HISTOIRE
DU PÈLERINAGE
SANTO CRISTO DOS MILAGRES
(Açores - Portugal)

PREMIER COUVENT

XVIe SIÈCLE

Le début du XVIe est probablement la période de la fondation du Couvent de Clôture, à Val de Cabaços, Agua de Pau, dans l’île de S. Miguel (saint Michel), dans l’archipel portugais des Açores. En effet, à cette période-là, un groupe de pieuses femmes a décidé de vivre ensemble, en clôture, près d’une petite chapelle, qui existait déjà à cette époque, dans la baie de Caloura.

Mais la création de ce premier couvent est surtout due à la dévotion des filles de Jorge de Mota, de Vila Franca do Campo.

Mais, pour que la Communauté ait une existence “légale”, il fallait l’autorisation de Rome, c’est pourquoi deux des filles du couvent ont été dépêchées à Rome pour y faire les démarches nécessaires en vue de l’approbation de leur ordre.

Le Pape Paul III (1534-1549) leu accorda la Bulle de fondation et leu offrit une statue du Christ sous les aspects du “Ecce Homo”, statue qui fut ramenée à S. Miguel par les deux religieuses.

La statue du Christ souffrant fut placée dans une niche, à Val de Cabeços, à un endroit désert et exposé aux incursions des pirates. Le couvent lui-même était construit sur les rochers qui surplombent la mer à cet endroit.

A cause de cet éloignement et du manque de sécurité, un certain nombre de soeurs déménagèrent à Vila Franca do Campo, non loin de là et d’autres encore se sont installées à Ponta Delgada, la capitale de l’île, dans le couvent de l’Espérance.

La statue du Saint-Christ fut déplacée à Ponta Delgada par la religieuse espagnole, Mère Maria Inês de Santa Iria et exposée à la vénération des Sœurs dans le couvent.

Mais, pour mieux comprendre le cheminement particulier de cette statue vénérable, il nous faut utiliser ici une certaine chronologie, à savoir :

1522 — 21 et 22 novembre un terrible tremblement de terre rase, presque complètement de la carte, la petite cité de Vila Franca do Campo.

Peu après commence, à Ponta Delgada, la construction du Monastère de Notre Dame de l’Espérance, fondé par le Capitaine Rui Gonçalves da Câmara qui, après le tremblement est venu s’installer en cette ville.

Les terrains nécessaires à cette construction furent offerts par un certain Fernando Quental — une illustre famille de S. Miguel — et son épouse Margarida Matos.

1535 — 20 octobre : décès du Capitaine donateur. Son épouse, Dona Filipa Coutinho continue l’œuvre de son défunt mari et la construction du Monastère de Notre Dame de l’Espérance est terminée quelques années plus tard.

1540 — 23 avril : Les Sœurs du couvent de Caloura sont transférées au Monastère de Notre Dame de l’Espérance et ramènent avec elles l’insigne statue de l’Ecce Homo, qui sera à jamais appelée Santo Cristo dos Milagres (Saint Christ des Miracles).

La statue fut d’abord placée sur un petit autel situé sous le chœur de l’église, ou plutôt chapelle, car à cette époque-là, c’était plutôt une chapelle qu’une église comme celle existant de nos jours. Elle sera transférée plus tard, par les soins de sœur Teresa da Anunciada.

1580 — Suite à désastre subit par le jeune roi Sébastien I, le Portugal et toutes ses possessions d’alors, passent sous la domination espagnole. Cette situation durera jusqu’au 1er décembre 1640.

XVIIe SIÈCLE

1601 — Juillet : — Naissance de Jerónimo (Jérôme) Ledo de Paiva, à Ribeira Seca, lieu-dit du village de Ribeira Grande. Il sera le père de Teresa de Jésus, laquelle deviendra plus tard sœur Teresa da Anunciada.

1609 — Sur le Campo (champ) de Saint Francisco une chapelle dédiée à Notre Dame de la Résurrection ou Notre Dame de la Solitude, est construite ; elle a comme donateur un certain Cristóvão (Christophe) de Matos Quental, descendant de Fernando Quental qui a été à l’origine de la construction du Monastère de l’Espérance.

1614 — 11 août : Naissance à Vila du Nordeste de Maria do Rego Quintanilha, baptisée en l’église paroissiale de S. Jorge. Elle sera plus tard la mère de Teresa de Jésus.

1631 — Un groupe de religieuses écartées du Monastère de Furnas, à la suite d’une éruption volcanique, vient s’installer à Ponta Delgada, dans le Monastère de Notre Dame de l’Espérance

1650-1700 — Le Monastère de Notre Dame de l’Espérance est l’objet de soins particuliers : de grandes améliorations y sont opérées et les “azulejos” dont fut l’auteur Antonio de Oliveira Bernardes, datent de cette période. L’autel sur lequel est posée l’impressionnante statue est lui aussi complètement refait et on pense que ce beau et splendide travail est dû à l’art de Miguel Romeiro.

La décoration du maître-autel ainsi que les autels latéraux, sont aussi remis à neuf, en 1658, par les soins du peintre local, frère Manuel Pinheiro Moreira, de l’Ordre de Saint François.

En cette même année 1658, le 25 novembre, naissait dans la paroisse Saint-Pierre, à Ribeira Seca, arrondissement de Ribeira Grande, à S. Miguel, Teresa de Jésus. Elle était la fille, comme nous l’avons déjà vu, de Jerónimo (Jérôme) Ledo de Paiva et de Maria do Rego Quintanilha.

1666 — 24 janvier : — Décès, après une longue et douloureuse maladie, de Jerónimo de Paiva, père de Teresa. Il laissera une veuve et treize enfants.

1670 — (date approximative), retour du Brésil de Frère Simão do Rosário (Simon du Rosaire), frère aîné de Teresa. Il apprendra ses frères et sœurs plus jeunes, à lire et à écrire. Teresa, quant à elle, elle s’intéresse beaucoup à la lecture de la vie des saints et plus particulièrement aux “Méditations de Sainte Brigitte”.

1681 — Sœur Joana (Jeanne) de Saint Antoine parvient à faire rentrer au Couvent de l’Epérance, la jeune Teresa de Jésus. Celle-ci est alors âgée de 23 ans.

En cette même année, le 19 novembre, Teresa y commence son noviciat.

1682 — 20 juin : — Teresa reçoit le voile de novice.

Depuis son entrée au couvent, elle a pour la statue du Christ souffrant une dévotion toute particulière. Elle fera construire un nouvel autel.

1683 — 23 juillet: — Teresa fait ses vœux perpétuels et prends alors le nom — sous le conseil de Frère Francisco da Anunciada — de Teresa da Anunciada.

La procession précédant cette touchante cérémonie est partie de l’église de Notre Dame de la Conception, sise dans le couvent des Franciscains et fit son entrée dans le couvent de Notre Dame de l’Espérance. Participaient à cette procession, la famille de Teresa, des musiciens et des gens des quartiers avoisinants ; les cloches des églises voisines sonnaient à la volée.

Teresa va dorénavant avoir une vie mystique débordante : visions et rêves vont lui dicter la dévotion souhaitée par le Christ envers son image placée dans le couvent de Notre Dame de l’Espérance, comme on peut le lire dans les mémoires de la Sœur.

1698 — En cette année, selon le chercheur local Luciano Mota Vieira, s’est déroulée la première procession mettant à l’honneur la statue de l’Ecce Homo tant vénérée par Teresa et ses sœurs religieuses.

SIECLE XVIII

1700 — 11 avril : — Un autre chercheur, Urbano de Mondonça Dias, fixe à cette date la première procession. D’après lui, le “Santo Cristo” — qui ne s’appelle pas encore “des Miracles” — aurait parcouru toute la ville de ponta Delgado et visité toutes les églises de celle-ci.

Cette procession eut lieu à la demande de Teresa da Anunciada, après une demande adressée au Comte de Ribeira Grande et l’autorisation accordée par Dom Frei Antonio de Pádoa. Traditionnellement cette procession a lieu le sixième dimanche de Pâque.

Le 2 novembre de cette même année, Teresa obtient du roi Pierre II, une dotation pour l’entretien de l’image et le maintien d’une lampe à huile devant l’autel.

1709 — Construction de la nouvelle — et actuelle — église et du couvent.

1713 — C’est à cette date qu’au de Santo Cristo sont ajoutés les mots “dos Milagres” (des Miracles).

En effet, en cette année, l’activité sysmique dans l’île était très fréquente et de fortes secousses semaient la panique parmi la population.

Les Sœurs du Couvent de Notre Dame de l’Espérance ont eu l’idée de faire une procession on l’on porterait l’image à travers les rues de la ville. Pendant cette procession, une secousse très forte fit tomber la statue qui, malgré la chute n’a rien souffert, mais à l’instant même, toutes les secousses se sont arrêtées. Le peuple cria au miracle et, dès lors, le nom de l’impressionnante statue changea : on l’appela désormais Senhor Santo Cristo dos Milagres — Seigneur Saint Christ des Miracles.

1723 — En cette année, la vie conventuelle au sein de ce monastère béni était très florissante : il y avait 102 sœurs, 57 novices, des pupilles et des servantes.

Entre les années 1730 et 1740 — il n’est pas possible d’établir une date exacte — une confrérie du Saint Christ des Miracles a été fondée.

1738 — 16 mai : — Décès, au Couvent de Notre Dame de l’Espérance, de Mère Teresa da Anunciada. Elle était alors âgée de 79 ans. Chaque année une messe est célébrée en son honneur et l’on conserve, dans une petite urne, ses restes mortels, déposés au pied de l’autel du Saint Christ des Miracles.

— 6 août : — Début du procès diocésain sur la vie et les œuvres de Teresa da Anunciada, en vue de la béatification et canonisation de celle-ci.

1740 — Mère Teresa da Anunciada devient Vénérable, à la suite de l’enquête et du procès diocésain, diligentée par Dom Frei Valério do Sacramento, alors évêque des Açores, avec siège à Angra do Heroismo, capitale de l’île Terceira.

1771 — 22 mars : — Une troisième chapelle, dans le couvent de l’Espérance est consacrée et destinée à la statue de l’Ecce Homme. C’est à cette place que se trouve encore de nos jours le “Seigneur Saint Christ des Miracles”.

SIECLE XIX

1800 — Mère Quitéria de Santa Rosa fait construire un nouveau brancard pour la procession du “Santo Cristo”.

1825 — Le gouverneur militaire de l’île de S. Miguel fait aménager et arboriser la place dite “Campo de S. Francisco”, située devant l’église et le couvent de l’Espérance. Cette place deviendra l’endroit où auront dorénavant lieu les parades militaires et autres manifestations festives.

C’est sur cette place qu’en 1891, Antero de Quental — descendant de la famille déjà citée — poète et activiste politique se suicidera.

1832 — Décrets d’abolition des couvents.

C’était alors la période d’incertitude politique qui règnait au Portugal.

Puis, entre 1870 et 1880, un certain Candeias, de la Bande Militaire de Ponta Delgada a eu la bonne idée de composer une hymne en l’honneur du Saint Christ ; une marche un peu trop militaire, mais qui est encore jouée de nos jours.

1886 — 7 avril :— Lors de la démolition d’un partie du Couvent de l’Espérance, les restes mortels de 80 sœurs sont trouvés et réinhumés dans le cimetière de S. Joaquim.

1894 — Au mois de décembre de cette année-là, décès de la Mère Abbesse Maria Vicência Cabral, dernière religieuse clarisse du Monastère de l’Espérance. L’ordre des clarisses a conduit les destinées du couvent de Ponta Delgada de 1541 à 1894, c’est-à-dire, pendant 353 ans !...

SIECLE XX

1901 — 7 juillet : — Pour la première fois et, pour des raisons particulières, la date de la procession du Saint Christ est modifiée. En effet, cette année-là, leurs Altesses Royales du Portugal, Dom Carlos I et son épouse Dona Maria Amélia (d’Orléans), visitent les Açores et Madère. A leur intention on, retarde la réalisation de la procession.

Puis, un autre genre de “procession” va avoir lieu à partir de 1930 : les changements de communautés religieuses.

Après les Clarisses viendront, à la demande de Mgr Antonio Meireles, évêque di diocèse de Angra do Heroismo, les Visitandines ; ensuite, après le départ de celles-ci, viendront les sœurs de la Congrégation de Saint Joseph de Cluny qui, une fois parties, elles aussi, seront remplacées par les religieuses de Marie Immaculée.

1951 — En cette année a lieu le deuxième changement de date de la procession et des festivités, suite au décès du Président de la République portugaise.

1959 — L’église du Monastère de l’Espérance est déclarée Sanctuaire par le nouvel évêque de Angra do Heroismo et des îles Açores, Mgr Manuel Afonso de Carvalho.

1984 — 26 mai : — Inauguration, à Ponta Delgada, tout près du sanctuaire du Saint Christ, d’une statue de Mère Teresa da Anunciada.

1992 — La cause de béatification et canonisation de Mère Teresa da Anunciada semblant avoir été oubliée par les autorités diocésaines, une pétition est diligentée par la population de l’île et du diocèse.

A la suite de celle-ci, Mgr Agostinho Tavares sollicite l’intervention de l’évêque auprès du Saint-Siège, afin que la cause puise avancer ou être de nouveau reprise.

*****

NOTA :

Ayant participé moi-même à cette procession — lorsque j’étais jeune séminariste — je peux témoigner de la beauté de cette procession et surtout de son côté spirituel extraordinaire.

En effet, non seulement les rues par où passe la procession sont ornées de tapis de fleurs et les fenêtres des maisons avec des draperies multicolores, qui montrent le côté festive, mais la prière, trois à quatre heures durant — c’est le temps que dure la procession, en tout cas de mon temps — est fervente et démontre, si besoin était, la dévotion qui entoure cette vénération qu’on les gens des Açores envers cette statue emblématique.

Pourquoi emblématique ?

Nous avons déjà vu pourquoi les deux mots “des Miracles” ont été ajoutés à ceux de Saint Christ.

D’autres faits peuvent être cités, comme par exemple celui-ci :

La “colonie” d’açoréens vivant en Californie, aux États-Unis, est très importante et, de surcroît, ils conservent tous des attaches si profondes aux petites îles disséminées en plein Atlantique, qu’ils célèbrent dans leur pays d’adoption, les mêmes festivités que chez eux.

A plusieurs reprises des demandes ont été adressées à l’évêque des Açores en vue d’une visite de cette belle statue aux açoréens californiens. L’évêque finit par accorder son autorisation, et cela à plusieurs reprises aussi, mais le fait est que cette statue n’a jamais quittée le Sanctuaire où elle est vénérée…

Pourquoi ?

Chaque fois que l’autorisation a été accordée, il a été décidé de la faire voyager par bateau jusqu’à San Francisco… et chaque fois, avant le départ, une grosse tempête empêchait son embarquement. Coïncidence, iront les cartésiens… Mais, quand la même chose arrive plusieurs fois, c’est difficile de croire à ce genre de “coïncidences”.

Qu’en serait-il si un jour quelque groupe décidait de la faire voyager en avion ?

Mais, conscients de la volonté du Seigneur de voir rester son effigie là où elle se trouve et où elle est vénérée avec respect et amour, aucun groupe au association n’a plus insisté, depuis les “incidents” que je viens de citer.

Un autre phénomène cité par plusieurs personnes : le changement que l’on peut constater dans sa physionomie : plus ou moins douloureuse, selon les années et les événements survenus aux cours de celle-ci ou même à venir…

Sur ce dernier cas, je ne ferai aucune affirmation, car je ne l’ai pas vue assez pour pouvoir en porter un jugement impartial. Mais, cela se dit…

Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : ce pèlerinage est, sans aucun doute, après celui de Fatima, le plus important et le plus priant du Portugal. Du monde entier on vient, les uns pour voir, donc par curiosité ; d’autres pour y participer et d’autres encore pour participer et remercier les grâces reçues. Certains pèlerins font une partie de la procession sur les genoux !...

Encore de nos jours, la brancard portant le Seigneur s’arrête devant chaque église de la ville, lorsque celle-ci est sur le parcours de la procession.

Cela fait 50 ans, environ, quand j’y ai participé pour la première fois et, je garde de celle-ci un souvenir impérissable.

Alphonse Rocha

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Hymne. (MP3)

Se transporter aussi à la page consacrée à Mère Teresa da Anunciada.

Site portugais

http://www.terra-mar.org/santocristo/

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