SYNODE DES ÉVÊQUES
INTERVENTIONS
XII ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE
DU SYNODE DES ÉVÊQUES
5-26 OCTOBRE 2008
La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission
de l'Église
06 - 07.10.2008
Ensuite, sont intervenus les Pères suivants:
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S. Em. le Card. Angelo SODANO, Doyen du Collège des Cardinaux (CITÉ DU VATICAN)
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S. Em. le Card. Franc RODÉ, C.M., Préfet de la Congrégation pour les Instituts de
vie consacrée et les Sociétés de vie Apostolique (CITÉ DU VATICAN)
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S. Exc. Mgr Mark Benedict COLERIDGE, Archevêque de Canberra-Goulburn (AUSTRALIE)
-
S. Exc. Mgr Broderick S. PABILLO, Évêque titulaire de Sitifi, Évêque auxiliaire
de Manilai (PHILIPPINES)
-
S.Em. le Card. Francis Eugene GEORGE, O.M.I., Archevêque de Chicago, Président
de la Conférence Épiscopale (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)
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Très Rév. P. Carlos Alfonso AZPIROZ COSTA, O.P., Maître Général de l'Ordre des
Frères Prêcheurs
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S. Em. le Card. Joachim MEISNER, Archevêque de Cologne (ALLEMAGNE)
-
S.Exc. Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kinshasa, Président de la
Conférence Épiscopale (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
-
S. Exc. Mgr Florentin CRIHĂLMEANU, Évêque de Cluj-Gherla, Claudiopoli-Armenopoli
des Roumains (ROUMANIE)
- S. Exc. Mgr
Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque d'Albi (FRANCE)
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S. Em. le Card. André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris, Président de la
Conférence Épiscopale (FRANCE)
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S. Exc. Mgr Norbert Klemens STROTMANN HOPPE, M.S.C., Évêque de Chosica (PÉROU)
-
S.Em. le Card. Péter ERDŐ, Archevêque d'Esztergom-Budapest, Président du Conseil
des Conférences Épiscopales d'Europe (C.C.E.E.) (HONGRIE)
-
S. Em.le Card. Philippe BARBARIN, Archevêque de Lyon (FRANCE)
- S. Exc. Mgr
Luciano MONARI, Évêque de Brescia (ITALIE)
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S. Exc. Mgr Lawrence HUCULAK, O.S.B.M., Archevêque de Winnipeg des Ukrainiens
(CANADA)
- S. Exc.
Mgr Raymond SAINT-GELAIS, Évêque de Nicolet (CANADA)
- S. Exc.
Mgr Luis Antonio G. TAGLE, Évêque d'Imus (PHILIPPINES)
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S. Exc. Mgr Joseph Luc André BOUCHARD, Évêque de Saint Paul in Alberta (CANADA)
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Très Rev. P. Ab. Glen Adrian LEWANDOWSKI, O.S.C., Maître Général de l'Ordre de
la Sainte Croix
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S. Exc. Mgr Benjamin Marc RAMAROSON, C.M., Évêque de Farafangana (MADAGASCAR)
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S. Exc. Mgr Ricardo BLÁZQUEZ PÉREZ, Évêque de Bilbao (ESPAGNE)
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S. Exc. Mgr Gerald Frederick KICANAS, Évêque de Tucson, Vice-Président de la
Conference Episcopale (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)
Nous publions ci-dessous le résumé des interventions:
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S. Em. le Card. Angelo SODANO, Doyen du Collège des Cardinaux (CITÉ DU VATICAN)
En qualité de Doyen du Collège des Cardinaux, le Cardinal Angelo Sodano a
adressé un salut fraternel aux Pères Synodaux et à tous les Membres présents.
Parmi eux se trouvent de nombreux Cardinaux, et leur présence représente une
belle forme d’intégration et de collaboration entre ces deux organismes que sont
le Synode des Évêques et le Collège des Cardinaux, tous deux appelés à prêter
leur propre aide au Pasteur de l’Église universelle.
Le Card. Sodano a ensuite exprimé deux souhaits au sujet du thème spécifique de
cette Assemblée.
Le premier souhait concerne le vrai concept de Parole de Dieu, qui ne se limite
pas à la Parole écrite, contenue dans la Bible, mais concerne aussi la Parole
orale, contenue dans la Tradition de l’Église.
Le second souhait porte sur l’importance des presbytres dans l’annonce de la
Parole de Dieu. Bien que ne se trouvant pas au sommet du sacerdoce et dépendant
des Évêques dans l’exercice de leur fonction, en vertu du Sacrement de l’Ordre
sacré, ils sont également consacrés pour prêcher l’Évangile du Christ et pour
guider le Peuple de Dieu. Aujourd’hui, plus que jamais, leur union avec les
Évêques est irremplaçable, dans une forme communautaire radicale d’annonce de la
Parole salvifique.
-
S. Em. le Card. Franc RODÉ, C.M., Préfet de la Congrégation pour les Instituts de
vie consacrée et les Sociétés de vie Apostolique (CITÉ DU VATICAN)
1. La nature évangélique de la vie consacrée
La vie consacrée est “profondément enracinée dans l’exemple et dans
l’enseignement du Christ Seigneur...” (VC, 1) et à l’Évangile “a continué de
s’inspirer tout au long des siècles et c'est à lui qu’elle est appelée à revenir
constamment pour se maintenir vivante et féconde en portant du fruit pour le
salut des âmes” (Benoît XVI, 2 février 2008). Une famille religieuse, a rappelé
Benoît XVI, “par sa présence, devient (...) “exégèse” vivante de la Parole de
Dieu” (ibid).
2. La centralité de la Parole de Dieu dans le renouveau de la vie consacrée
Le renouveau auquel sont constamment invitées les personnes consacrées trouve sa
modalité la plus adaptée dans le retour aux racines évangéliques des charismes
de manière à y trouver des inspirations toujours nouvelles. Si chaque charisme
constitue une parole évangélique de l’unique Parole, donc des aspects
particuliers de la totalité de l’Évangile, en vivant pleinement l’Évangile, les
personnes consacrées trouveront la lumière pour cueillir la dimension
évangélique particulière sur laquelle s’est greffé leur institut.
Tel est le chemin que les personnes consacrées devront parcourir en communion
avec toutes les autres vocations dans l’Église.
3. L’apport que la vie consacrée peut offrir à toute l’Église en vivant la
Parole
Nous espérons que les Pères Synodaux pourront reconnaître la grande contribution
que la vie consacrée a donnée et continue à offrir à toute l’Église dans le
domaine de l’étude et de l’exégèse de la Parole (École Biblique de Jérusalem,
Institut Pontifical Biblique, Studium Biblicum Franciscanum) et en matière
d’approfondissement vital de la Parole (Lectio divina).
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S. Exc. Mgr Mark Benedict COLERIDGE, Archevêque de Canberra-Goulburn (AUSTRALIE)
Le Concile Vatican II a appelé à un renouveau de la prédication qui implique la
transformation du sermon, compris essentiellement comme une exposition de la
doctrine catholique, de la dévotion et de la discipline, en une homélie comprise
essentiellement comme une exposition et une application de l’Écriture. Une telle
modification n’a été accomplie qu’en partie. L’une des raisons de cette
modification partielle est que la prédication a souvent tendance à considérer le
kérygme comme acquis, et cela à un moment où le kérygme ne peut pas l’être au
sein des cultures occidentales. Dans ce cas, le risque est de voir la
prédication subir une réduction moraliste qui peut provoquer l’intérêt ou
l’admiration, mais non la foi qui sauve. La prédication ne constituera pas une
expérience de la puissance du Christ.
Une nouvelle évangélisation requiert une formulation et une proclamation
nouvelles du kérygme en vue d’une prédication missionnaire plus puissante. Afin
de promouvoir ce type de prédication, il faudrait préparer un Directoire général
pour les homélies sur le modèle du Directoire général pour la catéchèse et de
l’Instruction générale du Missel Romain. Ce directoire devrait se dessiner sur
l’expérience de l’Église universelle afin de fournir une structure sans que soit
suffoqué le génie des Églises particulières ou des prédicateurs individuels. Il
aiderait à assurer une préparation plus solide et plus systématique des
prédicateurs dans les séminaires et dans les maisons de formation, et ce à une
époque où tous reconnaissent le caractère vital de la prédication, sachant que
la célébration de l’Eucharistie dominicale avec son homélie représente, pour la
plupart des Catholiques, le seul point de contact avec la Parole de Dieu.
-
S. Exc. Mgr Broderick S. PABILLO, Évêque titulaire de Sitifi, Évêque auxiliaire
de Manilai (PHILIPPINES)
Des directives s’avèrent nécessaires pour aider les Catholiques à interpréter la
Bible d’une manière correcte. Présentons clairement ces directives. Elles
pourraient inclure les critères suivants pour une lecture catholique de la
Bible:
1) Connaître la Bible ce n’est pas seulement connaître un livre, mais c’est
connaître et se mettre en relation avec la Personne du Christ. 2) La liturgie
est le premier lieu de rencontre de la Bible comme Parole de Dieu. 3) Une vraie
compréhension de la Bible devrait être en accord avec la vie authentique (comme
la vie des saints), les pratiques et les enseignements de l’Église. 4) Une
compréhension correcte des Saintes Écritures devrait être guidée, et par la foi
et par l’étude. 5) Chaque passage de la Bible doit être lu dans le contexte de
l’unité profonde des Saintes Écritures. 6) Une compréhension correcte de la
Bible devrait tenir compte et s’adresser aux situations concrètes de notre
temps. 7) La lecture de la Bible ne doit pas se terminer par une simple
connaissance; c’est un appel à la conversion et à la transformation. 8) L’usage
correct de la Bible devrait promouvoir l’unité au sein de l’Église et entre les
Églises. 9) Nous devons aborder la Bible avec un esprit d’humilité; cela nous
permet d’estimer l’interprétation de la Bible par les pauvres.
Je suggère fortement qu’il existe une plus grande interaction entre les
spécialistes bibliques et les opérateurs pastoraux. Ils devraient rechercher,
ensemble, des méthodes de compréhension et des thèmes d’étude qui
approfondiraient la foi de nos populations dans le cadre de nos propres
cultures.
-
S. Em. le Card. Francis Eugene GEORGE, O.M.I., Archevêque de Chicago, Président
de la Conférence Épiscopale (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)
Parler de la Parole de Dieu dans l’Église, c’est parler de la Parole de Dieu
dans les vies des croyants. Les Pasteurs devraient prêter attention à la
conversion des imaginations, des esprits et des volontés de ceux auxquels ils
proclament la Parole de Dieu et pour lesquels ils interprètent l’Écriture.
Trop souvent, l’imagination contemporaine a perdu l’image de Dieu en tant
qu’acteur de l’histoire. L’esprit contemporain trouve peut de cohérence dans les
livres de la Bible et n’est pas informé par la regula fidei. Le cœur
contemporain n’a pas été modelé par le culte et par la soumission à la Parole de
Dieu au long de l’année liturgique.
Si la puissance de la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture doit être ressentie
dans la vie et dans la mission de l’Église, les pasteurs devraient prêter
attention au contexte personnel tout autant qu’au texte inspiré.
-
Très Rév. P. Carlos Alfonso AZPIROZ COSTA, O.P., Maître Général de l'Ordre des
Frères Prêcheurs
Le “primat” de la Sainte Écriture a son fondement dans la vie trinitaire
elle-même.
C’est ce qu’ont bien compris les grands Docteurs médiévaux (saint Albert le
Grand, saint Bonaventure, saint Thomas d’Aquin) pour lesquels la procession des
personnes, dans l’unité de l’essence divine, est “la cause et la raison
explicative de la procession des créatures elles-mêmes”.
Le Verbe, genitus Creator, a en effet du Père, ab aeterno, la volonté de
s’incarner et de souffrir pour nous.
Dieu a voulu se révéler à l’humanité de manière humaine au travers des cultures,
des personnes et des langages humains ainsi que de la vie même de Jésus. Si
cette manière constitue pour nous une garantie de la valeur de notre nature, de
l’histoire et des cultures humaines – avec leurs différents langages –, elle
nous pose de complexes problèmes d’interprétation.
En effet, comme la réalité de la création n’est pas compréhensible
rationnellement sans un fondement métaphysique adapté – l’analogia entis –, de
même la connaissance de la Sainte Écriture demande un approfondissement des
cultures et des genres littéraires dans lesquels elle a été exprimée en vue
d’une perception moins inadéquate de son sens littéral et d’une reconnaissance
de la qualité analogique des termes qui y sont utilisés.
Toute l’Église, dans son annonce infatigable, continue à confier avec espérance
à chaque culture la “Bonne Nouvelle” afin qu’elle soit accueillie, comprise avec
une plus grande plénitude, vécue et ré-annoncée avec des accents nouveaux.
Dans l’histoire récente de l’Église, on a mis en lumière, non sans difficultés,
les nécessités de cette interprétation “critique” du texte et donc de la Sainte
Écriture (frère Marie-Joseph Lagrange O.P., 1855-1938), qui met en évidence
également son fondement historique et sa richesse; le fait qu’elle est,
justement, un chant à plusieurs voix.
La foi chrétienne, par ailleurs, en tant que “religion”, doit être tout d’abord
considérée comme “religion de l’Esprit”, parce que le Nouveau Testament est
principalement le même Esprit Saint qui produit en nous la charité, et seulement
dans un second temps, également en tant que “lettre”, elle peut être considérée
comme “religion du Livre”.
Ce processus de révélation et de salut est aussi un dévoilement de la veritas
iustitiae de notre vie, de la justice de Dieu qui est fondement de la vérité de
notre être et qui est, pour nous, avant tout, “justice justifiante”,
c’est-à-dire fondée sur sa miséricorde qui est le fondement permanent de la
justice divine parce qu’elle en constitue la racine première et son
couronnement.
-
S. Em. le Card. Joachim MEISNER, Archevêque de Cologne (ALLEMAGNE)
L’Écriture Sainte est le livre de l’Église. Elle est née dans l’Église. Elle a
établi le canon de l’Écriture Sainte. L’Écriture Sainte est liée à l’Église par
un lien organique. Une parole du Père dit: “L’Écriture Sainte est inscrite dans
le coeur de l’Église avant que de l’être sur un parchemin”. Son lieu légitime
est l’ambon dans la cathédrale pour la catéchèse épiscopale. L’évêque, en
communion avec les autres évêques et avec le Pape, doit annoncer la Parole en
toutes circonstances, opportune ou inopportune. Depuis la chaire, l’évêque remet
l’Écriture Sainte aux chrétiens afin qu’ils lisent la Parole de Dieu dans la
communauté de l’Église et, de telle manière, qu’ils la vivent et en portent
témoignage.
- S.
Exc. Mgr Laurent MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kinshasa, Président de la
Conférence Épiscopale (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO)
Je parle au nom de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Mon
intervention porte sur l’interprétation des Écritures et les sectes
(Instrumentum Laboris [IL] nos 16-19; 56; DV n° 12).
1. Il est communément admis que toute parole est un langage et que tout langage
appelle une interprétation, surtout s’il s’agit d’un texte écrit. À cause du
recul historique et de la distance spatiale, en effet, les mots et les signes,
les métaphores et les symboles peuvent acquérir des surcroîts de sens et des
harmoniques susceptibles d’orienter le lecteur vers des sens autres que ceux
initialement vou1us par l’auteur.
2. Tel est le cas pour les Écritures Saintes dont Dieu, l’auteur et
l’inspirateur principal, destine le message à toutes les générations dans le
temps et dans l’espace (cf. Mt 28,19-20 ; Mc 16,5). Ce fait rend dès lors
légitime et plausible une interprétation existentiale, contextuelle et
inculturée de l’Écriture, basée sur la phase finale et constituée du texte
biblique (cf. COMMISSION BIBLIQUE PONTIFICALE [CBP], L’interprétation de la
Bible dans l'Église, I.A-B : méthodes littéraires). La doctrine des quatre sens
de l’Écriture trouve ici un fondement solide et une application.
3. À ce sujet, il faut noter cependant que l’Écriture Sainte elle-même invite
son interprète à beaucoup de prudence et d’“intelligence” (Lc 24,25). Ainsi, les
mises en garde de l’Écriture interpellent-elles face au phénomène des sectes.
Car celui-ci n’est pas nouveau: il remonte aux origines de l’Église. Dans sa
première lettre (1 Jn, écrite vers 95 ap. J. C.), Jean mentionne déjà des
dissidents qui ne confessent plus “Jésus venu dans la chair” (1 Jn 4,2-3), sont
sortis de la communauté et se sont exclus de la foi apostolique (1 Jn 2,19-24).
4. Toutefois, loin de nous apaiser, la prolifération cancéreuse des sectes de
tous genres et aux motivations les plus diverses a de quoi inquiéter les
pasteurs de l’Église. D’autant que leur doctrine est généralement basée sur une
interprétation fondamentaliste de l’Écriture Sainte (cf. CBP, L’interprétation,
I.F). Pourtant plusieurs textes bibliques dissuadent une telle interprétation et
incitent plutôt à recourir à des critères établis. Ainsi, par exemple, la
réaction de Jésus lui-même face à la gifle du garde au palais du grand-prêtre
Anne (Jn 18,22-23) montre-t-elle clairement que la présentation de l’autre joue
dont parle Matthieu en 5,39, est une hyperbole à ne pas prendre au pied de la
lettre. Mais Jésus, contrairement à la loi du talion (Mt 5,38), “ne rend pas le
mal pour le mal”: il pardonne (cf. Rm 12,21). L’apôtre Pierre, pour sa part,
parle des lettres que son “cher frère Paul” a écrites “ selon la sagesse qui lui
a été donnée” et qui contiennent “des points obscurs, que les gens sans
instruction et sans fermeté détournent de leur sens ...” (2 P 3,15-16). C’est
dire qu’il y a des normes d’interprétation des Écritures, dont Pierre et les
apôtres se portent garants (cf. 2 P 1,16-19). Le même Pierre affirme qu’“aucune
prophétie d’Écriture n’est objet d’explication personnelle”... , car “c’est
poussés par l’Esprit Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu”(2 P
1,20-21). Et Pierre de stigmatiser les “faux docteurs” et leurs “sectes
pernicieuses”... Il faut dire que plusieurs des sectes actuelles répondent au
profil décrit ici par le Prince des Apôtres: conduite douteuse, blasphème contre
la vérité, cupidité, paroles trompeuses, trafic d’influences (2 P 2,2-3). Il
s’ensuit que la meilleure voie de dialogue avec les sectes s’avère être une
saine interprétation des Écritures Saintes.
5. Les textes susmentionnés nous fournissent les critères suivants pour
l’interprétation de l’Écriture Sainte: l’Esprit Saint (cf. aussi DV 12), la
Tradition apostolique (norma normans), la communion avec le Corps de l’Ég1ise
(cf. 1 Jn 1,3), la confession de la foi de l’Ég1ise (analogia fidei), la
cohérence avec toute l’Écriture (analogia scripturae) (cf. IL nos 16 et 21). Ces
critères nous protègent d’une interprétation fondamentaliste et subjective de la
Parole de Dieu. Il sied de s’y référer notamment dans les efforts communs d’oecuménisme.
-
S. Exc. Mgr Florentin CRIHĂLMEANU, Évêque de Cluj-Gherla, Claudiopoli-Armenopoli
des Roumains (ROUMANIE)
Les documents du Concile Vatican II parlent du patrimoine de l’Église indivis
(cf. OE 1) qui doit être valorisé pour que l’Église catholique puisse respirer
avec ses deux poumons.
Il serait souhaitable de rappeler la liaison entre la Parole de Dieu et
l’hymnographie byzantine (Canon de saint André de Crète, canons de Romain le
Mélode, canons de Jean Damascène etc.) tout comme les prières mariales
classiques: la Paraclèse et l’Acathistos qui constituent pratiquement un résumé
et un précis théologique de différents passages de la Sainte Écriture selon la
lecture interprétative et applicatrice des Pères de l’Église.
Ceci vaut également pour la très riche tradition de l’iconographie orientale,
véritable catéchèse visuelle et précis de théologie symbolique, complément de la
Parole (cf. 1 Jn 1, 1-3), écrite par l’iconographe sur inspiration de l’Esprit
Saint, en prière, selon la tradition de l’Église et présentée à nous comme
“théologie visuelle”, vêtue de formes, de couleurs et de symboles spécifiques.
L’icône constitue une aide possible à la Lectio divina (surtout lorsqu’il s’agit
de personnes qui ne savent pas lire ou d’enfants) et également pour la prière
contemplative personnelle ou en communauté.
La Parole de Dieu méditée et appliquée se retrouve également à différents
niveaux dans le langage symbolique de l’art sacré byzantin: “La Parole proclamée
et écoutée est contenue dans la Bible; construite en formes architectoniques,
elle ouvre les portes du Temple; chantée et représentée sur la scène
hiérophanique du culte, elle constitue la Liturgie; mystérieusement dessinée,
elle s’offre à la contemplation, en “théologie visuelle”, sous la forme de
l’icône”. La théologie symbolique montre quelles immenses perspectives
s’ouvrent, à partir de l’Écriture dans la liturgie, pour approfondir notre foi,
pour transformer notre vie en une liturgie quotidienne et pour récupérer,
nous-mêmes, le visage de l’icône selon laquelle nous avons été créés.
- S. Exc.
Mgr Pierre-Marie CARRÉ, Archevêque d'Albi (FRANCE)
“Où demeures-tu?” demandent les premiers disciples à Jésus. La suite de
l’Évangile révèle la demeure de Jésus dans l’Eucharistie et la Parole gardée
dans le coeur.
Si les conditions nécessaires ne sont pas réunies, la lecture de l’Écriture ne
portera pas de fruits. La constitution dogmatique Dei Verbum est un texte de
Vatican II trop peu connu. Elle permet en particulier de tenir de manière juste
et équilibrée l’aspect humain et l’aspect divin des Écritures.
Ainsi, et grâce au travail des exégètes, les difficultés souvent signalées quand
on aborde la Bible pourront être dépassées.
Ces dernières années, en France, une forte insistance a été placée sur la Lectio
divina. Mais trop peu de personnes la pratiquent encore. Il convient de proposer
des moyens simples pour la pratiquer et éviter les obstacles souvent rencontrés:
découragement ou subjectivisme de la lecture.
Il faut lire l’Écriture dans l’Esprit selon lequel elle a été écrite. Enfin,
nous la recevons de l’Église. Rejoindre l’expérience spirituelle des grands
saints aide à la découvrir de l’intérieur car le même Esprit agit dans l’Église,
suscite les saints, a inspiré les auteurs sacrés et parle au coeur de chacun.
-
S. Em. le Card. André VINGT-TROIS, Archevêque de Paris, Président de la
Conférence Épiscopale (FRANCE)
Écriture et théologie. (I. L. n° 16-17)
1. Comment lire la Bible et comment produire de la théologie pour que l'acte
théologique trouve dans les Ecritures saintes son principe de vie et son unité?
2. Dans la recherche du sens du texte biblique, l'interprète sera attentif,
demande le Concile, à son genre littéraire et aux circonstances historiques de
son écriture. Autrement dit, la Bible est une littérature humaine. Le Concile
ajoute que le fidèle interprète ne sera pas moins attentif à l’harmonie des
Écritures de l'ancienne et de la nouvelle Alliance, à l'unité des Écritures et
de la Tradition et à l'analogie de la foi.
3 .L'herméneutique chrétienne des Écritures est la clé de la catéchèse dont elle
seule donne la structure théologique et anthropologique unifiée et unifiante.
4. L'exégète et le théologien, s'ils ne sont pas la même personne, sont appelés
à scruter la lettre ensemble, en disciples du “seul docteur” (Mt 23, 10). Le
sens des Écritures est théologique; la théologie est la recherche du sens des
Écritures.
5. C'est en raison d'une “lacune philosophique” qu'on limite l'exégèse à la
détermination de la dimension historique et littéraire de la lettre ou qu'on
expose la théologie hors d'un contact vivant aux Écritures. Pour la Bible,
l'histoire est lettre et esprit. La Bible n'est pas écrite pour nous faire
savoir ce qui s'est passé exactement, mais pour nous assimiler à ce qui s'est
passé et se passera vraiment.
-
S. Exc. Mgr Norbert Klemens STROTMANN HOPPE, M.S.C., Évêque de Chosica (PÉROU)
“La nécessité de la “perspective externe” sur le Synode”
Je voudrais remercier le Secrétaire du Synode pour l’excellent Instrument de
travail. Derrière le caractère extraordinaire du texte, on perçoit le grand soin
qui y a été apporté.
Malgré cela, je voudrais offrir aux travaux du Synode une ouverture de
perspective du point de vue latino-américain.
L’Église en Amérique latine au cours des 40 dernières années a perdu près de 15%
de ses fidèles au profit de mouvements non catholiques qui se fondent justement
sur des stratégies bibliques.
L’Amérique Latine représente aujourd’hui 43% du catholicisme mondial, qui, à son
tour, a diminué de 14% par rapport à la croissance de la population mondiale. La
défection de 2,3% des catholiques en Amérique Latine représente pour le
catholicisme mondial une perte de 1%. En tant que représentants de 43% de
l’Église qui sont toujours mentionnés - de manière incompréhensible - dans les
statistiques et également dans les documents du Synode sous la mention
“Amérique”, nous attendons au moins que ce Synode fournisse quelques suggestions
positives en vue d’une contre-stratégie pastorale centrée sur le terrain
biblique contre ceux qui possèdent une pastorale biblique et nous rendent
l’action pastorale difficile.
J’explique ma demande d’un élargissement de perspective : les espaces d’action
stables de la tradition ont peu besoin d’analyse par rapport au monde qui les
entoure. Ce dernier est bien connu et calculable. Dans la mesure où se met en
marche l’espace d’action sociale - qui ne se connaît pas et ne peut pas être
calculé - cette perspective extérieure doit être promue.
Quand la mer est plate et tranquille, vous pouvez laisser le bateau avec le
pilote automatique; vous devez seulement déterminer la prochaine zone
problématique et reprendre la barre en main au bon moment. Mais le pilote
automatique, quand la mer est agitée et que les fonds ne sont pas connus, est
inutilisable.
Le présent texte prend comme exemple le bateau, les principes de sa construction
et la stabilité de la navigation mais non pas l’environnement de la situation
météorologique générale. Il est d’abord un texte de théologie fondamentale avant
d’être un texte de théologie pastorale, il est plus théologique que pastoral.
Sans doute toute bonne pastorale a besoin d’une identité théologique propre:
cette dernière en est la prémice nécessaire. Toutefois, elle n’est pas une
condition suffisante puisque la pastorale comporte une bonne connaissance des
objets de la pastorale - et donc de la personne impliquée et de sa situation -
tout comme une évaluation adéquate des possibilités institutionnelles.
Dans son livret “Ratzinger y Juan Pablo II - La Iglesia entre dos Milenios”
(2005) , l’auteur, Olegario Gonzàles de Cardedal, identifie deux points extrêmes
de la situation actuelle de l’Église: obsession de l’identité, d’une part, qui,
sur le terrain de la foi, finit dans le fondamentalisme, ou, en matière
ecclésiale, se traduit dans le phénomène des sectes ; et une grande envie
d’importance, d’autre part, qui porte au sein de la société d’aujourd’hui à la
dissolution de l’Église.
Je suis d’accord avec vous: une identité claire pour ce qui concerne la fonction
de base de la Parole de Dieu pour l’Église est nécessaire. On devrait seulement
procéder sans négliger la perspective extérieure dans les eaux actuellement
mouvementées pour l’Église:
Nous n’avons plus le temps ; et nous n’en avons certainement pas pour des
comparaisons avec l’actuelle tempête économico-politique. Aussi conclurai-je par
une petite plaisanterie biblique : nous ne devrions pas seulement pas seulement
rester au centre du navire à nous occuper des questions relatives à sa
construction pour en améliorer la dérive. Comme les apôtres, après avoir reçu
l’esprit dans la Pentecôte, nous devrions nous demander : comment faire pour
sortir de cette salle, car la Parole de Dieu et l’Esprit de Dieu veulent toucher
le peuple, et cela à travers nous.
- S.
Em. le Card. Péter ERDŐ, Archevêque d'Esztergom-Budapest, Président du Conseil
des Conférences Épiscopales d'Europe (C.C.E.E.) (HONGRIE)
1. Dans le Document de travail, la question herméneutique dans la perspective
pastorale (1ère Partie, chapitre II, B) est très justement développée par thème.
Il faut, d’une part, chercher le sens et le message d’origine ainsi que celui
transmis par la tradition de l’Église dans les textes bibliques, et, d’autre
part, il faut également tenir compte de la perspective qui est offerte aux
personnes de notre époque, c’est-à-dire à celles qui entendent la Parole de
Dieu, pour que la perception du texte devienne une écoute authentique.
2. Une juste interprétation, par l’Église, s’avère absolument nécessaire dès la
première rencontre avec la Parole de Dieu. Les risques d’une interprétation
arbitraire sont particulièrement grands dans un milieu culturel comme le nôtre,
où les catégories élémentaires de la recherche de la vérité historique elle-même
semblent faire défaut. Les publications, plus à sensation que scientifiques,
peuvent créer une grande confusion également dans la pensée des fidèles et,
parfois, même chez les prêtres. Le plus grand risque n’est pas que certains ne
savent pas quel crédit ils peuvent accorder à un écrit apocryphe, par exemple à
l’Évangile de Judas, mais le fait qu’un grand nombre de personnes n’ont aucune
idée sur la manière de distinguer entre des sources crédibles ou non de
l’histoire de Jésus Christ. Il semble même que nombreux sont ceux qui ne donnent
pas d’importance au fait d’en rechercher la véritable histoire, car ils
raisonnent, également sur l’histoire, d’une manière subjective et subjectiviste.
Aussi, la perte des catégories générales dans notre culture provoque une
difficulté particulière pour la connaissance et la compréhension de la Parole de
Dieu.
- S.
Em. le Card. Philippe BARBARIN, Archevêque de Lyon (FRANCE)
Dans la Bible, il faut tout lire! Au cœur de la Parole de Dieu, l'Écriture est
une source qui irrigue toute la vie de l'Église. Il est essentiel d'entourer la
liturgie de la Parole d'une belle solennité, car elle est la rencontre
habituelle entre Dieu et son peuple. Les lectures liturgiques doivent être
choisies en fonction d'un critère essentiel: l'unité du message que nous offre
cette Parole. Même si les découpages posent de vraies questions, certaines
absences en posent davantage. Cela est dû à des peurs infondées qu'il faut
dénoncer.
Par exemple, on ne lit jamais, le dimanche, Mat. 23, 13-31: «Malheur à vous,
scribes et pharisiens hypocrites... » qui donne pourtant un éclairage si utile
sur l'enseignement des Béatitudes (et les vendeurs chassés du Temple, une fois
tous les trois ans). Douterions-nous que la colère de Jésus n'est qu'une
expression de son amour?
Certaines omissions affadissent notre catéchèse. En racontant l'histoire de
l'enfant Samuel, on passe sous silence le contenu du message, si dur pour un
enfant (1 Sam 3, 1-10; ou Jérémie 15. 16, 1 Rois 19, 12-18). Il ne faut pas
cacher ce que la transmission de la Parole peut nous coûter.
Il y a une autre cause dans l'omission de certains passages. En 2 Pi, 12-21,
l'auteur veut laisser un message fort: «J'emploierai mon zèle à ce qu'en toute
occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire».
Témoin oculaire de la Transfiguration, il rappelle que les Écritures donnent à
connaître la Présence de Notre Seigneur. Son objectif est que l'on ne perde pas
la mémoire, et le contact avec les Écritures, dont la vie de Jésus est
l'accomplissement. Cette parole a, pour ainsi dire dans la Bible, la valeur d'un
testament spirituel donné à toute l'Église: Méfiez-vous de l'orgueil qui vous
conduirait à penser que les paroles anciennes n'ont plus d'intérêt. Il nous faut
au contraire tenir «plus fermement à la parole prophétique ».
Cette exhortation n'est pas déplacée non plus pour les juifs. N'accueillent-ils
pas la parole prophétique surtout comme une invitation renouvelée à obéir à la
Torah ? En vérité, les prophètes nous rappellent que Dieu peut faire irruption
librement dans la vie de son peuple. Tenons donc encore plus fermement à leur
parole, après que Jésus nous en a montré le sens et la portée.
Toujours est-il qu'au fil des siècles, on a vu chez les chrétiens cette triste
tendance à «oublier» les saintes Écritures, à les regarder comme «des fables
sophistiquées». Nous avons besoin au contraire que, «portés par l'Esprit Saint,
des hommes continuent de nous parler de la part de Dieu». Les Écritures
demeurent «une lampe qui brille» dans nos ténèbres présentes. Elles nous gardent
dans l'humilité, «en attendant que le jour rayonne et que l'étoile du matin se
lève dans nos cœurs».
C'est pourquoi, jusqu'à la venue du Seigneur, il nous faut continuer à lire
toutes les Écritures.
- S. Exc. Mgr
Luciano MONARI, Évêque de Brescia (ITALIE)
C’est l’humanité glorieuse du Christ ressuscité qui rend vivante et efficace la
parole de la Bible, ainsi que toute l’économie sacramentelle. En Jésus
ressuscité, sont ressuscités toutes ses paroles, tous les gestes qu’il a
accomplis dans sa vie terrestre et qui ont contribué à délinéer concrètement sa
figure humaine; en Lui est ressuscité, et donc perpétuellement actuel, le don
qu’il a fait de Lui-même sur la croix. Quand l’Église, obéissant au commandement
du Christ, annonce sa parole, cette parole établit un lien avec le Seigneur
ressuscité: c’est Lui-même qui s’adresse à sa communauté, l’aime, l’appelle, la
corrige, l’exhorte, la console.
C’est pourquoi la place de l’Écriture Sainte dans la vie de l’Église est
irremplaçable: c’est d’elle, de la Parole, que dépend la possibilité même d’un
chemin de foi compris comme rencontre avec le Christ, vie d’amitié avec Lui. Il
est pratiquement impossible d’initier à la foi sans mettre les personnes en
contact direct, personnel avec Jésus Christ, par la parole de la Bible.
Par conséquent, il est nécessaire que cette approche à la Bible devienne la plus
ample possible et qu’elle concerne toute la Bible. L’Écriture Sainte possède un
maximum d’actualité et donc d’énergie spirituelle quand elle est proclamée dans
l’eucharistie; mais il est aussi vrai que cette efficacité extrême ne devient
réelle que lorsque les paroles, qui sont proclamées, sont écoutées, comprises,
aimées, intériorisées, ce qui suppose une grande familiarité que seule la
lecture constante peut offrir.
-
S. Exc. Mgr Lawrence HUCULAK, O.S.B.M., Archevêque de Winnipeg des Ukrainiens
(CANADA)
Dans la Divine Liturgie byzantine (Liturgie eucharistique), avant la
proclamation du Saint Évangile, le célébrant récite une prière de préparation
qui rappelle les thèmes de l’événement de la Transfiguration, comme nous les
trouvons dans l’Évangile de saint Matthieu (17, 1-8). Le célébrant demande que
nos esprits soient ouverts afin que nous puissions comprendre le message de
l’évangile du Christ. Il ajoute que la crainte des saints commandements du
Christ soit insufflée en nous, afin que nous puissions maîtriser tous nos désirs
charnels et suivre un chemin de vie spirituel. Un tel chemin de vie spirituel
signifie penser et faire tout ce qui plaît au Christ, car le Christ éclaire nos
âmes et nos corps. C’est pourquoi nous rendons une gloire infinie à la Sainte
Trinité.
La proclamation du Saint Évangile offre, surtout à ceux qui y sont disposés,
l’opportunité d’entrevoir une partie de la gloire de Dieu. Il s’agit d’un moment
eschatologique de la révélation divine. Pour cela, nous devons, de notre part,
faire de ce moment liturgique un temps sacré adapté à un tel événement.
Le célébrant qui proclame le Saint Évangile doit être conscient de sa grande
responsabilité. Il préparera donc, auparavant, les lectures. Il proclamera la
bonne nouvelle avec la plus grande clarté. Il maîtrisera les langues nécessaires
afin que les participants, comme Moïse et Élie, puissent dialoguer avec le
Seigneur.
Le Saint Évangile doit pénétrer dans l’esprit à travers le cœur, et pour que
cela se produise, il faut le présenter avec une grande ferveur. On ne peut le
faire ni machinalement ni négligemment. Ces mêmes qualités s’appliquent à
l’homélie qui, elle aussi, présente et met en application le message
évangélique.
La proclamation de l’Évangile doit éclairer les participants, mais aussi
inspirer en eux un respect mêlé de crainte de Dieu, car c’est ce même Dieu qui a
créé la lumière à partir des ténèbres. Les participants doivent rencontrer la
théophanie qui est Jésus, c’est-à-dire le Fils de Dieu comme annoncé par la voix
du Père.
-
S. Exc. Mgr Raymond SAINT-GELAIS, Évêque de Nicolet (CANADA)
La Parole de Dieu retentit dans les Écritures. Mais elle ne reste pas enfermée
dans les écrits. Elle va bien au-delà du livre. Car c’est d’abord une personne
qui s’adresse à l’humanité avant d’être un texte à étudier. Dieu a inauguré un
dialogue vivant avec l’humanité et sa Parole ouvre à toutes les générations des
horizons inattendus de vérité et de signification.
Dans les célébrations liturgiques, il revient à l’homélie d’introduire
l’assemblée dans le mystère de la Parole que Dieu lui adresse dans sa vie
concrète. Elle favorise ainsi le rapport entre la Parole de Dieu et la culture,
entre la foi et la vie. De plus, elle doit faire entrer les fidèles dans le
mystère qu’ils célèbrent.
-
S. Exc. Mgr Luis Antonio G. TAGLE, Évêque d'Imus (PHILIPPINES)
Le Synode traite à juste titre de la disponibilité à l’écoute. Dans les
Écritures, lorsque les personnes écoutent la Parole de Dieu, elles font
l’expérience de la vraie vie. Si elles refusent de le faire, leur vie s’achève
en tragédie. L’écoute est une chose sérieuse. L’Église doit former des auditeurs
de la Parole. Or, l’écoute n’est pas transmise uniquement par l’enseignement,
mais plutôt par un environnement favorable à l’écoute. Je propose trois
approches afin d’approfondir la disposition à l’écoute.
1. Notre préoccupation est l’écoute dans la foi. La foi est un don de l’Esprit,
mais elle est aussi un exercice de la liberté humaine. Écouter avec foi signifie
ouvrir le coeur à la Parole de Dieu, en nous laissant pénétrer et transformer,
et en la pratiquant. Elle équivaut à l’obéissance dans la foi. La formation à
l’écoute est une formation à la foi intégrale. Les programmes de formation
devraient être conçus comme des programmes d’écoute holistique.
2. Les événements dans notre monde montrent les effets tragiques du manque
d’écoute: conflits dans les familles, fossés entre les générations et les pays,
violences. Les personnes sont emprisonnées dans un environnement fait de
monologues, d’inattention, de bruit, d’intolérance et d’égocentrisme. L’Église
peut offrir un milieu de dialogue, de respect, de réciprocité et de dépassement
de soi.
3. Dieu parle et l’Église, sa servante, prête sa voix à la Parole. Mais Dieu ne
parle pas seulement. Dieu écoute aussi, en particulier les justes, les veuves,
les orphelins, les persécutés et les pauvres qui n’ont pas de voix. L’Église
doit apprendre à écouter à la manière de Dieu et offrir sa voix aux sans voix.
-
S. Exc. Mgr Joseph Luc André BOUCHARD, Évêque de Saint Paul in Alberta (CANADA)
Le paragraphe 22 de l’Instrumentum Laboris affirme: “Le Peuple de Dieu doit être
éduqué à découvrir cet immense horizon de la Parole de Dieu, en faisant en sorte
que la lecture de la Bible ne soit pas compliquée”.
Depuis Vatican II, nombreux ont été les efforts pour que la Parole de Dieu soit
mise à la portée des fidèles. Toutefois il existe “un certain fossé entre les
experts et les Pasteurs et entre les communautés chrétiennes (i. L.7). Que la
fédération Biblique Catholique mondiale (CBF), appuyée par le magistère avec les
autres Dicastères romains, étudie la possibilité de mettre sur pied des Congrès
Internationaux sur la Parole de Dieu pour permettre une lecture “ cum Ecclesia”
de l’Écriture.
-
Très Rev. P. Ab. Glen Adrian LEWANDOWSKI, O.S.C., Maître Général de l'Ordre de
la Sainte Croix
Le kérygme comme Évangile
Le langage que les apôtres parlaient était un langage kérygmatique, un sermon
chargé de la bonne nouvelle transformatrice. Et la réponse de la foi parmi les
auditeurs de la Parole était aussi marquée par l’Esprit de transformation.
L’exordium de l’Ordre de la Sainte-Croix affirme que Jésus, le fils crucifié: “
monta sur la Sainte Croix pour répandre une parole de vie.” Jésus lui-même,
élevé sur la croix, est un héraut de l’Evangile de la vie.
Le genre littéraire du kérygme est plus une proclamation joyeuse qu’une
prédication agressive.
Le kérygme dans l’Eucharistie
Le kérygme biblique résonne dans les prières eucharistiques de l’Église. Nous
regrettons la façon dont l’histoire passée en vint à isoler l’institution de la
narration comme la consécration, en la séparant de son contexte kérygmatique et
en la mettant sous silence.
Il est tout à fait heureux, comme Jean-Paul II l’a préconisé, que nous soyons
entièrement ouverts devant Dieu pour la proclamation de l’Évangile et la
récitation de la prière eucharistique, que nous nous efforcions d’atteindre de
nouveau la vertu pascale de la joie.
-
S. Exc. Mgr Benjamin Marc RAMAROSON, C.M., Évêque de Farafangana (MADAGASCAR)
Qu’est-ce que nous, à Madagascar, à travers notre contact avec la Parole de Dieu
et nos humbles expériences, pouvons apporter en ce sens pour que la Parole soit
vivante et efficace en ce début du troisième millénaire ?
Seulement je souhaite que la fraîcheur de la lecture de la Parole vécue au sein
de notre culture et de notre peuple aide l’Église toute entière, aussi bien nous
dans notre défi d’inculturer la foi que les Églises d’Occident dans leur
cheminement vers la nouvelle Évangélisation.
Cette exégèse que j’ose appeler “exégèse enracinée dans la culture” comportant
des exigences d’une authentique inculturation n’est pas un simple “vernis” mais
une “personnalisation”de la foi nourrie par la Parole bien accueillie et toute
imprégnée de notre tradition ancestrale.
La majorité de nos populations ne savent ni lire ni écrire. La fréquentation de
la Parole de Dieu se limite souvent à la lecture faite à l’église au moment des
célébrations liturgiques.
Heureusement, cette triste situation n’empêche pas la Parole de Dieu de prendre
racine et engendre même de belles et merveilleuses surprises.
Notre culture n’est pas sans analogie avec la pédagogie de Jésus dans
l’Évangile.
Ces personnes qui ne savent ni lire ni écrire ont un fort sens du sacré et
comprennent le “ langage symbolique”. De ce fait, beaucoup de livres de la
Bible, notamment les Évangiles, ne sont pas étrangers aux pauvres gens de nos
campagnes. Ces Écrits leur apparaissent très proches car l’environnement
littéraire dans lequel ils ont été composés est proche de leur vie. Il leur est
facile de commenter cette parole et on est souvent surpris par la profondeur de
certains commentaires spontanés qui pourraient bien étonner des spécialistes.
Parfois, la richesse de ces commentaires, marqués par une profondeur spirituelle
qui ne trompe pas, rappelle ceux des Pères de l’Église. Ce n’est pas une exégèse
scientifique mais une exégèse dans son sens premier, c’est-à-dire une
interprétation qui aide à accueillir l’enseignement d’un texte dans sa pureté.
Puis-je, profitant de ce Synode, suggérer aux exégètes, à nous Pasteurs, de
tenir compte de cette forme d'approche, différente de nos études scientifiques
certes mais si enrichissante surtout pour la lectio divina car, le but de
l'exégèse est ce qu'évoque St Paul : “comprendre, avec tous les saints, ce
qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, de connaître
l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance”... (Eph 3,18-19).
Que la Sainte Vierge qui a su conserver et méditer “tout cela dans son coeur”
nous y aide.
- S.
Exc. Mgr Ricardo BLÁZQUEZ PÉREZ, Évêque de Bilbao (ESPAGNE)
Le jour du Seigneur, l’homélie est partie intégrante de la célébration
eucharistique. Elle occupe une place privilégiée dans le ministère de la Parole
de Dieu; elle constitue l’un des services les plus importants que l’évêque et le
prêtre peuvent assurer à la communauté des fidèles chrétiens.
Il est opportun que, lors de la préparation de l’homélie, le prédicateur se pose
au moins trois questions: Que disent les lectures qui vont être proclamées au
cours de la célébration? Que me disent-elles à moi personnellement? Que dois-je
communiquer aux participants à l’Eucharistie? Sans que l’homélie soit
transformée en catéchèse, elle doit disposer d’un contenu doctrinal clair et
vigoureux. Même si cela peut sembler paradoxal, celui qui préside la célébration
est le premier destinataire de sa prédication. Il ne s’agit pas d’une parole
destinée seulement aux autres et, évidemment, il ne s’agit pas non plus d’une
parole lancée contre d’autres. Le prédicateur se référera à lui-même aussi bien
dans le langage qu’il emploiera, que dans les exhortations, les corrections et
les appels à la conversion adressés à la communauté.
Dans l’homélie, la vie de chaque personne, avec ses besoins et ses espoirs, et
l’annonce de la Parole de Dieu convergent. Il existe un transvasement entre la
vie et la célébration que le prédicateur doit faciliter. L’homélie doit aider
les auditeurs à interpréter l’histoire à la lumière de la mort et de la
résurrection de Jésus ainsi qu’Il le fit avec les disciples d’Emmaüs.
L’homélie est un écho de la prédication de Jésus dans la Synagogue de Nazareth.
Après avoir lu un passage du prophète Isaïe, il proclame: “Aujourd'hui
s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture” (Lc 4, 21). L’homélie n’est
pas seulement le récit de ce qui a été dit, de ce qui a eu lieu et s’inscrit
dans le passé, mais aussi l’actualisation avec la force de l’Esprit Saint de ce
que le Seigneur a dit et fait. Ce qui est proclamé comme s’étant réalisé “in
illo tempore” et “in diebus illis” s’accomplit aussi “hodie”. La liturgie de
l’Église est le lieu privilégié dans lequel les Écritures sont Parole de Dieu
pour la communauté.
- S. Exc. Mgr Gerald Frederick KICANAS, Évêque de Tucson, Vice-Président de la
Conference Episcopale (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)
L’assemblée eucharistique se trouve là où l’Église est constituée. La Parole
prêchée dans cette assemblée réconforte, soulage, apporte l’espérance, inspire,
insuffle joie, réjouit, confronte, enseigne et lance des défis. La Parole
prêchée révèle et affirme le meilleur des idéaux et des désirs humains placés
par Dieu dans le cœur de l’homme. La Parole prêchée nous inspire, par
l’intermédiaire de l’Esprit, à vivre, à nous mouvoir et à placer notre véritable
être dans le Christ. Par la grâce, elle change nos vies. Malheureusement, la
prédication peut, de nos jours, devenir insipide, devenir une simple formulation
ayant perdu son inspiration et laissant un vide chez celui qui l’écoute. Aux
évêques, aux prêtres et aux diacres incombe la responsabilité de prêcher durant
la Messe. Comment pouvons-nous améliorer la prédication de la Parole de Dieu?
Qu’est-ce qu’il se passerait si, après cette Année de Saint Paul, l’Église
universelle proclamait une année de prédication dans l’assemblée eucharistique?
Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, les prêtres et
les diacres étudiaient, ensemble avec leurs évêques, ce qu’il faut pour mieux
prêcher? Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, les
prêtres et les diacres, ensemble avec leurs évêques, se rencontraient avec les
laïcs pour écouter leurs difficultés? Ils pourraient discuter ensemble de quelle
manière la prédication pourrait inspirer les laïcs à devenir un levain pour le
monde, portant les valeurs de l’Évangile dans les problèmes de leur temps.
Qu’est-ce qu’il se passerait si, en cette année de prédication, l’on procédait à
une exploration approfondie du potentiel catéchétique de l’homélie du dimanche?
Si tous ces “si” se concrétisaient, alors le nouveau printemps pour la
chrétienté, dont parle le Saint-Père, pourrait éclore et s’épanouir dans toute
l’Église, renouvelant l’Église, renforçant l’évangélisation, intensifiant la
catéchèse et promouvant le rôle du disciple.
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