Giovanni Maria Mastaï Ferretti naît du comte Jérôme, du même nom,
et de Catherine Solazzi, le
13 mai 1792 à Senigallia près de Rimini (Etats
pontificaux). Sa famille d'origine lombarde, a la réputation d'être 'libérale'.
Lui aussi héritera de cette réputation. Il reçoit une éducation très pieuse et
studieuse, traversée par une maladie qu'on dit être l'épilepsie, mal qui le fait
renvoyer de la garde noble pontificale où il était entré. En 1816, une mission
dans sa ville à laquelle il participe éveille en lui la vocation, mais sa
maladie constitue un obstacle canonique. Pourtant saint Vincent Pallotti lui
prédit qu'il sera Pape et Pie VII intervient personnellement pour lever
l'empêchement au sacerdoce. Guéri à Notre-Dame de Lorette, il est ordonné en
1819.
Il est d'abord recteur de l'Institut Tata Giovanni, pour les
orphelins. Il y déploie une grande charité. En 1825, il accompagne le Nonce
Apostolique au Chili et il y fait merveille. De même en Argentine. C'est dans
ces fonctions qu'il puise son amour des missions. A 35 ans, en 1827, il est
archevêque de Spolète en Ombrie. La situation politique est déjà tendue, mais il
calme le jeu et déploie un zèle pastoral merveilleux, non sans souffrir
personnellement. En 1832 il est nommé au siège d'Imola qui fut occupé jadis par
Pie VII (dont il prendra le nom comme Pape). Sa prédication est simple et belle.
Il veille au bien surnaturel et matériel de son diocèse. Il est proche du clergé
et des séminaristes, s'intéresse aux jeunes mais aussi à la vie contemplative.
Lui-même est enflammé de dévotion pour le Sacré-Cœur et la Vierge Marie. Il se
montre bienveillant, mais ferme sur les principes.
Cardinal
à 48 ans, il est élu Pape à 54 ans, en 1846. Il est précédé par sa réputation de
'libéral' et il est accueilli triomphalement avec des 'Hosanna'. Tout est
sympathique dans sa personne, même physiquement. Il est affable, il a un sens
aigu de l'humour, ce qui lui permet de relativiser les drames, et surtout c'est
un père plein de bonté. Il commence par une amnistie pour tous les délits
politiques (contre l'avis de ses cardinaux). On ne remarque guère que dans sa
première encyclique, il condamne déjà le socialisme. Très populaire, il accorde
plus de liberté à la presse et donne un plus grand rôle aux laïcs dans ses Etats.
(Rappelons qu'à l'époque le Pape était aussi un souverain temporel; ses Etats,
donnés au cours des âges par des princes chrétiens, occupaient toute l'Italie
centrale.) Mais, s'il est pour la libération de la tutelle autrichienne en
Italie, il n'est pas pour la République, et les ultra-libéraux se retournent
contre lui. Son chef de gouvernement, le jeune comte Pellegrino Rossi, qui a eu
le courage d'accepter le poste de premier ministre alors que la révolte
grondait, est assassiné le 15 novembre 1848 tandis qu'il se rendait à la chambre
des députés pour y présenter un train de réformes libérales modérées. Très
choqué, le Pape capitule pour arrêter l'effusion de sang et se réfugie à Gaète
où il prolongera son exil 17 mois. En 1849 le insurgés proclament la "République
romaine". En juillet une expédition française leur reprend Rome où le Pape ne
consent à rentrer qu'en avril 1850. Il est acclamé par le peuple mais son
pouvoir affaibli ne se maintient que grâce à la présence française. Pourtant
Napoléon III, ondoyant, est un allié peu sûr.
Pie IX est attentif à tous les secteurs de la vie de l'Église
universelle. Ainsi il rétablit la
hiérarchie catholique en Angleterre et en
Hollande - et plus tard en Ecosse - malgré le tollé des Anglicans et des
protestants. Il rétablit aussi le Patriarcat latin de Jérusalem. En 1853, alors
que les Catacombes sont soumises à des déprédations inconsidérées, il crée la
Commission d'archéologie chrétienne qui arrête le massacre. Le 8 décembre 1854,
il proclame le dogme de l'Immaculée Conception. Il est ouvert à la science et à
la technique (création d'une voie ferrée aboutissant à Rome, ce à quoi s'était
opposé son prédécesseur). En 1857, malgré l'agitation créée par le
'Risorgimento', il décide de visiter ses États: c'est la liesse, mais les
problèmes politiques demeurent. Il envoie des missionnaires en Inde, en
Birmanie, en Chine et au Japon. Les oblats de Marie Immaculée vont jusqu'au
Grand Nord Canadien.
En 1863, Renan publie "La vie de Jésus" qui obtient un grand
succès. Le Pape en est très affecté. L'année suivante, c'est l'encyclique
"Quanta cura" accompagnée du Syllabus. Les catholiques libéraux sont
embarrassés, les anticléricaux triomphent. En 1869, son Jubilé sacerdotal (50
ans) lui vaut de multiples témoignages d'affection et le 8 décembre s'ouvre le
Concile du Vatican (Vatican I). Le 18 juillet 1870 est votée la Constitution
"Pastor Æternus" dont le chapitre IV définit l'infaillibilité pontificale. Le
lendemain 19 juillet, c'est la déclaration de guerre de la France à la Prusse.
Pie IX doit ajourner le Concile. Privés de la protection des troupes françaises,
les États pontificaux sont envahis. Rome est attaquée le 20 septembre. Après un
petit combat, Pie IX désireux d'éviter l'effusion de sang ordonne de hisser le
drapeau blanc. Désormais il se considère comme prisonnier au Vatican, refusant
les concessions que lui propose le gouvernement spoliateur de Victor Emmanuel,
Roi du nouvel État Italien (Loi des garanties du 13 mai 1871). En 1875, Pie IX
consacre l'Église au Sacré-Cœur. Les catholiques italiens peuvent-ils participer
à la vie politique? La réponse en 1877 est "Non expedit" (Il ne convient pas).
Le Pape meurt le 7 février 1878. Ainsi s'achève le plus long
pontificat de l'histoire de l'Église: presque 32 ans.
Le dimanche 3 septembre de l'Année Sainte 2000, Jean Paul II
béatifie Pie IX en même temps que Jean XXIII, le "bon Pape Jean". On a voulu
opposer ces deux Papes, mais c'est mal connaître la profonde vénération de Jean
XXIII pour son prédécesseur dont il avait continué l'œuvre avec Vatican II. Au
cours d'une retraite spirituelle, en 1959, il écrivait dans son "Journal de
l'âme": "Je pense toujours à Pie IX de sainte et glorieuse mémoire, et l'imitant
dans ses sacrifices, je voudrais être digne d'en célébrer la canonisation".
"Profondément aimé", Pie IX fut également "haï et calomnié".
Pourtant lui-même fit toujours preuve d'indulgence envers ses ennemis, mais dans
sa politique, il accordait "le primat absolu à Dieu et aux valeurs
spirituelles". Il disait: "Ma politique est: Notre Père qui es aux cieux". Il
avait aussi le sens relatif des choses de ce monde: Il aimait dire à ceux qui
étaient proches de lui: "Dans les choses humaines, il faut se contenter de faire
du mieux que l'on peut et pour le reste, s'abandonner à la Providence qui
palliera aux défauts et aux insuffisances de l'homme". Il eut à guider la barque
de Pierre parmi de violentes tempêtes. Au milieu de ces contradictions, il
trouva un réconfort dans l'abandon filial à la Vierge Marie et à la Providence,
s'en remettant à Dieu avec une confiance totale.
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