Spyridon,
était de Chypre. Il se maria et eut une fille nommée Irène,
laquelle resta vierge toute sa vie. Il était berger, et retraçait
dans sa vie la simplicité des patriarches. Aussi Dieu le combla-t-il
des grâces les plus extraordinaires, et il y répondit avec fidélité.
Nous lisons dans
Sozomène, qui écrivait au commencement du cinquième siècle , que des
voleurs étant venus la nuit pour enlever une partie de son troupeau,
ils furent arrêtés et comme liés par une main invisible, en sorte
qu'ils ne purent exécuter leur dessein, ni même s'échapper.
Spiridion, qui les trouva le matin dans cet état, pria pour eux et
leur rendit la liberté. Après les avoir exhortés à changer de vie,
il donna à chacun d'eux un mouton, en leur disant qu'il leur aurait
accordé ce qu'ils désiraient, s'ils le lui eussent demandé.
Le même historien
rapporte le trait suivant : C'était la coutume de Spyridion de
jeûner dans le carême, avec toute sa famille, et même de passer
quelques jours de suite sans prendre aucune nourriture. Un voyageur
fatigué se présenta chez lui, en le priant de lui accorder
l'hospitalité. Il le reçut avec une grande charité ; mais il ne se
trouvait ni pain ni farine dans sa maison. Il n'avait qu'un peu de
lard. Considérant la fatigue et le besoin extrême du voyageur, il se
mit en oraison et pria Dieu de le dispenser de la discipline de
l'Église. Il dit à sa fille de faire cuire le lard. Quand il fut
prêt, il fit asseoir son hôte avec lui, commença le premier à
manger, et l'exhorta à en faire autant. Celui-ci s'en excusait en
disant qu'il était chrétien. Spyridion lui répondit pour le
rassurer, qu'il n'y avait point de mets impurs de leur nature, et
qu'il était des occasions où l'on pouvait être dispensé de la loi du
jeune.
II confessa
généreusement la foi durant la persécution de Maximien-Galère.
Suivant le martyrologe romain, il fut un des confesseurs qui furent
envoyés aux mines, après qu'on leur eut fait arracher l'œil droit et
couper le jarret gauche. Il fut aussi un des trois cent dix-huit
évêques qui assistèrent au premier concile général de Nicée, en on
l'y distingua parmi les autres prélats qui avaient eu l'honneur de
souffrir pour le nom de Jésus-Christ.
Ce fut vers ce
temps-là que mourut Irène sa fille. On lui avait remis une chose
précieuse, en la priant de la garder en dépôt. Quand elle fut morte,
la personne à qui le dépôt appartenait, vint le demander à l'évêque
: mais il ne fut pas possible de le trouver, ce qui causa beaucoup
de peine à cette personne. On lit dans Socrate et Sozomène , que
Spyridion, touché de compassion, se rendit au lieu où sa fille avait
été enterré, qu'il l'appela par son nom, et lui demanda où était le
dépôt qui lui avait été confié. Les mêmes historiens ajoutent
qu'Irène répondit, qu'elle indiqua le lieu où elle avait enfoui le
dépôt pour qu'il fût plus en sûreté, et qu'il s'y trouva
effectivement.
Quoique Spyridion
eût peu étudié les lettres humaines, il avait acquis une grande
connaissance de l'Écriture-Sainte, et était pénétré de respect pour
la parole de Dieu qui y est contenue. S'étant trouvé à une assemblée
des évêques de l'île de Chypre, on pria Triphile, qui occupait le
siège de Lèdres, de faire un discours. Saint Jérôme représente cet
évêque comme un des hommes les plus éloquents de son siècle. Ayant
cité dans son discours un passage de l'Écriture, il changea un mot
pour y en substituer un autre qu'il croyait plus élégant. Spyridion,
indigné de cette fausse délicatesse qui dédaignait la simplicité du
style des livres saints, se leva et demanda à l'orateur s'il savait
mieux que l'Évangéliste de quel terme il convenait de se servir.
Il mourut peu de
temps après le concile tenu à Sardique en 347, et dans lequel il
prit le parti de saint Athanase. Les Grecs l'honorent le 12 et les
Latins le 14 décembre. Les Turcs ayant levé en 1716 le siège de
Corfou dont ils voulaient s'emparer, le jour où l'on faisait dans
cette île la fête du saint évêque, Clément XI ordonna qu'elle serait
à l'avenir célébrée dans tous les états de la république de Venise.
La sainteté est
aussi nécessaire dans un ministre de Jésus-Christ, que la science de
la religion. Rien de si éloquent, de si persuasif que l'exemple. Un
savant peut convaincre; mais il n'y a qu'un Saint qui puisse
convertir. On n'a jamais vu plus d'orateurs sacrés ; que de
conversions n'opéreraient-ils pas, s'ils étaient tous des Saints !
Il n'y a que la sainteté qui touche le cœur et qui soumette toutes
les puissances de l'âme. On ne se défie point du prédicateur, quand
il pratique ce qu'il annonce ; son exemple ferme la bouche aux
ennemis de la vertu et de la vérité. Avec de l'esprit on peut faire
un discours qui plaise ; mais l'esprit ne donne pas l'onction. On ne
parle bien des choses divines, que lorsqu'on est animé de l'esprit
de Dieu. C'est alors qu'un prédicateur devient dans les mains de
Dieu l'instrument de la conversion des âmes.
SOURCE :
Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux
Saints… – Traduction : Jean-François Godescard. |