“Peut-on Sentir Dieu ?”

Un ami vient de me transmettre, par Internet, un très long texte d'un prêtre qui, fêtant ses 50 années de sacerdoce, raconte sa vie. Issu du monde ouvrier, lors de son ordination, au début des années 60, il promet fidélité à l'Église. Le monde dans lequel il a vécu durant toute sa jeunesse est totalement différent de celui dans lequel nous sommes plongés aujourd'hui, et il ne semble pas avoir souffert de l'éducation sévère mais juste que lui ont donnée ses parents. Il fut un bon prêtre, heureux... Mais vinrent 1968 et toutes les critiques contre l'Église. Peu à peu, à mesure que les années passaient, il eut l'impression que l'église avait trop vieilli... et il souffrit beaucoup à cause d'elle. Il fut très malheureux, mais il est resté fidèle. Sa foi était simple, mais rurale. Autour de lui des prêtres adhéraient au parti communiste, au parti socialiste. Lui-même était proche du socialisme ; il milita beaucoup, comme aumônier, dans les diverses branches de l'action catholique. Aujourd'hui, très âgé, il a toujours la foi, mais il a des doutes sur l'Église pour laquelle il a beaucoup travaillé pour l'Église. Aujourd'hui, relisant sa vie, il s'étonne d'être aimé de ceux qui l'ont rencontré. Étrange ! Ce texte est beau, mais j'ai soudain l'impression que l'essentiel manque : il ne parle jamais de Dieu. Il ne parle jamais de l'amour de Jésus.

 * * * * *

Et voici que je me pose la question. Peut-on aimer Dieu sans Le “sentir” ? Peut-on vraiment aimer Jésus sans “sentir” son amour ? Non! ce n'est pas possible! Il me semble qu'on a beaucoup trop dit et prêché dans notre Église, et depuis très longtemps, qu'on n'avait pas besoin de “sentir” Dieu. Il me semble au contraire qu'on a besoin, et un besoin urgent et impératif de “rencontrer” Dieu, de Lui parler, de L'aimer comme on aime quelqu'un. Il est certain que beaucoup de personnes ont rencontré Dieu dans leur vie, et certaines Le rencontrent encore souvent ; mais elles n'osent pas le dire : on se moquerait d'elles... Pourtant, elles parlent à Dieu, elles parlent à Jésus, par exemple à travers son image du saint Suaire de Turin. Mais ce n'est pas à cette image qu'elles parlent, mais à Lui, Jésus, vivant et ressuscité. Nous ne parlons pas aux photos de ceux que nous aimons, sachant bien que la photo ne leur transmettra pas notre amour, mais nous parlons aux “images” qui représentent Jésus, comme si c'était Jésus Lui-même.

Étrange ! Comment expliquer à nos contemporains si froids vis à vis de Dieu, que pourtant ils parlent à Dieu quand ils prient. Et s'ils ne “sentaient” pas que Dieu les aime et les écoute, ils ne recommenceraient à prier. Comment dire à tous les hommes que Dieu les aime, qu'Il est là, tout près d'eux ? Comment leur dire que si Dieu ne répondait jamais à leurs prières, ne se faisait jamais “sentir”, ils ne reviendraient plus vers Lui ? Répondre à toutes ces questions est bien difficile, pourtant je vais essayer d'éclairer ce sujet, au moins un peu.

J'aime Dieu encore plus que j'aime ma famille, mes amis. J'aime Dieu et mon cœur brûle quand je pense à Lui, quand je Lui parle. C'est certain, je “sens” Dieu, et je n'ai pas honte de l'écrire. Oui, je “sens” Dieu présent, et qui m'aime. Et je L'aime, et nous vivons ensemble. Étonnant ce que je viens d'écrire : “Nous vivons ensemble”. Et c'est vrai pourtant: oui je vis avec Dieu, tout au long des jours, et constamment je Lui parle, je L'interroge, je Lui dis que je ne comprends rien... Je Lui demande de m'expliquer, de me parler, de m'aider... car je sais qu'Il est là, et je le “sens”. Oh ! je ne “sens” pas Dieu avec mes sens charnels. C'est très différent, et pourtant c'est tout aussi réel. En effet, personne ne parle jamais à des murs, à des cailloux, à des choses inertes quelles qu'elles soient. Nous ne parlons qu'à des êtres vivants. Je n'ai ni vision ni révélation, mais en ce qui me concerne, je parle à Dieu comme à Quelqu'Un que j'aime et à qui je dis tout car j'ai confiance en Lui. Et curieusement Dieu me répond, à sa façon à Lui qu'Il apprend à tous les hommes. Encore faut-il L'écouter ! Oui, Jésus m'a appris à lire les message qu'Il m'envoie, tout au long du jour, et parfois je suis bien étonnée, tellement étonnée que je ne sais plus quoi dire... mais mon cœur brûle.

Relisons, dans la liturgie de la fête de sainte Marie-Madeleine, l'hymne suivante qui s'adresse à Dieu, à Jésus :

 

Comment es-tu foyer de feu et fraîcheur de la fontaine,
une brûlure, une douceur qui rend saines nos souillures ?

 Comment fais-tu de l'homme un dieu, de la nuit une lumière,
et des abîmes de la mort tires-tu la vie nouvelle ?

Comment la nuit vient-elle au jour ? Peux-tu vaincre les ténèbres,
porter ta flamme jusqu'au cœur et changer le fond de l'être ?

Comment n'es-tu qu'un avec nous, nous rends-tu fils de Dieu même ?
Comment nous brûles-tu d'amour et nous blesses-tu sans glaive ?

Comment peux-tu nous supporter, rester lent à la colère,
et de l'ailleurs où tu te tiens voir ici nos moindres gestes ?

Comment de si haut et de si loin ton regard suit-il nos actes ?
Ton serviteur attend la paix, le courage dans les larmes !

 

Il n'est pas possible que celui qui a écrit un tel poème n'ait pas “senti” Dieu, senti l'amour qui le liait à Dieu, son Seigneur.

Ô Jésus, “Comment es-tu foyer de feu et fraîcheur de la fontaine, une brûlure, une douceur qui rend saines nos souillures ?” Jésus, je Te regarde et mon cœur brûle. Depuis que j'ai l'âge de raison et que l'on m'a appris à Te connaître, je T'aime, et mon cœur brûle pour Toi. Je ne sais pas expliquer cette brûlure, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle est réelle. Oui, il y a des épreuves dans la vie, de lourdes souffrances, des périodes de ténèbres où l'on ne comprend pas ce qui arrive... Oui, mais cela ne change rien à l'amour qu'on a pour Dieu. Je pleure avec Jésus ; je souffre avec Jésus ; je m'énerve avec Jésus ; tout ce que je fais, je le fais avec Jésus, même lorsque je ne suis pas contente. Jésus est toujours avec moi, même dans la douleur. N'en est-il pas ainsi pour tous ceux qui croient en Dieu ? Je ne suis pas une mystique au sens où ceux qui emploient couramment ce mot ne savent pas ce qu'est la vraie mystique[1] et qui la confondent avec le mysticisme.

Et voici qu'il me vient une curieuse pensée: comment se fait-il que depuis de très nombreuses années (peut-être des siècles) on insiste tellement sur le fait “qu'on n'a pas besoin de ‘sentir’ Dieu” ? Est-ce Satan qui a lancé cette idée redoutable ? Redoutable car elle éloigne de Dieu. Certes il y a dans la vie des périodes de ténèbres, que saint Jean de la Croix a bien développées. Mais ce même Jean de la Croix a aussi exprimé son amour incroyable pour Dieu dans ses cantiques spirituels ; il ne peut pas ne pas avoir “senti” Dieu. Il me semble qu'il faudrait revenir à la réalité: on ne peut pas ne pas “sentir” l'amour. Peut-être faudrait-il inventer un néologisme qui ferait la différence entre l'amour humain charnel, et l'amour de Dieu spirituel. Ainsi, on sent l'amour qu'on a pour ses parents, mais on “vit” l'amour de Dieu.

Nous “vivons” l'amour de Dieu, chaque jour de notre vie! N'est-ce pas normal puisqu'Il est notre vie ? Jésus a dit : “Celui qui aime son père et sa mère plus que Moi, n'est pas digne de Moi...” En fait, notre vrai Père, c'est Dieu. Nos pères et mères de la terre sont les instruments qu'Il aime et qu'Il a choisis pour donner naissance à d'autres hommes qui L'aimeront. Mais c'est toujours Lui qui est premier, et cela est bien normal. Car si j'aime Dieu d'abord, et avant tout, j'apprends l'amour, l'amour véritable, le véritable amour. Si j'aime Dieu, j'apprends à aimer tous ses enfants qu'Il aime. Donc, si J'aime d'abord Dieu et plus que tout, j'apprends à aimer tous mes frères. Et alors, mon père et ma mère de la terre, je les aime bien davantage que si j'avais laissé Dieu de côté. Décidément, tout ce que dit Jésus est vraiment bon !

Voici que je découvre des choses auxquelles je n'avais jamais pensé: si j'aime Dieu d'abord, j'aime mon père et ma mère, et donc j'aime tous mes frères, bien davantage que si j'avais commencé par eux. Oui ! il est bon et merveilleux, de laisser brûler son cœur d'homme, dans le Cœur de Jésus, le Cœur de Dieu !

Pauvre concile !

Je pense à la situation de notre Église qui, au moins en Europe, semble parfois avoir perdu la tête. Ses représentants et beaucoup de ses enfants ont voulu servir d'abord leurs frères; ce n'était pas mal, au contraire, mais ils ont oublié Dieu qui doit toujours passer avant tout, et les résultats sont catastrophiques. L'Évangile rapporte la parabole de Jésus sur le bon grain et l'ivraie qui doivent pousser ensemble de crainte que, en arrachant l'ivraie, on arrache aussi le bon grain. L'ivraie a été semée à flots dans notre Église, au nom du Concile qui n'avait pas été lu. On ne s'est pas aperçu tout de suite que Satan semait l'ivraie dans l'Église, car il a fait cela avec beaucoup d'habileté, en utilisant les mots de la charité et de l'amour. Et nous n'avons pas vu l'ivraie... Et elle a étouffé le bon grain, car l'ivraie a poussé trop vite, comme des arbustes épineux... et les épines ont étouffé les semences du semeur.

Relisons notre histoire de France et cherchons l'ivraie qui a été semée dans notre pays et dans l'Église. Depuis le XVIIe siècle, il y a eu “Les Lumières”... puis la Révolution (entre nous, on oublie toujours de dire que la Révolution a été dirigée par les riches de la haute bourgeoisie de l'époque, ces nantis athées qui ont su utiliser certaines rancœurs et détresses du pauvre peuple). La révolution voulait la liberté, mais sans liberté pour ceux qui ne plaisaient pas, donc aussi pour les chrétiens. D'où tant d'assassinats de prêtres, de religieux, etc... Puis il y eut les anticléricalismes, sans cesse renaissants, et la franc-maçonnerie, et l'athéisme, et le communisme qui prône l'égalité, à condition que ceux qui dirigent puissent s'en mettre plein les poches: peu importent les autres... Il y eut enfin le Concile...

Pauvre Concile au nom duquel on a fait n'importe quoi... Qui a lu le Concile? À peu près personne: il était donc facile, pour l'ennemi, de semer l'ivraie dans une Église déjà fatiguée par tant d'épreuves. Peu à peu, au nom du Concile, la vraie foi s'est perdue et la morale a été bafouée. Aujourd'hui il n'y a plus de vrai mariage, l'adultère est monnaie courante, les homosexuels peuvent se marier... notre jeunesse est souillée dès sa petite enfance, on n'a pas besoin de se confesser : Dieu est tellement bon qu'Il pardonne tout ! Et puis, tout le monde est déjà sauvé... Plus rien n'a d'importance... Mon Seigneur, je n'en peux plus ! Je constate les conséquences incroyables qui me brisent le cœur, parce qu'elles brisent le Cœur de Dieu, notre Dieu qui pleure sur ses pauvres enfants blessés.

Je regarde notre monde : il n'y a plus aucune moralité ; d'ailleurs, il ne faut surtout pas prononcer ce mot horrible: la morale. Alors on ment, on tue, on vole, on détruit... et ce sont toujours les victimes qui ont tort... Le monde du travail, je dis le monde, et non le travail, le monde du travail[2] est devenu tellement insupportable que beaucoup se suicident. Notre jeunesse n'est plus éduquée et la drogue, le tabac, l'alcool font la loi. Satan règne... Jésus dit : “Laissez-les croître ensemble pour ne pas arracher le bon grain... Attendez la moisson et le jour du jugement.” Mais Seigneur, combien de temps encore devrons-nous attendre ? Comment faire connaître le vrai Concile ?

Rêvons à tout ce que Jésus a fait pour nous, pour notre humanité, pour ses enfants, pour le Peuple de Dieu, et pour tous les chrétiens fervents, qui, bien que vivant 2000 ans après Lui, vivent toujours de son Évangile et essaient de suivre ses conseils. Et ce n'est pas facile dans notre monde perverti et brisé !

Jésus a établi ses apôtres pour “enseigner toutes les nations, et les baptiser au nom du Père, et du fils, et du Saint-Esprit”. Peu à peu ils ont crié son Évangile : ils en sont morts martyrs, car vraiment, cela dérangeait trop ; d'ailleurs, Jésus dérange toujours autant, et c'est bien pour cela que beaucoup cherchent à T'oublier. Contemplons Jésus : les saintes femmes qui Le servaient, Il ne les méprisait pas, au contraire. Lors de la création, quand Dieu créa l'Homme, homme et femme Il le fit. L'homme et la femme sont égaux dans le Cœur de Dieu. Ils sont complémentaires pour parfaire l'Œuvre de Dieu sur la terre; aussi quand Jésus parle “des hommes qui seront eunuques pour le royaume de Dieu, comprenne qui pourra”, Il pense naturellement au célibat de ses prêtres et de ses religieux, voire de leur virginité ; Il pense aussi à la virginité des femmes, celles qui seront ses vierges, les vierges de Jésus.

Les vierges de Jésus... Dès les premiers siècles du christianisme elles furent nombreuses et le plus souvent martyres pour sauver leur virginité qu'elles avaient donné à leur époux divin. Je pense à Agnès, à Cécile, à Lucie, et à tant d'autres... Peu à peu le temps passa, et la Maman de Jésus, la Vierge Marie, la première Vierge de Jésus, sortit de l'ombre. Incroyable ! La première Vierge de Jésus, ce fut Marie, la Vierge immaculée, de sa conception à sa mort. Vierge de Jésus, immaculée, montée au ciel pour retrouver son Fils bien-aimé et recevoir sa couronne des mains de son divin Fils. Quelle merveille !

Marie, première Vierge de Jésus, Mère de l'Église, et notre mère à chacun de nous, pour nous conduire à Jésus. Marie est donc la Femme la plus capable pour conduire les jeunes à Jésus, et pour les instruire et les former. Marie est par excellence le modèle de toutes les âmes, la plus apte à diriger et à protéger les jeunes qui deviendront ses fils et ses filles, fils et filles de Marie pour devenir fils et filles de Jésus...

Être vierge pour Dieu, même si l'on est un homme, comme le fut Jean, l'apôtre vierge, et tant d'autres après lui... Être vierge pour Dieu comme la Vierge Marie si l'on est une femme... Depuis la mort de Jésus sur la Croix, et sa Résurrection, les hommes et les femmes vierges se sont multipliés. Leur vie était à Dieu et pour Dieu. Leur âme était l'épouse du Christ, et leur cœur livré, avec le Cœur de Jésus, pour l'Évangélisation et le salut du monde. Vies livrées à Dieu par amour : pour répondre à l'amour de Dieu qui appelait, et partager, avec Jésus, ce même amour à tous les hommes, tous les pauvres d'amour qui n'attendent que l'amour de Dieu et sont affamés de cet amour.

Je m'interroge encore : “évangéliser toutes les nations, aller vers les pauvres affamés de Dieu”, c'est bien Jésus qui nous l'a demandé. Et c'est bien Lui qui appelle ceux et celles qu'Il a spécialement façonnés pour cette œuvre. Tu appelles, Seigneur; parfois Tu appelles même très fort. Ainsi Thérèse de Lisieux dans son histoire d'une âme n'hésite pas à écrire : “L'appel était si fort, que je n'aurais pu y résister.” L'appel était si fort ? Donc Thérèse a bien “entendu”, comme tant d'autres saints, l'appel du Seigneur. Pourquoi parle-t-on si peu des paroles que Jésus nous adresse ? Et pourquoi méprisons-nous tant les écrits des mystiques quand ils rapportent les paroles de Dieu ou les avertissements de Marie ? Est-ce parce que nous ne voulons pas y répondre ?

Tous les saints ont connu et entendu des paroles de Dieu. Pourquoi ne parle-t-on que de leurs épreuves et si rarement des grâces insignes qu'ils ont reçues ? Oui, tous ont eu des épreuves tout au long de leur vie; parfois ils ont douté; mais jamais le Seigneur ne les a abandonnés, jamais. Tous ont connu des grâces insignes qui leur ont permis de traverser les difficultés de leurs vies d'époux ou d'épouses de Dieu. Et n'oublions pas les saints mariés qui ont “rencontré” leur Seigneur bien-aimé, Celui qui leur permettait de vivre leur vie de famille en vrais chrétiens.

Seigneur ! Comment se fait-il qu'on parle plus souvent des doutes de Thérèse, et plus rarement du sourire que Marie Lui adressa quand elle était si malade ? Pourquoi oublie-t-on l'appel que Dieu lui adressa, appel si fort qu'elle ne put y résister ? Quand on parle de Thérèse d'Avila, on cite toutes ses épreuves, mais jamais ses rencontres avec Dieu. Pourtant, comment aurait-elle pu parler, comme elle l'a fait, des demeures de Dieu, en particulier des sixièmes et septièmes demeures, si elle ne les avait pas visitées ? Tant de saints se sont “promenés” dans les demeures de Dieu ! Mais cela on ne veut pas en parler ; pourquoi ? Comment Jean de la Croix aurait-il pu écrire “La vive Flamme d'amour”, s'il n'avait pas brûlé d'amour pour son Seigneur ? Tous les saints ont rencontré Dieu, tous ont “senti” Dieu, et c'est cette intimité qu'il y avait entre eux et le Cœur de Jésus qui leur a permis d'accomplir les œuvres, parfois redoutables, que Dieu exigeait d'eux.

Je repose la question: pourquoi oublier l'essentiel ? Pourquoi refuser les bienfaits de Dieu ? Pourquoi dire sans arrêt : “On n'a pas besoin de 'sentir' Dieu ?” Et bien moi, je l'avoue, j'ai besoin de Dieu et de ses grâces, je ne peux pas me passer de Dieu. Les âmes vierges, pour Dieu, les vierges, hommes et femmes, amoureux de Dieu, sot-ils d'accord avec moi ? Comme j'aimerais avoir leur avis !

Je pense souvent à tout cela. Je pense aux âmes vierges, fils et filles de Dieu, de Jésus et de Marie. Je pense aux congrégations nouvelles dont les membres, hommes et femmes, vierges, célibataires ou mariés, sont consacrés à Dieu; mais nous le savons si peu... et je me dis: Pourquoi le Seigneur est-Il tellement silencieux alors que tant de ses enfants se perdent ? En réalité c'est que beaucoup ne veulent pas L'entendre... Oui, certes, mais les jeunes qui ne Le connaissent pas, qui n'ont jamais entendu parler de Jésus-Christ ? Cela, c'est mon angoisse, ma souffrance cachée. Et soudain j'ai ‘comme’ compris... Je mets ‘comme’ entre guillemets, car qui peut dire qu'il a vraiment compris Jésus ?

Seigneur, Tu es Dieu, infini, immense, Tu es le Tout-Puissant, Tu peux tout et Tu es partout. Et Tu es notre Créateur, notre Père... Et nous, nous ne sommes que des créatures, impuissantes, contingentes, qui Te devons tout... Et nous sommes si petits, si petits comparés à Toi. Toi, Tu es, et nous, nous ne sommes un petit peu, que parce que Tu veux que nous soyons. Nous ne sommes rien, nous ne pouvons rien, et pourtant nous existons, nous pensons, nous sentons, et nous aimons. Seigneur, Tu sais, notre vie est difficile...

Oui, Jésus, notre vie est difficile. Ma vie, comme celle de tous mes frères, est difficile car nous T'aimons et notre seule angoisse, notre véritable angoisse, c'est la vue de tant d'âmes qui ne Te connaissent pas. Nous Te retrouvons alors à Gethsémani, et nous pleurons avec Toi. En esprit nous Te contemplons Jésus. Ta souffrance c'était la souffrance de ton Corps mystique, la souffrance de tous tes petits enfants qui ne Te connaissent pas parce que nos contemporains occidentaux ont décidé que Tu n'étais pas intéressant, et qu'on avait mieux à faire qu'à perdre son temps à des bêtises... Oh ! Jésus ! Te connaître, T'aimer, vivre pour Dieu tout en préparant son véritable avenir, son avenir éternel, celui pour lequel nous sommes faits, est-ce si négligeable? Jésus, je ne comprends plus rien! Je ne comprends pas mes contemporains, et souvent, je ne comprends plus ton Église, ton Corps qui semble parfois avoir perdu sa boussole.

Jésus ! Tu es là, à Gethsémani... Tu pleures parce qu'il n'y a plus de vierges dans notre monde ex-chrétien. Au lieu d'enseigner la pureté à nos enfants, on leur enseigne le sexe et toutes ses déviances, y compris celles dont le Père disait, dans le Lévitique[3] : “Cela m'est une abomination !” Nos jeunes vivent sans vergogne cette abomination ! Et tout le monde se tait... et moi je ne comprends pas. Et je pleure avec Toi.

Jésus, encore une fois nous Te prions pour tous tes petits enfants que Tu aimes tellement que Tu es mort sur la Croix. Tu les aimes tellement qu'avant de partir sur ton chemin de Croix, Tu as vécu Gethsémani dont parfois Tu nous partages tes peines.

Le Fil

Jésus nous pleurons encore... Nous pleurons, Jésus, car Tu n'es plus aimé, parce que les âmes se perdent et que tant de responsables, dans ton Église, ne semblent pas s'en apercevoir. Et sans cesse, comme une obsession me reviennent les choses du passé, surtout depuis 1968. Et dans mon intelligence, comme dans un taillis obscur, murmurent toujours comme les voix malsaines si souvent entendues : “On n'a pas besoin de ‘sentir’ Dieu. Cela n'est pas nécessaire !”

Après m'être longtemps révoltée contre de telles affirmations, cherché ce que cela voulait dire : “sentir Dieu”, j'arrive aujourd'hui à une conclusion que je crois bonne : Oh ! Si ! nous avons besoin de “sentir Dieu”... Quand on demande aux personnes qui affirment ces sottises, ce que signifie cette expression : “sentir Dieu”, elles répondent toutes : “Ben ! ben, je ne sais pas !” Je m'en doutais : on ne sait pas de quoi l'on parle. Alors, peu à peu, après des révoltes et des colères intérieures douloureuses, je me dis, aujourd'hui, que tous les hommes ont besoin de “sentir” Dieu; mais pour cela, il faut d'abord savoir de quoi l'on parle.

“Sentir Dieu !” ce n'est pas avoir des enthousiasmes délirants et durables. Ces enthousiasmes délirants n'existent que bien rarement et ils ne durent jamais bien longtemps. “Sentir Dieu”, ce n'est pas avoir des battements de cœur, des sensations chaudes et sensitives: cela non plus ne dure pas. Mais je crois que j'avance un peu: il ne faut pas confondre “sentir” et avoir des sensations. On “sent” avec tout son être, y compris avec le cœur intérieur et même son âme, car l'amour prend l'âme autant que le cœur et le corps. Par contre seul le corps a des sensations ; et de nos jours, dans notre monde coupé de Dieu, les gens recherchent les sensations avec de plus en plus d'avidité.

Donc, “sentir Dieu”", cela ne signifie pas avoir des sensations plus ou moins étranges et violentes : c'est tout simplement L'aimer. C'est désirer faire sa volonté, toujours, pace qu'on L'aime et qu'on a une infinie confiance en Lui. “Sentir Dieu” c'est suivre, tout au long de sa vie terrestre, le Fil qui nous relie à Dieu, ce Fil qui, depuis notre baptême nous permet de suivre le chemin que Dieu désire pour nous. “Sentir Dieu”, suivre le Fil, ne supprime pas les souffrances, les épreuves, les nuits obscures de la vie spirituelle. Non, suivre le Fil, c'est s'accrocher à Dieu par l'intermédiaire du Fil qu'Il nous tend sans cesse. Curieusement, j'ai l'impression que je dois maintenant réfléchir et écrire longuement sur ce Fil qui nous lie à Jésus-Christ: chemin, vérité et vie.

Suivre le Fil... Je remonte à la Genèse... Dieu créa le ciel et la terre... cela était bon... Puis Il fit l'Homme: homme et femme Il le fit, et c'était très bon ! Dieu dit à l'Homme : “Je t'aime ! Toi aussi aime-Moi ! Et pour me prouver que tu M'aimes, tu ne mangeras pas le fruit de la connaissance du bien et du mal.” Hélas ! Trompé par l'ennemi, l'Homme mangea de ce fruit, il sut qu'il était nu et il fut chassé du paradis. Et la vie de l'Homme devint très douloureuse...

Alors, tous les hommes, sur la terre, tous venus d'un même ancêtre qui avait vu Dieu, tous les hommes ayant comme la nostalgie de Dieu qu'ils avaient perdu, s'inventèrent des idoles. Cela se comprend bien, car la connaissance de Dieu est quelque chose d'ancré dans nos gênes; et cela durera tant que les hommes vivront sur la terre. Tous les hommes ont donc besoin de Dieu. Mais les idoles inertes, fabriquées par les mains des hommes ne remplacent pas le vrai Dieu, et, en conséquence, ne suppriment pas la douleur de l'absence du vrai Dieu...

Alors Dieu eut pitié et Il se révéla à Abraham. Puis il se révéla à Moïse, et aux prophètes. Mais les hommes qui n'avaient pas encore retrouvé l'Amour ne cessaient de se faire la guerre. Et Dieu les punissait, et les hommes se convertissaient... et tout recommençait. Lorsqu'on reprend les grandes phases de l'histoire biblique, on est toujours un peu surpris par les guerres continuelles, les péchés des hommes, la colère de Dieu. Elle n'est pas très tendre, la Bible! Mais le plan de Dieu avançait et l'Heure de la grande Révélation arriva.

L'Heure était enfin venue... et le Verbe de Dieu pouvait s'incarner en Jésus-Christ, et montrer aux pauvres hommes la Vérité de Dieu, son Amour et sa Miséricorde. Mais encore une fois les chefs du peuple de Dieu ne comprirent pas, et crucifièrent Jésus. Et là, nouvelle question: comment se fait-il que les hommes refusent toujours l'Amour de Dieu ? Voici que je pense de nouveau à saisir le Fil et je “regarde” Jésus et j'“écoute” son enseignement. Il nous redemande d'aimer le Seigneur, de tout notre cœur, et notre prochain comme nous-mêmes. Jésus donna l'exemple tout au long de sa vie mortelle ; puis comme cela était très bon, Il dit à ses disciples, juste avant de les quitter : “Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde... Lorsque deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux...” Et comme cela était vraiment très bon et très heureux pour l'Homme, et afin que tous les hommes répartis par toute la terre puissent bénéficier du même bonheur, Jésus leur dit encore, après leur avoir donné l'Eucharistie ― sa présence réelle ―, et le pouvoir de pardonner les péchés : “Allez ! Enseignez toutes les nations. Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit !” Je médite : “Allez, enseignez, toutes les nations !!!”

Fidèles à leur Maître, et pleins du Saint-Esprit, les apôtres s'en allèrent prêcher la Bonne Nouvelle. Et les conversions furent innombrables... Et les hommes étaient dans la joie, même au milieu des tribulations. Même au milieu des tribulations, car pour des raisons toujours difficiles à comprendre, les persécutions ne tardèrent pas, et elles continuèrent tout au long des siècles, et jusqu'à nos jours... Et force nous est de constater que c'est toujours l'Église catholique que l'on persécute, ce sont toujours les chrétiens qui sont méprisés, tués... alors que ce sont les seuls à donner le bonheur, dans la foi, aux hommes de toutes les nations. Et les chrétiens sont les seuls à aimer les hommes, tous les hommes, comme Dieu veut qu'ils soient aimés... Ce sont les seuls à venir au secours des malheureux, et ce sont eux que l'on tue: seraient-ils trop encombrants ? Serions-nous tellement gênants? Jésus est-Il si insupportable ?

Encore une fois je cherche le Fil. Et, sans l'avoir cherché, je lis un article paru dans l'Homme Nouveau du 5 juin 2010 et signé par Un moine bénédictin. “En 1905, selon le vœu exprimé par le Concile de Trente, mais resté jusque-là lettre morte, Pie X, par le décret: Sacra Tridentina Synodus, prend une initiative de grande importance: à l'encontre d'une pratique enracinée depuis des siècles, il ouvre l'accès à la communion fréquente et même quotidienne, pour tous ceux qui le désirent. Il leur suffit d'être en état de grâce... Il est également nécessaire d'observer le jeûne prescrit (aujourd'hui au moins une heure avant la communion) et d'avoir une tenue vestimentaire digne.”

Je ne m'attendais pas à ça... Ainsi, c'est le Concile de Trente (1565) qui avait déjà demandé la communion fréquente ! Pourtant, dans l'Église, même les âmes les plus saintes, jusqu'à la fin du 19ème siècle, ne pouvaient communier que le dimanche, et encore !!! Sans le vouloir je rattrape le Fil. Je me souviens qu'au 17ème siècle, le quiétisme avait fait beaucoup de mal à l'Église qui s'était comme protégée en mettant en garde les chrétiens contre une sorte d'hérésie qui déformait la mystique chrétienne. Et il me semble que c'est à partir de là que l'on commença à dire et à répéter : “On n'a pas besoin de sentir Dieu !” Je me souviens aussi que Ruysbrœck (au 14ème siècle) mettait en garde ceux qui, sous prétexte de prier et de contempler Dieu, ne faisaient plus rien que de rester oisifs, car la paresse est un vice. Curieux ! Il y aurait donc, chez les hommes, comme une tendance à transformer la meilleure des prières : l'oraison, en oisiveté. On comprend alors la méfiance des prêtres vis à vis de ceux qui veulent toujours “sentir Dieu”, mais d'une manière charnelle. Dieu ne se fait pas sentir à nos sens, Dieu nous tend un fil, le Fil qui nous conduit à Lui. Mais ce Fil, si délicat, n'a rien à voir avec les sensations ni avec les sentiments ; ce Fil, c'est l'amour qui nous relie à Dieu.

Encore une fois nous sommes gênés par la pauvreté de nos expressions : comment expliquer la nature de ce Fil ? Peut-être en faisant comme Jésus, en utilisant des paraboles et des comparaisons.

Dieu est, par rapport aux hommes, le Tout Autre. Il est le Créateur tout Puissant, infiniment Grand, infiniment Aimant, infiniment Intelligent et Riche de tout. Dieu est riche de tout ce qui est dans la Création, et, bien davantage encore, de tout le reste qui est sa propriété, la Propriété de Dieu, sa Nature, son Essence, et Tout ce que nous ne connaissons pas. Dieu est l'Infini, le seul ÊTRE qui soit ; même, Être est son Nom, son Nom qu'Il enseigna à Moïse. Dieu EST, nous n'avons pas besoin d'en savoir plus : d'ailleurs si Dieu nous en disait davantage sur Lui, nous ne comprendrions pas, car nous, nous sommes tout petits, infiniment petits, sans intelligence et si lents à croire... Dieu est comme une Eau, une atmosphère, qui englobe tout, toute la création, y compris les hommes. Nous sommes dans cette atmosphère, baignés dans cette Eau. Et les milliards d'hommes voguent perdus dans cette Eau, dans cette Atmosphère. Alors, le Fil pour chaque homme qu'est-ce que c'est ?

Je nage dans l'Eau divine. Je respire l'atmosphère qui me fait vivre, qui est ma vie, car Dieu c'est aussi la VIE. Étrange “chose” que cette VIE qui est en Dieu, qui est Dieu et qui se répand à l'infini partout sur la terre, et peut-être ailleurs, mais nous ne savons pas. Dans cette atmosphère divine dans laquelle j'évolue, je ne vois rien, je ne comprends rien, mais je vis et je sais que je vis. Et je sais aussi que Dieu m'aime, et vivant en Dieu, baignée de Dieu, je L'aime aussi. Et souvent je voudrais me rapprocher de Lui, Lui parler, Lui dire mon amour, me serrer contre Lui qui est ma vie. Je sais qu'Il est tout près de moi, mais comme ma nature est très limitée, je ne sais pas quoi faire pour Le voir, et surtout, Lui dire tout mon amour, cet amour qu'Il connaît mieux que moi puisque c'est Lui qui me l'a donné. Pourtant, en moi, quelque chose m'incite à dire à Dieu l'amour qu'Il m'a donné. Étrange ! Je veux dire à Dieu l'amour qu'Il m'a donné et qu'Il connais tellement mieux que moi !...

Alors, parfois, Jésus nous “tend” un Fil. Nous ne savons pas ce qu'est ce Fil, mais nous nous accrochons à lui de toutes nos forces, car nous savons que nous montons vers Dieu, mais nous ne savons pas comment...

La toile d'araignée

Je continue à chercher le Fil, et voici que je vois une toile d'araignée... Tout le monde a vu les magnifiques toiles d'araignées que ces insectes tissent rapidement, avec une dextérité inouïe, pour prendre au piège les petites bêtes dont elles feront leur nourriture. Tout le monde a vu aussi, généralement le matin, dans son jardin ou sur son balcon, un long fil qui relie la toile d'araignée fixée sur un objet relativement stable à un autre objet, stable également. Ce fil peut être très long, parfois près d'un mètre, ce qui est énorme pour une araignée. Quand nous nous prenons dans ce fil en le déchirant, nous ne sommes pas contents car ce fil est gluant, et il se colle sur nos vêtements. 

Depuis des heures je pense à une toile d'araignée, alors que je cherche un Fil pour me conduire à Dieu et me Le faire découvrir. Voici un texte de Benoît XVI. Il s'agit du discours qu'il prononça à Fatima le 13 mai 2010. Il dit, entre autres : “Certains pourraient les regarder[4] avec un peu d'envie parce que, eux, ils ont vu... À ces personnes, le pape dit, comme Jésus : ‘N'êtes-vous pas dans l'erreur en méconnaissant les Écritures et la puissance de Dieu’. Les Écritures nous invitent à croire : ‘Heureux ceux qui croient sans avoir vu’... mais Dieu a le pouvoir d'arriver jusqu'à nous, en particulier à travers nos sens intérieurs, de sorte que l'âme reçoive le toucher suave d'une réalité qui se trouve au-delà du sensible et qui la rende capable de rejoindre le non-sensible, ce qui est imperceptible aux sens. Pour cela il est besoin d'une vigilance du cœur, que la plupart du temps nous n'avons pas, en raison de la forte pression de la réalité extérieure, des images et des préoccupations qui emplissent l'âme... Oui ! Dieu peut nous rejoindre en s'offrant à notre vision intérieure...” Je crois rêver... C'est notre pape qui parle ainsi !...

Maintenant je peux revenir à la toile d'araignée, mais en inversant les rôles. Dieu est l'Araignée qui tisse une toile, mais non pas pour prendre les hommes au piège et s'en nourrir, mais pour, au contraire, les retirer des abîmes dans lesquels ils étaient tombés, les combler de bonheur en apaisant leurs soifs et leurs faims. Notre Araignée-Amour tisse une merveilleuse toile d'amour et, en plus, envoie partout des fils un peu gluants qui permettront à ses pauvres enfants perdus de revenir jusqu'à Lui. J'imagine la toile et un fil lancé vers la terre. Une pauvre petite âme épuisée, perdue dans un désert sans fin, s'en approche sans se méfier. Soudain elle se sent prise : elle a d'abord un peu peur, mais voici qu'elle peut se nourrir de ce fil qui contient un suc vraiment délicieux, et qui ne s'épuise pas. Elle reprend des forces et peut se hisser jusque sur le Fil. Commence alors pour cette petite âme une aventure extraordinaire.

Grâce au Fil et au suc qu'il contient, notre pauvre petite âme qui a repris des forces commence à s'agiter. Elle regarde un peu partout et voici qu'elle se trouve un peu à l'étroit ; oui, elle a à manger à satiété, mais elle ne peut plus faire comme avant : elle ne peut plus aller à droite et à gauche, et faire un peu n'importe quoi, ce n'importe quoi qui lui donnait du plaisir tout en la rendant malheureuse. Alors elle se dit qu'elle pourrait aller faire un petit tour dans son ancien pays, puis, dès qu'elle aura faim, elle reviendra. Mais elle est collée sur ce fil : que faire ? Alors notre petite âme s'agite, beaucoup. Elle joue un peu comme au saut à l'élastique : elle se dégage un peu du Fil, mais vite elle revient sur le Fil. Aujourd'hui, elle s'est tellement démenée qu'elle a quitté, enfin ! le Fil...

Ouf ! Et elle descend... Elle retrouve quelques amis qui semblent être bien heureux en jouissant des plaisirs qu'elle appréciait tant, autrefois : elle voudrait se joindre à eux, mais elle découvre leur méchanceté, leur égoïsme. Non ! Il n'y a plus de place pour elle,

– D'ailleurs, se demandent ses anciens amis, d'où revient-elle ? Ses vêtements sont moins sales qu'avant son départ ; veut-elle nous faire honte ? Non, il n'y a rien à manger pour toi : il n'y en a déjà pas trop pour nous. Va voir ailleurs...

Notre petite âme est un peu déçue. Voici qu'elle a faim et soudain elle repense au Fil sur lequel elle était si bien. Et puis là, elle sentait que quelqu'un l'aimait, elle ne sait pas qui ni quoi... mais elle sait qu'on l'aimait. Notre petite âme pleure car elle voudrait bien retourner sur son Fil, mais comment faire ?

Notre petite âme pleure... Elle a faim, de nourriture et aussi, ce qui est nouveau, elle a soif de l'amour qu'elle sentait sur son Fil. La petite âme pleure ; elle va à droite, à gauche, elle monte et descend, et voici que soudain quelque chose la frôle et l'entraîne... Oh ! mon Dieu ! c'est un fil, un fil de l'Araignée-Amour. La pauvre petite ne comprend pas comment elle a deviné le Nom de ce qui alimente le Fil qui l'a saisie, mais elle boit, elle se nourrit, et voici qu'elle sent quelque chose de nouveau pour elle : elle aime.

Notre petite âme a repris des forces, et elle chante ; elle chante des chants d'amour, mais pas ceux d'autrefois: ce qu'elle chante est nouveau, c'est beau, et cela lui donne même envie de pleurer, non pas de plaisir, mais de bonheur. Notre pauvre petite âme, pour la première fois oublie son égoïsme, et regarde autour d'elle. Incroyable ! Elle aperçoit, là-bas, une immense toile de laquelle partent des multitudes de fils semblables à celui qui l'a sauvée. Sur ces fils, il y a beaucoup de petites âmes comme elle, qui s'efforcent de monter vers la grande toile. C'est bien difficile et l'on en voit beaucoup qui, comme elle l'avait fait elle-même il n'y a pas si longtemps, font des sauts à l'élastique...

Notre petite âme contemple tous ces pauvres qui regrettent encore le temps de leurs plaisirs. Elle leur crie de ne pas y aller car là-bas, on ne les aime pas, et on les abandonnera... Elle crie, notre pauvre petite âme, de toutes ses forces, mais on ne l'entend pas. Alors, elle pense à ses propres expériences : oui, c'est seulement quand on est dans l'épreuve que l'on commence à comprendre la bonté de Dieu.

– Dieu ? Mais qui est Dieu ? pense notre pauvre petite âme qui entend ce mot pour la première fois.

Et voici que soudain une grande lumière se fait. La pauvre petite âme qui se croyait un peu prisonnière sur son Fil voit qu'en réalité il la conduit vers la Toile merveilleuse qui semble l'attendre pour la présenter à Celui qui est l'Amour. Dans cette lumière notre petite âme se sent soudain pleine de forces; voici qu'elle grimpe sans effort; elle arrive sur la Toile. Dieu la reçoit, la bénit, la couvre de son Amour. C'est le bonheur infini dont notre petite âme est baignée, et qu'elle aura tant de mal à exprimer, plus tard, quand elle aura été envoyée à ses frères et sœurs, perdus dans le monde, pour leur annoncer Dieu. Car Dieu ne nous donne pas ses grâces pour nous seuls. Dès que nous sommes prêts, dès que nous avons compris l'Amour de Dieu, il faut aller l'annoncer.

Résumons-nous :

Dieu, l'Amour incréé, tend une immense toile, dont s'inspireront plus tard, dans le monde des insectes, les petites araignées terrestres... Dieu tend une immense Toile d'amour pour récupérer les petites âmes humaines qui se sont éloignées de Lui et qui sont bien malheureuses. Mais comme cela ne suffit pas, Dieu envoie aussi une multitude de Fils d'Amour pour saisir, comme au vol, toutes celles qui sont perdues et qui sont si malheureuses loin de Lui. Ces petites âmes humaines s'accrochent au fil qui les a saisies, souvent à leur insu, et dont elles peuvent se nourrir. Mais les tentations subsistent et parfois elles retombent : c'est alors qu'elles découvrent l'horreur des mondes sans Dieu, donc sans amour. Elles ont enfin compris ; ayant découvert la beauté de la Lumière divine et de l'Amour incréé de Dieu, elles sont prêtes à renoncer à certaines joies et à partir pour aider leurs sœurs. Elles entrent alors dans la vie de prière, c'est à dire, dans la voie mystique, car la mystique chrétienne, c'est tout simplement la vie de prière dans l'amour, donc dans un Cœur à cœur avec Dieu, le Père bien-aimé, le Fils et le Saint-Esprit. C'est cela, sentir Dieu. Mais "sentir" Dieu, c'est aussi souffrir, parfois très fort, la douleur de Jésus, Celui qui a sauvé le monde, à Gethsémani, sur son chemin de Croix jusqu'à sa mort de crucifié, c'est “achever dans sa propre chair ce qui manque aux souffrances du Christ, pour son corps qui est l'Église”. Celui qui aime Jésus, dans la joie ou dans la douleur, dans la Lumière ou les ténèbres, celui-là “sent” Dieu.

Celui qui prie vraiment, celui-là “sent” Dieu. “Sentir” Dieu, ce n'est pas avoir des sensations extraordinaires, ce n'est pas avoir des sentiments véhéments ou des enthousiasmes délirants, ce n'est pas avoir des visions ou des révélations particulières ; “sentir” Dieu, c'est tout simplement, après avoir contemplé les merveilles de Dieu et de sa création, et compris aussi l'immensité des détresses humaines, c'est s'unir au Père, vivre avec Jésus et aimer avec l'Esprit. “Sentir” Dieu, c'est prier : d'abord remercier le Seigneur pour ses grâces, chanter ses merveilles et ses bontés pour chacun d'entre nous; puis c'est implorer pour tous nos frères qui souffrent parce qu'ils sont dans la peine ou qu'ils ne connaissent plus Dieu, leur Père et Créateur.

Ceux qui disent que l'on n'a pas besoin de “sentir” Dieu se trompent fortement. Tous ceux qui prient vraiment, unis à l'amour de Dieu et à ses volontés, tous ceux-là “sentent” Dieu. Ils sentent Dieu parce qu'ils savent que Dieu est présent, qu'Il les écoute et les aime. Leurs sens humains se taisent, et heureusement ! Leurs sens humains peuvent être aveuglés ; c'est normal et c'est bon signe, car nos sens charnels si parfaits pour nous permettre tout simplement de vivre sur la terre, ne sont pas adaptés aux choses divines.

On objectera que certaines personnes ont, ou ont eu, dans certaines circonstances, des visions reconnues par l'Église. Il convient de remarquer que ces personnes n'ont pas reçu ces révélations pour elles-mêmes, mais pour les transmettre à leur prochain et les avertir de la nécessité urgente, pour eux, de se convertir, de revenir à Dieu. Il faut ajouter aussi que les missions des voyants furent toujours accompagnées de très grandes souffrances morales, en raison de l'incompréhension de leurs contemporains.

Seigneur, merci ! Après avoir si longtemps réfléchi sur la signification de cette expression : “sentir Dieu”, il nous semble que le Fil que Tu nous as tendu nous a enfin conduits à ta Vérité.

Voici que soudain je contemple mon corps : quelle merveille ! Que de merveilles étonnantes constituent mon corps: mes mains, qui écrivent, ou font tant de choses si remarquables ; sans les mains, aucun artiste, aucun artisan n'existerait. Et mes yeux qui découvrent et admirent les beautés de la création ; et mes oreilles qui entendent les paroles de Dieu cachées dans les voix de ceux que nous aimons. Et mes pieds ! Ils me permettent d'aller où je veux, sur la terre. Et mon cœur qui conserve ma vie... et tout le reste de mon corps ! Mon Dieu ! que de merveilles cachées vous mettez à ma disposition !

Voici que je contemple mon âme. Elle est la vie qui anime mon corps ; elle est l'action de Dieu qui me donne la vie. Elle est l'esprit qui me permet de découvrir Dieu, de “voir” Dieu. Elle me donne l'intelligence qui révèle Dieu à mes sens humains. Mon âme, quelle chose extraordinaire ! Je comprends que Jésus nous demande “d'aimer notre prochain comme nous-mêmes”. Donc il faut que je m'aime, que j'aime mon âme et aussi mon corps. Il faut que j'aime toute mon humanité ; ainsi j'aimerai mon prochain, ainsi je proclamerai les merveilles de Dieu... Ainsi j'aimerai Dieu. Tous nous aimerons Dieu. Et totalement tendus vers Dieu, pleins d'admiration et de reconnaissance, nous chanterai notre Créateur et notre Sauveur ; nous Le remercierons pour tout ce qu'Il nous a donné, nous apprécierons ses dons et sa bonté, et sa beauté cachée dans ses créatures. Nous ne désirerons qu'une seule chose : aimer Dieu si bon, si extraordinaire, si étonnant, si... si tout... Éperdus d'amour nous Lui redonnerons tout ce qu'Il nous a confié; nous nous efforcerons toujours de Le contenter en faisant ses volontés, ses volontés d'amour qui ne désirent que le bonheur des hommes, ses enfants... et nous “sentirons” Dieu, Dieu qui est notre vie, notre bonheur, notre joie, notre paix, notre amour. Nous “sentirons” Dieu vivant en chacun de nous pour nous donner sa Vie, afin que nous devenions Lui en vivant de sa vie. C'est pourquoi nous avons tellement besoin de Dieu, tellement besoin aussi, de “sentir Dieu”.

Paulette Leblanc



[1] Les vrais mystiques, ce sont les gens qui prient, tout simplement. Nous pouvons donc tous, être des mystiques.
[2] Il semble, contrairement à ce que les syndicats pourraient laisser entendre, que ce soit le personnel lui-même qui se rende la vie impossible. Je connais des gens qui ne peuvent plus supporter leurs collègues, particulièrement odieux. Il y a aussi le problème des petits chefs, et maintenant, dans certaines administrations, celui des musulmans.
[3] Lévitique 18, 22 et 23.
[4] Les petits bergers de Fatima, et les bergers de Bethléem

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