Pirmin de Hornbach
Abbé, Saint
† ca. 758

Le moine Warmann, qui écrivit sa vie vers l'an 1025, se plaint beaucoup de ce qu'on n'a point transmis ce qui concerne le temps et le lieu de sa naissance, ainsi que ses premières actions Tout ce qu'ils nous apprennent c'est qu'il abandonna ses parents, pour se livrer entièrement à la prédication de l'Evangile et au salut des âmes. Il n'est pas improbable cependant qu'il soit né dans les Gaules. L'Austrasie et l'Alsace furent le théâtre de ses travaux apostoliques. Ce fut S. Pirmin qui établit la réforme dans la plupart des couvents de ces deux contrées. Il les parcourut en qualité d'évêque régionnaire, et y laissa des traces nombreuses de son zèle. Dans un diplôme de 727, le Roi Thierry IV lui donne le titre d'évêque, et Hermannus Contractus celui de chorévêque. Son biographe met le siège de son évêché dans un endroit appelé Meltis ; d'où quelques-uns, trompés par la ressemblance des noms, prétendent qu'il était évêque de Metz, d'autres de Meaux. Mais on ne trouve pas son nom dans les catalogues des évêques de ces deux villes, dont les sièges étaient alors remplis par des prélats dont les noms sont connus. D'ailleurs Warmann, ne donne à Meltis que le titre de castellum (château), terme qui ne peut s'appliquer ni à Metz ni à Meaux. Grandidier pense que ce Meltis était le bourg que nous nommons aujourd'hui Metlesheim, situé dans le pays de Deux-Ponts, diocèse de Spire : car ce fut à deux petites lieues de là que Pirmin fonda, vers l'an 740, l'abbaye de Gemûnd ou Hornbach, l'une de ses communautés les plus nombreuses et les plus florissantes.

Ce fut de Meltis que le Saint entreprit ses voyages apostoliques. Vers l'an 723, un riche seigneur allemand nommé Syntlaz l'invita à prêcher l'Evangile dans les contrées du Haut-Rhin. Pirmin alla aussitôt à Rome prendre la mission du Pape. qui le recommanda au Roi Thierry. Le nouveau missionnaire eut partout de grands succès : Syntlaz ayant offert de lui fonder un monastère, Pirmin choisit pour cet établissement une île du Rhin près du lac de Constance, et fonda, par la libéralité de Syntlaz et de plusieurs autres seigneurs, la célèbre abbaye qui fut ensuite nommée Reichenau, à cause des grandes richesses qu'elle possédait[1].

La réputation du Saint se répandit au loin en peu de temps, et Charles-Martel lui-même rechercha son amitié, et seconda le serviteur de Dieu dans ses nobles efforts. Mais ces relations excitèrent la jalousie et la méfiance des ducs de l'Allemannie, et sous le prétexte qu'il était trop dévoué à Charles-Martel, Théodebald, fils du duc Godefroy, qui commandait en Allemannie conjointement avec Landfried, lui signifia en 727 de sortir de ses états et de se retirer en Alsace. Mais avant de quitter son monastère de Reichenau, Pirmin pensa à se donner un successeur, et il choisit le moine Heddon, homme d'un mérite éminent, qui gouverna avec gloire le couvent pendant sept ans.

Pirmin ne laissa pas d'être toujours en relation avec l'abbaye de Reichenau, et Heddon n'eut rien plus à cœur que de mettre en pratique les règles et l'exemple du Saint. La réputation d'Heddon s'étendit dans toute l'Allemagne, et son crédit fut si grand, qu'il fut appelé de toutes parts pour rétablir la discipline dans les monastères. Heddon se rendit avec plaisir à des sollicitations, qui faisaient honneur à son zèle et à sa sagesse. Il trouva dans son abbaye assez de sujets, pour en former des colonies dans différentes parties de l'Allemagne ; il en envoya à Mourbach en Alsace, à Pfeffers en Suisse et à Niederaltaich en Bavière. Mais sa réputation qui le fit connaître au loin, ainsi que l'estime et l'affection que lui accorda Charles-Martel lui attirèrent les mêmes désagréments qu'à S. Pirmin, en éveillant les soupçons des ducs allemands. Lantfried l'aurait également chassé de son monastère, si Charles-Martel n'était entré alors en Souabe avec une armée et n'eût défait ce duc. Toutefois Théobald, qui succéda à Lantfried, relégua en 732 le pieux abbé au fond des Alpes dans le canton d'Uri, où il eut à souffrir pendant un an des maux inexprimables. Heddon fut élevé dans la suite sur le siège épiscopal de Strasbourg[2].

Pirmin continua à jouir de l'affection et de l'estime de Charles-Martel, qui l'aida toujours dans ses pieuses entreprises. On lui attribue l'établissement des monastères de Schuttern, Gengenbach, Schwarzbach, Maurusmunster et Neuweiler. On lit, il est vrai, dans Warmann, qu'il fonda ces couvents ; mais il ne peut être question que de leur réforme, puisque toutes ces abbayes existaient longtemps avant S. Pirmin. Le comte Eberhard, fils d'Adelbert duc d'Alsace, qui faisait son séjour ordinaire dans le château d'Egesheim près de Colmar, qu'il avait fait bâtir, témoigna à notre Saint toute l'affection et la considération imaginables. Non seulement il lui permit de fonder un couvent dans ses terres ; il voulut encore concourir avec lui pour obtenir du Roi Thierry la permission de s'y établir. Cette grâce lui fut accordée par un diplôme royal, daté de Gondreville, du 12 Juillet 727.

Pirmin choisit un désert riant, et se fixa près de Meerbach ou Mourbach, au-dessus de Colmar, au pied de la montagne. Au bout d'un an il quitta ce monastère, y laissant S. Romain pour abbé, et alla visiter d'autres abbayes, pour y rétablir la discipline. L'absence de Pirmin refroidit l'affection qu'Eberhard avait pour lui ; mais il lui rendit bientôt son estime ; et étant devenu aveugle, et se voyant sans postérité, il donna à ses biens une destination pieuse, et dota richement l'abbaye de Mourbach. Il fit entrer aussi dans son pieux dessein Luitfried, duc d'Alsace, et Emeltrude sa femme. L'acte en fut passé en 728 au monastère de Remiremont. L'évêque de Strasbourg Widegern, qui avait beaucoup contribué à cette transaction, avait déjà consacré l'église de Mourbach en 727. Le 13 mai de l'année suivante, il confirma cette fondation dans un synode solennel tenu à Strasbourg. Dans l'acte, Widegern ordonna aux moines pèlerins, conformément à ce qui s'observait dans les monastères d'Agaime, de Lerins et de Luxeuil, de vivre suivant les règles de saint Benoît et de saint Colomban. Il les exempte de toute obligation envers lui et ses successeurs, sans que qui que ce soit pût jamais exiger d'eux des présents ni en recevoir. Entre autres privilèges, il leur permit d'élire eux-mêmes leur abbé parmi eux, ou dans d'autres monastères établis ou réformés par S. Pirmin.

Nous avons vu que S. Pirmin fonda en 740 l'abbaye de Hornbach ; ce fut un riche gentilhomme franc, nommé Wernher qui y fit les donations nécessaires. Le Saint, par ses soins, maintint la communauté dans un état florissant, et forma de zélés ouvriers pour la vigne du Seigneur, jusqu'à ce qu'il reçût, le 3 novembre 754, le prix de ses travaux et de ses vertus. Il ne tarda pas à être honoré comme Saint. On lit son nom dans l'ancien martyrologe alsacien du neuvième siècle. Il fut enterré dans son monastère, où l'on a conservé ses reliques jusqu'aux dernières guerres de religion, où elles furent transportées à Innsbruck.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godescard.


[1] L'abbaye de Reichenau fut unie vers le milieu du seizième siècle à l'évêché de Constance. On conservait à Saverne, dans les archives de l'évêché de Strasbourg, immédiatement avant la révolution française, encore l'original d'un privilège de Louis-le-Débonnaire, du 15 Décembre 816, pour le monastère de Syntlazau ou Reichenau.

[2] On date la promotion de Heddon de l'an 734. Après son élection , il remit à Géba le gouvernement de l'abbaye de Reichenau , et à Agoald celui de Munster , dont il avait dû aussi se charger dans ces temps difficiles. Disciple fidèle de S. Pirmin, il suivit les traces de son maître, et remplit scrupuleusement les instructions qu'il en avait reçues. Heddon était un des premiers prélats de son temps, il se distingua particulièrement en profitant avec prudence de la faveur des grands, par une libéralité sans bornes, et par un zèle vraiment apostolique. Il parvint par son activité infatigable, à faire observer les règlements utiles que les conciles de Germanie et de Lestines (dans le Cambresis) avaient prescrits aux églises et aux monastères, et engagea les abbayes de sa dépendance à se soumettre à la règle de S. Benoît.

 

 

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