Paul de Constantinople
Évêque, Martyr, Saint
+ 351

Saint Alexandre, premier patriarche de Constantinople, avait attiré par ses prières la vengeance de Dieu sur Arius, qui, feignant d'être catholique et allant à ses nécessités naturelles, rendit les entrailles et l'âme avec les excréments : il avait valeureusement combattu les ariens l'espace de vingt-trois ans qu'il tint le Siège, lorsqu'il mourut le vingt-huit août de l'an 340. Il n'ordonna pas, il est vrai, d'évêque pour son successeur : mais sur ce qu'on lui demanda quelle personne il désirait, il recommanda que l'on fit élection de saint Paul, qu'il avait lui-même ordonné prêtre, remontrant qu'en effet -il était jeune d'âge, mais que la maturité de ses mœurs suppléait à ce défaut : de plus, que tout ce qu'ils sauraient désirer dans un Prélat se rencontrait en sa personne, à savoir la doctrine et l'éloquence, jointes avec une probité singulière.

Cette élection excita un grand tumulte dans Constantinople, parce que le peuple y était divisé en deux parties, à savoir les catholiques et les ariens. Il est bien vrai que du vivant de saint Alexandre les catholiques étaient les plus puissants, quelques efforts que fissent les ariens : mais sa mort rendit ceux-ci plus fiers qu'auparavant; ils voulurent trancher d'égal avec les catholiques et eurent enfin l'avantage. Néanmoins les catholiques élurent et consacrèrent saint Paul dans l'église de la Paix, qui était proche de la grande église.

Mais l'empereur Constance, qui était arien, arrivant sur ces entrefaites à Constantinople, causa un grand trouble dans l'Église; parce que, favorisant ceux de sa secte au préjudice des catholiques, il assembla un conventicule d'évêques ariens, où il lit déposer saint Paul de son siège, et Eusèbe de Nicomédie fut établi en sa place. Cependant saint Paul fut relégué à Pont, et de là en plusieurs autres lieux, selon la passion de ses ennemis, ainsi que nous l'apprend saint Athanase, son contemporain. Cette déposition et cet exil étaient bien capables de causer de l'affliction à tout autre qu'à saint Paul : toutefois, par une résignation entière de toutes ses volontés à celle de Bieu, il goûtait indifféremment et les prospérités et les adversités de ce monde.

Tout ce qui se passait contre lui n'était pas pour aucune chose de sa part qui fût le moins dû monde contre la raison, mais bien par l'instigation de cet Eusèbe, esprit brouillon et ambitieux, et qui ne pouvait pas se contenir dans la modération, aspirant toujours à quelque plus haut degré de fortune. C'est ainsi même que le déclarent les Pères du synode d'Alexandrie tenu par les évêques d'Égypte, et en l'épître synodale qu'ils adressèrent au Pape Jules (devant lequel saint Athanase et les eusébiens devaient comparaître pour dire chacun leurs raisons, afin de terminer leur débat) et à tous les évêques de l'Église catholique. Saint Athanase la rapporte en entier au commencement de sa seconde apologie.

Aussi cet Eusèbe n'en demeura pas là : car sur ce que le Pape Jules envoya des légats à Constantinople pour indiquer le temps d'un synode qu'il faisait convoquer à Rome, pour justifier et terminer les accusations des ariens contre saint Athanase, il les retint si longtemps, qu'enfin le temps fixé se passa sous le prétexte de la guerre des Perses, qui leur ôtait la liberté et la sûreté des chemins. (Théodoret dit que ce qui empêcha véritablement les ariens d'aller à Rome, était qu'ils avoient eu avis que leur malice et leurs mensonges étaient découverts.) Là-dessus Eusèbe prit sujet de convoquer un synode à Antioche, où l'empereur était, et d'y appeler les autres évêques par l'autorité de l'empereur, afin d'y dédier une église que l'empereur Constantin avait commencé à y faire bâtir. Ils s'y trouvèrent au nombre de quatre-vingt-dix (quelques-uns disent quatre-vingt-dix-sept, les autres quatre-vingt-dix-neuf), entre lesquels il y en avait trente-six ariens. Là, après avoir fait Fe qu'il désirait contre saint Athanase, malgré les évêques catholiques qui n'y consentirent jamais, il envoya des ambassadeurs au Pape pour le supplier d'être le juge en la cause de saint Athanase. Mais Dieu ne lui fit pas la grâce d'en voir la décision, et peu après son synode il mourut.

Là-dessus le peuple rétablit aussitôt saint Paul en son siège, mais il n'en fut pas encore longtemps paisible possesseur, car les ariens ayant élu en même temps un certain Macédonius, il y eut de grands troubles et des séditions étranges, où plusieurs perdirent la vie de part et d'autre. L'empereur Constance, qui était à Antioche, en ayant été averti, commanda au duc Hormogène, qu'il envoyait en Thrace, de se transporter jusqu'à Constantinople et apaiser la sédition en chassant Paul de son Église. Mais il en a: riva autrement qu'il ne pensait : car ayant voulu user de force, le peuple, au lieu de s'apaiser, entra en une telle furie, que, sans considération de sa qualité, ils assiégèrent son logis, y entrèrent, y mirent le feu, et l'ayant lui-même tiré dehors, le massacrèrent. Néanmoins cette fureur populaire fut bientôt apaisée. Aussitôt que l'empereur eut appris ces nouvelles, il s'y transporta promptement, chassa lui-même saint Paul de la ville, l'envoya en exil et châtia le peuple par de gros impôts, sans toutefois autoriser Macédonius, contre lequel il se fâcha grandement, pour avoir été la cause de tout ce trouble, et de la perte de tant de personnes, d'autant plus que son élection avait été faite sans son autorité ; après quoi il s'en retourna à Antioche.

Saint Paul n'était pas le seul prélat affligé : Àsclépas, évêque de Gaza, Marcel d'Ancyre et Lucius d'Adrianopolis, furent également chassés de leurs sièges pour divers sujets. De sorte que s'étant trouvés tous à Rome, ils se présentèrent au Pape Jules, et lui firent entendre leurs plaintes et le tort qu'on leur faisait. Sa Sainteté, usant du pouvoir qu'elle a sur tous les autres évêques, écrivit aux villes d'Orient, l'an 342, afin que chacun de ces évêques fût remis en son siège : ce qui fut fait.

Mais saint Paul ne fut pas plutôt à Constantinople, que l'empereur Constance écrivit au gouverneur, nommé Philippe, et lui commanda de chasser saint Paul derechef de son siège, et d'y établir Macédonius en sa place. Ce gouverneur, plus avisé qu'Hermogène, et craignant l'émotion du peuple, se servit d'une ruse, qui lui réussit ainsi qu'il désirait, pour l'exécution de la volonté de l'empereur. Il feignit de vouloir pourvoir à quelques affaires de la ville, et fit venir saint Paul pour ce sujet au bain public, où il était. Là- dessus il lui fit entendre le commandement qu'il avait de l'empereur; et aussitôt, comme le peuple, qui se doutait de l'affaire, s'était assemblé en ce lieu-là, il le fit passer par une ouverture sur le derrière, et le fit embarquer dans un vaisseau qu'il avait préparé. On le conduisit à Thessalonique, ville principale de la Macédoine, qui était le pays natal du saint prélat, avec défense de partir de là sans jamais retourner au Levant. Ainsi le bon saint Paul fut subtilement chassé de son siège et de la ville, contre l'espérance et la créance de chacun.

Après cela, ce gouverneur s'en alla à l'église avec Macédonius en son carrosse, et l'y établit à main armée; de sorte qu'il y eut encore un grand trouble pour ce sujet. Socrate dit qu'il y eut bien 1,150 personnes de tuées pour ce coup-là. Voilà la façon de procéder des hérétiques. Ce fut ainsi que Macédonius usurpa le siège de Constantinople sur saint Paul.

Cependant saint Paul trouva moyen de sortir de Thessalonique et de s'enfuir en Italie, en feignant d'aller à Corinthe; saint Athanase s'étant aussi trouvé en ce pays, ils firent tous deux leurs plaintes à Constant, empereur d'Orient. Constant s'étant employé pour leur rétablissement envers l'empereur, son frère, mais sans effet, il fit convoquer, avec l'autorité du Pape Jules, un concile à Sardique, l'an 347, en partie pour le même sujet.

Ce concile était composé de trois cents évêques de l'Occident, et de septante-six seulement du Levant : ceux-ci se tinrent à part et ne voulurent pas se joindre avec les Occidentaux, si Athanase et Paul n'étaient chassés de l'assemblée, ce qu'ils ne purent obtenir. Car il est vrai que saint Paul et saint Athanase assistaient à ce concile : encore que saint Paul fut averti par le peuple de Constantinople qu'il ne s'y trouvât pas, parce que les ariens lui voulaient jouer un mauvais parti, ainsi que nous l'apprend Théodoret. Les ariens donc furent condamnés par ces doctes prélats, comme n'osant pas poursuivre l'accusation intentée contre ces deux grands personnages, saint Athanase et saint Paul; et puis les décrets du concile furent confirmés; enfin ce mot de consubstantiel éclairci et autorisé contre l'erreur des ariens.

Après cela, le concile envoya saint Vincent, évêque de Capoue, et Euphrates, évêque de Cologne, en ambassade vers l'empereur Constance, pour lui faire connaître ce qui s'était passé en ce concile. Ce que fit aussi Constant son frère, empereur d'Occident, par une autre ambassade, le suppliant tous de rétablir en leurs sièges saint Athanase, saint Paul et les autres évêques qui en avoient été chassés. Mais l'empereur Constance tirant cette affaire trop en longueur, Constant, son frère, l'envoya derechef prier de les rétablir promptement, et que s'il ne le faisait, il irait lui-même le faire : lui déclarant la guerre en ce cas-là. Par ce moyen saint Paul fut honorablement reçu dans Constantinople, et les autres en leur siège, par le commandement de l'empereur ; car Constance, intimidé par les menaces de son frère, ne le voulait pas désobliger jusqu'à ce point d'avoir la guerre contre lui pour cette considération.

Mais comme Constance était le prince le plus inconstant du monde, après la mort de Constant, son frère, qui arriva l'an 350, n'ayant plus rien à craindre, il se laissa gagner facilement par les ariens : tellement qu'il chassa encore une fois saint Paul de son siège et l'envoya en exil à Cueuse, petite ville de Cappadoce. Les ariens, vrais esprits de division et de sang, non contents de le voir retiré et solitaire en ce petit lieu, envoyèrent des gens cruels, ministres de leur passion, qui l'étranglèrent en public le septième jour de juin, l'an de Notre-Seigneur 351, autorisés en cela du gouverneur Philippe, qui leur prêta main-forte pour exécuter leur méchant dessein.

Il est vrai que ce grand saint a souffert de furieuses bourrasques pour le soutien et la défense de la foi orthodoxe contre les ariens ou eusébiens, et qu'il a été comme le jouet de leurs passions. Car il fut premièrement envoyé en exil à Pont, d'où ayant été rappelé, l'empereur l'envoya après chargé de chaînes, dont on l'avait lié, à Singre en Mésopotamie ; depuis il fut encore exilé à Emèse, puis enfin à Cueuse, petite ville d'Arménie, près des déserts du mont Taurus, où il trouva le couronnement de ses travaux. Saint Athanase a eu la curiosité de compter tous ses exils.

Cependant le cardinal Baronius remarque que ce préfet qui autorisa et procura même sa mort, ne vécut pas longtemps sans ressentir la main vengeresse de la justice divine. Car Dieu permit que, cette même année-là, il fut ignominieusement dépouillé de sa préfecture, et exposé à la risée du peuple : de sorte que, privé de la compagnie des siens, il s'en allait errant, vagabond, loin de son pays, comme un autre Caïn, toujours pleurant et tremblant, et finit malheureusement ses jours.

Trente ans après, l'empereur Théodose Ier ayant appris tout ce qui s'était passé à l'endroit de saint Paul pendant sa vie et après sa mort, il fit transférer son corps d'Ancyre, où il reposait, à Constantinople ; il le reçut avec tous les honneurs imaginables, et le posa avec beaucoup de respect dans l'église même que Macédonius, son grand persécuteur, avait fuit bâtir, et que les macédoniens avoient longtemps occupée : laquelle depuis a toujours porto le nom de saint Paul.

Tous les Martyrologes latins font une honorable mention de saint Paul le Patriarche : comme aussi le Ménologe des Grecs, le 6 septembre. Sa vie a été écrite par Métaphraste, qui l'a recueillie des anciens monuments; par Lipomani et par Surius. Saint Athanase, son contemporain, Socrate, Sozomène et Théodoret décrivent assez particulièrement toutes ses actions. Plusieurs auteurs parlent encore fort honorablement de lui, selon le rapport du cardinal Baronius; comme aussi ce dernier, tant en ses Annales ecclésiastiques qu'eu ses Annotations sur le Martyrologe romain.

 

 

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