Le moine Warmann,
qui écrivit sa vie vers l'an 1025, se plaint beaucoup de ce qu'on
n'a point transmis ce qui
concerne le temps
et le lieu de sa naissance, ainsi que ses premières actions Tout ce
qu'ils nous apprennent c'est qu'il abandonna ses parents, pour se
livrer entièrement à la prédication de l'Evangile et au salut des
âmes. Il n'est pas improbable cependant qu'il soit né dans les
Gaules. L'Austrasie et l'Alsace furent le théâtre de ses travaux
apostoliques. Ce fut S. Pirmin qui établit la réforme dans la
plupart des couvents de ces deux contrées. Il les parcourut en
qualité d'évêque régionnaire, et y laissa des traces nombreuses de
son zèle. Dans un diplôme de 727, le Roi Thierry IV lui donne le
titre d'évêque, et Hermannus Contractus celui de chorévêque. Son
biographe met le siège de son évêché dans un endroit appelé Meltis ;
d'où quelques-uns, trompés par la ressemblance des noms,
prétendent qu'il était évêque de Metz, d'autres de Meaux. Mais on ne
trouve pas son nom dans les catalogues des évêques de ces deux
villes, dont les sièges étaient alors remplis par des prélats dont
les noms sont connus. D'ailleurs Warmann, ne donne à Meltis que le
titre de castellum (château), terme qui ne peut s'appliquer
ni à Metz ni à Meaux. Grandidier pense que ce Meltis était le bourg
que nous nommons aujourd'hui Metlesheim, situé dans le pays de
Deux-Ponts, diocèse de Spire : car ce fut à deux petites lieues de
là que Pirmin fonda, vers l'an 740, l'abbaye de Gemûnd ou Hornbach,
l'une de ses communautés les plus nombreuses et les plus
florissantes.
Ce fut de Meltis
que le Saint entreprit ses voyages apostoliques. Vers l'an 723, un
riche seigneur allemand nommé Syntlaz l'invita à prêcher l'Evangile
dans les contrées du Haut-Rhin. Pirmin alla aussitôt à Rome prendre
la mission du Pape. qui le recommanda au Roi Thierry. Le nouveau
missionnaire eut partout de grands succès : Syntlaz ayant offert de
lui fonder un monastère, Pirmin choisit pour cet établissement une
île du Rhin près du lac de Constance, et fonda, par la libéralité de
Syntlaz et de plusieurs autres seigneurs, la célèbre abbaye qui fut
ensuite nommée Reichenau, à cause des grandes richesses qu'elle
possédait.
La réputation du
Saint se répandit au loin en peu de temps, et Charles-Martel
lui-même rechercha son amitié, et seconda le serviteur de Dieu dans
ses nobles efforts. Mais ces relations excitèrent la jalousie et la
méfiance des ducs de l'Allemannie, et sous le prétexte qu'il était
trop dévoué à Charles-Martel, Théodebald, fils du duc Godefroy, qui
commandait en Allemannie conjointement avec Landfried, lui signifia
en 727 de sortir de ses états et de se retirer en Alsace. Mais avant
de quitter son monastère de Reichenau, Pirmin pensa à se donner un
successeur, et il choisit le moine Heddon, homme d'un mérite
éminent, qui gouverna avec gloire le couvent pendant sept ans.
Pirmin ne laissa
pas d'être toujours en relation avec l'abbaye de Reichenau, et
Heddon n'eut rien plus à cœur que de mettre en pratique les règles
et l'exemple du Saint. La réputation d'Heddon s'étendit dans toute
l'Allemagne, et son crédit fut si grand, qu'il fut appelé de toutes
parts pour rétablir la discipline dans les monastères. Heddon se
rendit avec plaisir à des sollicitations, qui faisaient honneur à
son zèle et à sa sagesse. Il trouva dans son abbaye assez de sujets,
pour en former des colonies dans différentes parties de l'Allemagne
; il en envoya à Mourbach en Alsace, à Pfeffers en Suisse et à
Niederaltaich en Bavière. Mais sa réputation qui le fit connaître au
loin, ainsi que l'estime et l'affection que lui accorda
Charles-Martel lui attirèrent les mêmes désagréments qu'à S. Pirmin,
en éveillant les soupçons des ducs allemands. Lantfried l'aurait
également chassé de son monastère, si Charles-Martel n'était entré
alors en Souabe avec une armée et n'eût défait ce duc. Toutefois
Théobald, qui succéda à Lantfried, relégua en 732 le pieux abbé au
fond des Alpes dans le canton d'Uri, où il eut à souffrir pendant un
an des maux inexprimables. Heddon fut élevé dans la suite sur le
siège épiscopal de Strasbourg.
Pirmin continua à
jouir de l'affection et de l'estime de Charles-Martel, qui l'aida
toujours dans ses pieuses entreprises. On lui attribue
l'établissement des monastères de Schuttern, Gengenbach, Schwarzbach,
Maurusmunster et Neuweiler. On lit, il est vrai, dans Warmann, qu'il
fonda ces couvents ; mais il ne peut être question que de leur
réforme, puisque toutes ces abbayes existaient longtemps avant S.
Pirmin. Le comte Eberhard, fils d'Adelbert duc d'Alsace, qui faisait
son séjour ordinaire dans le château d'Egesheim près de Colmar,
qu'il avait fait bâtir, témoigna à notre Saint toute l'affection et
la considération imaginables. Non seulement il lui permit de fonder
un couvent dans ses terres ; il voulut encore concourir avec lui
pour obtenir du Roi Thierry la permission de s'y établir. Cette
grâce lui fut accordée par un diplôme royal, daté de Gondreville, du
12 Juillet 727.
Pirmin choisit un
désert riant, et se fixa près de Meerbach ou Mourbach, au-dessus de
Colmar, au pied de la montagne. Au bout d'un an il quitta ce
monastère, y laissant S. Romain pour abbé, et alla visiter d'autres
abbayes, pour y rétablir la discipline. L'absence de Pirmin
refroidit l'affection qu'Eberhard avait pour lui ; mais il lui
rendit bientôt son estime ; et étant devenu aveugle, et se voyant
sans postérité, il donna à ses biens une destination pieuse, et dota
richement l'abbaye de Mourbach. Il fit entrer aussi dans son pieux
dessein Luitfried, duc d'Alsace, et Emeltrude sa femme. L'acte en
fut passé en 728 au monastère de Remiremont. L'évêque de Strasbourg
Widegern, qui avait beaucoup contribué à cette transaction, avait
déjà consacré l'église de Mourbach en 727. Le 13 mai de l'année
suivante, il confirma cette fondation dans un synode solennel tenu à
Strasbourg. Dans l'acte, Widegern ordonna aux moines pèlerins,
conformément à ce qui s'observait dans les monastères d'Agaime, de
Lerins et de Luxeuil, de vivre suivant les règles de saint Benoît et
de saint Colomban. Il les exempte de toute obligation envers lui et
ses successeurs, sans que qui que ce soit pût jamais exiger d'eux
des présents ni en recevoir. Entre autres privilèges, il leur permit
d'élire eux-mêmes leur abbé parmi eux, ou dans d'autres monastères
établis ou réformés par S. Pirmin.
Nous avons vu que
S. Pirmin fonda en 740 l'abbaye de Hornbach ; ce fut un riche
gentilhomme franc, nommé Wernher qui y fit les donations
nécessaires. Le Saint, par ses soins, maintint la communauté dans un
état florissant, et forma de zélés ouvriers pour la vigne du
Seigneur, jusqu'à ce qu'il reçût, le 3 novembre 754, le prix de ses
travaux et de ses vertus. Il ne tarda pas à être honoré comme Saint.
On lit son nom dans l'ancien martyrologe alsacien du neuvième
siècle. Il fut enterré dans son monastère, où l'on a conservé ses
reliques jusqu'aux dernières guerres de religion, où elles furent
transportées à Innsbruck.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.
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