfumant sa tête, la tête très sainte du Dieu-homme eut les cheveux arrachés, fut piquée et percée d’épines, tout ensanglantée de son sang précieux et même frappée avec un roseau... L’âme considère ainsi comment, en pénitence pour les péchés de ce genre, le visage de Jésus fut couvert d’opprobres... Parce qu’elle voit qu’elle a offensé Dieu en se lavant exagérément le visage, l’âme voit le Christ giflé et couvert de crachats.... Elle voit que le Christ, pour le péché de nos yeux, a les yeux voilés, ensanglantés par le sang coulant de sa tête percée d’épines... Parce qu’elle a offensé Dieu avec ses oreilles,.. l’âme réalise que le Christ a, pour ce péché, supporté la pénitence la plus horrible. De ses oreilles, en effet, il entendit les cris horribles de ceux qui lançaient contre Lui: 'Crucifie-le, crucifie-le..' Il entendit les impies se moquer de Lui et blasphémer...

“Et parce que l’âme sait qu’elle a offensé Dieu par sa bouche et sa langue en disant des paroles vaines et meurtrières, en se délectant de mets recherchés, elle voit qu’à cause de cela, les lèvres du Christ ont été souillées de crachats, sa langue et sa bouche ont goûté l’amertume du vinaigre et du fiel... parce qu’elle a offensé Dieu en se délectant de parfums, l’âme repense à la puanteur terrible des crachats que les narines du Christ ont respirée pour nous... Elle considère qu’à cause de ses mouvements de colère et d’orgueil contre Dieu, le Christ a été frappé de très cruels soufflets.

“...elle voit encore qu’elle a offensé Dieu par des étreintes déshonnêtes et des gestes des épaules, et elle considère que le Christ a, pour cela, supporté une grande pénitence, car, de ses bras sacrés, Il a étreint la croix, et Il l’a portée sur ses épaules, sous une masse d’insultes... Elle voit que le Christ a été étendu sur la croix, couché, tiré, étiré en tous sens à la manière d’une peau, ses mains et ses pieds sacrés fixés à la croix, très durement blessés et percés par les pointes d’horribles clous...

“...l’âme considère comment elle a offensé Dieu en se vêtant de façon recherchée et ambitieuse; elle voit qu’à cause de cela, le Christ a été  mis à nu et élévé honteusement sur la croix tandis que des soldats se partageaient ses vêtements... L’âme voit aussi qu’elle a offensé Dieu de tout son corps, et elle voit que, pour cette offense, le corps tout entier du Christ a été torturé de multiples flagellations et des tourments les plus horribles, qu’il a même été transpercé par une lance et tout ensanglanté de son sang précieux. Parce qu’elle s’est intérieurement délectée de chacun de ces péchés, l’âme voit que le Christ a supporté dans son âme très sainte des souffrances de tous genres, diverses et horribles, c’est-à-dire la Passion de son corps qui crucifia son âme, la compassion pour sa très sainte Mère, le respect dû à Dieu violé par le péché, et la compassion pour notre misère. Toutes ces souffrances rassemblées dans son âme très sainte crucifièrent le christ de façon très horrible et indicible.”

Le Christ soumis aux créatures

Angèle de Foligno explique longuement comment le Christ s’est soumis à toutes les créatures, notamment aux créatures inanimées. Elle dit, entre autres, à propos de sa passion:

“... Il a donné pouvoir aux verges de le frapper très durement. Il a donné pouvoir aux clous de percer et de pénétrer les mains et les pieds très divins de Celui qui a tout fait. Il a donné pouvoir au gibet qu’on appelle la croix, de porter son Auteur et Seigneur tout ensanglanté et percé. Il a donné pouvoir à l’éponge, au vinaigre, au fiel et à bien d’autres choses insensibles, d’insulter leur Auteur et Seigneur, et d’avoir plein pouvoir sur lui. Il a même donné pouvoir à la lance de pénétrer, d’ouvrir et de percer son très divin côté.”

Et Angèle de conclure:

“Que l’humilité très profonde, très humble et absolument inouïe de cette très haute majesté, dégonfle et confonde l’orgueil de notre nullité!”

Vraiment Jésus peut dire, à chacun d’entre nous:“Je ne t’ai pas aimé par plaisanterie”, phrase qui a été souvent traduite par: ”Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimé.”

Non! Ce n’est pas pour rire que Jésus nous a aimés!

   

 

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