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La vie de Saint Joseph
vue par les mystiques
ayant bénéficié de révélations sur ce sujet
De très nombreux mystiques ont
été canonisés, tels Saint Bernard, François d’Assise et François de Sales,
Catherine de Sienne, etc. Certains ont même été proclamés docteurs de
l’Église, et leurs écrits sont admis par l’Église. D’autres mystiques sont
bienheureux ou vénérables. D’autres, enfin, sont plus proches de nous ou
même contemporains. Dans ce cas, même si les faits rapportés sont dignes de
foi, leurs écrits et les révélations qu’ils relatent doivent être pris avec
prudence et ne peuvent, en aucun cas, être considérés comme articles de foi.
Cependant il serait peut-être dommage de se priver d’une documentation et
d’informations souvent dignes d’intérêt et susceptibles d’alimenter notre
foi.
Tenant compte des remarques
ci-dessus, il a semblé utile de présenter un certain nombre de révélations
déjà célèbres, ou en passe de le devenir. Nous nous
attarderons sur les mystiques à qui furent montrées de très nombreuses
scènes de la vie de Marie, de Saint Joseph et de Jésus, et à qui il fut
expressément demandé de les rapporter ou de les écrire: je veux parler de
Marie d’Agreda, d’Anne-Catherine Emmerich et de Maria Valtorta.
Marie d’Agreda, de petite
noblesse de la Vieille Castille, avait seize ans quand toute sa famille: le
père, la mère et les quatre enfants, embrassa la vie religieuse, dans des
couvents relevant de la juridiction de l’ordre des Franciscains.
Favorisée de grâces
extraordinaires dès le début de sa vie religieuse, Marie d’Agreda fut
contrainte, d’abord par la Vierge Marie, puis par l’obéissance, d’écrire la
Vie de Marie, Cité Mystique de Dieu.
Après avoir été d’abord
condamnés par des hommes d’Église qui ne les avaient pas lus!!! (décret
d’Innocent XI du 4 août 1681) les écrits de Marie d’Agreda, abbesse du
Monastère Franciscain de l’Immaculée Conception, reçurent, trois mois plus
tard, de nombreuses approbations de religieux éminents, qui, tous, dès
le début du texte de leur approbation, déclarent: “Après avoir lu,”
ou “Après avoir lu et examiné, avec beaucoup d’application...” On
peut donner le nom de quelques-uns des principaux examinateurs de l’oeuvre:
– Joseph d’Inguimbert,
Récollet (4 mars 1694)
– Séraphin Picot, Récollet (5
mars 1694)
– F. J.
Gallet, Récollet (3 mai 1694)
– R.P. Gaspard du Saint-Esprit
(30 mai 1709)
– Joseph
Cassani, Jésuite (8 juillet 1709)
– Dom
Menchero, Inquisiteur (9 Juillet 1709)
– Dom Michel Escartin, Évêque
de Tarazone (6 mai 1667)
– Herman
Damen et Ant.
Parmentier, de l’université de Louvain (20 juillet 1715)
On peut aussi citer les décrets
d’approbations émanant des souverains pontifes:
– Décret d’Innocent XI (9
novembre 1681), annulant le Décret du 4 août 1681)
– Décret de la Sacrée
Congrégation du Saint-Office obligeant l’Évêque de
Cénédo à retirer la défense qu’il avait faite de lire la Cité
Mystique de Dieu (17 septembre 1713)
– Décret de
Benoit XIII (21 mars 1729)
Marie d’Agreda a été chargée,
par la Sainte Vierge, qualifiée de “Cité Mystique de Dieu” de
raconter la vie de celle qui sera appelée par l’Église, lors du Concile
d’Éphèse, la Mère de Dieu.
Marie avait donné sa virginité
au Seigneur, mais toutes les filles, en Israël, devaient obligatoirement se
marier, même celles qui avaient été élevées au Temple. Aussi, quand Marie
eut atteint l’âge de treize ans et demi, les prêtres lui cherchèrent-ils un
époux. La Sainte Vierge était en grand désarroi, mais le Seigneur la rassura
et lui dit, pour apaiser son coeur affligé: “... Le prêtre
(celui qui a été chargé de trouver un époux à Marie)est conduit par ma
lumière; je vous donnerai un époux qui ne s’opposera pas à vos saints
désirs, mais plutôt vous les confirmera avec le secours de ma grâce: je vous
le chercherai parfait et selon mon coeur, et je le choisirai d’entre mes
serviteurs; mon pouvoir est infini, et ma protecton
ne vous manquera jamais.”
Marie reçut aussi des esprits
célestes ces consolations surprenantes: “Épouse du Très-Haut, car vous ne
pouvez pas ignorer ni oublier ce titre, encore moins l’amour qu’Il vous
porte... apaisez, souveraine Dame, votre coeur... Votre Divin Époux se
charge de tout ce qui vous regarde... Ses profonds jugements sont saints et
impénétrables, ses décrets sont justes et admirables; les créatures ne
peuvent pas les comprendre, mais elles doivent les respecter. Que si sa
divine Grandeur veut que vous la serviez dans le mariage, il sera mieux pour
vous de lui être agréable en cet état, que de lui déplaire dans un autre.”
[1]
“Joseph, originaire de
Nazareth et habitant de la sainte cité, reçut l’ordre de se trouver avec eux
(les jeunes hommes de la Tribu de Juda et de la lignée de David),
parce qu’il était un de ceux de la race royale de David. Il avait alors
trente trois ans. Il avait fait, dès sa deuxième année le voeu de chasteté.
Il était parent au troisième degré, de la Vierge Marie.”
La réputation de sainteté de
Marie était bien connue, et tous les jeunes hommes retenus désiraient
l’avoir comme épouse. “il n’y eut parmi eux que le très humble et très
juste Joseph qui se crût indigne d’un si grand bien; et se souvenant du voeu
de chasteté qu’il avait fait, et après avoir proposé de nouveau de
l’observer toute sa vie, il se résigna à la volonté divine, s’abandonnant
entièrement à tout ce qu’elle voudrait disposer.”
Marie d’Agreda rapporte ensuite
l’épisode de la baguette fleurie de Saint joseph puis continue: “les
prêtres la marièrent (Marie) avec Joseph, le plus chaste et le
plus saint des hommes... Puis, Marie s’en alla avec son époux Joseph à
Nazareth, patrie des deux nouveaux époux. “
Arrivés à Nazareth, et après
s’être acquittés fort saintement de tous les devoirs que la civilité
demande, et après avoir satisfait à ces obligations temporelles de la
conversation et du commerce des hommes... nos très saints mariés, Marie et
Joseph, se trouvèrent libres dans leur maison...
Joseph dit à son épouse
Marie: “Madame, je rends grâce au Très-Haut de m’avoir fait la faveur de me
choisir pour votre époux lorsque je méritais le moins cet honneur et que je
me croyais le plus indigne de votre compagnie; mais sa divine majesté, qui
peut, quand elle veut, élever le pauvre, a usé de cette miséricorde envers
moi, et je désire que vous m’aidiez, comme je l’espère, de votre bonté et de
votre vertu, à lui rendre la reconnaissane que
je lui dois, en la servant avec droiture de coeur. En tout ce qui regarde
son service je serai votre serviteur, et je vous prie, par l’affection
sincère avec laquelle je vous estime, de suppléer aux biens qui me manquent
et à beaucoup de qualités que je n’ai pas et que je devrais avoir pour être
votre époux... Le Très-Haut prévenait par sa grâce le coeur sincère de Saint
Joseph et l’enflammait de nouveau en son divin amour...”
Marie révéla alors à Joseph son
voeu de virginité. “Le très chaste Joseph, tout rempli de joie,“
révéla à son tour à Marie, son propre voeu de chasteté. “... les deux
très saints et très chastes époux ressentirent une joie et une consolation
incomparables... Le Très-Haut donna aussi à Saint Joseph une pureté toute
nouvelle et un empire absolu sur ses passions, afin qu’il servît son épouse
Marie sans nul obstacle... Ils firent le partage des biens que Saint Joachim
et Sainte Anne avaient laissés à leur très sainte fille; une partie fut
offerte au Temple où elle avait demeuré, l’autre fut appliquée aux pauvres,
et la troisième resta sous la conduite et la disposition du Saint Époux
Joseph.”
Marie fut d’accord pour que
Joseph exerçât son métier de charpentier, mais l’avertit “que le Seigneur
ne voulait pas qu’ils fussent riches, mais pauvres et amateurs des pauvres,
autant que le bien qu’ils avaient le leur pourrait permettre... Joseph,
l’esprit rempli de joie, le coeur tout enflammé par d’ardentes dispositions,
ne cessait de louer le Seigneur et de lui rendre de nouvelles actions de
grâces pour lui avoir donné une telle épouse sans l’avoir méritée.”
Marie demanda à Dieu sa
bénédiction”car avec elle j’obéirai à votre serviteur Joseph, et je le
servirai comme Vous me le commandez, mon divin Maître et mon Créateur!...
Souvenez-vous de notre pauvreté et de notre misère, et de moi, chétif ver de
terre , qui désire d’être votre fidèle servante, enrichie et favorisée de
votre puissante intercession.”
[2]
Voici, pour notre instruction
une remarque de la Vierge Marie à l’attention de Marie d’Agreda: “Ma
fille, vous trouverez par l’exemple que j’ai donné dans l’état de mariage
auquel le Très-Haut me mit, la condamnation de l’excuse que les âmes qui s’y
trouvent engagées allèguent pour ne pratiquer pas la perfection. Il n’est
rien d’impossible à Dieu, ni à celui non plus qui espère en Lui avec une
vive foi, et qui s’abandonne entièrement à sa divine disposition. Je vivais
dans la maison de mon époux avec la même perfection que dans le Temple,
parce qu’en changeant d’état je ne perdis pas l’affection, ni le désir, ni
le soin de l’aimer et de le servir.”
[3]
Un peu plus loin, Marie, pour
Marie d’Agreda, commente le Chapitre 31 du Livre des Proverbes.
Parlant de la femme forte qui a la confiance du coeur de son mari, elle dit:
“Il est certain que Joseph fut appelé mari de cette femme forte, parce
qu’il l’eut pour épouse légitime: il est aussi constant que son coeur se
confia à elle... Mais il se confia singulièrement à elle, la voyant
enceinte, quand il en ignorait le mystère, parce qu’alors il crut et se
confia en l’espérance contre l’espérance des marques qu’il découvrait... Et
quoi qu’il se déterminât à la laisser, parce qu’il voyait l’effet devant ses
yeux, n’en sachant pas la cause, néanmoins il n’osa jamais se méfier de son
honnêteté et de sa retenue, ni se séparer du saint et pur amour que le très
chaste coeur d’une telle épouse s’était acquis.”
[4]
La Vierge Marie poursuit le
commentaire du Chapitre 31 du livre des Proverbes. Le mari de la femme
forte, y est-il écrit, “éclatera de gloire dans les portes lorsqu’il sera
assis avec les sénateurs de la terre.”
[5]
Marie dit: “Lors du jugement universel, Saint Joseph sera placé avec
gloire parmi les nobles du Royaume de Dieu, parce qu’il aura un siège entre
les apôtres pour juger le monde, et il jouira de ce privilège en qualité
d’époux de cette femme forte qui est Reine de l’univers, et en qualité de
père putatif du Juge Suprême. Notre Seigneur Jésus-Christ, qui appartient si
étroitement à la très Sainte Vierge, est reconnu pour souverain Seigneur et
pour Juge véritable et naturel dans le jugement qu’il fera des anges et des
hommes.”
[6]
Marie vient d’apprendre, par
l’Ange que sa cousine Élisabeth, la stérile, est enceinte de six mois. Marie
veut aller la visiter, mais elle doit auparavant demander la permission à
Saint Joseph. Elle lui dit: “Mon Seigneur et mon époux, j’ai appris dans
une révélation divine que le Très-Haut a daigné favoriser ma cousine
Élisabeth, femme de Zacharie, en lui donnant un fils... Je crois que dans
une occasion comme celle-ci je suis obligée, par les lois de l’honnêteté, de
l’aller visiter... Si ce voyage vous est agréable, je le ferai avec votre
permission, comme étant entièrement soumise à votre volonté.” Dieu
disposa le coeur très pur de Saint Joseph qui accepta et proposa même de
l’accompagner. Marie remercia son “prudent époux de la tendre sollicitude
qu’il lui témoignait,” et ils convinrent d’une date pour se rendre
chez Élisabeth.
[7]
Il est intéressant, pour notre
instruction, de contempler la délicatesse de Saint Joseph vis à vis de
Marie, durant ce voyage de Nazareth à la ville de Juda, dans les montagnes
de Judée, où résidaient Zacharie et Élisabeth. Marie priait sans cesse, et
Saint Joseph recueilli en lui-même, gardait un discret silence. “D’autres
fois les époux parlaient ensemble et conféraient de beaucoup de choses qui
regardaient le salut de leur âme, les miséricordes du Seigneur, la
venue du messie, et les prophéties qui l’avaient annoncé aux patriarches...”
Quelque chose pendant ce voyage
causa beaucoup d’admiration à Saint Joseph. Il marchait à côté de son épouse
bien-aimée, plein de soins et de prévenance. Or Marie portait déjà dans son
sein “le feu divin du Verbe Incarné. Et Joseph ressentait dans son
âme, par les paroles et les conversations de son aimable épouse, des effets
tout nouveaux dont il ignorait la cause, si bien qu’il se voyait toujours
plus enflammé de l’amour divin, et élevé à une plus haute connaissance des
mystères qui faisaient le sujet de leur entretien, par une flamme intérieure
et une lumière nouvelle qui spiritualisaient et renouvelaient tout son
être... Il y avait là quelque chose de si étrange, que le discret époux
Joseph ne put manquer d’être fortement frappé... “ Il comprenait que
cela arrivait grâce à la présence de Marie, “mais sa modestie fut
telle qu’il n’osa lui demander aucune chose pour s’en éclaircir.”
[8]
De son côté Marie se taisait, car elle ignorait alors les voies dont
Dieu se servirait pour informer Joseph de sa grossesse.
Les saints époux mirent quatre
jours pour parcourir les vingt sept lieues qui séparaient Nazareth de la
ville de Juda où demeuraient Élisabeth et Zacharie.
Remarque
Ici, je ne peux m’empêcher
d’ouvrir une parenthèse à l’attention des nombreux pèlerins qui vont, chaque
année, se recueillir dans la Maison de Lorette, en Italie, Maison dite de
Nazareth. Voici ce qu’en dit Marie d’Agreda : “Bien que la ville de Juda,
où la maison de Zacharie se trouvait, ait été ruinée, le Seigneur ne permit
point que l’on perdît entièrement la mémoire de lieux si vénérables, témoins
de tant de mystères, et consacrés par les pas de la très pure Marie, de
Notre Seigneur Jésus-Christ, de Jean-Baptiste et de ses saints parents..
Ainsi les anciens fidèles qui firent construire les églises et réparèrent
les lieux saints, furent éclairés, indépendamment du flambeau de la
tradition, d’une lumière divine, pour connaître la vérité dans tous les cas,
afin que la mémoire de mystères si admirables fût renouvelée, et que les
fidèles eussent dans la suite, le bonheur de les adorer, confessant la foi
catholique dans les lieux sacrés de leur rédemption...“
Cependant, le démon ayant
reconnu, au moment de la mort de Jésus “que cet adorable Seigneur était
Dieu et Rédempteur du monde, travailla avec une fureur incroyable à en
effacer la mémoire de la terre des vivants, aussi bien que celle de sa très
sainte Mère... “ Plusieurs lieux furent ainsi détruits. Mais,
“les anges transportèrent la sainte maison de Lorette, parce que le même
dragon qui persécutait cette divine Dame avait déjà excité les esprits des
habitants du pays à la destruction complète du sanctuaire dans lequel s’est
opéré le très haut mystère de l’Incarnation.”
[9]
Cette relation de Marie d’Agreda est d’autant plus curieuse que c’est
une riche famille italienne, i Angeli (les
Anges) qui aurait fait transporter la maison de la Sainte Vierge Marie, de
Nazareth à Lorette, dans un navire lui-même appelé i
Angeli.
Selon Marie d’Agreda, Saint
Joseph accompagna Marie jusqu’à la maison de ses cousins pour saluer
Élisabeth et s’entretenir avec Zacharie. “Sainte Élisabeth, qui
connaissait le bonheur du très chaste époux Joseph, que lui-même ignorait,
le traita avec beaucoup d’estime et de vénération, et le combla des plus
tendres prévenances. Après que le Saint eût demeuré trois jours dans
la maison de Zacharie, il demanda la permission, à sa divine épouse, de s’en
retourner à Nazareth, la laissant en la compagnie d’Élisabeth, afin qu’elle
l’assistât dans ses couches.”
[10]
“Saint Joseph ayant été
averti par ordre de Sainte Élisabeth, partit de Nazareth pour aller prendre
l’auguste Marie, son épouse, et la ramener dans sa maison. Étant
arrivé en celle de Zacharie, où on l’attendait, il y fut accueilli par la
pieuse famille avec un respect extraordinaire, car le saint prêtre savait
alors que Joseph était le dépositaire des mystères et des trésors du ciel
qu’il n’avait pas encore découverts...” Le moment du départ étant
arrivé, Joseph et Marie prirent congé de Zacharie qui, désormais éclairé de
la lumière du Seigneur, savait que Marie était la vierge Mère. Mais
Joseph, lui, ne savait toujours rien.
Le voyage du retour de Joseph
et Marie, à Nazareth, se passa dans les mêmes conditions qu’à l’aller.
Cependant l’état de Marie était maintenant visible, et se trahissait par des
signes extérieurs“et la plus discrète des épouses s’apercevait bien qu’il
serait impossible de les cacher longtemps à son très chaste et très fidèle
époux... Intérieurement elle priait la Majesté divine de prévenir le
coeur du saint époux... car elle jugeait toujours qu’il éprouverait une
profonde douleur en la voyant enceinte.”
[11]
Joseph et Marie arrivèrent à
Nazareth, et la vie ordinaire reprit.
Dans la suite du récit, Marie
d’Agreda explique pourquoi, voulant cacher aux démons la dignité
exceptionnelle de Marie, “le miracle de sa grossesse, son intégrité
virginale avant et après l’enfantement... Dieu lui donna un époux.”
[12]
Marie d’Agreda raconte comment
Satan et ses démons semèrent la zizanie parmi les voisins de Marie et de
Joseph, concernant des intérêts matériels, et prétendant que seule Marie
était cause de toute cette dispute. “Ce reproche fut très sensible à
notre très sainte Dame, à cause de la peine que Saint Joseph en recevait. En
outre, Joseph avait déjà remarqué quelque chose de sa grossesse... Joseph,
triste et pensif, se laissa aller à de pénibles réflexions... L’ennemi de la
paix suggéra à Joseph de sombres pensées pour le dégoûter de sa pauvreté et
la lui faire supporter avec impatience et tristesse; et en même temps, il
lui représenta que son épouse Marie priait trop, ne travaillait guère,
n’était pas assez active ni laborieuse. Mais Saint Joseph...” méprisa
ces inventions diaboliques et les rejeta loin de lui. Pourtant la grossesse
de son épouse ne cessait de le préoccuper.
[13]
Marie était au cinquième mois
de sa grossesse et Joseph était désormais certain de la chose. “Joseph
réfléchissait à la certitude où il était de n’avoir aucune part en cette
grossesse dont il voyait des marques si évidentes, et il se disait que le
déshonneur était par là inévitable quand cela se saurait.” Homme juste,
il savait d’avance les “amertumes de l’infamie personnelle qu’il était
exposé à subir avec son épouse.”
Une autre chose torturait
Joseph: la crainte de trahir son épouse qui serait condamnée à être lapidée,
comme la loi l’exigeait. Joseph était comme environné de douleurs,“et il
ressentait par sa propre expérience que la jalousie est dure comme l’Enfer.”
Car Joseph avait pu apprécier
les vertus de Marie, et il ne pouvait imaginer que tant de pureté et de
sainteté pût être compatible avec une telle faute. Alors la prière de
Joseph se fit plus instante, plus douloureuse, plus implorante, car ses
pensées devenaient de plus en plus tumultueuses et obsédantes. “La peine
de Saint Joseph fut si grande qu’elle peut être une preuve de son
incomparable prudence et de sa sainteté, et qu’en la souffrant il mérita que
Dieu le rendît capable de la faveur singulière qu’il lui préparait.”
Marie aurait pu facilement se
disculper, mais elle continuait à se taire, s’abandonnant avec sagesse
à la Providence de Dieu. Pourtant Saint Joseph ne parvenait plus “à lui
cacher tout à fait son amer chagrin; il était donc bien souvent pensif,
triste, inquiet, et cédant à sa secrète douleur, il parlait quelquefois à sa
divine épouse avec plus de sévérité qu’auparavant.”
[14]
Joseph réfléchissait, en
silence, s’enfermant dans sa douleur. Bientôt la santé de Joseph s’altéra.
“Il sentit diminuer ou s’épuiser les forces de son corps... sa
physionomie trahissait la sombre et profonde mélancolie qui l’affligeait.
Et, comme il la tenait secrète, sans la communiquer à personne... il en
résultait que ses peines étaient naturellement plus grandes et plus
incurables..” Marie souffrait de la douleur de Joseph, mais elle
continuait à se taire “pour respecter et garder le secret du Roi
céleste,” et à prier. C’est alors que Saint Joseph prit le parti de
s’absenter et de quitter sa maison avant le moment de la délivrance. Cette
pieuse résolution calma un peu les esprits agités de Joseph. ”Il résolut
de partir la nuit suivante, et, ayant préparé à cet effet, un habit et
quelques hardes qu’il avait pour changer, il fit du tout un paquet.” en
se disant: “Je vois avec certitude qu’elle est enceinte. J’en
ignore la cause, il est vrai... Je choisis comme un moindre mal de m’en
aller loin d’elle, en un endroit où personne ne me connaisse, et d’achever
ma vie dans quelque désert...” [15]
Remarques
La Vierge Marie explique à
Marie d’Agreda la raison pour laquelle le Seigneur laissa Saint Joseph si
longtemps dans l’obscurité: pour nous apprendre à ne jamais juger personne
et à excuser les fautes d’autrui. (Chapitre II-§ 397)
“C’est pour cela que Dieu a
mis pour modèle mon époux Saint Joseph.; car jamais personne n’eut à la fois
de plus justes motifs de suspicion et de discrétion à suspendre son
jugement, parce que, suivant les règles d’une charité circonspecte et
généreuse, on fait acte de sage réserve et non point de témérité, quand on
s’en rapporte, pour l’appréciation d’un fait dont la culpabilité n’est pas
évidente, à des causes supérieures qu’on ne pénètre pas, plutôt que de juger
et de condamner le prochain.”
Plus loin au chapitre III
(§407) Marie revient sur ce thème: Saint Joseph est un modèle pour nous:
“Je vous donne pour exemple, dit Marie, mon époux Saint Joseph qui
crut, sans hésitation et sans défiance, ce que l’Ange lui dit, exécutant
aussitôt, avec une prompte obéissance ce qui lui fut ordonné, par où il
mérita d’être élevé à de hautes récompenses et à une éminente dignité.”
Au chapitre IV (§415) Marie nous conseille: “Que l’humble empressement
de mon époux Joseph, sa docilité et l’estime qu’il fit de la lumière et de
la doctrine divine, vous servent maintenant d’exemple. Considérez que le
Très-Haut, voulant trouver son coeur préparé et bien disposé à accomplir
avec zèle sa très sainte volonté, le changea et le réforma entièrement par
cette plénitude de grâces dont il avait besoin pour le ministère auquel sa
divine Majesté le destinait.
Saint Joseph “était doué
d’une science et d’une clarté singulière pour pénétrer la sainteté et les
belles qualités de sa divine épouse, qui étaient inestimables... C’est pour
cela que les peines de Saint Joseph surpassèrent tout ce que les hommes ont
souffert d’analogue, car aucun n’eut une plus haute idée de l’objet qu’il
perdait... Il ne connaissait en Marie aucune faute qui pût le porter à la
moindre indignation.... La jalousie du Saint ne consista qu’en la grandeur
de son amour et en une espèce de doute et de soupçon portant sur le retour
(sic) qu’il avait obtenu de sa très chaste épouse.... Et
l’amour le plus pur et le plus ardent remplissait tout le coeur de Saint
Joseph.”
Le soir, quelques heures avant
l’heure de minuit, Joseph pria et s’endormit dans sa douleur. C’est alors
“que le Très-Haut envoya l’Archange Gabriel, le chargeant de découvrir, par
une révélation divine, à Saint Joseph endormi, le mystère de la grossesse de
son épouse Marie...”
Dans son sommeil Saint Joseph
entendit et comprit tout ce que disait l’Archange Gabriel: “qu’il ne
craignît point de demeurer avec son épouse Marie parce que sa grossesse
était l’ouvrage du Saint-Esprit, qu’elle enfanterait un fils qu’il nommerait
Jésus, et qui serait le Sauveur de son peuple, et que dans tout ce mystère
serait accomplie la prophétie d’Isaïe qui dit qu’une vierge concevrait et
mettrait au monde un fils qui serait appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec
nous. Saint Joseph ne vit point l’Ange sous une forme sensible, il en ouit
seulement la voix au fond de son âme, le mystère...
Saint Joseph s’éveilla
convaincu du mystère qui lui avait été révélé, et que son épouse était
véritablement Mère de Dieu... Les doutes et les troubles par lesquels il
était passé servirent à jeter en lui les fondements d’une plus profonde
humilité, nécessaire à celui à qui l’on confiait la dispensation des plus
hauts conseils du Seigneur...
S’étant complètement éveillé,
Joseph défit le petit paquet qui contenait ses vêtements, puis tout en
pleurant, de joie et de remords d’avoir douté de Marie, il se mit à arranger
la maison, à nettoyer le sol, et à s’occuper d’une foule de petites choses
qu’il laissait faire ordinairement à Marie. “Quand l’heure fut arrivée,
il se présenta à la chambre de la divine Dame qui l’attendait avec sa
douceur et sa complaisance habituelles.”
[16]
Dès qu’il vit Marie, Saint
Joseph se jeta aux pieds de Marie et lui demanda pardon d’avoir douté
d’elle. “L’auguste Marie consola et rassura son saint époux; ensuite elle
le releva pour lui apprendre tout ce qu’il devait savoir... et elle éclaira
d’une manière merveilleuse l’intelligence de Saint Joseph qui reçut, en ce
moment, une abondante effusion de grâces divines... C’est alors que Joseph
comprit clairement et entièrement sa grandeur, parce qu’il découvrit en même
temps l’intégrité et la pureté virginale de la Princesse du Ciel et le
mystère de sa dignité. Il vit et reconnut dans son très chaste sein
l’humanité sacrée de l’Enfant-Dieu, et l’union
des deux natures en la personne du Verbe. Il l’adora avec une profonde
humilité, le reconnut pour son véritable Rédempteur, et se consacra à son
service en multipliant les actes d’amour... Le Seigneur l’accepta pour son
père putatif et lui en donna le titre...
Tout l’être de Saint Joseph
fut renouvelé et éclairé pour devenir digne de converser avec celle qui
était la Mère de Dieu... et pour dispenser de concert avec elle les choses
qui regardaient l’Incarnation et l’entretenement
(sic) du Verbe humanisé...
Comme notre grande Reine
avait été l’instrument dont Dieu s’était servi pour sanctifier le petit Jean
Baptiste et sa mère, Sainte Élisabeth, de même elle fut l’organe par lequel
Saint Joseph reçut la plénitude de grâce avec une bien plus grande
abondance. Le très heureux époux comprit tout cela, et il y répondit comme
un très fidèle et très reconnaissant serviteur.”
[17]
Arrivée à ce point de son
récit, Marie d’Agréda fait la remarque suivante: “Les saints évangélistes
n’ont fait aucune mention de ces grands mystères ni de beaucoup d’autres qui
arrivèrent à notre Reine et à son Saint Époux Joseph, non seulement parce
que ces deux incomparables modèles d’humilité les conservèrent toujours dans
leurs coeurs sans les communiquer à personne, mais aussi parce qu’il n’était
pas nécessaire d’insérer ces merveilles dans la vie de notre Seigneur
Jésus-Christ qu’ils ont écrite, afin que par sa foi, la nouvelle Église et
la loi de grâce s’étendissent...
La Providence se réserva de
tirer de ses trésors ces choses qui sont à la fois nouvelles et anciennes,
au moment marqué par sa divine sagesse, lorsque l’Église ayant déjà été
fondée et la foi catholique établie, les fidèles auraient besoin de l’appui
et de l’intercession de leur puissante Reine et protectrice.”
Marie d’Agreda s’attarde
parfois à contempler la vie intime de Marie et de Joseph, avant et après que
Joseph ait eu connaissance du mystère de l’Incarnation. Ce qui domine dans
cette contemplation, c’est la paix, la concorde, l’amour et la vie de prière
“Avant que Saint Joseph fût
informé du mystère de l’Incarnation, la Princesse du Ciel avait coutume de
lui faire,
aux moments les plus convenables, la lecture des Saintes
Écritures, surtout des psaumes de David et des autres prophéties; elle les
lui expliquait comme une très sage maîtresse, et le Saint Époux, qui était
aussi capable de cette sagesse, lui adressait une foule de questions; et les
divines réponses que son épouse lui faisait
le pénétraient à la fois d’admiration et de consolation; de sorte que tous
deux louaient et bénissaient tour à tour le Seigneur.
Mais après que l’ineffable
secret eût été révélé au bienheureux époux, notre Reine lui parlait comme à
celui qui était choisi pour être le coadjuteur des oeuvres et des mystères
admirables de notre Rédemption. Ainsi, ils scrutaient et commentaient plus
clairement dans leurs entretiens toutes les prophéties et les oracles divins
qui concernaient la conception du verbe par une mère vierge, sa naissance,
son éducation et sa très sainte vie... Le très fidèle et très heureux
époux s’enflammait d’amour au milieu de ces doux entretiens, et versait des
larmes de joie... Il priait souvent la Sainte Vierge de lui enseigner
la nature et l’essence des vertus, surtout de l’Amour de Dieu, pour savoir
comment il devrait se comporter envers le Très-Haut humanisé...
Quand Joseph était forcé de
se livrer au travail corporel, Marie l’accompagnait soit de ses entretiens,
soit de la lecture des livres sacrés... Elle ajoutait à ce soulagement la
doctrine céleste que le saint époux écoutait avec une attention telle qu’il
travaillait plus avec les vertus qu’avec les mains.”
[18]
Marie d’Agreda a peut-être un
peu trop idéalisé les relations sociales de Joseph et de Marie. Ce qu’il
faut bien retenir c’est que la mystique ne fait pas une oeuvre historique,
au sens moderne du terme, mais elle écrit pour l’édification des chrétiens,
et spécialement pour des religieuses moniales, afin de les inciter à mener
une vie aussi vertueuse que possible, en vue de leur salut éternel.”Il
arrivait souvent que notre divine Dame et son Saint Époux se trouvassent
dépourvus du nécessaire, parce qu’ils étaient très libéraux envers les
pauvres, et qu’ils ne partageaient point les soucis de ce siècle pour
s’occuper d’avance de leurs besoins avec les précautions et les inquiétudes
d’une convoitise méfiante.”
On peut lire encore: “Bien
qu’ils s’appliquassent tous deux au travail, ils ne demandaient jamais et ne
voulaient même pas fixer le prix de leurs ouvrages; car, les faisant non par
intérêt, mais par obéissance, et pour exercer la charité envers ceux qui en
avaient besoin, ils s’en rapportaient à eux pour la rémunération. Et ce
qu’ils en recevaient, ils l’acceptaient comme une aumône gratuite plutôt que
comme le paiement d’un salaire. Telle était la sainteté et telle était la
perfection que Saint Joseph apprenait à l’école du Ciel qu’il avait dans sa
maison... Saint Joseph, le plus fortuné des époux, imitait Marie en
plusieurs de ses oeuvres.”
[19]
On pourrait ajouter : “et de
ses vertus.”
Il était écrit que le Messie
devait naître à Bethléem... Et la volonté absolue du Seigneur est toujours
infaillible. Aussi le Seigneur prépara-t-il l’exécution de sa volonté au
moyen d’un édit que l’empereur Auguste César fit publier dans tout l’empire.
Chacun devait aller se faire inscrire sur le registre commun de sa propre
ville. “Cet édit arriva à Nazareth et à la connaissance de Saint
Joseph. Tout affligé, il raconta cette nouveauté à sa divine épouse...”
Marie savait de quelle manière
les prophéties s’accompliraient. Elle savait que le Fils unique du Père et
le sien, devait naître à Bethléem, pauvre et étranger. “Mais elle n’en
déclara rien à Saint Joseph, parce que, sans un ordre du Seigneur, elle ne
voulait pas découvrir son secret. “
Après en avoir délibéré, il fut
convenu que les deux époux partiraient ensemble. Saint Joseph était
d’ailleurs convaincu qu’il retrouverait de la parenté et des amis à
Bethléem, lesquels ne manqueraient pas de les accueillir...
Remarque
Il est intéressant de constater
que plusieurs mystiques font des remarques identiques au sujet de la parenté
que Joseph espérait retrouver à Bethléem. Il n’était donc pas inquiet,
pensant que son épouse, sur le point d’accoucher serait chaleureusement
accueillie.
“Mais le Seigneur en avait
décidé autrement. Aussi, Joseph, trompé dans son attente, conçut-il ensuite
une douleur très amère.”
Le voyage se fit au plus fort
de l’hiver, ce qui le rendit particulièrement pénible et incommode.
[20]
Rien de spécial n’est à
signaler au sujet de ce voyage qui dura cinq jours, “Saint Joseph ne
voulant pas faire de trop fortes journées à cause de la grossesse de
Marie.” En effet, la délicatesse de Joseph envers Marie ne se
départit jamais.
Marie et Joseph, après avoir
été rebutés par tous les hommes, se retirèrent dans la grotte qu’ils
commencèrent par nettoyer, et Joseph alluma un feu. “Marie sachant que
ses couches étaient fort proches engagea son époux Joseph à prendre un peu
de repos... et un mystérieux sommeil fut envoyé à Saint Joseph.”
L’Enfant Jésus est né. Marie
appelle Joseph “En effet, il était convenable qu’il vît et touchât par
les sens corporels le Verbe humanisé, qu’il lui offrît son culte et ses
adorations plus tôt qu’aucun autre des mortels, puisqu’il était le seul
choisi entre tous pour être le dispensateur fidèle d’un mystère si
sublime... Il vit l’Enfant-Dieu entre les bras
de sa Mère Vierge, appuyé sur son sein et sur son visage sacrés. C’est là
qu’il l’adora avec la plus profonde humilité, ému
jusqsu’aux larmes...”
Marie d’Agreda, ne signale rien
qui ne soit déjà raconté dans l’Évangile, concernant la venue et l’adoration
des bergers, sinon la constante présence de Saint Joseph. Par contre, elle
s’attache à raconter des scènes touchantes lorsque Marie remettait son petit
enfant entre les bras de Joseph, “afin qu’il l’aidât et remplît son
office de père auprès du Dieu Incarné... Le Saint Époux, balancé entre le
désir de recevoir l’Enfant-Dieu et la crainte
respectueuse qui le retenait, fit des actes sublimes d’amour, de foi,
d’humilité et de révérence profonde... Il prit l’Enfant avec précaution des
mains de sa très sainte Mère, et témoigna par des larmes douces et
abondantes la joie et l’allégresse toutes nouvelles qui le pénétraient...
Quand Saint Joseph tenait Jésus, son âme ressentait toujours des effets
divins. L’Enfant-Jésus lui montrait extérieurement un visage agréable,
s’appuyait sur son sein, et lui témoignait son affection par diverses
caresses, comme les autres enfants ont accoutumé de faire à l’égard de leur
père.”
[21]
Selon Marie d’Agreda, les mages
étaient originaires de Perse, d’Arabie et de Saba. “Ils étaient fort
versés dans les sciences naturelles, et dans les Écritures du Peuple de
Dieu...”
Cela nous apprend peu de choses
mais écoutons encore Marie d’Agreda. “Quoique le texte sacré de
l’Écriture ne le porte pas, parce que c’était inutile pour l’exposition du
mystère, comme il ne porte pas non plus beaucoup d’autres choses que les
évangélistes ont passé sous silence, il est pourtant certain que Saint
Joseph se trouva présent quand les rois adorèrent l’Enfant-Jésus. Il n’était
pas nécessaire de prendre des précautions à cet égard, car les mages étaient
déjà informés que la Mère du nouveau-né était vierge, que son très Saint
Fils était Dieu, et que Saint Joseph n’était point son véritable père....
Ils venaient bien instruits de tout...”
“Les trois rois se
prosternèrent et adorèrent de nouveau l’Enfant-Jésus; ils reconnurent le
grand bienfait qu’ils recevaient du Ciel... Ensuite ils s’adressèrent à
Saint Joseph et le félicitèrent du bonheur qu’il avait d’être l’époux de la
Mère du Grand Dieu...” [22]
Le soir venu les trois rois se
retirèrent et s’entretinrent du divin Amour. “Ils ne cessaient d’admirer
la majesté et la spendeur de l’Enfant-Jésus, la
prudence et la modestie incomparables de la divine Mère, la sainteté du
bienheureux époux Joseph, leur extrême pauvreté, et la bassesse du lieu où
le Seigneur du Ciel et de la terre avait voulu naître.”
Le lendemain, se souvenant des
grands besoins de cette Sainte Famille, ils lui firent remettre plusieurs de
leurs provisions. Le jour suivant ils revinrent à la grotte pour offrir au
Roi Céleste les dons qu’ils avaient apportés: l’or, l’encens et la myrrhe.
Après avoir reçu la bénédiction de Jésus, de Marie et de Joseph, ils leur
firent de tendres et affectueux adieux.
“Marie et Joseph convinrent
de faire trois parts des cadeaux des mages, une pour le Temple, une pour le
prêtre qui était venu circoncire l’Enfant, et une troisième part pour les
pauvres.“
[23]
“La quarantaine allait
expirer pendant laquelle la femme qui avait enfanté était, selon la Loi,
réputée impure jusqu’à ce qu’elle se soit présentée au Temple.” Par
ailleurs, il fallait aussi satisfaire une autre Loi, celle de l’Exode, par
laquelle “Dieu commandait qu’on lui consacrât tous les premiers-nés.”
Et plus que tous les autres enfants des hommes, Jésus appartenait à
Dieu: “Le Père Éternel n’avait pas seulement droit sur la très sainte
humanité de Jésus-Christ en vertu de la création, comme sur toutes les
autres créatures, mais elle lui appartenait aussi d’une manière spéciale en
vertu de l’union hypostatique avec la personne du Verbe, qui était engendrée
de sa propre substance, comme fils unique et véritable Dieu de Dieu
véritable. Le Père détermina que son Fils lui serait présenté dans le
Temple, tant à cause du mystère que cette cérémonie renfermait, que pour
l’accomplissement de sa sainte Loi dont N.S. Jésus-Christ était la fin.
C’est pourquoi il fut prescrit aux juifs de consacrer tous leurs
premiers-nés, dans la perpétuelle attente de Celui qui devait naître du Père
Éternel et de sa très Sainte Mère...”
[24]
Saint Joseph se chargea de
l’organisation du voyage.
Les scènes de la Présentation
de Jésus au Temple, décrites par Marie d’Agreda, ne sont que des
développements de ce qui est rapporté par l’Évangile. Toutefois, quand la
prophétesse Anne “reconnut le Verbe Incarné, illuminée par l’Esprit
divin, elle dit plusieurs choses de ces mystères à ceux qui attendaient la
rédemption d’Israël. De sorte que la venue du Messie, qui devait
racheter son peuple, fut publiquement attestée par les deux saints
vieillards,” lesquels moururent tous deux dans le Seigneur fort peu de
temps après.
Selon Marie d’Agreda, Marie
aurait été prévenue directement par le Seigneur, de la nécessité de fuir en
Égypte. Mais”le Seigneur la renvoya à Saint Joseph et lui dit de se
rapporter à lui pour toutes choses concernant le voyage...” Et, la
nuit suivante, “Saint Joseph étant endormi, l’Ange lui apparut et lui
commanda” de se lever, de prendre l’Enfant et sa Mère et de fuir en
Égypte... Ce départ précipité leur causa de grands soucis, ce que l’on peut
comprendre aisément... Marie aurait souhaité passer se recueillir devant la
grotte, ou faire un léger détour pour saluer sa cousine Élisabeth à Hébron,
“mais le soigneux Saint Joseph, qui était plus craintif, empêcha ce
détour.”
[25]
Voici un intermède typique de
Marie d’Agreda. Marie, la Vierge Sainte pria un des anges qui
l’accompagnaient d’annoncer à Élisabeth ce qui se passait: “Le saint ange
se rendit auprès de l’heureuse Élisabeth, et selon l’ordre qu’il en avait
reçu de sa Reine, il lui apprit tout ce qu’il était convenable qu’elle
sût... Il lui dit qu’il fallait qu’elle se cachât avec le petit
Jean-Baptiste pour mettre sa vie en sûreté...”
Marie d’Agreda va maintenant
suivre la Sainte Famille durant leur long périple à travers l’Égypte. Nous
voyons ainsi nos voyageurs entrer dans les déserts sablonneux de “Bersabée”
, passer des nuits en plein air, sans abri et dans le froid, ressentir
parfois douloureusement la faim, subir des tempêtes,
etc... “Le Très-haut permit que l’inclémence des éléments s’unît à
la faim, à la lassitude et à cette espèce d’abandonnement, afin que les “
prières implorantes de la douce Mère montassent sans cesse vers le Père.
“Le Seigneur permettait toujours que la nécessité fût extrême, et que cette
extrêmité exigeât le secours du Ciel. “
Marie d’Agreda nous fait aussi
assister à quelques évènements merveilleux comme la présence d’innombrables
oiseaux qui venaient récréer l’Enfant-Jésus! “
Le Saint Époux Joseph
participait à plusieurs de ces mystères et à ces consolations qui lui
faisaient oublier la fatigue de la route... Nos saints persécutés
poursuivirent ainsi leur voyage d’Égypte.”
[26]
Et Joseph était toujours plein
de sollicitude envers l’Enfant et Marie qu’il entourait de tout son amour.
Les visions de Marie d’Agreda
lui font comprendre que nos saints voyageurs marchèrent ainsi pendant plus
de cinquante jours avant d’atteindre Héliopolis. Le Seigneur, en
effet, voulait qu’ils passassent dans plusieurs lieux où il voulait opérer
des prodiges. “C’est ainsi qu’ils firent, depuis leur départ de
Jérusalem, plus de deux cent lieues, quoiqu’ils eussent pu arriver en moins
de temps à Héliopolis, s’ils eussent suivi la route la plus directe.”
Remarque
Il semblait inutile de
s’attarder sur les prodiges qui accompagnèrent la Sainte Famille, en Égypte.
Or, curieusement, le bulletin trimestriel de l’OEUVRE
D’ORIENT signale, à l’intention de ses lecteurs, que le Ministère
égyptien du Tourisme vient de publier, avec l’aide de l’Église copte
orthodoxe, un livre retraçant l’itinéraire de la Sainte Famille en Égypte,
dans le cadre des festivités et des célébrations de l’An 2000 de la
naissance du Christ. Cet itinéraire s’appuie sur un papyrus égyptien du
IVè siècle, et sur la présence de nombreux
sanctuaires conservant le souvenir du passage de la Sainte Famille et des
prodiges qui y furent accomplis. Ces faits et ce périple présentés par le
Ministère égyptien du Tourisme, ressemblant étonnamment au trajet suivi par
les visions de Marie d’Agreda, il a paru nécessaire d’en présenter au moins
quelques-unes, avec toutes les réserves d’usage.
Voici, choisis parmi d’autres,
quelques-uns de ces prodiges rapportés par Marie d’Agreda.
“Les Égyptiens étaient fort
enclins à l’idolâtrie et aux superstitions, de sorte que les plus petits
endroits étaient remplis d’idoles. Il y en avait beaucoup qui avaient leurs
temples dans lesquels plusieurs démons se trouvaient, et les malheureux
habitants y allaient pour les adorer par des sacrifices et des cérémonies
prescrites par les mêmes démons... Pour remporter une victoire sur le démon
et illuminer ceux qui demeuraient dans la région et dans l’ombre de la mort,
et afin que ce peuple vît cette grande lumière dont Isaïe fait mention,[27]le
Très-Haut détermina que le Soleil de justice, Jésus Christ, paraîtrait peu
de temps après sa naissance en Égypte entre les bras de sa bienheureuse
Mère, et qu’il parcourrait ce pays pour l’éclairer de sa divine lumière.
L’Enfant arriva avec sa Mère
et Saint Joseph aux endroits habités de l’Égypte. Et lorsque le divin
Enfant, porté sur les bras de l’auguste Marie, entrait dans une bourgade, il
levait les yeux au Ciel, et, les mains jointes, priait le Père Éternel, et
lui demandait le salut de ses habitants esclaves du démon. Et usant aussitôt
de sa puissance divine sur ces malins esprits qui animaient les idoles, il
les précipitait dans les ténébreux abîmes, de sorte qu’ils tombaient avec la
rapidité de la foudre dans les dernières profondeurs des cavernes
infernales. Au même instant, les idoles, les temples, les autels de
l’idolâtrie s’écroulaient avec fracas...”
Marie connaissait la cause de
ces prodigieux effets. “Saint Joseph découvrait aussi que toutes ces
merveilles venaient du Verbe Incarné, et, rempli d’une sainte admiration, il
l’en louait et l’en bénissait.” Les démons, par contre, ne
savaient pas d’où sortait une telle vertu. Quant aux Égyptiens, ils
s’étonnaient d’une nouveauté si surprenante qui leur causait une émotion
incroyable... Profitant de cette émotion, Marie et Joseph leur
“enseignaient le chemin de la vérité et de la vie éternelle.”
Bientôt, cependant, il fut
ordonné à Marie et à Joseph, de s’arrêter à Héliopolis. “Le plus long
séjour qu’ils firent en Égypte fut à Héliopolis, qui n’a pas été ville du
Soleil sans mystère, et qu’on nomme aujourd’hui le Grand Caire.”
[28]
“Dès qu’ils furent arrivés à
Héliopolis, Saint Joseph alla chercher un logement... Le Seigneur lui
fit trouver une maison pauvre, mais suffisante pour leur habitation, et un
peu éloignée de la ville, comme la Reine du Ciel le souhaitait.”
La vie fut d’abord difficile à
Héliopolis pour notre Sainte Famille. Dans leur dénuement, lorsqu’ils
souffrirent de la faim, “Joseph alla demander l’aumône pour l’amour de
Dieu, apprenant par cet exemple aux pauvres à ne point se plaindre dans
leurs besoins, et à ne pas avoir honte d’y remédier par ce moyen.”
Marie d’Agreda raconte ensuite comment Joseph, ayant trouvé du travail put,
peu à peu, installer pauvrement la maison. Mais jamais, dans sa grande
pauvreté, il ne se plaignit. “Au contraire, ils conservèrent toujours une
égalité d’humeur et une joie incomparables, s’abandonnant à la Providence
divine.”
La petite maison de la Sainte
Famille avait trois pièces dont l’une servait à Joseph pour prier et se
reposer. “Notre auguste Princesse voyant leur extrême pauvreté et
constatant qu’il fallait que son époux augmentât son travail ordinaire pour
pouvoir subsister dans un pays étranger, se résolut à travailler elle aussi,
pour le soulager autant qu’il lui serait possible. “ Parfois, aussi,
pour que Joseph pût se reposer, Marie lui confiait Jésus. “Le Saint
recevait cette faveur avec beaucoup d’humilité et de reconnaissance... La
consolation qu’il recevait de cet adorable Seigneur était si grande qu’il en
oubliait ses peines.”
[29]
La Sainte Famille, en Égypte
était pauvre, mais le Seigneur lui réservait parfois de grandes joies:
ainsi, les premiers sourires, les premiers pas, les premières paroles de
l‘Enfant Jésus.
“Saint Joseph admirait les
oeuvres du Seigneur, et redoublait les désirs qu’il avait de reconnaître et
de louer son amour, lorsque, tout à coup, l’Enfant Dieu, qui était entre les
bras de sa mère, s’adressa à son père putatif, et lui dit distinctement:
“Père...” Ces paroles de l’Enfant Jésus... versèrent dans le coeur du
saint patriarche un nouvel amour, un respect et une joie indicibles...“
Car, la “première parole que Jésus lui eût fait entendre, était le nom de
père.” Joseph fut bouleversé: “Bien que Saint Joseph ne fût pas
père naturel de l’Enfant-Dieu, mais père
putatif, l’amour qu’il lui portait surpassait néanmoins sans comparaison
celui des pères naturels... Et c’est par cet amour, et par l’estime qu’il
faisait d’être père putatif de l’Enfant Jésus que l’on doit mesurer la joie
dont toute son âme très pure fut comblée lorsqu’il entendit que le Fils du
Père Éternel l’appelait père...”
[30]
Marie d’Agreda raconte aussi
comment Marie et Joseph, et plus tard Jésus, surent venir en aide aux
pauvres de leur voisinage, et soulagèrent de nombreux malades.
“L’amoureuse Mère et Saint
Joseph ressentaient de la présence de Jésus des effets efficaces et divins
par lesquels ils découvraient en lui à la fois la force et la puissance d’un
Dieu, et la bénignité, l’extrême bonté d’un Père. Dans cette majestueuse
grandeur, Il se montrait Fils de la divine Mère, et il traitait Saint Joseph
comme celui qui avait le nom et l’office de père; ainsi Il leur obéissait
comme obéit à ses parents le fils le plus soumis.”
[31]
Selon Marie d’Agreda, quand
l’Enfant Jésus entra dans sa septième année, “l’Ange du Seigneur apparut
en songe à Joseph, et lui ordonna de rentrer au pays d’Israël... Le
Très-Haut aime tellement l’ordre et la régularité dans toutes les choses
créées, que l’Enfant-Jésus, étant Dieu véritable, et sa Mère si supérieure
en sainteté à Saint Joseph, il ne voulut pas, néanmoins, que la décision du
retour en Galilée vînt du Fils ni de la Mère, mais Il en remit la conduite
au Saint époux Joseph qui faisait l’office de chef dans cette divine
Famille...
Saint Joseph alla
incontinent communiquer l’ordre du Seigneur à l’Enfant Jésus et à sa très
pure Mère...” Marie et Joseph laissèrent à des pauvres les quelques
meubles qu’ils avaient pu acquérir en Égypte et se rendirent à Nazareth.
[32]
Quand la Sainte Famille
retrouva sa maison de Nazareth, il fallut bien sûr, comme pour toute maison
restée longtemps inoccupée, commencer par faire du ménage et un certain
nombre de réparations et d’aménagements. Nous n’insisterons pas...
Marie d’Agreda fait cette
remarque intéressante: “L’Enfant-Jésus obéissait à sa Mère, et se
trouvait souvent près de Saint Joseph pendant le travail auquel il
(Joseph) ne cessait de se livrer pour entretenir, à la sueur de son front,
le Fils du Père Éternel. Aussi bien que sa Mère. Et à mesure que l’Enfant
croissait, il aidait le saint patriarche suivant les forces de son âge; et
quelquefois il faisait des miracles, s’employant à des choses qui
surpassaient les forces naturelles, afin de soulager davantage le Saint
Époux dans son travail. Mais ces merveilles ne se passaient qu’entre eux
trois.”
[33]
Un des préceptes de la Loi de
Moïse prescrivait aux israélites de se présenter, trois fois par an, à
Jérusalem, devant le Seigneur. Seuls les hommes y étaient obligés. Les
femmes pouvaient y aller, ou s’en dispenser, selon leur dévotion ou leurs
possibilités. Joseph se soumettait à la Loi, mais la Sainte Famille au
complet, se rendait au Temple lors de la fête des Tabernacles. Il
convient de préciser que la distance de Nazareth à Jérusalem était de trente
lieues.
“Les deux fois que le Saint
époux Joseph allait à Jérusalem, il faisait ce voyage pour lui-même, pour sa
divine épouse et au nom du Verbe Incarné dont les lumières et les faveurs le
remplissaient de grâce, de dévotion et de dons célestes, et lui permettaient
ainsi de faire au Père Éternel l’offrande de l’hostie que sa Majesté lui
laissait comme en dépôt jusqu’au temps qu’elle avait déterminé. Et en
attendant, le Saint comme député du Fils et de la Mère (qui priait pour lui
à Nazareth), faisait des prières mystérieuses dans le Temple de Jérusalem,
et offrait le sacrifice de ses lèvres. Et comme il y offrait Jésus et Marie,
cette offrande était plus agréable au Père Éternel que toutes celles que le
reste du peuple d’Israël lui pouvait offrir. Mais quand le Verbe Incarné et
la Vierge Mère se rendaient en la ville sainte pour la fête de Pâque, avec
Saint Joseph, ce voyage était beaucoup plus merveilleux pour lui... “
[34]
L’Enfant-Jésus avait atteint
l’âge de douze ans. La fête des pains sans levain durait sept jours. Mais le
premier et le dernier jours étant les plus solennels, la Famille de Jésus
passait la semaine à Jérusalem. Le septième jour, Jésus quitta ses parents
sans qu’ils s’en aperçussent, profitant de la coutume et du grand nombre des
pélerins. “Car ils étaient si nombreux dans
ces fêtes, qu’ordinairement ils se partageaient par troupes, et que les
hommes se séparaient des femmes pour garder la bienséance convenable. Les
enfants qu’on y menaient allaient indifféremment avec leurs pères ou avec
leurs mères, parca qu’il n’y avait en cela aucun
danger d’indécence: de sorte que dans cette occasion Saint Joseph avait
sujet de croire que l’Enfant Jésus accompagnait sa très Sainte Mère dont il
ne se s’éloignait jamais... Le Seigneur Lui-même divertit par d’autres
pensées l’esprit de notre grande Dame afin qu’elle n’y prît pas garde dès le
commencement, et qu’ensuite, lorsqu’elle remarquerait l’absence de son
bien-aimé, elle crût que le glorieux Saint Joseph le menait avec lui.”
Marie et Joseph marchèrent
dans cette pensée pendant tout un jour... Et ce n’est que lorsqu’ils se
réunirent au lieu où ils devaient passer la première nuit, après leur départ
de Jérusalem, qu’ils s’aperçurent de l’absence de Jésus... Cela les mit tous
deux dans un tel étonnement qu’ils en perdirent presque la parole...”
[35]
La suite est racontée dans
l’Évangile de Saint Luc qui précise que, de retour à Nazareth, Jésus était
soumis à ses parents, donc, à Saint Joseph. Marie d’Agreda ajoute que, de
l’obéissance et de l’humilité de Jésus, Marie reçut une plénitude de grâces
pour accomplir tous ses offices,“plénitude tellement surabondante qu’elle
débordait sur l’âme du bienheureux époux Saint Joseph, afin qu’il fût aussi
le digne père putatif de Jésus-Christ et chef de cette très Sainte Famille.”
[36]
Lorsque Jésus eut dix-huit ans,
Marie en avait alors trente-trois. Saint Joseph n’était pas encore très
vieux, mais ses forces faiblissaient.“Comme le Seigneur voulait l’avancer
dans l’exercice de la patience et des autres vertus, il permit qu’il eût
quelques maladies qui l’empêchaient beaucoup de s’appliquer au travail
corporel...”
[37]
Joseph se vit donc obligé de cesser son travail de charpentier pour se
consacrer tout entier à la contemplation des mystères qu’il conservait dans
son coeur. Tous ses outils furent donnés en aumône, et pendant huit ans,
c’est Marie qui pourvut à l’entretien de Jésus et de Joseph.
Remarque
On ne peut manquer de ressentir
une certaine gêne à la lecture de ces chapitres concernant la fin de la vie
de Saint Joseph. Ils contredisent en effet la plupart des écrits des autres
mystiques qui ont vu Saint Joseph affaibli, mais continuant à travailler,
aidé très efficacement par Jésus, lui-même charpentier très compétent. Par
contre les circonstances de la mort de Saint Joseph sont très voisines et
racontées de manière quasiment identique.
Saint Joseph a beaucoup
souffert avant de mourir. “Jésus conduisit, par ce chemin royal, l’époux
de sa très pure Mère, Saint Joseph, qu’il aimait beaucoup... le Seigneur lui
envoya aussi, dans les dernières années de sa vie, diverses maladies... qui
le tourmentèrent et l’affaiblirent extrêmement...
Marie, sa douce infirmière
connaissait toutes les infirmités de Joseph et les moments où il fallait
l’assister... Elle ne le quitta ni le jour ni la nuit... de sorte que nous
pouvons dire qu’il n’y a eu et qu’il n’y aura jamais de malade aussi bien
servi, soigné et soulagé que Saint Joseph. Et par là l’on peut voir combien
le bonheur et les mérites de Saint Joseph furent grands, car lui seul a
mérité d’avoir pour épouse celle qui a été l’épouse du Saint-Esprit.”
[38]
Le terme inévitable de la vie
de Saint Joseph approchait. Marie redoublait de soins et de sollicitude.
Elle alla trouver Jésus qui lui dit: “Les mérites de Joseph me sont
présents. Je l’assisterai maintenant et lui assignerai, au moment venu, une
place si éminente entre les princes de mon peuple, que ce sera un sujet
d’admiration pour les anges, et pour eux comme pour les hommes, un motif
d’éternelle louange.”
La veille de sa mort, Saint
Joseph fut ravi en extase et il découvrit sans voile ce qu’il avait cru
jusqu’alors par la foi: la divinité incompréhensible, les mystères de
l’Incarnation et de la Rédemption, de l’Église militante et des sacrements.
Quand Joseph revint de son
extase, il demanda la bénédiction de son épouse, puis, “voulant fermer le
testament de sa vie par le sceau de la vertu d’humilité il demanda pardon à
sa divine épouse des fautes qu’il pouvait avoir commises à son service,
comme homme faible et terrestre...”
Puis il se tourna vers N.S.
Jésus-Christ. Le Rédempteur du monde lui donna sa bénédiction et dit:
“Mon père, reposez en paix, en la grâce de mon Père Céleste et en la mienne.
Donnez de bonnes nouvelles à mes prophètes et à mes saints qui vous
attendent dans les limbes; dîtes-leur que leur rédemption est fort proche.”
Au moment où notre aimable sauveur disait ces paroles, le bienheureux Joseph
expira entre ses bras, et sa divine Majesté lui ferma les yeux.”
[39]
La Sainte Vierge, s’adressant à
Marie d’Agreda lui fait remarquer que “toute la plénitude de vertus et de
grâces que le Seigneur communiqua à son serviteur Joseph lui fut accordée
afin de le rendre digne époux de celle qu’il choisissait pour être sa Mère.
C’est sur cette règle... que l’on doit mesurer la sainteté de Saint
Joseph... Plus Joseph était saint, plus il se trouvait digne d’être l’époux
de l’auguste Marie et le dépositaire du trésor et du mystère du Ciel; de
sorte qu’il devait être un prodige de sainteté, comme il le fut
véritablement.”
Voici donc, rapportés par Marie
d’Agreda, et rapidement résumés ici, les privilèges de Saint Joseph. Tout
d’abord, il fut sanctifié dès le sein de sa mère. Il était naturellement
très beau et très parfait. Très intelligent aussi, et élevé à un haut degré
d’oraison et de contemplation. D’un naturel fort doux, charitable, honnête,
sincère, etc, il fut aussi admirable dans les
autres vertus. De plus, et cela nous le savions déjà, les Évangélistes nous
l’ayant fait pressentir, Saint Joseph fut favorisé de visions et de
révélations.
Mais parmi les privilèges dont
bénéficia Saint Joseph, il en est plusieurs qui nous concernent directement.
Marie d’Agreda écrit: “En outre, j’ai découvert que le Très-Haut lui a
accordé, à cause de sa grande sainteté, divers privilèges en faveur de ceux
qui le prendraient pour leur intercesseur et qui l’invoqueraient avec
dévotion.
Le premier est pour obtenir
la vertu de chasteté, vaincre les tentations de la chair et des sens.
Le second, pour recevoir de
puissants secours afin de sortir du péché et de recouvrer la grâce de Dieu.
Le troisième pour acquérir
par son moyen la dévotion à la très pure Marie et se disposer à recevoir ses
faveurs.
Le quatrième pour obtenir
une bonne mort et une assistance particulière contre le démon en cette
dernière heure.
Le cinquième pour intimider
les ennemis de notre salut par la prononciation du nom de Saint Joseph.
Le sixième pour obtenir la
santé du corps et le soulagement dans les afflictions.
Enfin, le septième privilège
est pour procurer des héritiers aux familles chrétiennes.
Dieu accorde toutes ces
faveurs et beaucoup d’autres à ceux qui les lui demandent comme il faut, au
nom de Saint Joseph époux de la Reine du Ciel. Et je prie tous les fidèles
enfants de la Sainte Église de lui être bien dévots, et d’être persuadés
qu’ils ressentiront les favorables effets de sa protection, s’ils se
disposent dignement à les mériter et à les recevoir.”
[40]
Remarques d’ordre général
concernant l’oeuvre de Marie d’Agreda
Marie d’Agreda a réalisé une
oeuvre considérable dont la plus grande partie apporte des éléments nouveaux
ou des précisions intéressantes sur des éléments connus, ou simplement
suggérés. La plupart de ces éléments, relevant de visions ou de révélations
privées sont d’autant plus plausibles qu’elles recoupent d’autres
révélations, ou qu’elles sont comme confirmées par des découvertes
historiques récentes. Ce qui est regrettable, et peut-être dommageable pour
des cerveaux modernes, c’est l’accumulation de faits miraculeux, merveilleux
qui nuisent incontestablement à la crédibilité de cette oeuvre. Par contre,
si l’on pouvait rassembler, ordonner et présenter agréablement toute la
doctrine de la foi et tous les conseils donnés par la Sainte Vierge,
il est certain que ce sont tous les religieux, voire tous les chrétiens du
XXIe siècle, qui en tireraient profit.