CHAPITRE 26.

PROVIDENCE SPÉCIALE DU SEIGNEUR SUR LE PÈRE PAUL
DANS LE COURS DE SES MISSIONS.

Un homme qui s'oublie lui-même et cherche uniquement Dieu et sa gloire, en lui abandonnant le soin de sa personne, peut dire avec vérité, qu'il a fixé sa demeure dans le secours du Très-Haut; il peut aussi tout espérer de sa protection. La, divine Providence prend un soin spécial de cet homme. Nous en avons une preuve manifeste dans le bienheureux Paul, qui plus d'une fois dut à des prodiges, la faveur d'échapper aux plus grands dangers.

Il devait un jour se rendre à Pise, où le marquis de Montemare, général de l'armée espagnole, l'avait invité à donner une mission à ses troupes. Le bon serviteur de Dieu ne voulut pas perdre une si belle occasion de procurer la gloire du Seigneur et de secourir les âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ. Il partit donc de la retraite de la Présentation et s'embarqua à Saint-Étienne sur la felouque royale, qui faisait voile pour Livourne. Mais à la sortie du port, il s'éleva un vent d'est très violent qui bouleversa la mer et suscita une horrible tempête. La felouque fut à moitié remplie d'eau. Les marins craignaient beaucoup et avec raison, se voyant au moment de périr. Déjà d'autres embarcations, qui allaient de concert avec la felouque, avaient sombré. On cherchait de tous côtés, avec effroi, une lueur d'espérance, un moyen d'échapper. Cependant le père Paul qui, dans les accidents , mettait toute sa confiance en Dieu, n'eut pas plutôt vu s'élever la tempête, qu'il recourut au grand Maître à qui la mer et les vents obéissent. Pour s'animer d'autant plus à la confiance; il avait imploré la protection de Marie, la reine des grâces, en récitant dévotement ses litanies, après quoi, mettant son coeur en paix au milieu du bruit des vagues et des vents, il s'était abandonné entre les mains amoureuses de son Père céleste. Le danger croissant toujours, les marins désespérèrent de pouvoir se sauver au moyen des voiles. Ils essayèrent donc, après les avoir amenées, d'aller à force de rames, mais ils furent repoussés avec tant de violence, qua la maîtresse rame se rompit. Plus d'espoir dès lors de gagner le rivage; ils se voyaient sur le point d'être submergés sans ressource, lorsque le serviteur de Dieu, qui avait reçu intérieurement l'assurance que la felouque ne périrait pas, se plaça sur la poupe au plus fort du danger, et, les bras ouverts, dit avec grande confiance aux marins désespérés : «Mes enfants, ne craignez point; ayez confiance en Dieu et dans la très sainte Vierge; ce sont les démons qui me persécutent». En effet, malgré les vents contraires et la violence de la bourrasque, au moment même le plus critique et lorsqu'on était encore éloigné de cinq milles de la côte, ils arrivèrent en un instant, sains et saufs, et sans s'y attendre, à la plage voisine de la tour de Montenero. Ils y avaient été conduits certainement par la main du Seigneur «qui facit mirabilia magna solus» (Ps 85,4).

Paul échappa également par miracle dans un autre voyage qu'il fit de Gênes à Saint-Étienne sur la felouque aux dépêches, qui était commandée par le capitaine Nunzio. Les vagues furieuses avaient à demi envahi la felouque; les marins étaient dans l'effroi; on courait les plus grands risques d'être submergé. Mais le père Paul leur donna du coeur en les assurant qu'ils échapperaient; et c'est ce qui eut lieu.

Un autre prodige non moins frappant lui arriva lorsqu'il se rendit à l'île d'Elbe pour y donner une mission. Le bâtiment qui servit à le transporter s'était perdu sur les sables de Fullonica. Les marins jugeaient qu'il était impropre à la navigation. Paul cependant le fit mettre à la mer, puis y monta plein de confiance et fit voyage jusqu'à Porto Ferrajo. Quand il y fut arrivé et que tout le monde eut débarqué, le bâtiment coula immédiatement à fond, comme si le Seigneur eût voulu marquer par là qu'il l'avait conduit et conservé par miracle, afin que le pieux missionnaire, privé de tout autre moyen de transport, pût se rendre au lieu de sa mission.

Ne nous étonnons pas de ces merveilles. Elles étaient en quelque sorte une récompense. Paul ne se dévouait pas seulement au ministère des missions, mais dans le cours même de la navigation, il ne diminuait rien de ses pénitences. Chaque fois qu'il avait la liberté de se trouver seul, il la saisissait comme une occasion précieuse de s'immoler à Dieu par quelque nouveau sacrifice. Le capitaine Fanciulli, sur la felouque duquel il était, lorsqu'il essuya, cette première tempête près de Montenero, a rapporté qu'ayant pris terre sous la tour de Troie, il s'aperçut que, pendant le repas, le père Paul avait disparu de la société. Comme il tardait à revenir, il alla à sa recherche dans les bois qui sont au voisinage, et il le surprit en effet occupé comme il s'en doutait. Il le vit de ses propres yeux se déchirer le corps avec un fouet ou une discipline formée de lames de fer. C'est ainsi que l'homme de Dieu se conciliait de plus en plus la bienveillance du Seigneur, qui, de son côté, veillait avec tendresse sur ses jours, comme nous l'avons vu, soit dans ses voyages, soit dans ses missions.

Un jour qu'il était à prêcher, monté sur un ambon, il lui arriva, je ne sais comment, de tomber à la renverse. Dans sa chute, il devait naturellement donner de la tête contre une grosse pierre attachée au mur voisin et rester sur le coup; mais le Seigneur le préserva par un miracle; il se sentit soutenu par une main invisible, et se relevant aussitôt sans le moindre mal, il continua son sermon. Nous pourrions citer ici une foule d'autres traits de la protection du Seigneur. Nous les rapporterons plus à propos dans un autre endroit.

   

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