Les diverses cérémonies
que l'Église accomplit au jour de la Présentation du Seigneur au
Temple sont comme un commentaire vivant de l'évangile lu à la
messe ; les liturgistes du Moyen-âge en ont tiré des leçons
édifiantes et salutaires. Pour Yves de Chartres, la cire des cierges
signifie et représente la chair virginale de Jésus qui n'a point
altéré, ni par sa conception ni par sa naissance, l'intégrité de
Marie ; la flamme des cierges symbolise le Christ, lumière qui est
venue illuminer nos ténèbres. Durand de Mende dit que « nous
portons des cierges allumés en procession pour faire écho à la
parole de Siméon qui salue en Jésus la lumière du monde, pour
signifier l'humanité et la divinité du Christ, pour proclamer la
pureté inaltérable de Marie, pour imiter les vierges sages qui
accompagnent le céleste époux jusqu'au temple de la gloire. »
Invocations au Père des lumières et à Jésus-Christ, lumière du
monde, les prières de la bénédiction des cierges rappellent les
touchantes circonstances des mystères de ce jour. L'usage de ces
cierges bénits devra, selon les intentions de l'Église, procurer aux
fidèles la santé de l'âme et du corps, les délivrer des ténèbres de
l'erreur et du vice, leur montrer ce qui est agréable à Dieu et leur
mériter l'entrée dans le séjour de l'éternelle lumière.
C'est le partage de la
Vierge, en ce saint temps d'être en silence. C'est son état, c'est
sa voie, c'est sa vie. Sa vie est une vie de silence
qui
adore la parole Éternelle. En voyant devant ses yeux, en son sein,
en ses bras cette même Parole, la Parole substantielle du Père, être
muette et réduite au silence par l'état de son enfance elle rentre
en un nouveau silence et y est transformée à l'exemple du Verbe
Incarné qui est son Fils, son Dieu et son unique amour. Et sa vie se
passe ainsi de silence en silence d'adoration en silence de
transformation ; son esprit et ses sens conspirant également à
former et perpétrer en elle cette vie de silence ; et toutefois un
sujet si grand, si présent et si propre à elle serait bien digne de
ses paroles et de ses louanges. A qui Dieu appartient-il de plus
près qu'à Marie qui est sa mère, et ce qui ne convient qu'à elle,
elle est sa Mère en la terre sans Père, comme Dieu est son Père au
ciel sans Mère ? Qui a donc plus de droit de parler de lui, qu'elle
qui lui tient lieu de père et de mère tout ensemble, et ne partage
avec aucun la substance nouvelle dont il l'a revêtue ? Qui connaît
mieux l'état, les grandeurs, les bassesses de Jésus que Marie, en
laquelle il a reposé neuf mois, et de laquelle il a pris ce petit
corps qui couvre la splendeur de la divinité, comme une nuée légère
qui cache un soleil, et comme un voile délié qui nous cache le vrai
sanctuaire ? Qui parlerait plus dignement, plus hautement, plus
divinement de choses si grandes, si profondes, si divines, que celle
qui est la Mère du Verbe Éternel, et en laquelle et par laquelle ces
choses-là même ont été accomplies et qui est la seule personne que
la Trinité a choisie et jointe à soi pour opérer ces merveilles ? Et
toutefois elle est en silence, ravie par le silence de son Fils
Jésus. Et c'est un des effets sacrés et divins du silence de Jésus,
de mettre la très sainte mère de Jésus en une vie de silence ;
silence humble, profond et adorant plus saintement et plus
disertement la sapience incarnée, que les paroles ni des hommes ni
des anges. Ce silence de la Vierge n'est pas un silence de
bégaiement et d'impuissance, c'est un silence de ravissement, c'est
un silence plus éloquent dans les louanges de Jésus que l'éloquence
même. C'est un effet puissant et divin dans l'ordre de la grâce,
c'est-à-dire un silence opéré par un silence de Jésus, qui imprime
ce divin effet en sa mère, et qui la tire à soi dans son propre
silence, et qui absorbe en sa divinité toute parole et pensée de sa
créature. Aussi est-ce une merveille de voir qu'en cet état de
silence et d'enfance de Jésus tout le monde parle, et Marie ne parle
point, le silence de Jésus ayant plus de puissance de la tenir en un
sacré silence que les paroles ni des anges ni des saints n'ont de
force à la mettre en propos et la faire parler de choses si dignes
de louanges et que le ciel et la terre unanimement célèbrent et
adorent. Les anges en parlent et entre eux-mêmes et aux pasteurs, et
Marie est en silence. Les pasteurs courent et parlent, et Marie est
en silence. Les rois arrivent, parlent et font parler toute la
ville, tout l'État et tout le sacré synode de Judée, et Marie est en
retraite et en silence. Tout l'État est ému et chacun s'étonne et
parle du nouveau roi recherché par les rois, et Marie est en son
repos et sacré silence. Siméon parle au Temple et Anne la
Prophétesse, et tous ceux qui attendent le salut d'Israël, et Marie
offre, donne, reçoit et rapporte son Fils en silence, tant le
silence de Jésus a de puissance et d'impression secrète sur l'esprit
et le coeur de la Vierge, et la tient puissamment et divinement
occupée et ravie en silence. Car aussi durant tout le temps de son
enfance, nous n'avons que ces paroles qui nous soient rapportées de
la conduite de la Vierge et de sa piété au regard de son Fils, et
des choses qui sont dites de lui et accomplies par en lui: « Maria
autem conservabat omnia verba haec conferens in corde suo. »
Pierre de Bérulle - Opuscules
de piété
Source :
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