
CINQUIÈME CONSIDÉRATION
Incertitude de l'heure de
la mort
« Tenez-vous
prêts parce que le Fils de l'homme viendra
à l'heure que vous ne pensez pas » (Luc 12, 40)
PREMIER POINT
Tous nous devons mourir; cela est
absolument certain. Mais quand? Nous ne le savons point. « Rien de plus certain
que la mort, dit l'Idiota, rien de plus incertain que l'heure de la mort »
(Raymond Jourdan (dit l'Idiota), De morte, c. 14, Lyon, 1546, pp. 104-105). Mon
frère, déjà sont fixés l'année, le mois, le jour, l'heure, le moment où vous et
moi, nous devrons quitter ce monde et entrer dans l'éternité; mais de tout cela
rien ne nous est connu. Jésus Christ veut que nous soyons toujours prêts. C'est
pourquoi il nous dit: tantôt, que la mort arrive à la dérobée: « Comme un voleur
vient pendant la nuit, ainsi viendra le Seigneur » (I Thessaloniciens 5, 2);
tantôt, que nous devons veiller, parce qu'il se présentera pour nous juger,
quand nous y penserons le moins: « Le Fils de l'homme viendra à l'heure que vous
ne pensez pas » (Luc 12, 40). C'est pour notre bien, dit saint Grégoire, que
Dieu nous cache l'heure de notre mort; « car, en nous tenant dans cette
incertitude, il veut que nous nous tenions toujours prêts à mourir » (S.
Grégoire le Grand, Morales sur Job, liv. 12, ch. 38, n. 43, PL 75, 1006: « Si
notre créateur a voulu que le jour de notre fin nous soit caché, c'est parce
que, dans l'incertitude du moment de notre mort, nous nous trouvions toujours
préparés à mourir » (SC 10, trad. A. Bocognano, p. 209)). Puis donc que la mort
peut nous ôter la vie en tout temps et tout lieu, il faut qu'en tout temps et en
tout lieu nous l'attendions, si nous voulons faire une bonne mort et nous
sauver. « La mort nous attend partout, dit saint Bernard, partout attendez-la »
(S. Bernard de Clairvaux (plutôt Hugues de Saint-Victor ou un auteur inconnu,
selon Glorieux, n. 184), Méditations pieuses..., ch.3, n. 10, PL 184, 491).
On sait fort bien qu'il faut
mourir. Seulement le malheur est que la plupart des hommes relèguent la mort
dans un tel lointain qu'ils ne l'aperçoivent plus. Il n'y a pas jusqu'aux
vieillards décrépits et jusqu'aux personnes les plus minées par la maladie, qui
ne se flattent d'avoir encore trois ou quatre ans à vivre. Mais moi, je dis:
Combien, même de nos jours, n'en connaissons-nous pas, qui sont morts à
l'improviste, ceux-ci tranquillement assis, ceux-là en marchant, d'autres
pendant leur sommeil! Or il est certain qu'aucun d'eux ne s'attendait à faire
une mort subite, ni à mourir le jour où il est mort. J'ajoute ceci: de tous ceux
que la mort, cette année, a fait passer de leur lit dans l'éternité, pas un ne
s'imaginait qu'il dût mourir cette année et voir de sitôt la fin de ses jours.
En vérité, il n'y a guère que des morts imprévues.
Donc, chrétien, mon frère, quand le
démon, pour vous pousser au péché, vous dit que vous vous en confesserez demain,
répondez-lui: Qui sait si ce jour n'est pas le dernier de ma vie? Et si
réellement cette heure, ce moment où j'aurais trahi mon Dieu, était le dernier
de ma vie, il ne me resterait plus de temps pour faire pénitence; et alors que
deviendrais-je durant toute l'éternité? Combien de pécheurs ont succombé sous le
coup de la mort et sont tombés en enfer, au moment même où ils goûtaient quelque
plaisir empoisonné! « De même que les poissons, dit l'Ecclésiaste, sont pris à
l'hameçon, ainsi sont pris les hommes au temps mauvais » (Ecclésiaste 9, 12).
Par le temps mauvais, il faut proprement entendre ici le moment où le pécheur
est occupé à offenser Dieu. « Ce malheur, dit le démon, ne vous arrivera pas ».
« Et s'il m'arrive, devez-vous lui répondre, qu'en sera-t-il de moi durant toute
l'éternité? »
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Seigneur, ce n'est pas ici que je
devrais me trouver à présent, mais dans ce enfer que j'ai tant de fois mérité
par mes péchés. Hélas! Oui, « ma maison, c'est l'enfer » (Job 17, 13). Mais
votre apôtre m'assure que « Dieu use de patience, ne voulant pas qu'un seul
périsse, mais que tous retournent à lui par la pénitence » (II Pierre, 3, 9). Si
donc vous avez eu tant de patience à mon égard et si vous m'avez attendu
jusqu'ici, c'est parce que vous ne voulez pas me voir périr; mais vous voulez
que je vienne à résipiscence. Oui, ô mon Dieu, je reviens à vous, je me jette à
vos pieds et j'implore votre pitié. « Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon la
grandeur de votre miséricorde » (Psaume 50, 1). Seigneur, pour me pardonner, il
vous faut une grande, une extraordinaire miséricorde; car c'est en pleine
lumière que je vous ai offensé. D'autres pécheurs vous ont aussi offensé; mais
ils n'avaient pas les lumières que vous m'aviez données. Et, malgré tout, vous
voulez encore que je me repente et que j'espère de vous votre pardon. Oui, mon
bien-aimé Rédempteur, de tout mon coeur je me repens de vous avoir offensé, et,
par les mérites de votre Passion, j'espère que mes péchés me seront pardonnés.
Vous, ô mon Jésus, vous l'innocence même, vous avez voulu mourir sur une croix
comme un criminel et répandre tout votre sang pour effacer tous mes péchés. O
sang de Jésus innocent, lavez les fautes d'un pécheur pénitent! Et vous, ô Père
éternel, pour l'amour de Jésus Christ, pardonnez-moi, écoutez les prières de
votre Fils, maintenant qu'il s'est fait mon avocat et qu'il vous prie pour moi.
Mais il ne me suffit pas que je
sois pardonné. Je veux encore, ô Dieu, digne d'un amour infini, la grâce de vous
aimer. Je vous aime, ô Bien suprême, et je vous offre dès aujourd'hui et pour
toujours mon corps, mon âme, ma volonté, ma liberté. Dès aujourd'hui et à jamais
je ne veux plus vous offenser en rien. Non, plus de fautes, ni graves ni même
légères. Je veux fuir toutes les occasions de péchés. « Ah! Ne me laissez point
succomber à la tentation »; mais, pour l'amour de Jésus Christ, délivrez-moi
vous-même de ces occasions funestes où je pourrais vous offenser.
« Délivrez-nous du mal ». Oui, délivrez-moi du péché et châtiez-moi ensuite
comme il vous plaît. Maladies, douleurs, revers, j'accepte tous les maux que
vous voudrez m'envoyer. Il me suffit que je ne perde pas votre grâce ni votre
amour. Vous me promettez d'exaucer toutes mes prières; « Demandez et vous
recevrez » (Jean 16, 24). Voici donc les deux faveurs que je vous demande: la
sainte persévérance et la grâce de vous aimer.
O Marie, Mère de miséricorde, priez
pour moi: je me confie à vous.
DEUXIÈME POINT
Le Seigneur ne veut pas que nous
nous perdions. En effet, il ne cesse de nous exhorter à changer de vie; et même
aux exhortations il ajoute la menace de ses châtiments. « Si vous ne vous
convertissez il brandira le glaive » (Psaume 7, 13). Voyez, dit-il autre part,
tant d'hommes qui, pour n'avoir pas voulu se convertir, ont été frappés de mort
subite, au moment même où ils y pensaient le moins, et alors qu'ils se tenaient
parfaitement assurés d'avoir encore de longues années devant eux. « Lorsqu'ils
diront: paix et sécurité, alors même fondra sur eux une ruine soudaine » (I
Thessaloniciens 5, 3). Et dans un autre endroit: « Si vous ne faites pénitence,
vous périrez tous de la même manière » (Luc 23, 3). Pourquoi tant de menaces
avant de frapper sinon parce qu'il veut que nous nous corrigions, et qu'ainsi
nous évitions une mauvaise mort? « Celui qui vous crie: Gare! Gare! Dit saint
Augustin, n'en veut certainement pas à votre vie » (S. Augustin, Sermon 22, ch.
3, n. 3, PL 38, 150 (Vivès, t. 16, p. 82)).
Il est donc nécessaire de mettre
ordre aux affaires de notre conscience, avant qu'arrive le jour des comptes.
Chrétien, mon frère, si vous deviez mourir aujourd'hui même, et que votre sort
éternel dût se décider avant cette nuit, dites-moi, auriez-vous à présenter des
comptes en règle? Ou plutôt, que ne donneriez-vous pas pour obtenir une année,
un mois et même un seul jour de sursis? Et maintenant que Dieu vous donne ce
temps, pourquoi ne pas l'employer à mettre tout en ordre dans votre conscience?
Est-il dont impossible que ce jour soit effectivement le dernier pour vous? « Ne
tarde pas à te convertir au Seigneur et ne diffère pas de jour en jour. Car
subitement viendra sa colère; et au temps de la vengeance il te perdra
entièrement » (Ecclésiastique 5, 8). Or, pour vous sauver, mon frère, il faut
quitter le péché. Aussi bien, il faudra le quitter un jour; pourquoi donc ne pas
le quitter à l'heure même? « S'il faut tôt ou tard en venir là, dit saint
Augustin, pourquoi pas maintenant? » (L'idée se trouve dans S. Augustin, Les
Confessions, liv. 8, ch. 12, n. 28, PL 32, 762: « Je jetais des cris pitoyables:
Dans combien de temps? Dans combien de temps? Demain, toujours demain. Pourquoi
pas tout de suite? Pourquoi pas, sur l'heure, en finir avec mes turpitudes? »
(BA, t. 14, trad. E. Tréhorel et G. Bouissou, p. 65)). Attendrez-vous peut-être
jusqu'à la mort? Mais pour les obstinés, le temps de la mort n'est pas le temps
du pardon, c'est celui de la justice. « Au temps de la vengeance, il te ruinera
de fond en comble ».
Que quelqu'un vous doive une forte
somme d'argent, vous avez soin de lui faire aussitôt signer une obligation. Car,
dites-vous, qui sait ce qui peut arriver? Et pour votre âme, à laquelle se
rattachent des intérêts autrement considérables, pourquoi ne prenez-vous pas les
mêmes précautions? Pourquoi ne dites-vous pas, pour elle aussi: Qui sait ce qui
peut arriver? Si vous perdez cet argent, il vous restera bien quelque chose
encore; et quand même vous auriez par le fait perdu toute votre fortune, il vous
reste toujours l'espoir de la rétablir. Mais, à la mort, si vous perdez votre
âme, c'est alors que véritablement vous vous verrez réduit à rien, et qu'il ne
vous restera pas le moindre espoir de recouvrer quoi que ce soit. Vous tenez
note exacte de tous les biens que vous possédez; car vous craindriez, et cas de
mort subite, qu'il ne se commît quelque fraude. Mais si réellement cette mort
subite vient à vous frapper et qu'elle vous trouve dans la disgrâce de Dieu,
qu'en sera-t-il de votre âme pour toute l'éternité?
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Ah! Mon divin Rédempteur, vous avez
versé tout votre sang, vous avez donné votre vie pour sauver mon âme. Et moi,
que de fois je l'ai perdue, cette âme, et cela en me prévalant de votre
miséricorde. Oui, trop souvent j'ai abusé de votre bonté pour vous offenser. A
ce titre seul, je mériterais d'être aussitôt frappé de mort et précipité dans
l'enfer. En vérité, il semble que nous ayons pris à tâche de lutter ensemble:
vous me faisiez miséricorde, et moi, je vous offensais; vous me recherchiez, et
moi, je vous fuyais; vous me donniez du temps pour réparer mes fautes, et moi,
je ne profitais de tous vos miséricordieux délais que pour accumuler injures sur
injures. Ah! Seigneur, faites-moi connaître la grandeur de mes torts envers vous
et l'obligation que j'ai maintenant de vous aimer.
Comment se peut-il, ô mon Jésus,
que je vous aie été cher à ce point qu'autant de fois que je vous repoussais,
autant de fois vous me poursuiviez? Comment avez-vous pu accorder tant de grâces
à celui qui vous avait causé tant de déplaisirs? Tout cela me montre bien quel
désir vous avez de m'arracher à ma perte éternelle! Bonté infinie, de tout mon
coeur je me repens de vous avoir offensée. Daignez recevoir cette ingrate
brebis, qui revient, pleine de repentir, à vos pieds: recevez-la et placez-la
sur vos épaules afin qu'elle ne s'enfuie plus loin de vous. Non, je ne veux plus
m'éloigner loin de vous; je veux vous aimer; je veux vous appartenir; et, pourvu
que je goûte le bonheur d'être à vous, j'accepte de tout souffrir. D'ailleurs,
quelle plus grande peine pourrais-je jamais endurer que celle de vivre privé de
votre grâce, séparé de vous qui êtes mon Dieu, qui m'avez créé et qui êtes mort
pour moi? Péchés, maudits péchés, qu'avez-vous faits? Jésus m'a tant aimé, et
vous êtes cause que j'ai rempli son coeur d'amertume.
Ah! Mon Jésus, vous êtes mort pour
moi; pour vous à mon tour je devrais mourir. C'est l'amour qui vous a fait
mourir, et moi je devrais mourir de douleur de vous avoir offensé. J'accepte la
mort, oui, la mort de la manière et à l'heure qu'il vous plaira. Mais, hélas!
Jusqu'ici je ne vous ai point aimé, ou je vous ai trop peu aimé. Je ne veux pas
mourir en cet état. De grâce, accordez-moi de vivre encore un peu de temps, afin
que je vous aime avant de mourir; et pour cela, changez mon coeur; blessez,
enflammez ce coeur de votre saint amour; faites-le, Seigneur, par ce même
mouvement de charité qui vous porta à mourir pour moi. Je vous aime de toute mon
âme. Oui, mon âme s'est éprise de vous; ne permettez pas qu'elle vienne à vous
perdre de nouveau. Donnez-moi la sainte persévérance; donnez-moi votre amour.
Très sainte Vierge Marie, mon
refuge et ma mère, intercédez pour moi.
TROISIÈME POINT
« Estote parati. Soyez prêts » (Luc
12, 40). Le Seigneur ne nous recommande pas de faire nos préparatifs à
l'approche de la mort, mais de nous tenir prêts. Quand la mort viendra, il sera
comme impossible, dans ce moment de trouble et de confusion, de mettre ordre aux
affaires d'une conscience embrouillée. C'est ce que dit la raison. C'est aussi
le châtiment dont Dieu nous menace quand il déclare qu'alors il viendra, non
pour pardonner, mais pour venger le mépris qu'on aura fait de sa grâce. « A moi
la vengeance; et je saurai bien rendre à chacun selon ses oeuvres » (Romains 12,
19). « Juste châtiment, s'écrie saint Augustin, juste châtiment de celui qui,
pouvant se sauver, ne l'aura pas voulu: voici qu'il veut et qu'il ne le peut
plus » (S. Augustin, Le libre arbitre, liv. 3, ch. 18, n. 52, PL 32, 1296:
« Telle est en effet la punition très juste du péché, que l'on perde ce dont on
n'a pas voulu faire bon usage quand on l'aurait eu sans difficulté, si on
l'avait voulu: à savoir que celui qui sait et n'agit pas bien, soit privé de
savoir ce qui est bien, et que celui qui n'a pas voulu bien agir quand il le
pouvait, en perde le pouvoir quand il le veut » (BA, t. 6, trad. F.J. Thonnard,
p. 423)). Mais qui sait, dira quelqu'un; il peut pourtant se faire que je me
convertisse encore en ce moment, et que je sauve mon âme? Or, répondez-moi: Vous
jetteriez-vous dans un puits sur cette parole: Qui sait? Peut-être que je ne
mourrai pas de cette chute et que la vie me sera conservée? Étrange effet du
péché! Comme il aveugle l'esprit et fait même perdre la raison! Mon Dieu! Tant
qu'il s'agit de leur corps, les hommes raisonnent avec sagesse! S'agit-il
ensuite de leur âme, ces mêmes hommes ne sont plus que des insensés.
Mon frère, qui sait si ce point de
méditation que vous lisez n'est pas pour vous le dernier avertissement de Dieu?
Hâtons-nous donc; préparons-nous à la mort, de peur qu'elle ne nous frappe à
l'improviste. Le Seigneur nous cache le dernier jour de notre vie afin que
chaque jour nous nous tenions prêts à mourir; et comme s'exprime saint Augustin:
« Nous ne savons quel sera notre dernier jour afin que nous sanctifiions tous
nos jours » (S. Augustin, Sermon 39, ch. 1, n.1, PL 38, 241: « Dieu nous a caché
notre dernier jour, afin que nous prenions garde à tous les jours » (Vivès, t.
16, p. 211). Saint Paul nous avertit de travailler à notre salut, « non
seulement avec crainte, mais encore avec tremblement » (Philippiens 2, 12).
Saint Antonin (S. Antonin de Florence, Summa theologica, p. 4, tit. 14, c. 8, §
3, t. 4, Vérone, 1740, col. 818) rapporte qu'un roi de Sicile, voulant faire
comprendre à l'un de ses sujets la crainte dont il était tourmenté même sur son
trône, le fit asseoir à sa table. Or au-dessus de la tête du malheureux convive,
se balançait une épée, suspendue seulement par un léger fil, de sorte que, dans
cette position, il put à peine prendre quelque peu de nourriture. Tous, nous
courrons le même danger, puisqu'à chaque moment la mort peut abaisser son
glaive, et nous donner ce coup qui doit décider de notre salut éternel.
Car c'est bien de l'éternité qu'il
s'agit. « Si l'arbre tombe au midi ou à l'aquilon, en quelque lieu qu'il tombe,
il y demeure » (Ecclésiaste 11, 3). Si la mort nous trouve dans la grâce de
Dieu, quelle ne sera pas notre allégresse de pouvoir dire alors: j'ai pris
toutes mes assurances; je ne puis plus perdre mon Dieu; je vais être heureux
pour toujours! Mais si la mort nous trouve en état de péché, avec quel désespoir
notre âme s'écriera: « Ergo erravimus! » (Sagesse 5, 6). je me suis donc
trompée; et à mon erreur il n'y aura jamais de remède; c'en est fait pour toute
l'éternité! Ainsi tremblait le vénérable Père Jean d'Avila, l'apôtre de
l'Espagne. Quand on lui apprit que sa mort était proche: « Ah! S'écria-t-il, que
n'ai-je encore un peu de temps pour me préparer! » (L. Mugnons, Vita del... P.
M. Giovanni d'Avila, lib. 3, c. 23, Milan, 1667, p. 400-401). Ainsi tremblait
également l'abbé Agathon, qui après de longues années passées dans la pénitence,
mourut en s'écriant: « Que vais-je devenir? Car qui peut connaître les jugements
de Dieu! » (Vies. des Pères, lib. 3, n. 161, PL 73, 793). Saint Arsène tremblait
aussi à l'approche de la mort; et comme ses disciples lui demandaient la cause
de sa frayeur: « Mes enfants, répondit-il, ce n'est pas d'aujourd'hui que
j'éprouve cette crainte; elle ne m'a pas quitté un seul instant de toute ma
vie » (Vies des Pères, lib. 3, n. 163, PL 73, 794). Job surtout était effrayé.
« Que ferai-je, s'écriait-il, lorsque Dieu se lèvera pour me juger? Et,
lorsqu'il m'interrogera, que lui répondrai-je? » (Job 31, 14).
AFFECTIONS ET PRIÈRES
Ah! Mon Dieu, de qui ai-je jamais
été plus aimé que de vous? Et pour qui ai-je eu autant de mépris et d'insultes
que pour vous? O sang, ô plaies de Jésus, vous êtes mon espérance. Père éternel,
regardez votre Fils bien-aimé, qui meurt de douleurs pour moi et qui vous prie
de me pardonner. Je me repens, ô mon créateur, du mal que j'ai fait en vous
offensant et je le déteste plus que n'importe quel autre mal. Vous m'avez créé
pour que je vous aime, et moi, j'ai vécu comme si j'avais été créé pour vous
offenser. Pardonnez-moi pour l'amour de Jésus Christ, et accordez-moi de vous
aimer.
Par le passé, j'ai résisté à votre
volonté; maintenant, au lieu de vous résister, je veux observer tous vos
commandements. Vous me commandez de détester les outrages que je vous ai faits;
je les déteste de tout mon coeur. Vous me commandez de prendre la résolution de
ne plus vous offenser; me voici, je veux perdre mille fois la vie plutôt que de
perdre votre grâce. Vous me commandez de vous aimer de tout mon coeur; ah!
Certes, je ne veux plus aimer que vous; désormais vous serez l'unique objet de
mon amour, mon unique amour. Je vous demande à vous-même et j'espère de vous la
sainte persévérance. Pour l'amour de Jésus Christ, faites que je vous sois
fidèle et que toujours je dise avec saint Bonaventure: « Dieu seul m'est cher!
Dieu seul est mon amour! » (Texte resté introuvable. L'idée cependant se
rencontre dans les écrits de S. Bonaventure, qu'ils soient authentiques ou qu'il
lui soient attribués). Non, je ne veux plus employer ma vie à vous offenser,
mais uniquement à pleurer les déplaisirs dont je vous ai abreuvé et à brûler de
votre amour.
Marie, ma Mère, vous priez pour
tous ceux qui se recommandent à vous, priez Jésus pour moi.


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